TRACT DU PCI
Non à l'intervention militaire française en Syrie!
Lundi
7 septembre, Hollande annonçait que dès le lendemain des avions
militaires français allaient mener des opérations de reconnaissance
au dessus de la Syrie, en préparation de futurs bombardements contre
l'organisation «Etat Islamique» (EI) dans ce pays. Le jeudi 16
septembre Manuel Valls, reprenant comme à l'habitude les thèmes de
propagande de l'ancien président américain G. Bush, déclarait
devant les députés que «la
France est en guerre contre le terrorisme»
et que cette guerre serait «longue».
Le porte-avion
nucléaire «Charles de Gaulle» et son groupe aéronaval devrait
participer à l'intervention d'ici quelques semaines.
La
décision du gouvernement a rencontré le soutien presque unanime des
partis politiques; à droite certains hommes politiques ont soutenu
que des bombardements seraient insuffisants et qu'il faudrait aussi
que des soldats aillent se battre sur le terrain, tandis que les
centristes de l'UDI préconisaient une alliance avec Bachar El Assad,
et Fillon une entente avec la Russie et l'Iran. A gauche, les Verts
ne se sont pas opposés aux bombardements; mais ils considèrent que
l'action militaire ne suffit pas (exactement ce que dit Valls!),
tandis que le Front de Gauche n'approuvait pas «l'extension
de notre [sic!]
engagement à la Syrie»,
tout en soutenant «avec
détermination le principe d'une force militaire contre Daech»
(déclaration au parlement du député PCF porte-parole du FdG). Ces
sociaux-impérialistes
n'ont rien contre l'intervention militaire française (ils ont
approuvé l'intervention en Irak), mais à condition qu'elle se fasse
dans le cadre de l'ONU et en «associant
l'ensemble des acteurs régionaux».
Plus
précis, le Parti de Gauche, a déclaré dans un communiqué qu'«une
opération militaire unilatérale de la France et de ses alliés de
l’OTAN sans coordination avec l’armée syrienne et les forces
kurdes conduirait à une aggravation de la situation».
Il n'a donc aucune opposition de principe à une intervention
militaire, mais demande une réorientation de la politique
impérialiste française – qui est de fait en cours.
D'opportuns sondages d'opinion
sont venus nourrir cet unanimisme guerrier en indiquant qu'une
écrasante majorité de français seraient favorables à une guerre
en Syrie, y compris avec envoi de troupes au sol!
Un an d'intervention
militaire
Depuis l'été 2014 des avions
français participent à la coalition américaine contre EI (qui
regroupe une quarantaine de pays); la France devenait ainsi le
premier pays à rejoindre militairement l'opération américaine en
Irak. Cette intervention française avait été approuvée par tous
les grands partis (et même implicitement par les trotskystes du
NPA).
Il s'agit de l'opération dite
«Chammal», comprenant des chasseurs-bombardiers et forte de 800
hommes (dont cent «instructeurs» militaires» à Bagdad et Erbil)
et qui aurait effectué plus de 200 bombardements, selon les
déclarations officielles, à prendre, évidemment, avec des
pincettes (1). L'opération avait été justifiée à grand bruit au
nom du sort des Chrétiens et des Kurdes menacés par l'EI;
aujourd'hui le gouvernement maintient le silence sur les attaques
menées par le gouvernement turc contre les Kurdes en Turquie, en
Irak ou en Syrie: énième preuve que ce n'est jamais le sort des
populations qui motive les impérialistes et leurs hommes de paille
gouvernementaux.
Il
s'agissait en fait d'arrêter l'avance fulgurante des insurgés
islamistes vers la capitale irakienne, Bagdad, et les gisements
pétroliers du sud du pays d'où les firmes internationales (Total
étant l'une d'entre elles) tirent de juteux profits. En outre
l'entrée en action des Rafale était un excellent argument
commercial pour vendre cet avion, comme ne l'avaient pas caché les
autorités françaises.
Mais lorsque les Etats-Unis
décidèrent en septembre 2014 d'étendre leurs bombardements contre
l'EI à la Syrie, le gouvernement français (comme d'autres) refusa
d'y participer, avec l'argument qu'il n'y avait pas de «cadre légal
et politique» à la différence de l'Irak où le gouvernement en
place avait demandé l'aide des Etats-Unis et de leurs alliés.
Il
est facile de constater que lorsque le gouvernement Hollande à l'été
2013 voulait bombarder la Syrie avec les Etats-Unis pour «punir
Bachar El Assad»
d'avoir utilisé des armes chimiques, il n'était pas gêné par
l'absence de tout «cadre légal et politique»! Le respect du droit
international, des décisions de l'ONU, etc., est une formule
utilisée par tous les impérialistes, français ou autres, quand
cela les arrange et sinon jetée au panier – ce fameux «droit
international» n'étant d'ailleurs lui-même que la sanction des
rapports de force inter-impérialistes.
En réalité le gouvernement
français, en 2013 comme en 2014 continuait d'avoir comme objectif la
chute de Bachar el Assad, alors que l'administration Obama avait
conclu que la chute du régime Baasiste risquait de rendre encore
plus incontrôlable la situation en Syrie et dans la région. Les
impérialistes américains ont toujours été parfaitement conscients
que le sinistre régime de Damas avait démontré jusqu'ici sa
capacité à maintenir chez lui l'ordre bourgeois, alors que leur
propre incapacité à mettre sur pied une force militaire syrienne
rebelle pro-américaine suffisamment forte, leur faisait craindre que
son effondrement débouche sur une situation pour eux ingérable en
plein coeur de la poudrière moyen-orientale. Leur décision de
bombarder l'EI en Syrie impliquait nécessairement des accords avec
Damas qui dispose d'une aviation moderne et de systèmes antiaériens
efficaces, probablement servis par des militaires russes; elle
signifiait donc que les Etats-Unis renonçaient, au moins pour
l'instant, à vouloir la chute du régime Baasiste. Tant pis si ce
régime sanguinaire continue à perpétrer ses crimes pour se
maintenir, il est devenu un «allié objectif» de la «démocratie»
américaine contre la «barbarie», maintenant incarnée par l'EI!
Paris
refusait par contre toute entente, même implicite, avec Damas. La
différence d'attitude des impérialistes français n'était pas
motivée par le souci de venir en aide au peuple syrien, comme
l'affirmait Hollande, mais par des intérêts strictement
mercantiles; le mépris persistant envers le sort des Syriens
réfugiés par millions dans les pays voisins suffirait à le
démontrer.
Tout
au long des dernières décennies les périodes de rapprochement et
d'affrontement se sont succédé entre la France et la Syrie selon la
gravité des heurts d'intérêts entre les deux pays. Après avoir
reçu Bachar el Assad à Paris en grande pompe sous Sarkozy quand se
profilaient de fructueuses perspectives d'investissement, les
bourgeois français en sont devenus l'adversaire lorsqu'ils ont été
déçus dans leurs attentes. Par ailleurs les gouvernements français
successifs se sont employés à tisser des liens avec les monarchies
d'Arabie Saoudite et du Golfe Persique, poussés par les groupes
capitalistes alléchés non seulement par les ressources pétrolières
mais aussi par des perspectives de ventes d'armes.
Le
gouvernement Hollande n'a eu donc aucune difficulté à se présenter
comme le partisan le plus résolu de l'hostilité des pétromonarchies
vis-à-vis de Bachar el Assad et de son parrain iranien, au point
qu'il est allé jusqu'à menacer de faire capoter les négociations
avec l'Iran sur le nucléaire! Cette «intransigeance» a permis à
Dassault et à d'autres firmes françaises, à la faveur du
mécontentement de ces pays envers la politique américaine de
rapprochement avec Téhéran, de décrocher de gros contrats
d'armement à la barbe des Américains...
La responsabilité française
dans le drame syrien
Mais
maintenant les choses ont changé; selon Hollande des bombardements
s'imposeraient en Syrie pour «riposter»
à l'EI ou pour le dissuader d'attaquer la France, tandis que Valls
donne comme argument de l'intervention militaire française en Syrie,
la «légitime
défense». Mais
les dirigeants français utilisent aussi sans vergogne le drame des
réfugiés, dont une bonne partie sont syriens, pour justifier cette
intervention.
Ces
arguments relèvent de la propagande la plus grossière; lorsque les
avions français ont bombardé l'EI en Irak, personne n'a dit, et
pour cause, qu'il s'agissait d'une «riposte» à des attaques; et
ces bombardements n'ont pas dissuadé des terroristes de commettre
des attentats en France; par ailleurs les responsables policiers ou
judiciaires n'ont jamais établi de liens de ces terroristes –
français!– avec l'EI.
Quant
aux réfugiés syriens, c'est l'effroyable guerre civile dont le
régime el Assad est le premier responsable, qu'ils fuient; les
exactions dont l'EI se vante publiquement pour terroriser les
populations et ses adversaires, ne sont pas pires que celles que
commet dans l'ombre le régime syrien. Mais laisser entendre que
bombarder la Syrie pourrait empêcher la venue en France de «hordes»
de réfugiés, est un bon moyen de recueillir l'assentiment d'une
«opinion publique» abreuvée depuis toujours, par les partis de
gauche comme de droite, de propagande chauvine et xénophobe. Aucun
de ces partis ni aucun média n'ira expliquer que c'est le
capitalisme mondial qui jette sur les routes de l'exil des millions
de prolétaires à la recherche d'un travail, et des millions de
réfugiés fuyant les guerres entre puissances bourgeoises!
Lorsqu'il était le colonisateur
de la Syrie, l'impérialisme français n'a jamais hésité à
perpétrer des massacres et à diviser les populations pour assurer
sa domination; il porte aujourd'hui, comme les autres vautours
impérialistes, une part de responsabilité dans la guerre civile qui
déchire le pays, aggravée de sa responsabilité historique dans la
situation de ce pays où il a encouragé les divisions internes.
Toute
intervention militaire impérialiste ne fait qu'accroître les
souffrances des populations, et les interventions militaires
françaises qui ont eu lieu au cours des dernières décennies dans
divers pays l'ont abondamment démontré. Jean-Marc Ayraut, alors
premier ministre, déclarait en août 2012 que son gouvernement
apportait de «l'aide»
aux rebelles syriens du «Conseil National Syrien» – une
organisation bourgeoise qui était également soutenue et organisée
par la Grande-Bretagne, les Etats-Unis, etc. La presse britannique a
affirmé que les Occidentaux avaient alors repoussé une proposition
russe de négocier le départ de Assad, sans doute parce qu'ils
pensaient pouvoir davantage profiter de la chute, qu'ils croyaient
proche, du régime (2); quelques semaines plus tard, le gouvernement
français se montrait le plus farouche partisan de bombardements
contre les forces armées syriennes. En outre divers Etats de la
région (Turquie, Arabie Saoudite, Emirats, d'un côté, Iran de
l'autre) sont intervenus et interviennent dans la guerre civile
syrienne tout comme les grands Etats impérialistes, que ce soit pour
défendre le régime en place, ou pour pousser à son renversement,
en recrutant, armant et tentant de mettre sur pied des bandes armées
fidèles à leurs intérêts.
En l'absence d'une force
prolétarienne de classe qui, seule, aurait pu unifier tous les
mécontentements dans une lutte anticapitaliste contre tous les
bourgeois, la rébellion contre le sauvage régime de Damas n'a pu
dépasser le cadre des divisions et rivalités régionales,
claniques, etc., où derrière le masque religieux ou ethniques,
s'affrontent férocement des intérêts bourgeois, qu'ils soient
locaux ou étrangers.
Opposition de classe
à toutes les
interventions militaires impérialistes !
Le gouvernement a tenu à préciser
que l'intervention militaire française avait été décidée et
qu'elle s'effectuerait en pleine autonomie; mais comme par hasard,
plusieurs Etats sont, eux aussi, sur le point de décider ou ont déjà
décidé de participer aux bombardements en Syrie: c'est le cas de
l'Australie et de la Grande-Bretagne.
C'est
à l'évidence le résultat d'une pression des Etats-Unis auprès de
leurs alliés, car jusqu'ici les avions US ont été pratiquement les
seuls à effectuer des bombardements en Syrie (par exemple 99% des
bombardements en août y ont été américains) (3); mais cela montre
surtout la recomposition en cours au Moyen-Orient: ce qui a changé,
c'est le rapprochement des Etats-Unis et de l'Iran, le fidèle
soutien de Damas.
Les Etat bourgeois, grands ou
petits, derrière le drapeau de la «lutte contre le terrorisme», ne
veulent que défendre, y compris par les armes, leurs intérêts ou
leurs ambitions dans la nouvelle situation régionale qui se profile:
la Russie renforce sa présence militaire en Syrie, tout en proposant
un accord aux Occidentaux, la Turquie renforce sa coopération avec
les Etats-Unis tout en attaquant les Kurdes du PKK et en se livrant à
des incursions en Syrie, l'Iran continue son soutien militaire au
régime de Damas tout en s'affirmant prêt à négocier, l'Arabie
Saoudite et ses alliés interviennent militairement au Yémen, etc.
La signature des accords de «paix»
avec l'Iran, en déstabilisant les équilibres établis, relance la
guerre dans toute la région!
L'impérialisme français,
vieillissant et affaibli mais qui n'a rien perdu de son agressivité,
ne veut pas rester à l'écart; en même temps qu'il réorganise sa
présence militaire au Sahel pour lui donner plus d'efficacité, il
abandonne sa politique anti-Assad et se lance dans une nouvelle
opération militaire pour participer à la future curée au
Moyen-Orient...
Les
prolétaires de France n'ont rien à gagner à cette nouvelle
intervention militaire de «leur» impérialisme, qui s'accompagnera
inévitablement, à la faveur du climat guerrier et d'union nationale
qu'elle suscite, d'une recrudescence des attaques anti-ouvrières.
Refuser de la soutenir, rompre avec l'«union sacrée» et la
«solidarité nationale» entre les classes, est un pas nécessaire
pour pouvoir résister à la grêle de coups infligés par les
capitalistes et leur gouvernement.
Il n'y a pas d'intérêts
communs entre bourgeois et prolétaires!
Au moment même où il joue la
répugnante comédie de l'accueil humanitaire des migrants, le
gouvernement, sous l'injonction des capitalistes, prépare
fébrilement de nouvelles mesures antisociales.
Au
moment où il fait mine de pleurer sur le sort des réfugiés syriens
(qu'il a jusque à ces derniers temps obstinément refusé
d'accueillir), il se prépare, sous l'injonction des impérialistes
et des militaires, à participer aux bombardements américains, se
déclarant même prêt à appuyer des opérations sur le sol syrien.
Les avions et les soldats français ne vont pas combattre pour
défendre les masses opprimées et les prolétaires du Moyen-Orient
ou de France: ils défendent uniquement les intérêts du rapace
impérialisme tricolore. Les
prolétaires doivent s'y opposer sans hésiter.
Les prolétaires de Syrie et
d'Irak n'ont rien à attendre des interventions impérialistes; un an
après le début de l'opération militaire des Etats-Unis et de leurs
alliés, les puits de pétrole irakien sont saufs, mais des millions
de syriens et d'irakiens ont été contraints de s'enfuir de chez eux
et les autres ont vu leurs conditions empirer. Les éventuelles
négociations qui pourraient s'ouvrir un jour après épuisement des
combats, n'auront d'autre but qu'arriver à un arrangement entre
bandits impérialistes et gangsters bourgeois locaux sur la
répartition de zones à exploiter et sur le maintien du
fonctionnement du système capitaliste – c'est-à-dire en dernière
analyse sur l'exploitation des prolétaires!
L'issue ne réside pas dans la
victoire de l'un ou l'autre des camps qui s'affrontent, ni dans de
vains appels pacifistes aux hommes de bonne volonté, ou dans les
habituelles négociations diplomatiques qui ne débouchent que sur de
nouveaux affrontements; elle ne se trouve que dans la lutte de classe
révolutionnaire contre tous les camps bourgeois. Les interventions
militaires «limitées» d'aujourd'hui annoncent de futures guerres
plus générales jusqu'à un nouveau conflit mondial: voilà l'issue
vers laquelle se dirige inexorablement le capitalisme.
Mais les prolétaires ne sont pas
éternellement condamnés à s'entretuer pour que vivent et
s'engraissent leurs exploiteurs; leur position sociale leur confère
la force potentielle de mettre fin à tous les régimes et toutes les
formes d'exploitation, libérant ainsi du capitalisme les masses
opprimées du monde entier; la condition est qu'ils s'unissent,
s'organisent et entrent en lutte sur le terrain de la défense
exclusive de leurs intérêts de classe, qui sont identiques pour les
prolétaires de tous les pays, de toutes les races et de toutes les
confessions.
L'union
internationale des prolétaires deviendra alors une puissance
irrésistible capable de déchaîner la guerre
sociale brisant
toutes les forces de la bourgeoisie pour mettre fin à son ignoble
monde d'oppressions, d'exploitations, de misère et de guerres.
Cette perspective n'est sans doute
pas immédiate, mais c'est la seule féconde et réaliste, la seule
pour laquelle il vaille la peine de se préparer à lutter!
Non à l'intervention militaire
française en Syrie! Impérialisme français, hors d'Afrique et du
Moyen-Orient!
Pour la reprise de la lutte
indépendante de classe, pour la révolution communiste
internationale,
Prolétaires de tous les pays,
unissez-vous!
Parti Communiste International
20/9/2015
(1)
Selon le site airwars.org qui compile les rapports officiels de la
coalition, les forces aériennes auraient effectué à la
mi-septembre (soit en un an environ) 6910 bombardements en Irak et
Syrie, et elles revendiqué avoir tué à peu près 15 000 partisans
de l'EI; il y aurait eu entre 575 et 1600 victimes civiles
innocentes.
(2)
The Guardian a
publié le 15/9 une interview d'un négociateur finlandais affirmant
que les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne avaient refusé
en 2012 une proposition russe de négociations d'accords de paix en
Syrie incluant le départ de Bachar El Assad.
(3)
http://airwars.org/news/coalition-strikes-civilian-casualties-august-2015/
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