Le 14/07/2013 08:45, Paris Robert a écrit :
Je lis ton gros ouvrage sur le maximalisme. Très documenté et intéressant.
Des critiques cependant, en plus des désaccords politiques. Le maximalisme n'a
pas seulement été critique du stalinisme, il a été le courant dominant de
l'extrême gauche communiste européenne pendant la vague révolutionnaire de
1917-1923. Il faudrait rapporter sa politique en la matière, dans les écrits et
dans les actes. Bordiga a dirigé politiquement. Le KAPD était plus important
que le KPD. Il y avait déjà, avant le stalinisme, les divergences avec les
points de vue de Lénine et Trotsky et cela a eu des conséquences dans les
actes. Il serait intéressant de rapporter lesquels. Rosa Luxemburg était en
partie maximaliste aussi. Quelles conséquences sur sa politique ? Et les
Polonais ? Ceci dit, c'est un ouvrage d'un révolutionnaire et c'est bien sûr à
relever dans un environnement d'extrême gauche qui se fout de la révolution et
tient à son activisme réformiste !
Cher Robert Paris,
Tes remarques sont ponctuellement justes et recevables, cela pourra me
demander un travail complémentaire ultérieur, car j'ai déjà effectué un corrigé
général des nombreuses fautes de frappe ou d'ortho ainsi que d'imprécisions.
Ton questionnement renvoie à une nécessaire bibliographie plus étoffée, où
existe réponse à tes remarques (nota Serge Bricianer, Bourrinet, Michel Roger,
etc.). J'espère que tu passes de bonnes vacances bien qu'elles ne signifient
plus grand chose pour nous pauvres rentiers cloués à un quotidien sans horaires
fixes, sans chef et sans surveillant,
amicalement,
JLR
·
Cher Jean-Louis,
Ma remarque soulignait un point qui me semble plus
être un désaccord : les « gauches communistes » ou
« maximalistes » européens estiment que la révolution a été un échec
en Russie du fait de la politique léniniste (ou trotskyste) alors que c’est la
vague révolutionnaire qui a échoué en Europe et, du coup, aussi en Russie où
elle avait d’abord réussi. Et, dans l’échec européen, on ne peut se contenter
d’incriminer nos ennemis et nos faux amis, les bourgeoisies, leurs armées et
les dirigeants de la droite social-démocrate. Il faut aussi incriminer les
dirigeants communistes eux-mêmes, surtout quand on ne s’est pas gênés pour le
faire à propos de la révolution russe… Or, il se trouve que la quasi-totalité
des dirigeants de l’aile révolutionnaire communiste européenne sont peu ou prou
maximalistes. Donc…
Par exemple, le refus de considérer les revendications
paysannes et celles des nationalités en Pologne et le refus d’admettre que
l’entrée de l’armée russe en Pologne allait être perçue comme une intervention
oppressive ont été des caractéristiques du courant dominant du communisme
polonais et une cause, selon moi, de l’échec de la révolution en Pologne.
· 15 juillet 06:12, par Robert (ajout sur
son blog mais pas dans le courrier e-mail)
Voici un texte sur cette question :
· 15 juillet 14:29, par J-L Roche
Cher Robert,
Vaste débat où il y a risque de confusion dans ta
façon de présenter les choses plus que désaccords :
1. comme l’a dit Rosa les bolcheviks ne pouvaient pas
faire autrement,
2. dans la non extension de la révolution mondiale il
ne reste plus à un moment donné qu’à "gérer la dégénérescence" (dixit
à la manière de l’Opposition ouvrière) et dans le repli Lénine et Trotsky
trahissent les principes (sur le rapport du parti et de l’Etat + identification
à la nation) ; Trotsky veut "militariser" les organes de défense
immédiate de la classe et développe des théories stupides (terrorisme, le truc
de la guerre révolutionnaire, puis le Front unique avec les partis bourgeois,
etc.)
3. ensuite on peut toujours constater que les masses
n’ont pas été à la hauteur (Bitot va jusqu’à dire qu’elles ont trahi les
spartakistes...), mais ce ne peut être pour atténuer les erreurs et faiblesses
théoriques des bolcheviks ; moi je le formule ainsi (ainsi que je l’ai
rappelé à votre réunion) : alors que la révolution avait éclaté dans les
pays vaincus (Russie, Italie, Allemagne) est stoppée par la paix provisoire de
la bourgeoisie US : en France, en GB en particulier, malgré le nombre de
trouffions massacrés, la bourgeoisie de ces pays se donne les moyens d’éviter
la généralisation.
4. Tu as tort de confondre les critiques des
maximalistes (gauche germano-hollandaise, Gorter, Appel et Cie) avec les
erreurs bolchevico-trotskystes à ton sens. (J’ai connu Jan Appel, président des
Conseils ouvriers de Hambourg et de Berlin, et j’ai été chargé de son éloge
funèbre à Masstricht vers 1985). D’autant que comme l’a fort bien dit Trotsky
face à la montée du nazisme (’"il est des moments où l’histoire nous
échappe complètement"), indépendamment des aléas de l’histoire, la lutte
pour les principes théoriques les plus avancées doit être tranchée. Il ne
s’agit pas comme une certaine ultra-gauche bobo et ignorante des positions de
classe l’a fait en France trop longtemps à mon avis, de renier les immenses
apports de Lénine et Trotsky, mais de se féliciter que leurs faiblesses aient
été décryptées par des camarades du même camp maximaliste (eux-mêmes avec leurs
propres limites ou sinuosités, cf. les Bordiga et Pannekoek). Jan Appel dénonce
la stratégie syndicale des bolcheviks dès le début à Moscou et se fait rouler
dans la boue par la claque trotskiste (cf. cr de la réunion ed la vecchia
talpa, vers le milieu des années 1970).
La bourgeoisie a été plus forte que nous, le cours de l’histoire n’a pas accouché de la révolution mondiale, les masses sont restées majoritairement soumises et réformistes, mais il serait trop facile d’en rester au culte du bolchevisme pour continuer à passer sous silence ou amoindrir l’apport incontestable des "gauches maximalistes"... pour la prochaine fois. J’ai assez développé sur le mythe de la guerre révolutionnaire pour que tu saches que je n’ignore pas les contradictions de la politique du "passage en force" des bolcheviks (mais aussi du KAPD OK à l’époque pour le forçage par la "guerre révolutionnaire" même en écrasant les paysans) et la position girondine et militariste de Trotsky concernant l’invasion de la Pologne en 1920. Cette dernière question est hélas complètement esquivée par le vague milieu maximaliste qui végète de nos jours : bordiguisants et conseillistes croient encore aux fadaises sur l’extension armée, principale erreur bolchevik en Pologne et à... Kronstadt. D’une façon ou d’une autre, les leçons qui ne sont pas tirées des échecs révolutionnaires ou le refus de restauration des principes se payent toujours par de nouveaux échecs ou handicapent tout pas en avant historique (par ex. la Commune de Paris est restée trop limitée par l’exemple jacobin, allant jusqu’à en parodier ridiculement certaines appellations). C’est la critique de la révolution russe in vivo et post festum qui nous arme aujourd’hui, pas la critique au même niveau des critiques maximalistes de cette même révolution.
La bourgeoisie a été plus forte que nous, le cours de l’histoire n’a pas accouché de la révolution mondiale, les masses sont restées majoritairement soumises et réformistes, mais il serait trop facile d’en rester au culte du bolchevisme pour continuer à passer sous silence ou amoindrir l’apport incontestable des "gauches maximalistes"... pour la prochaine fois. J’ai assez développé sur le mythe de la guerre révolutionnaire pour que tu saches que je n’ignore pas les contradictions de la politique du "passage en force" des bolcheviks (mais aussi du KAPD OK à l’époque pour le forçage par la "guerre révolutionnaire" même en écrasant les paysans) et la position girondine et militariste de Trotsky concernant l’invasion de la Pologne en 1920. Cette dernière question est hélas complètement esquivée par le vague milieu maximaliste qui végète de nos jours : bordiguisants et conseillistes croient encore aux fadaises sur l’extension armée, principale erreur bolchevik en Pologne et à... Kronstadt. D’une façon ou d’une autre, les leçons qui ne sont pas tirées des échecs révolutionnaires ou le refus de restauration des principes se payent toujours par de nouveaux échecs ou handicapent tout pas en avant historique (par ex. la Commune de Paris est restée trop limitée par l’exemple jacobin, allant jusqu’à en parodier ridiculement certaines appellations). C’est la critique de la révolution russe in vivo et post festum qui nous arme aujourd’hui, pas la critique au même niveau des critiques maximalistes de cette même révolution.
amicalement,
JLR
· 16 juillet 07:25, par Robert
Ne craignons pas d’examiner les critiques des gauches
communistes (ou maximalistes) sur la politique bolchevique, dis-tu avec raison,
et ne craignons pas de reconnaître les insuffisances du prolétariat européen.
Je te répondrais inversement : ne craignons pas de reconnaître les limites
de ce que pouvait faire le prolétariat russe isolé et de voir dans les échecs
européens les erreurs politiques des leaders communistes révolutionnaires qui,
majoritairement, étaient de la gauche communiste maximaliste. Par exemple en
1920 en Italie et en 1921 en Allemagne, ces maximalistes sont aux manettes dans
les luttes sociales et politiques, dans les révolutions. On peut examiner si
leurs conceptions politiques éclairent, orientent, donnent une boussole à la
lutte révolutionnaire ou pré-révolutionnaire. Et si leurs divergences
politiques avec les conceptions de Lénine et Trotsky ne les désorientent pas au
contraire. La révolution russe n’était pas russe et ne pouvait pas triompher de
manière russe. C’est seulement Staline qui inventera le socialisme dans un seul
pays. C’est donc les possibilités de la vague révolutionnaire qu’il faut
étudier. Le propre du courant maximaliste a été de combattre le réformisme de
manière anti-dialectique, c’est-à-dire de se couper des aspirations réformistes
des masses sous prétexte de combattre la trahison réformiste des chefs. Le
propre de la politique de Lénine et Trotsky est de partir des besoins objectifs
de la situation de la lutte des classes. Et de reconnaître les contradictions
dialectiques au sein de ces rapports et de a conscience qui en découle.
Dialectique ? Oui celle qui oppose le caractère national et pas seulement
national de la révolution européenne avec des questions nationales et paysannes
(donc locales) à prendre en considération. Le caractère prolétarien mais pas
seulement prolétarien de ces révolutions car les aspirations des peuples ne
sont pas que prolétariens : démocratiques, nationaux, paysans, des
nationalités opprimées (et pas seulement en Russie : dans toute l’Europe de
l’Est). Ne pas opposer diamétralement la lutte démocratique contre la dictature
à la lutte révolutionnaire prolétarienne, la lutte économique et la lutte
politique, la grève générale ouvrière à la grève insurrectionnelle, les
conseils à caractère réformistes aux soviets, etc… Nous avons là des
différences avec les courants « gauche » et celui de Lénine et
Trotsky. Je ne dis pas avec les bolcheviks car la révolution russe a bien
montré des différences politiques déterminantes au sein des bolcheviks. Zinoviev,
Kamenev, Boukharine, et autres ne sont pas sur la même ligne.
· 16 juillet 07:33, par Robert
Cher Jean-Louis,
Tu intitulais ton intervention « l’œuf et la poule », et tu penses sans doute que les cercles vicieux de la bureaucratisation et de l’isolement de la révolution n’ont pas de solution théorique ou pratique. La nature a nécessairement trouvé une solution pour le problème réel et la révolution devait aussi trouver une solution. Comme dans la nature, la solution existait au sein même du problème. La révolution russe n’est isolée que par la pensée. Lénine et Trotsky avaient parfaitement conscience de cela. Et, en même temps, ils devaient absolument répondre aux particularités de la situation en Russie pour réussir… Contradiction ?
Voilà ce qui nécessiterait d’être examiné : quand le KAPD prend une situation pour une autre du fait de ses conceptions diamétrales ou quand Bordiga oppose diamétralement comités ouvriers et soviets, lutte économique et lutte révolutionnaire, lutte révolutionnaire et lutte antifasciste...
Tu intitulais ton intervention « l’œuf et la poule », et tu penses sans doute que les cercles vicieux de la bureaucratisation et de l’isolement de la révolution n’ont pas de solution théorique ou pratique. La nature a nécessairement trouvé une solution pour le problème réel et la révolution devait aussi trouver une solution. Comme dans la nature, la solution existait au sein même du problème. La révolution russe n’est isolée que par la pensée. Lénine et Trotsky avaient parfaitement conscience de cela. Et, en même temps, ils devaient absolument répondre aux particularités de la situation en Russie pour réussir… Contradiction ?
Voilà ce qui nécessiterait d’être examiné : quand le KAPD prend une situation pour une autre du fait de ses conceptions diamétrales ou quand Bordiga oppose diamétralement comités ouvriers et soviets, lutte économique et lutte révolutionnaire, lutte révolutionnaire et lutte antifasciste...
Cher Jean-Louis,
J’espère que cela ne t’embête pas si
je mets notre discussion privée sur le site. D’autre part, exactement comme
pour l’œuf et la poule, tu penses sans doute que les cercles vicieux de la
bureaucratisation et de l’isolement de la révolution n’ont pas de solution
théorique ou pratique. La nature a nécessairement trouvé une solution pour le
problème réel et la révolution devait aussi trouver une solution. Comme dans la
nature, la solution existait au sein même du problème. La révolution russe
n’est isolée que par la pensée. Lénine et Trotsky avaient parfaitement
conscience de cela. Et, en même temps, ils devaient absolument répondre aux
particularités de la situation en Russie pour réussir… Contradiction ?
Ne craignons pas d’examiner les
critiques des gauches communistes (ou maximalistes) sur la politique
bolchevique, dis-tu avec raison, et ne craignons pas de reconnaître les
insuffisances du prolétariat européen. Je te répondrais inversement : ne
craignons pas de reconnaître les limites de ce que pouvait faire le prolétariat
russe isolé et de voir dans les échecs européens les erreurs politiques des
leaders communistes révolutionnaires qui, majoritairement, étaient de la gauche
communiste maximaliste. Par exemple en 1920 en Italie et en 1921 en Allemagne,
ces maximalistes sont aux manettes dans les luttes sociales et politiques, dans
les révolutions. On peut examiner si leurs conceptions politiques éclairent,
orientent, donnent une boussole à la lutte révolutionnaire ou
pré-révolutionnaire. Et si leurs divergences politiques avec les conceptions de
Lénine et Trotsky ne les désorientent pas au contraire. La révolution russe
n’était pas russe et ne pouvait pas triompher de manière russe. C’est seulement
Staline qui inventera le socialisme dans un seul pays. C’est donc les
possibilités de la vague révolutionnaire qu’il faut étudier. Le propre du
courant maximaliste a été de combattre le réformisme de manière
anti-dialectique, c’est-à-dire de se couper des aspirations réformistes des
masses sous prétexte de combattre la trahison réformiste des chefs. Le propre
de la politique de Lénine et Trotsky est de partir des besoins objectifs de la
situation de la lutte des classes. Et de reconnaître les contradictions
dialectiques au sein de ces rapports et de a conscience qui en découle.
Dialectique ? Oui celle qui oppose le caractère national et pas seulement
national de la révolution européenne avec des questions nationales et paysannes
(donc locales) à prendre en considération. Le caractère prolétarien mais pas
seulement prolétarien de ces révolutions car les aspirations des peuples ne
sont pas que prolétariens : démocratiques, nationaux, paysans, des
nationalités opprimées (et pas seulement en Russie : dans toute l’Europe
de l’Est). Ne pas opposer diamétralement la lutte démocratique contre la
dictature à la lutte révolutionnaire prolétarienne, la lutte économique et la
lutte politique, la grève générale ouvrière à la grève insurrectionnelle, les
conseils à caractère réformistes aux soviets, etc… Nous avons là des
différences avec les courants « gauche » et celui de Lénine et
Trotsky. Je ne dis pas avec les bolcheviks car la révolution russe a bien
montré des différences politiques déterminantes au sein des bolcheviks.
Zinoviev, Kamenev, Boukharine, et autres ne sont pas sur la même ligne.
Voilà ce qui nécessiterait
d'être examiné : quand le KAPD prend une situation pour une autre du fait de
ses conceptions diamétrales ou quand Bordiga oppose diamétralement comités
ouvriers et soviets, lutte économique et lutte révolutionnaire, lutte
révolutionnaire et lutte antifasciste...
Cher Robert
Paris,
Bien sûr que
tu peux publier notre discussion qui ne doit pas demeurer privée. On néglige
trop l'histoire dans
les écoles de l'Etat bourgeois pour
"démémoriser" la jeunesse prolétarienne de son et notre passé. Il n'y
a d'ailleurs plus aucun débat sur l'histoire entre les gauchistes eux-mêmes et
leurs confrères anarchistes (toi c'est Kronstadt, moi c'est Makhno, etc.) ni
dans le milieu maximaliste. Tout aurait été dit et rebattu! Oh que non et tes
questions ou imprécisions montrent que notre histoire passée reste vivante et
taraudante. Je dois dire que l'on ressent immédiatement que tu restes
indéfectiblement fidèle à la grille de lecture trotskienne. Malgré la
roublardise de ton dernier paragraphe je déplore que tu connaisses mal les
positions du KAPD et de Bordiga et que ta façon de questionner révèle une
ignorance de 2O ans de débats (des années 1970 aux années 1990) entre les
groupes maximalistes (CCI versus PCI, versus conseillistes, etc.). Ta défense
du bolchevisme et de sa version trotskisée reste arcboutée à l'expérience
russe, qui ne pouvait être généralisable et dont les "dirigeants"
(formule que tu affectionnes, tic de langage classiquement trotskien) n'ont pas
été capables de saisir non seulement les errements contre-révolutionnaires
(anti-dialectiques pour te parodier) mais ont ouvert la voie à Staline - n'en
déplaise aux cultivateurs du mythe bolchevique pur - et ont permis la
réinstauration d'un réformisme "capitaliste d'Etat". Pour reprendre
l'excellente formule de Laugier (" le bolchevisme n'est qu'une version
social-démocrate radicale uniquement en raison de son implantation dans les
conditions de la Russie tsariste"), et théorisé en terrain démocratique
par des bâtards de trotskiens interchangeables (qui s'éliminent entre eux régulièrement
pour laisser la victoire en tête de la secte à de nouveaux "dirigeants)
n'est qu'une accoutumance complaisante à l'ordre dominant, qui ouvre la voie à
toutes les corruptions. L'absence de principes pour cadrer les discussions et
l'allure conseilliste évanescente donnée à des discussions floues et sans
conclusion illustrent non seulement une sorte d'impuissance révolutionnaire,
mais contient la négation du prolétariat, ce à quoi a abouti finalement l'échec
bolchevique.
Quelques
remarques ponctuelles sur des contre-vérités manifestant plus une
méconnaissance de ta part du courant maximaliste dans sa diversité. En voulant
sacraliser Lénine et Trotsky tu veux couler les "leaders"
maximalistes en prétendant qu'en 1920 et 1921 ils sont "aux manettes"
(?) des luttes sociales et politiques: c'est faux en Italie où c'est le
syndicat réformiste et les gramscistes qui tirent les ficelles, ibid en
Allemagne foyer des manoeuvres les plus pourries de l'IC contre le KAPD. Quant
à l'empirisme russe des Lénine et Trotsky que tu flattes - que tu nommes
"besoins objectifs de la situation", il conditionne le pire
réformisme "capitaliste d'Etat" pour tout le XXe siècle
Je te joins
un des meilleurs textes de la fin du XXe siècle sur les leçons à tirer de la
confrontation entre les bolcheviks "au pouvoir" et les gauches
maximalistes (il est ignoré par toute l'intelligentsia et les éditions
contactées ont refusé de le publier... tellement il est au-dessus de tout ce
qui s'est répandu sur la question), que tu considères infantiles à la manière
de ton maître en dialectique réformiste, Lénine, au niveau parlementaire et
syndical. Lucien Laugier a été depuis les années 1950 avec Suzanne Voute,
jusqu'à leur exclusion du PCI au début des années 1970, l'âme d'une sérieuse réflexion
critique sur les leçons à tirer des critiques "allemande et
italienne", et explique très bien en quoi le KAPD n'était pas anarchiste
et a porté les critiques les plus lucides par-delà les oeillères bordiguistes,
et rejoint, mais en plus explicite et plus brillant, les vieilles analyses du
CCI flamboyant de la fin des années 1970. Il explique très les faiblesses du
marxisme russe, son aspect frustre, imprégné du scientisme du 19e siècle (qui
retrouve quelque écho dans tes propos et dans ton site Matière et Révolution...).
Pour le postier Laugier, admirable mémorialiste qui a tant correspondu et
milita avec Bordiga, le critère d'orthodoxie marxiste (comme celui de
dialectique autorisée...) chez le pape marxiste de Naples relevait d'un
empirisme historique:
"Le
débat ouvert, mais vite Refermé, entre bolchevisme et "marxisme
occidental", confrontait deux acceptions diamétralement opposée d'une
doctrine commune. Du marxisme, le bolchevisme retenait principalement la
pratique politique, militaire, organisationnelle, qu'il érigeait en système de
principe au détriment de la notion du prolétariat comme classe absolument
aliénée...".La Gauche italienne n'a pas su rompre à temps dans le
processus de dégénérescence (Bordiga attend d'être exclu en 1930). Bordiga en
se démarquant stupidement du KAPD (pour ne pas être qualifié d'anarchiste) a
rendu service à la politique de droite (réformiste et contre-révolutionnaire
pour l'Europe Occidentale) de Lénine. Bordiga a été battu ensuite sur la
question de l'abstentionnisme. On mesure en lisant Laugier à quel point l'échec
bolchevique a contribué à la "liquidation du prolétariat
révolutionnaire", car, en effet, ce n'est pas simplement du stalinisme que
triomphera la bourgeoisie dite libérale, mais de la confusion du prolétariat
avec le stalinisme; la preuve: les masses ouvrières ont été bernées par les
Lénine-Staline, c'est la preuve qu'elles n'étaient pas révolutionnaires! CQFD!
"La
tâche de la critique n'est pas encore terminée qui devra préciser dans quelle
mesure la praxis bolchevique, de par ses limites théoriques comme sous l'effet
de la fonction de gestion du capital qui lui incombait en Russie, s'est
inscrite dans cette liquidation du prolétariat révolutionnaire (...) Il n'est
pas de projet révolutionnaire plus achevé que celui qu'énonce le marxisme au
regard des connaissances et valeurs d'une civilisation déterminée; il n'en
existe pas qui soit animé d'un souci plus scrupuleux de se fonder sur l'acquis
social de la science et de la technique; il n'est aucune doctrine s'emparant
d'un sujet plus généreux que la vindicte de toutes les misères et
oppressions vécues par l'humanité".
"... le
bolchevisme, en retrouvant au plan international les conditions de l'Occident
(n'a pas simplement) réintégré l'ancien réformisme. La critique avancée par la
Gauche allemande discerne fort bien les causes de cette réintégration, mais
n'en mesure pas intégralement la teneur (...) Paradoxalement, mais seulement en
apparence, c'est parce que le champ historique d'action du bolchevisme devint
bien vite la gestion d'un Etat en marche forcée vers le stade grand capitaliste
qu'il a rempli ailleurs sa fonction réelle: non pas bâtir ce modèle de centre
de capitale de l'avenir dont Bordiga, à juste titre, signalait les carences et
les "retards", mais démolir les vieilles représentations jugées
dangereuses par le système mondial durant toute la période historique où la
jonction entre la classe travailleuse définie par sa place dans la production
et le concept révolutionnaire de prolétariat demeurait, sinon réellement
possible, du moins encore plausible. C'est cette fonction irremplaçable,
parachevée par le stalinisme - même si elle est aujourd'hui pour l'essentiel
épuisée - qui donne au bolchevisme comme idéologie la vraie dimension de sa
contribution au processus au terme duquel le capital parvint à dépasser ses
"insurmontables contradictions".
Bien
amicalement,
JLR
PS: je te
joins le texte lumineux de Laugier que j'ai déjà publié dans mon livre "En
défense de la Gauche communiste, mai 2009).Tu peux le placer aussi sur ton
site, il le mérite.
A suivre… et aussi sur MATIERE ET REVOLUTION
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