Vous
ne l'avez sans doute jamais remarqué, mais, lors des débats de
politiciens sur les plateaux de télévision, vous êtes manipulés
par des chiens pendulaires. J'ai déjà eu l'occasion de vous parler
du chien sur la lunette arrière, ce militant fanatique et serviable
de tout parti politique qui est placé derrière son orateur pour
appuyer son accord très explicite de faux téléspectateur qui
approuve chaque phrase du « lider » d'un mouvement de
balancier de la tête, de l'arrière vers l'avant et ainsi de suite.
Une tête dodelinante = un vote ? Vous allez dire que je suis
superficiel et que je ne prête aucune attention au politicien ou au
syndicaliste qui caracole devant. Je dois vous confesser que ces
chiens pendulaires des partis politiques m'énervent au plus haut
point, car même si je coupe le son, je vois toujours bouger leur
tête de racoleurs, comme celles des tarés trotskistes "spartakistes" et autres témoins de Jehovah qui vendent leur camelote sur les marchés de banlieue, derrière de grands panneaux aguicheurs avec calligraphie arabe géante.
Objet
culte des beaufs des années 70 – si bien incarnés par Jean-Pierre
Marielle - le clébard kitsch trônait de manière honteuse sur la
plage arrière de la Renault 12 ou de la Simca 1000 et remuait
consciencieusement la tête à chaque dos d'âne. Ce chien bougeait
la tête rien que la tête. Il ne risquait pas de pisser dans la
voiture ni d'aboyer intempestivement. Et nul besoin de pile. Je
n'imagine même pas que les chiens des chefaillons de parti puissent
aboyer ou pisser dans le studio de Pujadas. Ils me gonflaient pas
tant comme exécutants dociles que parce qu'ils finissent par
ridiculiser la propagande de leurs cadors.
La
prestation reportée sine die du président Macron ayant fait l'objet de tant de
suppositions sur un nouveau miracle de Lourdes, malgré le mauvais
présage de Notre Dame incendiée (probablement par des salauds
d'ouvriers clopeurs), que je me suis astreint à suivre de bout en
bout « La grande confrontation », mise en scène deux
jours avant par Pujadas sur LCI, qui, ayant à cœur de ranimer lui
aussi une vie politique à l'état catatonique, avait invité six
zigotos des principaux partis politiques bourgeois à venir converser
pour savoir si le jeudi suivant Macron allait arroser d'eau bénite
la France et ses gilets jaunes. Il ne s'y est dit rien de
particulièrement génial. Bayrou fît du Bayrou, c'est à dire
exhibant cette bouffonnerie éternelle du centrisme qui dîne
aujourd'hui chez Pierre, et demain chez Paul, un peu trop cire-pompe
de Macron toutefois. Wauquiez qui court derrière Le Pen se croit
permis d'imiter le phrasé de Sarkozy, il ne pourra jamais faire
oublier la vedette du Fouquet's. Sûre de remporter l'élection, la
mère Le Pen se prélassait sans faire d'effort en ricanant
grassement, ce qui mettait en valeur son aspect de plus en plus pot à
tabac adonnée à la boisson. Poil de carotte, Adrien Quatennens fût
manifestement au dessus du lot et nous confirma qu'il existe une
relève jeune en politique bourgeoise, et que les roux peuvent être
plus incisifs qu' intelligents. Les cinquantenaires ont d'ailleurs
disparu en général en politique, il n'y a plus que des jeunes et
des vieux. Il y a du culot et du Cohn-Bendit chez cette jeune recrue
(moins de 30 piges) de Mélenchon1.
Port altier, il a le verbe clair et ne se gêne pas pour renverser
les tasses de thé et faire la leçon au dandy Wauquier et au
vicelard Bayrou, deuxième conseiller de Macron après Cohn-Bendit ;
il n'en laisse pas passer une non plus au chauve famélique valet de
Macron, Stanislas Guérini. Mais s'il brille et fait mouche dans la
polémique, concernant en particulier la situation des travailleurs
détachés, Poil de carotte insoumis révèle vite qu'il n'est qu'un
des petits télégraphistes des idées chauvines et étatiques
véhiculées par la bande à Mélanchon.
Mais
celui qui m'a le plus ulcéré, c'est Olivier Faure, le nouveau
secrétaire du PS, fade, sans charisme et creux. Pourtant il peut
séduire, même voix que Raoul Victor, une voix qui finit par plagier
le mode d'expression de Mitterrand, mimétisme que j'avais identifié
naguère chez plusieurs groupies de l'ancien ministre de Pétain. Non
ce qui m'ulcérait le plus c'est la gourde derrière qui secouait du
bonnet toutes les deux phrases de l'insipide successeur de Hollande.
Face de lune, sans aucune esquisse de sourire, la tête basculait
d'arrière en avant au point de rendre insupportables les propos
pourtant inoffensifs et snobs de Faure. Cela faisait politicien venu
avec son chien en laisse sur un plateau TV. J'ai essayé en vain de
téléphoner au siège du PS – il paraît qu'il a déménagé pour
un local plus petit – pour faire virer cette conne et la remplacer
par un placide intello à lunettes.
Je
ne savais pas que j'allais subir d'autres chiens pendulaires pendant
les deux heures et demi de la conférence du Napoléon IV de
l'Elysée. Le parvenu de Rugy d'abord, placé sous le pupitre de son
maître, même mouvement pendulaire de la tête, mâtiné d'un léger
sourire de communiant. Puis plus tard, dodelinement de la cabèche
les groupies Darmanin et Lemaire, plus modéré de la part du Premier
ministre assis devant à côté du conducator.
PETIT
COURS D'ECONOMIE POLITIQUE BOURGEOISE
« Les
petites entreprises industrielles périclitent et ne peuvent soutenir
la concurrence contre les grandes. Des couches entières de la classe
bourgeoise sont rejetées dans la classe ouvrière. La concurrence
entre les ouvriers augmente donc avec la ruine des petits industriels
qui est liée fatalement à l'accroissement du capital producteur ».
Marx (le salaire)
Derrière
toutes ces mises en scène et les forfanteries de chacun il y a une
crise économique très réelle et profonde du capitalisme qui n'est
pas limitée à la France et qui est une guerre inter-nationale où
les intérêts des plus puissants écrasent les puissances
secondaires (cf. les interdictions de Trump de commercer avec l'Iran,
etc.). Les périodes électorales sont propices à l'oubli de cette
grave crise économique où, comme le disait Marx, la limite du
Capital est le Capital lui-même. Comme les gilets jaunes ont remis
sur la table « la question sociale », ainsi qu'en
conviennent la plupart des commentateurs mais sans s'en rendre
vraiment compte puisqu'on en reste dans la mièvrerie « moyenniste »
et dans des querelles de cour d'école. Période d'incertitude
gouvernementale, d'intranquillité de la classe bourgeoise certes,
mais où certains bourgeois sont chargés de distiller la vérité,
certes comme chose horrible mais qu'il vaut mieux laisser sous le
coude.
Si
quelqu'un n'est pas poignant c'est Bernard Poignant, ancien
conseiller intime de Hollande, rallié à Macron dont il sert les
plats sur les plateaux TV, il devise toujours sur de petites
anecdotes sur les puissants. Professeur, politicien, franc-mac et
longtemps maire d'une cité bretonne, il expliquait l'autre jour sur
un ton rigolard que la dette de la France est quasi équivalente à
ce qu'elle produit désormais ; pas besoin d'être marxiste pour
comprendre cela et les conséquences. Depuis des décennies tous les
présidents le savent et ne le disent jamais « ...sinon ils ne
seraient pas élus ». Poignant délivre même, via nous les
spectateurs pipoles, ses conseils au gandin Macron : il devrait
faire comme Mitterrand qui se faisait inviter à dîner dans sa
région la Nièvre, régulièrement par tel agriculteur ou tel
entrepreneur, pour tâter le pouls des français... ainsi celui-ci
n'a jamais eu à confronter des surprises « en jaune »2.
La
crise est masquée par une compétition accrue entre grandes
puissances et les actions terroristes obéissent plus à des
rivalités impérialistes masquées qu'à telle ou telle religion
aussi fumeuse soit-elle. On a tendance à la limiter aux crises et
aux scandales financiers, ou à tout mettre sur le dos de Macron
comme nos gilets jaunes à courte et nationale vue. En réalité dans
le cadre de la baisse tendancielle du taux de profit elle est de
trois ordres :
-
au plan international, crise géopolitique: les
quatorze pays exportateurs de l’Opep se sont entendus en décembre
avec 10 autres pays producteurs, dont la Russie, pour produire moins
de pétrole. Or, un produit qui se raréfie voit son prix augmenter.
La demande reste forte. « La
consommation mondiale de pétrole, tirée notamment par la Chine et
l’Inde, n’a jamais été aussi élevée.
Elle
représente 100 millions de barils par jour. Les
États-Unis utilisent l’arme pétrolière pour affaiblir l’Iran.
L’administration Trump a interdit, en novembre dernier, aux autres
pays d’acheter du pétrole iranien. Huit États, dont la Chine et
l’Inde, ont eu un sursis jusqu’à début mai 2019. Ils achetaient
un million de barils par jour à l’Iran. C’est terminé. Le
gouvernement américain vient d’annoncer que cette autorisation ne
serait pas prolongée. Lundi, le prix du baril a pris 3 %.
- au plan national : Dans de nombreuses villes de la planète, les prix du logement atteignent des records sur fond d’endettement préoccupant. Dix ans après le krach mondial, le FMI alerte sur le niveau élevé d'endettement, conséquences de bulles financières sans précédent au pays de Trump et en Europe.
- Au plan social interne aux pays : Depuis le début de la crise bancaire et financière de 2008-2011, les classes moyennes voient leurs perspectives d’avenir diminuer comme peau de chagrin. C’est la conclusion d’une étude du Centre pour la recherche économique et ses applications (CEPREMAP). Fragilisés par l’automatisation et la délocalisation, les postes des classes moyennes ont vu leur part dans l’emploi total baisser ces dernières années: aujourd’hui, ils ont «disparu ou se sont raréfiés». Cette tendance qui va perdurer a été accentuée par le choc qui a frappé l’économie mondiale, entre 2008 et 2011. Raréfaction du travail et disparition d'emplois classiques. Situation connue depuis des années par les « spécialistes » et absolument pas anticipée et pour cause ! Automatisation et digitalisation du travail vont forcément détruire encore plus d’emplois - on souligne déjà la fin de la « classe moyenne » - ; ne resteront donc que les emplois ne demandant qu’une « faible » qualification, et, à l’autre bout, ceux exigeant une « forte » qualification. On sait bien que ces derniers ne représentent (n’ont d’ailleurs toujours représenté) qu’un pourcentage restreint de la population, quelles que soient les compétences, ou exigences, que l’Ecole inégalitaire tente de faire acquérir ou imposer3.
GARCIMORE
A L'ELYSEE et l'art d'être français4
La
conséquence de cette crise capitaliste, masquée ou atténuée, a
produit cette « crise citoyenne » dont ils se gargarisent
tous comme si le mot démocratie était une divinité bafouée et
qu'on devrait se faire tuer pour elle. Le projet historique du
prolétariat n'est pas de se battre historiquement pour une vraie
démocratie sous régime capitaliste mais pour abattre le capitalisme
et instaurer ensuite un mode de fonctionnement politique universel où
la politique n'est pas l'affaire de tous tout le temps, ni une espèce
de mobilisation permanente où chacun peut avancer son avis sur tout
et n'importe quoi. Les prolétaires ne sont pas des citoyens car ils
ne sont pas reconnus comme citoyens à part entière. On leur fait
croire qu'ils sont des citoyens parce qu'ils sont appelés à voter
individuellement mais dans un système truqué par le fric, les
magouilles des partis et une proportionnalité arbitraire. Le
découpage du système électoral est complètement ficelé par la
classe bourgeoise, ils peuvent faire élire les chèvres qu'ils ont
choisi.
Sachant
donc que la dette est monstrueuse, le sieur Macron fait comme s'il
pouvait lui, petit Poucet, s'affronter à la montagne de la crise
économique. Et pour ce faire il nous vend une salade fade et déjà
moisie : « travailler plus pour baisser les impôts ».
Avec Sarkozy on prétendit faire travailler plus pour gagner plus.
Dans sa situation de faiblesse et face au tollé provoqué par cette
proposition de faire « travailler plus » ceux qui
travaillent déjà - qui a été interprété assez largement comme
idiote vu le niveau énorme du chômage – il a blablaté au cours
de son allocution que c'était plus complexe et basé sur le
volontariat. Il reculait encore, comme il a reculé sur les 35
heures, qui devaient être encore remises en cause selon la version
qui avait fuité de son projet court-circuité (sic) par l'incendie
de Notre Dame de Paris. Ces reculs, encore une fois, pas seulement
parce que nombre de journalistes l'avaient mis en garde (danger !
N'y touchez pas aux 35 heures et calmos sur l'allongement du départ
en retraite!), mais comme un hommage indirect au prolétariat, pas
aux gilets jaunes inconscients.
Mais
c'est dans le domaine du jeu politique classique de façade –
surtout en pleine période électorale commencée avec le cirque
dérisoire d'un grand débat narcissique – que Macron l'humain5
a révélé son habileté qui a échappé à tous les bourgeois
journalistes qui lui cherchent des poux dans la tête. Il faut un
étonnant niveau de perversion politique et de capacité à provoquer
pour se moquer encore de la « gymnastique » des gilets
jaunes, prétendre qu'il sait ce que c'est « la boule au
ventre » des prolétaires, plaider qu'il n'y a pas que le
pouvoir d'achat dans la vie, après avoir fait crever les yeux de
plusieurs manifestants et en ficher un bon nombre comme savait le
faire le régime de Brejnev. En bon chef de parti « humain »,
il n'a cogné que sur deux questions prioritaires : rassurer les
classes moyennes (à la fois la petite bourgeoisie et la classe
ouvrière sous cette notion fourre-tout) et sur le principal
concurrent le parti de la mère Le Pen, tout le reste ne fut que
vanité et arrogance invariable.
Il
a flatté particulièrement le personnel politique de chefs de ville,
en général petits bourgeois promus et souvent porte-paroles des
diverses couches de bobos (paysans, profs, artisans, etc.), en
éliminant les fantaisies « citoyennistes » effectivement
ridicules des gilets jaunes désormais complètement phagocyté par
la gauche bourgeoise (éparpillée). Il a dû utiliser cent fois en
deux heures le terme citoyen. Il a martelé qu'il allait baisser
drastiquement les impôts, faisant signe de magnanimité envers la
vraie classe moyenne (classique petite bourgeoisie sur laquelle
s'appuie l'Etat depuis un siècle). Il a fait un clin d'oeil aux
ouvriers et artisans du privé en maintenant, via la retraite à
points, la suppression des privilèges de l'aristocratie ouvrière
(retraite à 55 ans, voyages gratuits, camps de vacances syndicaux,
etc.) en promettant une meilleure rerépartition sur les territoires
du personnel des services publics (donc pas augmenté). Il y aura une
cabane du Canada partout (France service), pour « expliquer »
ou « renseigner » les gens des bleds ; j'ai pensé
que c'était une subtile récupération des cabanes des ronds
points ; même genre d'entourloupe que la féminisation de
l'encadrement.
C'est
surtout contre son concurrent le plus proche le RN que l'aspiration
des thèmes a été caricaturale. Au tout début « l'art d'être
français » était déjà le soubassement de la rhétorique
« travailler plus pour payer la dette », avec
accessoirement la chanson écolo (urgence climatique), c'est à dire
l'urgence sociale et politique à damer le pion aux nationalistes
avec un discours européiste très... franchouillard. Ce nouveau
souci de l'identité française, dont se foutent ses amis les
banquiers et les hauts patrons, cette soudaine hardiesse « contre
l'islamisme », ce désir de « refonder la politique
migratoire », de « rétablir les frontières », de
« refonder Schengen », et enfin « un vrai
patriotisme » (dit inclusif comme si la notion ne pouvait pas être exclusive, encore une invention de l'à-peu-près macronique!), cela ressemblait comme deux gouttes d'eau aux
radotages de Le Pen fille.
Le
projet « humain » de faire travailler plus les
prolétaires pour renflouer le capital, le projet « humain »
de maintenir l'ignoble hiérarchie sociale6
(j'aime les élites) de monsieur « peut mieux faire »
n'est pas prêt de faire interdire « la haine dans le débat
public ». Electoralement c'est pas gagné. Socialement encore
moins, mais Macron n'est qu'un pion du Capital.
En
tout cas, le chien pendulaire je l'ai fixé devant sur mon tableau de
bord. Il secoue la tête chaque fois que je houspille un autre
automobiliste. Lui seul sait que j'ai toujours raison.
Matez le décor au siège CGT et la moustache thirties... |
NOTES
1Celui-ci
le nomme d'ailleurs « mon Saint Just ». Il a l'air
plutôt grand, puncheur et possède un allant et une faconde
supérieure à notre (vieillissant) Besancenot.
2C'est
la méthode de tous les grands politiques, Lénine la pratiquait en
interrogeant, par delà le parti, les gens dans les trains ou dans
la rue . Je pratique aussi, et c'est plus efficace que les
sondages modernes.
3http://www.lefigaro.fr/conjoncture/depuis-la-crise-de-2008-la-destruction-des-emplois-de-la-classe-moyenne-s-accelere-20190423
et aussi :
http://www.lefigaro.fr/societes/un-emploi-sur-deux-sera-supprime-ou-transforme-d-ici-vingt-ans-20190425
4Jadis
le magicien Garcimore faisait rire les enfants à la télé tous
les mercredis, ou les jeudis, parce qu'il ratait tous ses tours de
magie... mais il le faisait exprès.
5Le
mot a été prononcé 50 fois. Humains les morts et blessés gilets
jaunes ? Oui on se souviendra longtemps et il n'aura pas de
répit.
6Sa
théorisation maintenue du premier de cordée fût très ridicule et
les gros plans sur les tronches des journalistes les montraient
consternés, et obligés de se taire.
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