Films
critiqués :
La
vie scolaire
De
cendres et de braises
Ceux
qui travaillent
UNE
VIE SCOLAIRE DEMORALISANTE SURTOUT POUR LES PROFS
Le
film de Grand Corps Malade et Medhi Idir se déroule dans une Segpa
(sections
d'enseignement général et professionnel adapté
(Segpa
)
accueillant des élèves présentant des difficultés scolaires
graves). On s'attend aux habituels clichés sur les enfants
d'ouvriers immigrés de deuxième ou troisième générations qui se
disent victimes du racisme en France ou toujours en situation de
défavorisés ; et on sera servi Dès les premières séquences
on pense au fameux Entre
les murs
qui, certes, ne privilégiait pas le point de vue d’une conseillère
principale d’éducation, mais d’un professeur de français, et où
Laurent Cantet était parvenu à décrire le sacerdoce du métier
d’enseignant dans un lycée du 19ème arrondissement, réputé
difficile. Mais on est là loin du même type de questionnement
social, on se borne à nous exhiber divers types de lycéens dissipés
face à des professeurs désorientés. Le spectateur n'en conclura
qu'une chose : professeur est devenu un métier pas du tout
enviable.
La
jeune conseillière d'éducation, personnage central du film, Samia,
jolie maghrébine, débarque de son Ardèche natale dans un collège
réputé difficile de Saint-Denis. Elle est tout de suite confrontée
aux provocations diverses des jeunes lycéens de toutes races où les
noirs er arabes sont exhibés comme les plus virulents et
provocateurs. Les agressions contre les profs sont exhibées comme
des parties de plaisir où chaque élève rivalise d'humour, où il
apparaît que la salle de classe n'est plus que rigolades et mépris
des profs. Le résumé de la presse gauchiste de ce joyeux bordel ,
inventé par le poète de la banlieue déjantée, Grandcorpsmalade,
est celui-ci :
« Samia
est ébahie de l’incroyable vitalité et de l’humour, tant des
élèves que de son équipe de surveillants. Parmi eux, il y a
Moussa, le Grand du quartier et Dylan le chambreur. Samia s’adapte
et prend bientôt plaisir à canaliser la fougue des plus
perturbateurs. Sa situation personnelle compliquée la rapproche
naturellement de Yanis, ado vif et intelligent, dont elle a flairé
le potentiel. Même si Yanis semble renoncer à toute ambition en se
cachant derrière son insolence, Samia va investir toute son énergie
à le détourner d’un échec scolaire annoncé et tenter de
l’amener à se projeter dans un avenir meilleur (...) Ici,
le projet est à la fois de montrer une certaine vision de la
banlieue parisienne, ainsi que la nécessaire passion qu’il faut à
ces professeurs pour assumer leur métier, et de donner à voir les
possibilités d’amour au milieu de ces paysages urbains, souvent
réduits par des clichés médiatiques ».
En
fait d'amour, les profs, divisés entre eux sur les mesures à
prendre pour calmer les fouteurs de merde, alternent stupéfaction et
dégoût. Les jeunes acteurs sont certes beaux et excellents dans
leur rôle d'énergumènes potaches, mais ils ne nous inclinent à
nulle sympathie, confirmant les clichés réels sur les banlieues en
déshérence, où les jeunes fils de prolétaires – nouveaux
melting potes – n'ont pas seulement aucun avenir mais ne vivent que
pour le présent sans aucune conscience de classe. Les scénaristes
leur ont même mis des idées impossibles dans la tête : « on
est né dans la crise ». Les années scolaires vont se
perpétuer chaque année de la même façon ainsi qu'en témoigne la
dernière image qui montre le principal agitateur, qui est assis,
morne, devant sa table à la nouvelle rentrée, après avoir été
exclu l'année précédente. La caméra s'éloignant et laissant voir
cette fenêtre de la classe où se trouve le gamin comme partie d'un
grand bâtiment sur fond de banlieue triste, sans avenir que
l'éternel recommencement de classes (scolaires) de rattrapage qui ne
rattrapent rien.
UN
FILM RACISTE EN « NOIR » ET BLA NC : DE CENDRES
ET DE BRAISES
Autant
le film précédent évite de rappeler que les élèves largués sont
tous des enfants de la classe ouvrière et de la déréliction de la
famille ouvrière en banlieue, autant celui-ci, qui est présenté
comme une enquête ouvrière, est une supercherie raciste, enveloppée
sous la prétention de traiter des transformations du monde du
travail et de la précarisation, surtout sous le discours gauchiste
du milieu des bobos du spectacle :
« Portrait
poétique et politique d’une banlieue ouvrière en mutation, De
Cendres et de braises
nous
invite à écouter les paroles des habitants des cités des Mureaux,
près de l’usine Renault-Flins. Qu’elles soient douces, révoltées
ou chantées, au pied des tours de la cité, à l’entrée de
l’usine ou à côté d’un feu, celles-ci nous font traverser la
nuit jusqu’à ce qu’un nouveau jour se lève. Au bout du petit
matin, "le feu qui couve révèle alors la puissance politique
d'un film aussi sensible que subversif » (Visions du réel -
compétition Burning Lights - avril 2018)1.
Le
réalisateur fabule complètement dans l'interview qui lui est
consacrée :
« Les
banlieues sont souvent dépeintes comme des mondes à part, si ce
n’est comme des lieux sans histoire. Le temps des médias est celui
du présent permanent. Il me semblait au contraire important de les
réinscrire dans une histoire sociale plus large – l’histoire
ouvrière – et de faire sentir le poids de l’histoire collective.
Il s’agissait de montrer combien les jeunes qui grandissent dans
ces quartiers sont aussi les héritiers de cette histoire. Aux
Mureaux, la plupart des jeunes que j’ai rencontrés sont des
enfants d’ouvriers de chez Renault. Leur regard sur cette histoire
m’intéressait. J’avais envie de m’interroger avec eux sur où
en est-on du politique et de la révolte dans ces anciennes banlieues
ouvrières qui ont été traversées par d’importantes luttes
sociales. Je souhaitais tisser des liens entre l’hier et
l’aujourd’hui, montrer certaines continuités et, en même temps,
prendre la mesure de ce qui a changé. L’usine de Flins est passée
de 23 000 ouvriers à moins de 4000 aujourd’hui, dont une bonne
part d’intérimaires ».
LA
CLASSE OUVRIERE N'EST-ELLE PLUS CONSTITUEE QUE D'OUVRIERS NOIRS ET DE
BALADINS DU SHIT ?
Si,
au début on nous montre les actualités du début des 70, avec les
manifs arborant les banderoles « Ouvriers immigrés et ouvriers
français même combat », plus quelques interviews d'ouvriers
maghrébins et noirs, la majeure partie du soi-disant documentaire
poétique n'est plus que l'exhibition de personnes noires, souvent
filmées de façon déplorables (sous les narines et en gros plan
sans souci esthétique), de témoignages de noirs qui ne parlent plus
de lutte sociale ni de classe, où l'histoire sociale disparaît au
profite de l'exhibition de marginaux aliénés, comme celui-ci qui
déclare « nous on l'aime notre ghetto avec ses bagnoles et ses
motos » (son regard embrasse une banlieue morne de barres
d'immeubles). Les interviews sont aussi décousues que vides de
conscience sociale, c'est un patchwork de considérations où chacun
dit ce qu'il veut. A la fin il faut se taper un chanteur de rap
lamentable qui pose sur les toits et enfin un ex-braqueur qui pose au
moraliste mais sonne creux devant son feu de bois. 90% du film est
composé de cette compil de points de vue impressionniste par une
majorité de figurants noirs !? Le seul propos conséquent et
qui concerne le prolétariat au cœur, aura été celui de ce
chauffeur-livreur (noir) : « j'ai bossé deux années à
Flins, il suffisait d'un gars pour bloquer la chaîne et on était
tous dans la lutte, maintenant si je cesse mon travail, je reste
seul ».
Il
s'agit d'un film bricolé et réalisé sous haschich par financement
étatique.
Le
cinéma français est un cinéma d’Etat qui sert une propagande
« hors classes ».
Le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) est financé par le Ministère de la Culture). Pour répondre à ces objectifs, la commission images de la diversité soutient la création, la production et la diffusion d’œuvres cinématographiques, audiovisuelles, multimédias et de jeux vidéo dont l’action se situe principalement en France et qui :
Le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) est financé par le Ministère de la Culture). Pour répondre à ces objectifs, la commission images de la diversité soutient la création, la production et la diffusion d’œuvres cinématographiques, audiovisuelles, multimédias et de jeux vidéo dont l’action se situe principalement en France et qui :
- Prétendent représenter l’ensemble des populations immigrées, issues de l’immigration et ultramarines qui composent la société française, et notamment celles qui résident dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville ;
- Prétendent représenter les réalités actuelles, l’histoire et la mémoire, en France, des populations immigrées ou issues de l’immigration ;
- Prétendent concourir à l’égalité entre les femmes et les hommes, à la politique d’intégration et à la lutte contre les discriminations dont sont victimes les habitants des quartiers défavorisés, notamment celles liées au lieu de résidence et à l’origine réelle ou supposée.
Les
subventions versées dans le cadre de ce fonds « images
de la diversité »
sont passées de 666000 € en 2017 à 1086000€ en 2018 (+63%)
Composition
de la commission
Président
: M. Reda Kateb, acteur
On
imagine mal la propagande institutionnelle soutenir par exemple, la
diversité sociale du prolétariat au cinéma comme à la TV... le
souci est : Comment soutenir la diversité ethnique, sociale et
culturelle à la télévision ? France Télévisions et le fonds
Images de la diversité,
co-animé par le CGET et le CNC, ont lancé la 1re édition du
concours « Jeunes Talents ». France Zobda,
vice-présidente du fonds et membre du jury, nous parle des deux
prix, consacrés au meilleur scénario et à la meilleure
réalisation, décernés le 22 février dernier.
« La
télévision diffuse une image sur les quartiers mais pas de ces
quartiers. Notre but, c’est de valoriser la parole de ceux qui
viennent et vivent dans les quartiers, de permettre un regard de
l’intérieur. Avec le concours
« Jeunes Talents »,
le fonds Images de la diversité valorise l’émergence de nouveaux
talents, à la fois dans l’écriture et la réalisation, pour
raconter les diversités à la télévision ».
CEUX
QUI TRAVAILLENT... POUR LE CAPITALISME
Contrairement
aux deux navets précédents, « Ceux qui travaillent »
n'est pas le récit du désespoir d'un cadre ni une nouvelle série
de clichés sur le chômage, comme nous le pensions en allant à
Montparnasse voir le film (dans une salle remplie de personnes très
âgées...). Film complexe, genre intello, il est pourtant autrement
plus profond que ceux qui imaginent la classe ouvrière disparue ou
totalement métissée. Frank, interprété par l'excellent Olivier
Gourmet, est un haut responsable d'une société de transit de
marchandises d'Afrique vers l'Europe. Ce cadre va commettre un
meurtre par procuration. Il reçoit un coup de téléphone affolé
d'un de ses capitaines de bateau qui lui apprend qu'un migrant a été
trouvé à bord. L'événement est d'importance car l'équipage prend
peur, il est possible que ce migrant soit porteur du virus d'Ebola. A
la peur de la contamination de l'équipage s'ajoute la colère de
Frank. Catastrophe : soit il faut faire demi-tour, perdre quatre
jour de livraison et des millions d'euros, soit aller au terme avec
le risque le tanker soit immobilisé plusieurs mois pour être
décontaminé. Sans tergiverser longtemps, Frank donne l'ordre de
jeter le migrant à la mer. C'est cette décision qui va modifier
magistralement sa vie courante et son emploi. Car tout finit par se
savoir. Il est convoqué par les autres dirigeants de l'entreprise
multinationale qui s'indignent (on peut croire alors encore à un
film d'inspiration bobo-gauchiste où les grands patrons se la pètent
anti-racistes). Frank est licencié, mais pas vraiment pour ce
meurtre par procuration mais tout simplement parce qu'il est
considéré trop vieux dans l'entreprise. Pire, lorsque sa famille –
sa femme et ses cinq enfants apprennent qu'il est l'auteur de ce
meurtre – il se trouve banni, mis de côté par les siens et galère
pour trouver un autre emploi.
Je
n'ai jamais vu un film avec aussi peu de dialogues et ces longs
silences de l'acteur principal, tout se lit sur les visages, se
comprend par les silences face aux questions souvent gênantes et
sans réponse. Seule la plus jeune de ses filles, gamine de dix ou
douze ans, demande à son père de lui faire voir son métier. Il
l'emmène alors dans les ports et docks où sont stockées toutes les
marchandises qui nous sont nécessaires à nous les consommateurs
indifférents (de leurs origines). On voit défiler les énormes
containers sur les tankers géants, le travail à la chaîne. A un
moment on voit Frank tripoter le fusil mitrailleur de son fils, en
extraire les balles. Pensée du suicide qui finit par interpeller sa
famille que se rapproche à nouveau de lui pour l'entourer. C'est une
famille grand bobo avec appart luxueux et piscine. Frank a fini par
accepter le même type d'emploi dans une compagnie encore plus
truande, sans autorisation de naviguer et avec des travailleurs
clandestins. Il se réveille dans le salon entouré par les siens qui
vaquent à leur quotidien, sa femme qui se peint les ongles, les
enfants qui pianotent sur le portable. Il les regarde l'air abruti et
décontenancé.
Peu
avant il avait rencontré par hasard dans un rade du port le
capitaine du bateau auquel il avait donné l'ordre de jeter le
migrant à la mer, celui-ci est très sévère mais le convie à
boire une bière avec les marins qui chantent. En arrière-fond je ne
sais plus qui dit : « le capitalisme nous oblige à faire
toutes ces saloperies ».
Le
film n'est donc pas manichéen, ni mielleusement pleurnichard sur le
drame des migrants, mais il décrit finement et sans fioriture la
logique mortifère de la marchandisation capitaliste où prolétaires
consommateurs comme cadres dirigeants sont prisonniers et complices
involontaires d'une marche à l'abîme. Et la classe ouvrière comme
classe socialement consciente et politiquement révolutionnaire? Absente comme dans les deux autres films.
1
Un tel navet est soutenu pleinement par le financement
gouvernemental du Fonds Images de la diversité, et obtient un prix
: Prix du jury des Ecrans Documentaires, Prix du Moulin d'Andé des
Ecrans Documentaires, Prix "restitution du travail
contemporain" au festival Filmer le travail 2019 ; Un
film coproduit par TS Productions (Céline Loiseau) et FLAMMES, en
coproduction avec le CNRS Images, avec le soutien du CNC, de la
région Ile de France, de la Scam-Brouillon d'un rêve, du Fonds
Images de la Diversité,
de la Procirep, de l'université d'Evry - Centre Pierre Naville, de
la fondation Palladio...
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