Sieg = victoire ou la guerre nazie contre le communisme! |
Les aventures
extravagantes d'un planqué en Suisse par la propagandastaffel Arte
À ma maman qui aurait eu
aussi 100 ans,
L'édition bourgeoise,
France-Culture, France 2, France sans culture, tout le monde s'y met
à la commémoration spectaculaire d'une révolution... du lointain
passé... Chaque soir, la chaîne impérialiste arrogante Arte se
moque de Trump, enseigne aux petits vranzais comment être humain
avec les migrants et vante les atouts et atours de l'amie chinoise.
Cette propaganda visuelle bourgeoise n'allait pas se gêner pour se
joindre au concert anti-bolchevique primaire qui sert de credo à
tous les médias bourgeois pour caricaturer l'anniversaire de NOTRE
révolution prolétarienne en 1917. Les pigistes de Arte vont
s'ingénier à se moquer, sans humour, avec une lourdeur grotesque
typiquement teutonne de cet événement extraordinaire, de cette
insurrection de la vie du prolétariat et des couches pauvres contre
la mort de la guerre mondiale.
Comme la vitalité, la
spontanéité et la vérité de cette révolution tendent toujours à
remonter à la surface historique au fur et à mesure que le monde
actuel s'enfonce dans l'ignominie et le meurtre, il faut
périodiquement que la bourgeoisie, partout, envoie au front de la
propaganda de nouveaux saltimbanques de la falsification, qui,
éventuellement apportent un « éclairage » nouveau,
présenté comme une découverte de plus présentant cette révolution
comme (toujours) manipulée.
On n'épiloguera pas
longuement ici sur les strates successives de la manipulation
bourgeoise de l'histoire réelle de cette révolution et de la
trouille qu'elle a fichue à l'ensemble des thuriféraires de la
domination capitaliste : présumée révolution aveugle et
sanglante plus slaviste qu'internationaliste et instrumentalisée par
des juifs, puis règne de la terreur léniniste et staliniste
confondue, ensuite curieuse amnésie concernant les « camps de
travail » pas encore qualifiés de goulags pendant et juste
après la seconde boucherie mondiale (ce que Mr Aunoble tait), par
après du fait de l'usure du stalinisme vedettariat de Soljenitsyne,
sponsorisé par América et ses suivistes en tant que grand
révélateur devant l'éternel et son bigot fervent, enfin triomphe
du libéralisme à goût cosaque en 1989-1991.
Il faut dire cependant
ceci, immédiatement, la première partie de la soirée Thema, est
très bien, malgré les lourdes ficelles manipulatrices qui rythment
les séquences. Pour un vieux routier qui a (presque) tout lu sur
cette révolution, la partie documentaire contient une fraîcheur
incontestable, rare même jusqu'ici sur le déroulement du début de
la révolution1
et LA vérité sur le processus de radicalisation :
l'obstination des successives factions bourgeoises à vouloir
continuer la guerre. Une autre vérité, peu connue mais profonde et
éclairante : pour l'essentiel les minorités socialistes
révolutionnaires n'ont ni déclenché l'événement ni présidé à
la constitution de ce formidable soviet centralisé qui est mis en
place par la classe ouvrière elle-même, pourtant si minoritaire,
pourtant souvent à la traîne de la révolte des soldats. Pourquoi
deux vérités aussi étonnantes apparaissent-elles au milieu d'une
propaganda bourgeoise allemande aussi perverse et partiale ?
D'abord parce que l'émission est séquencée sur la base du
témoignage du menchevik Soukhanov, perspicace et honnête, qui a
toujours été reconnu finalement comme le meilleur historien de
terrain sur ce qui s'est réellement passé, même par les bolcheviks
et les staliniens. Hélas aussi parce qu'un grand historien y a
prêté sa collaboration : Marc Ferro. Evidemment il était
« encadré » par les chefs du service politique de Arte,
évidemment son propre travail historique se trouve ainsi rabaissé.
Qu'est donc allé faire Ferro dans cette galère ? Le si
brillant analyste qui nous a tant enchanté lors de ses séries
télévisées, est-il devenu gaga ?
Marc Ferro, même comparé
aux grands historiens internationaux, tous plus ou moins
trotskysants, a probablement été celui qui a produit les ouvrages
les plus approfondis sur la révolution en Russie, sur son caractère
spontané, sur sa réalité prolétarienne et démocratique. Eric
Aunoble, qui prend la suite, lui a rendu hommage dans son ouvrage
(hélas hémiplégique comme je l'ai dit concernant les vrais
révélateurs des conséquences de l'échec révolutionnaire en
Russie) - « La révolution russe une histoire française »
(que je conseille à tous de lire) – et dans cet hommage vous
pouvez voir et comprendre que Ferro ait été ignoré par les cons
universitaires (surtout d'obédience trotskienne et maoïste, sans
oublier les compères staliniens) et même les derniers mohicans de
la « gauche communiste » maximaliste2 ;
en réalité Ferro a montré que l'hystérie anti-Lénine des anars,
des conseillistes et de la valetaille libérale contre Lénine est
une vaste mystification :
« Après la 'nature
de classe' de la révolution, Marc Ferro remet en cause un autre
credo de toute la gauche antistalinienne : des trotskistes aux
anarchistes, tous sont d'accord pour incriminer la mort de la
démocratie soviétique pour expliquer la mise en place de la
dictature bureaucratique (le débat entre les uns et les autres se
limitant aux causes et à la date de cette mort). Pour Marc Ferro, la
3.
bureaucratisation est au contraire consubstantielle au phénomène
d'auto-organisation : soviets, comités d'usine, Garde rouge...
se dotent spontanément d'un appareil administratif ; chacun de
ces organismes nouveaux tente d'affirmer, d'étendre et de défendre
ses prérogatives au détriment de l'ancien Etat, mais aussi au
détriment des autres institutions révolutionnaires ; dès
avant octobre 1917, la professionnalisation des membres des comités
est extrêmement rapide, de même que leur croissance numérique. Ces
organes populaires pratiquent également la terreur, sans avoir
besoin d'une directive du Comité central du parti, et leur
conception du processus de décision est assez éloignée des canons
de la démocratie, même « directe » ou « sauvage ».
Sur le fond d'une tradition du fonctionnarisme hérité du tsarisme,
la rencontre de ces processus « d'en bas » avec un
absolutisme et un bureaucratisme spécifiquement bolcheviques rend
largement compte de l'évolution ultérieure du régime, sans faire
appel à la notion de contre-révolution, qu'elle fût « communiste »
ou « stalinienne » (…) Malgré une réception positive,
cette histoire de La révolution de 1917 ne s'est pas imposée dans
le paysage français (…) Pour l'historien néanmoins, la raison est
surtout politique : « Les trotskystes, les communistes et
leurs périphériques passaient mes travaux à la trappe. A l'école
des Hautes Etudes, il en allait de même, mais là c'était le fait
des anciens communistes qui ne supportaient pas que je m'abstienne de
partir en croisade anticommuniste avec eux ». Ferro démontre à plusieurs reprises que les bolcheviques ne pouvaient pas faire autrement que ce qu'ils ont fait, prévoyant eux-mêmes que la "guerre finirai par étouffer la révolution"; et il a cette remarque géniale qui ridiculise la vanité du culte conseilliste pour le "gouvernement des Conseils ouvriers" auquel le parti se serait substitué, et qui résume les raisons de la hardiesse bolchevique:"la multiplicité des Conseils et des Soviets... cet Etat sans tête" (cf. Le ressentiment dans l'histoire, p.70).
Le thema d'Arte est
visiblement inspiré des travaux de Ferro, pour se donner un vernis
de « nouveauté » au milieu de la sarabande
anti-bolchevique primaire, mais c'est pour ajouter la perversion à
la vérité. Autant la révolution apparaît magnifiée dans son
aspect spontané – le parfum de spontané ne gêne aucunement le
bourgeois sachant qu'il exige de bien mettre fin à la
« récréation »4
- autant il faut la criminaliser après l'avoir tant diabolisée, au
moins en faire une nouvelle cocue de l'histoire. Le déviant ne
l'espèce n'est même pas le parti, encensé à tire-larigot par les
pigistes d'Arte, décrit comme jamais comme un sublime parti
légaliste quoique malmené par le tire-au-flanc Lénine. On se
souvient que le grotesque pope-radio Loupan avait considéré Lénine
comme un accessoire secondaire, ciblant à mort plutôt le « juif
Trotsky », Arte a des culpabilités antisémites et évite de
trop s'étendre sur Trotsky, donc banco sur Lénine le planqué,
sorte d'ayatollah Khomeiny avant l'heure mais pas à Neauphle le
château, plutôt à Neuchâtel ou à Saint-Moritz.
En effet, de manière
récurrente, avec une musique guillerette les séquences de
spontanéité anti-guerre de la révolution, nous montre un Lénine
en villégiature en Suisse ne se doutant de rien puis soudain
intéressé à venir « récupérer à son profit » les
événements. C'est la reprise du complot bolchevique à la manière
de tous nos pigistes démocrates anciens et modernes et des
historiens boches au service d'Hitler. Dès le début le docu d'Arte
a annoncé la couleur du « complot » qui a détruit la
« révolution spontanée » : « Lénine a su
tirer profit des événements » !
Lénine à la tête de ce
tout petit parti bolchevique « s'est emparé du pouvoir »,
ce n'était « qu'un dirigeant marginal à la tête d'un
groupuscule parmi d'autres », il a d'ailleurs « été
balloté par les événements ».
Au moins des constats ne
sont pas lénifiants, et élimine une certaine version pacifiste de
la révolution où il y aurait eu peu de morts. Lors de la
première...répétition générale, en 1905 : cinq mille
ouvriers sont tués, et aussi 15.000 paysans par les cosaques. Bon,
alors personnalisons la situation : « 1905 est une
blessure pour Lénine, son espoir : la défaite dans la guerre
de son propre pays ». On note au passage la façon de
décrédibiliser et de s'exonérer de la critique de l'Etat tsariste
en faisant dire à Lénine que ces 20.000 morts ne sont qu'une
blessure...5
Subliminal mon cher Watson ! En plus ce salaud de Lénine depuis
son chalet confortable en Suisse ne rêve que de la défaite de son
propre pays ! Vous voyez ce que je veux dire, hein ? ET
après vous mettrez en doute qu'il ait été payé par l'Allemagne,
hein !
Pendant que Lénine
bronze en Suisse, la famine pousse des milliers de femmes à
manifester sur les grands boulevards de Petrograd – là le docu est
super nous montrant sur la carte la progression des manifestants
depuis l'emplacement du célèbre quartier ouvrier de Vyborg d'où
tout est parti. En plus les femmes se battent politiquement avec
leurs pancartes qui réclament leur droite de vote. Les flics
tsaristes bloquent les ponts mais les manifestantes passent à pied
sur les eaux gelées de la Neva. Pendant ce temps, le dogmatique et
intransigeant Lénine, dont l'aisance de la famille Oulianov lui
permet de bien vivre, prend le thé à la terrasse d'un bled suisse.
Retour sur le sol révolutionnaire où on n'a pas le temps de
bronzer. Comme les tsaristes ont encore tiré sur la foule faisant de
nombreux morts, femmes et enfants compris, pas de pot les garnisons
se mutinent et massacrent les principaux chefs des flics et des
militaires. Le palais de justice est incendié. Les portes de prison
sont grandes ouvertes, avec promesses des prisonniers de ne plus se
comporter en bandits (hum hum, beaucoup deviendront...militants
bolcheviques sadiques puis sadiques staliniens tout court).
Gloire au soviet spontané
qui s'affirme comme le vrai pouvoir contre le défilé des cartels
ministériels des Kerenski et Cie, façon quatrième République
française, lequel soviet décrète que les soldats peuvent désormais
s'occuper de politique. C'est encore une révolution de soldats en
effet, les conseils de soldats dominent, ce sont surtout plus les
soldats que les ouvriers qui défilent dans les rues. Paradoxe pour
bobos ignorants loupiats qui n'en est pourtant pas un, pendant la
révolution la majorité des ouvriers continuent à travailler. La
révolution n'est pas une fainéantise générale comme le croient
les apôtre nanars de la grève générale ou Hamon-salaire-sans rien
foutre. Ces constats mériteraient de plus amples développements6.
Malgré toutes les
combinaisons, stupeur pour la calotte, les bourgeois, Loupan et Arte,
le tsar tombe comme une pomme pourrie. Re-musique guillerette en
drone sur la Suisse pour faire un coucou au planqué Lénine. Ce
dernier ne regarde pas Arte ni ne dispose d'un blog sur le web, mais
il apprend par la presse imprimée que çà pète en Russie. « Quelle
frustration ! » s'écrie Arte. Puis, méprisante, la
chaîne bochisante ajoute : « Lénine réalise ce qui se
passe ». Lourd le planqué ! Et pendant qu'il buvait son
thé, il y a eux déjà au moins 1500 morts sur le pavé de
Petrograd, ça rigole pas une révolution comme les touristes en
Suisse. Lénine – qui a passé son temps à s'enfuir - se décide à
se rendre sur place, mais il expédie une missive où il a le culot
d'exiger une autre révolution, mais oui alors que, comme le certifie
Arte, les bolcheviks restés dans la patrie « jouent le jeu du
soviet et main dans la main avec les mencheviks ».
Plombé par le wagon
plombé, Lénine se pointe le 3 avril à la gare de Finlande. Pas de
liesse hein contrairement à la légende des Eisenstein et Cie, non
mais ce cabot de Lénine ignore en réalité le brave Tchkhéidzé7,
lui tourne le dos et s'adresse directement à la foule.
Retranscrivons grâce au CCI ce passage rapide et méprisant du
pigiste d'Arte, et ce qui est réellement déclaré :
« Dans son Histoire
de la Révolution Russe, Trotsky nous donne une description
détaillée de l'arrivée de Lénine à la gare de Finlande à
Petrograd le 3 avril 1917. Le soviet de Pétrograd, encore dominé
par les mencheviks et les socialistes-révolutionnaires, organise une
énorme cérémonie de bienvenue et fête Lénine avec des fleurs. Au
nom du Soviet, Tchkhéidzé accueille Lénine avec ces mots :
«Camarade Lénine (...), nous saluons votre arrivée en Russie
(...) Mais nous estimons, que la tâche principale de la démocratie
révolutionnaire est pour l'instant de défendre notre
révolution de tous les attentats qui pourraient venir contre elle,
tant de l'intérieur que de l'extérieur (...) Nous espérons qu'avec
nous vous poursuivrez ces buts.»()
La réponse de Lénine ne s'adresse pas aux dirigeants du comité
de bienvenue mais aux centaines d'ouvriers et de soldats qui ont
afflué à la gare :«Chers camarades, soldats, matelots et
ouvriers, je suis heureux de saluer en vous la révolution russe
victorieuse, de vous saluer comme l'avant-garde de l'armée
prolétarienne mondiale (...) L'heure n'est pas loin où, sur l'appel
de notre camarade Karl Liebknecht, les peuples retourneront leurs
armes contre les capitalistes exploiteurs (...) La révolution russe
accomplie par vous a ouvert une nouvelle époque. Vive la révolution
socialiste mondiale !»8Mais Arte nous assure que Lénine passe pour un fou, d'ailleurs sa propre femme aurait dit : « j'ai craint pour sa santé mentale » ; Arte ne nous précise pas si c'est parce que Lénine – en parfaite santé mentale et politique – craignait d'apparaître comme un OVNI ou s'il avait peur que les masses soient encore folles au point de croire à une victoire militaire de leur bourgeoisie.
Le pigiste d'Arte lâche
parfois des vérités, mais avec un raisonnement de sous-chef de
service. Ce n'est pas que Lénine ait perdu toute autorité, c'est
qu'il a affaire à un parti mou et opportuniste, englué dans le
conciliationnisme. Ce n'est pas tant Lénine en effet qui va
radicaliser les masses mais le gouvernement bourgeois de Milioukov
lui-même, qui s'obstinant à vouloir continuer la guerre – tous
les chefs d'Etat impérialistes ayant félicité la
« démocratisation » russe – qui met la classe
ouvrière, les soldats et la masse paysanne pauvre dans
l'effervescence : « A bas les 10 ministres capitalistes ».
Le pigiste fait entrer
dans le scénario aussitôt le petit lutin maléfique : « Lénine
saute sur l'occasion ». On va passer un peu trop rapidement sur
l'épisode du « facho » Kornilov le 27 août, où
pourtant les démocrates bourgeois étaient bien contents de se
cacher derrière le parti bolchevique et les masses d'ouvriers armés
qui ont fait reculer le général cynique. Voilà Lénine « qui
en profite pour imposer son pouvoir » avec ces slogans si
simplistes (n'est-ce pas?) et peu révolutionnaires (hin hin!) :
paix sans indemnités et terre aux paysans. Mais les carottes
bolcheviques ne sont pas encore cuites : la Russie se couvre de
soviets (voyez le plan avec les points rouges), Lénine est
ridiculisé publiquement par Kérenski. Etrange : « le
soviet protège Lénine » !? Lénine bafouille au balcon
que les manifestants doivent manifester pacifiquement. Le
gouvernement Kérenski est encore à la manœuvre puisqu'il réussit
à criminaliser Lénine auprès de « l'opinion » en
faisant circuler un faux document expliquant que Lénine est payé
par les allemands9.
Et ça marche, en temps de révolution les foules sont versatiles et
sensibles aux rumeurs. 800 arrestations sont opérées. Lénine est
encore en fuite évidemment selon le crétin pigiste d'Arte10.
Arte ajoute immédiatement «le fait que les bolcheviques aient reçu
de l'argent des allemands est une certitude »11.
Donc Lénine « se planque » et c'est la crise de
juillet ; le spectateur angoissé attend avec impatience le mois
d'octobre pourtant. Voilà le soviet affaibli par la crise de juillet
et Kerenski qui reprend du poil de la bête mais voit son projet
d'offensive détruit par la débandade générale des soldats du
front. Après l'épisode (rapidement évoqué du putsch de Kornilov
fin août) le pigiste d'Arte est obligé de reconnaître le
renforcement du soviet central quand le petit lutin espiègle et
cynique, après avoir quitté sa cabane en Suisse, s'est (encore)
« réfugié en Finlande » et psalmodie : « Les
masses sont plus radicales que nous ». Comprenez ce que veut
nous faire comprendre le pigiste de la télé merkelienne : le
fuyard perpétuel est un affreux opportuniste, il vit sur le dos du
peuple comme le pou sur la tête du prisonnier.
Fin septembre le fier
Trotsky est de retour à la maison, cet autre « fuyard »
dont on n'osera pas sur une chaîne antifasciste incriminer son
origine juive comme un banal pope poutinien, mais quand
La vermine Trotsky vu par un dessinateur stalinien |
Le début octobre a
montré l'avivement de la confrontation des classes. Lénine n'y est
pour rien, nous rassure le pigiste en voix off. Comme tout bon
démocrate libertaire le pigiste nous assure qu'un bon démocrate
doit attendre, démocratiquement, qu'une assemblée comme celle du
soviet central débatte librement, pendant des heures sous l'oeil des
journalistes bourgeois et du conseil des ministres gouvernemental de
comment, à quelle heure et quel jour décider de l'insurrection.
Qu'il faudrait donc attendre que se tienne la réunion du conseil
central pour gentiment et démocratiquement décider de décider de
déposer un pouvoir très démocratique et ouvert, même à tirer
dans la foule ouvrière sans distinction quand bon semble à ses
généraux et flics. Mais sous prétexte que « Lénine ne veut
pas partager le pouvoir », il dirige un complot dans le dos du
soviet avec pour complice le comité révolutionnaire composé du
Trotsky, d'Antonov-Ovsenko et de Dybenko « le beau costaud
prolo qui se tape Kollontaï à ce moment-là »12.
Du coup l'insurrection
proprette, bien annoncée dans l'agenda public avec délivrance de
certificat d'insurrection autorisée dûment par le tampon d'un
fonctionnaire du soviet, « échappe à tout le monde ».
C'est l'horreur le 25 octobre : « le gouvernement est
composé des seuls bolcheviques » !13
Après ce « coup
d'Etat » scandaleux et anti-soviet pour tous les imbéciles qui
se piquent de politique révolutionnaire grandiloquente dans la
niaiserie, le pigiste artien va égrener les pires clichés véhiculés
depuis cent ans, autant pas les anarchistes que par les libéraux et
les nazis.
L'assemblée constituante
est dissoute de force en janvier 1918, ce que Rosa Luxemburg a aussi
critiqué, avec son sentimentalisme démocrate hors sol, mais il est
facile d'ignorer la situation terrible d'isolement, la pression
internationale et la guerre civile qui se profile, toutes choses qui
ne vont pas favoriser les demi-mesures où des arrangements
démocratiques qui eussent été possibles si la révolution s'était
étendue à l'Allemagne. En réalité, plus la révolution est isolée
et cadenassée, plus le régime interne va être amené à se durcir,
et ceux qui réfléchissent un peu, peuvent comprendre qu'il n'y a
pas une volonté maléfique des bolcheviques ni en soi une volonté
de s'accaparer le pouvoir. Comme tous les récits fascistes d'antan
et moult déjections de télé depuis des décennies, on saute
allégrement dans l'exposition de la famine, comme si elle était dû
au gouvernement bolchevique, puis à la fondation de l'IC (20
secondes), puis à l'AVC de Lénine en mai 1922 (exhib de sa photo
effrayante sur sa chaise de pauvre paralytique). Sa légende
mortuaire et ridicule avec le mausolée. Une manière de bâcler la
révolution russe ou plutôt de l'enterrer pour la millième fois.
Le plus ridicule de la
propagandastaffel d'Arte est la deuxième partie de soirée. Pas de
débats sur une chaîne totalitairement hautaine et cultivée. Pas de
réflexion ni d'actualisation des conditions d'une inévitable et
nécessaire révolution moderne, mais place à l'humour lourdingue,
typiquement teuton ou parpaillot. Les crânes d'oeuf de la station
impérialiste Europa-bochum ont pris le relais des pigistes et se
sont trouvés géniaux d'imaginer distraire le spectateur qui
échappe encore à Hanouna et à Drucker, des graves questions
(impérialistes et communistes), en mettant en scène une
actualisation des événements à la sauce édition spéciale en
temps réel : notre correspondant à Petrograd vient de nous
informer de la chute du tsar, en direct de Petrograd, comment les
médias réagissent, flash sur les manifestations de femmes, photos
des cadavres morts de faim, etc.
Minable. Quoique les
menteurs d'aujourd'hui ressemblent totalement à ceux d'hier, avec un
micro HF dans le cul.
NOTES:
1Je
l'ai évidemment copié et peux en fournir un exemplaire à tout
requérant.
2Je
crois être un des seuls dans le CCI avec Bourrinet à avoir attiré
l'attention à la fin des années 1970 sur l'intérêt des travaux
de Ferro.
3Le
livre de Eric Aunoble, p.116 et suiv. Aunoble est un chercheur qui
nous intéresse. Je viens de découvrir l'étendue de ses travaux
sur lesquels le mouvement maximaliste devrait se pencher pour
nettoyer un peu des résidus poussiéreux léninistes et
bordiguistes, mais avec cet oxygène politique et théorique apporté
par les héritiers des Pannekoek, Rosa, Lénine lui-même, le jeune
Trotsky flamboyant et ces personnages anonymes pour vous les Appel,
Chazé, Chirik, Munis, etc. Allez donc faire un tour ici :
https://www.unige.ch/lettres/meslo/files/6214/5278/4877/cvaunoble.pdf
4Comment
ne pas se souvenir du jeune représentant du soviet de 1905
répondant avec culot au tsar ou à son représentant qui avait
commencé son homélie par « mes chers enfants... » ;
Trotsky avait répliqué : « nous ne sommes pas vos
enfants » !
5Ce
que Hérodote et tous les sites d'extrême droite et nostalgiques de
la terreur tsariste notent comme « un nombre limité de
victimes ».
6Je
m'y attacherai ultérieurement pour montrer en particulier, dans le
même sens que Ferro (et un peu comme Bitot), que le poids énorme
de la paysannerie et du fonctionnarisme tsariste, ajouté à
l'isolement rapide de la révolution, expliquent plus
l'autoritarisme obligé de Lénine qu'une volonté maléfique de sa
part, qui en fait en général un personnage peu scrupuleux et
….bonapartiste pour tous les cul-de-jattes revenus de leur piété
stalinienne ou maoïste, et vise dans toutes les péripéties
idéologiques à le faire passer pour le père spirituel de Staline.
Lire « En défense d'octobre 17 », par Marc Chirik.
7Arte
ne nous explique pas comment il se fait que, pas n'importe qui, ce
socialiste menchevique qui n'est autre que le président du Soviet
de Petrograd (jusqu'en octobre) – vienne accueillir en personne le
« vacancier suisse », « dirigeant marginal »
dans un wagon « payé par les allemands » ; comment
se fait-il qu'un personnage soi-disant secondaire soit accueilli en
fanfare et soit autant l'objet déjà d'une ferveur parmi les
ouvriers et les soldats ? Moi je vous le dis, représentez-vous
simplement l'impact que peut avoir en temps de massacre impérialiste
et de misère simplement les écrits « séditieux » d'un
petit bonhomme qui n'avait même pas encore l'aura d'un Jaurès ou
d'un Liebknecht ! Il y aurait une réflexion à mener à la
fois concernant le parti et l'homme Lénine sur l'extrême rapidité
avec laquelle ils devinrent « populaires » dans le bon
sens du terme, tout simplement parce qu'ils ont été capables
d'exprimer au mieux et magnifiquement les souhaits des masses. Là
est le secret de leur réussite pas dans le « complot
boche » !
8https://fr.internationalism.org/revorusse/chap2a.htm
. Les thèses d'avril, phare de la révolution prolétarienne Publié
dans sa Revue Internationale en 2006.
9Les
pigistes d'Arte ne se relisent pas car d'une part ils reconnaissent
que c'est un faux – sans développer que le voyage en train plombé
n'est aucunement la preuve de la corruption de Lénine, mais
simplement le désir du gouvernement allemand de contribuer au
désordre en Russie croyant l'affaiblir dans la guerre... comme
l'Etat français qui renvoie galamment Khomeiny en Iran pas
spécialement pour faire plaisir à l'impérialisme US ! - et à
la fin, on nous assurera que c'est prouvé (sans le prouver) que
Lénine était payé par les allemands !
10C'est
une condition de base d'une réussite de la révolution de protéger
ses meilleurs leaders du meurtre par les soudards bourgeois ;
d'alleurs on a vu que la masse des ouvriers l'avait compris peu
avant ce retournement d'opinion puisque même le pigiste nous a
avoué que « le soviet protégea Lénine ». Rosa et
Liebknecht n'ayant pas voulu se cacher, au nom de l'illusionnisme
démocratique, ont été rapidement lâchement assassinés par les
soudards aux ordres du gouvernement « socialiste » des
Noske-Scheidemann. C'était décapiter la révolution allemande peu
avant le massacre de centaines d'ouvriers berlinois par les corps
francs et un petit caporal moustachu encore inconnu.
11Des
billets de train gratuit certes (mais à tous les socialistes et
anars du train, même les mencheviks) peut-être aussi un peu
d'argent de poche ou des bombes ? Qui sait ?
12Rappelons
que la belle Alexandra est la seule femme membre du comité qui
prépare l'insurrection dans l'appartement de Soukhanov, et qui,
après avoir été longtemps portée au pinacle de la révolution
sexuelle dans les sixties fait désormais figure chez tous les
pigistes et historiens branleurs de Marie couche toi là.
13Ce
qui est notoirement faux et je m'étonne que Marc Ferro ait laissé
passer ce mensonge. Il y a encore des socialistes révolutionnaires,
représentants justement l'immense masse paysanne, sinon le
gouvernement dit « prolétarien » n'aurait même pas vu
le jour.
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