Isaac Mamane dit Jonas (1947-2018) |
Isaac
Mamane, dit Jacquy a demandé à être débranché de ses souffrances
sur terre ce 24 février. C'est non seulement un des fondateurs de
Révolution Internationale à Toulouse en 1968 et du Courant
Communiste International en 1976 qui disparaît, mais un homme
exceptionnel de lucidité , d'empathie et de dévouement à
l'insatiable envie de révolution. Pendant plus de quatre décennies,
malgré les aléas de la vie et la dramatique période d'exclusion et
de persécution d'une organisation qui s'est étouffée dans des
délires néo-staliniens et policiers, il a maintenu toute son
énergie, toute son intelligence au service d'une seule cause, la
perspective du communisme, en ne s'abaissant pas à se soumettre aux
délires d'une secte rabougrie et en continuant le combat avec un
petit cercle, le GIGC, qui, trois fois hélas, comme Gulliver, croit
être un géant parmi les nains1.
Chirurgien
dentiste, Jacquy (qui signait ses articles JE comme Jacquie, ce
sympathique prénom accommodable à l'infini) était connu dans le
coin du Pré Saint Gervais comme un mauvais dentiste. Le genre de
dentiste seulement ouvert un jour sur deux. Il se foutait de gagner
de l'argent. Il délaissait en effet son cabinet et préférait se
consacrer au travail opiniâtre d'organisation, aux réunions
politiques des comités ou commissions diverses, comité exécutif,
comité de rédaction, commission extraordinaire,etc. Débattre avec cette voix grave et chaude (qui vous aurait guéri sans bistouri une rage de dent) jusqu'à trois heures du mat n'était jamais un défi pour lui par
conséquent. Sa personnalité dégageait une telle aura qu'on lui
donnait confiance en général pour les tâches de liaison les plus
exposées ou les plus diplomates. Il donna toute sa mesure dans le
lien entre comité de rédaction et comité exécutif. Le comité de
rédaction, comme souvent dans les petits groupes maximalistes, était
l'objet d'envie ou de compétition de pouvoir, mais pendant la
période où il en tint les rênes il apaisait les tensions, il
calmait les ardeurs. Bien qu'il ne fût pas une plume, ce dont il se
fichait, il avait le souci d'exposer avec clarté son opinion ou sa
divergence, et souvent avec courage.
Il
était rigoureux, fidèle dans l'échange, humain dans ses rapports
avec tous les camarades, ce qui ne fût pas le cas d'autres à sa
place ; les orgas révolutionnaires draînant parfois de drôles
de cocos et un lot inévitable de pervers narcissiques. En bref il
inspirait confiance et méritait cette confiance qu'il se trouvât à
la commission des finances ou bien délégué à un congrès.
Il
faisait partie de ce qu'on peut appeler les « camarades
sortables », car, comme je viens de le dire on avait des
zigotos pas forcément présentables, au physique comme au
comportement (années 70 et 80). Jacquy pouvait apparaître, comme
quelques-uns d'entre nous, heureusement, présentable et normal, et
apparaître comme un marxiste buvable même s'il savait être
intraitable si la discussion prenait un tour polémique.
Il ne
fût pas toujours un puits de science ni clairvoyant dans les
tempêtes entre tendances, contrairement à l'hagiographie exagérée
que lui consacre Juan. Mais s'il n'a pas vu venir le processus de
destruction interne au mitan des années 1990, c'est à dire
quasiment au même moment où les luttes ouvrières étaient défaites
quoique encore dangereuses pour le pouvoir (cf. 1995)2,
il ne s'est jamais lui comporté en procureur d'un clan ni n'a
manifesté l'hystérie moraliste et psychologique de certains qu'il
qualifiera tardivement de Torquemada, alors qu'il n'avait pas vu ce
qui était arrivé (ou plutôt que cela lui avait été masqué) aux
premiers dégoûtés par l'acharnement policier et stalinien contre
le « clan pavillon » et les humiliations répétées de
Raoul Victor, dont moi qui m'en veut encore de ne pas avoir hurlé à
temps contre les délires. Jacquy a, lui à son tour, été traité
comme un chien, mais il n'était pas de ceux qui se laissent mourir
d'inanition, ni qui succombent à la destruction organisée de
l'individu (comme Orwell l'a si bien démontré) par ces connards de
militants suivistes, ces couples pervers et ces Fouquier-Tinville de
carnaval. Il a tenu la tête haute et n'a jamais cédé aux menaces.
La connerie des Torquemadas a été tellement cynique et odieuse
qu'ils avaient dénoncé sa « prétendue » maladie immune
comme manipulation et mensonge ; les lâches continuent à vous
asséner leurs coups de pieds lorsque vous êtes à terre. Il avait
été poursuivi jusque chez lui à Sceaux à l'époque. Et je salue
encore la ténacité et la persévérance dont il a fait preuve avec
Juan. Mais, me direz-vous, un procès de Moscou à Paris n'a jamais
fait des morts ! Si, parce qu'il reste une paix des tombes en
milieu révolutionnaire suite aux ravages de la folie cciesque, et
qu'on ne s'en est pas remis en cette période anniversaire morose et
kitsch de mai 68
Toutefois,
lui et son tout petit cercle, n'ont pas été capables de mener à
bien une réflexion sur les causes et invariants de la dégénérescence
des petites minorités révolutionnaires à la fin du vingtième, ni
de poser un regard critique sur la fonction d'organisations plus
mimétiques de feu le parti bolchevique, que réellement fécondées
pour favoriser la révolution des masses. Le GICC avec ses deux
tondus et un pelé reste un clone du CCI. Sera-t-on à jamais
condamnés à être des poupées russes et à faire rigoler
anarchistes et conseillistes ?
Enfin
peu importe ce soir. Mon Jacquy tu aimais la vie. Tu étais féru des
westerns que tu préférais regarder des après-midi entiers plutôt
que de recevoir tes clients. Tu aimais les blagues, les rires lors de
nos soirées amicales en famille. Je n'ai pas aimé ta dernière
blague, elle m'a fait pleurer. J'embrasse ta compagne et ton fils
Willy. Au firmanent communiste virtuel tu les as rejoint les autres,
nos autres chers disparus : « le vieux » Marc,
Anouke, Clara, Claude, Bernadette, Michèle, Raymond, et tant
d'autres dont le nom ne me revient pas. Ne rigole pas, on vous
rejoindra nous aussi. Tôt ou tard.
Sache
que, quand j'écoute Brel, je ne peux m'empêcher de penser à toi.
Même
si un jour à Knocke-le-Zoute
Je deviens comme je le redoute
Chanteur pour femmes finissantes
Que je leur chante " Mi Corazon "
Avec la voix bandonéante
D'un Argentin de Carcassonne
Même si on m'appelle Antonio
Que je brûle mes derniers feux
En échange de quelques cadeaux
Madame je fais ce que je peux
Même si je me saoule à l'hydromel
Pour mieux parler de virilité
A des mémères décorées
Comme des arbres de Noël
Je sais qu' dans ma saoulographie
Chaque nuit pour des éléphants roses
Je chanterai la chanson morose
Celle du temps où je m'appelais Jacky
Etre une heure, une heure seulement
Etre une heure, une heure quelquefois
Etre une heure, rien qu'une heure durant
Beau, beau, beau et con à la fois
Même si un jour à Macao
Je deviens gouverneur de tripot
Cerclé de femmes languissantes
Même si lassé d'être chanteur
J'y sois devenu maître chanteur
Et que ce soit les autres qui chantent
Même si on m'appelle le beau Serge
Que je vende des bateaux d'opium
Du whisky de Clermont-Ferrand
De vrais pédés de fausses vierges
Que j'aie une banque à chaque doigt
Et un doigt dans chaque pays
Que chaque pays soit à moi
Je sais quand même que chaque nuit
Tout seul au fond de ma fumerie
Pour un public de vieux Chinois
Je rechanterai ma chanson à moi
Celle du temps où je m'appelais Jacky
Etre une heure, une heure seulement
Etre une heure, une heure quelquefois
Etre une heure, rien qu'une heure durant
Beau, beau, beau et con à la fois
Même si un jour au Paradis
Je deviens comme j'en serais surpris
Chanteur pour femmes à ailes blanches
Que je leur chante Alléluia
En regrettant le temps d'en bas
Où c'est pas tous les jours dimanche
Même si on m'appelle Dieu le Père
Celui qui est dans l'annuaire
Entre Dieulefit et Dieu vous garde
Même si je me laisse pousser la barbe
Même si toujours trop bonne pomme
Je me crève le cœur et le pur esprit
A vouloir consoler les hommes
Je sais quand même que chaque nuit
J'entendrai dans mon
Paradis Les anges, les Saints et Lucifer
Me chanter la chanson de naguère
Celle du temps où je m'appelais Jacky.
Etre une heure, une heure seulement
Etre une heure, une heure quelquefois
Etre une heure, rien qu'une heure durant
Beau, beau, beau et con à la fois.
Je deviens comme je le redoute
Chanteur pour femmes finissantes
Que je leur chante " Mi Corazon "
Avec la voix bandonéante
D'un Argentin de Carcassonne
Même si on m'appelle Antonio
Que je brûle mes derniers feux
En échange de quelques cadeaux
Madame je fais ce que je peux
Même si je me saoule à l'hydromel
Pour mieux parler de virilité
A des mémères décorées
Comme des arbres de Noël
Je sais qu' dans ma saoulographie
Chaque nuit pour des éléphants roses
Je chanterai la chanson morose
Celle du temps où je m'appelais Jacky
Etre une heure, une heure seulement
Etre une heure, une heure quelquefois
Etre une heure, rien qu'une heure durant
Beau, beau, beau et con à la fois
Même si un jour à Macao
Je deviens gouverneur de tripot
Cerclé de femmes languissantes
Même si lassé d'être chanteur
J'y sois devenu maître chanteur
Et que ce soit les autres qui chantent
Même si on m'appelle le beau Serge
Que je vende des bateaux d'opium
Du whisky de Clermont-Ferrand
De vrais pédés de fausses vierges
Que j'aie une banque à chaque doigt
Et un doigt dans chaque pays
Que chaque pays soit à moi
Je sais quand même que chaque nuit
Tout seul au fond de ma fumerie
Pour un public de vieux Chinois
Je rechanterai ma chanson à moi
Celle du temps où je m'appelais Jacky
Etre une heure, une heure seulement
Etre une heure, une heure quelquefois
Etre une heure, rien qu'une heure durant
Beau, beau, beau et con à la fois
Même si un jour au Paradis
Je deviens comme j'en serais surpris
Chanteur pour femmes à ailes blanches
Que je leur chante Alléluia
En regrettant le temps d'en bas
Où c'est pas tous les jours dimanche
Même si on m'appelle Dieu le Père
Celui qui est dans l'annuaire
Entre Dieulefit et Dieu vous garde
Même si je me laisse pousser la barbe
Même si toujours trop bonne pomme
Je me crève le cœur et le pur esprit
A vouloir consoler les hommes
Je sais quand même que chaque nuit
J'entendrai dans mon
Paradis Les anges, les Saints et Lucifer
Me chanter la chanson de naguère
Celle du temps où je m'appelais Jacky.
Etre une heure, une heure seulement
Etre une heure, une heure quelquefois
Etre une heure, rien qu'une heure durant
Beau, beau, beau et con à la fois.
1On
peut lire ici un hommage large et bien informé mais ampoulé et
disproportionné (est-ce dû à l'émotion d'être seul au monde par
l'unique rédacteur du GIGC?) ici :
http://igcl.org/Le-camarade-Jonas-l-ami-Jacky-nous.
Je n'ai pas voulu relever toutes les affirmations boursouflées,
emphatiques et ridicules comme par exemple l'invraisemblable
« intervention de masse du CCI » par Juan qui se prend
pour Lénine et le parti bolchevique réincarné.
2Je
reste persuadé que, comme la campagne anti-négationniste de la fin
des 70, dirigée contre ce qui était appelé l'ultra-gauche dans un
arc très large, le sabotage ou sabordage de plusieurs groupes
maximalistes cohérents du PCI au CCI, a été l'objet d'une petite
« aide » policière... comme il est de coutume dans un
siècle d'existence d'organisations prolétariennes lorsque le
pouvoir s'aperçoit qu'elles sont intraitables et dangereuses par
rapport à une masse de prolétaires toujours en éveil et
renaissante ; et historiquement hermétique aux fables du
régime démocratico-totalitaire. Hélas je ne peux pas le prouver,
n'étant pas encore devenu commissaire politique aux archives du
capitalisme décadent renversé par l'insurrection prolétarienne de la semaine dernière.
Excellent !
RépondreSupprimerMontsé et Willy