En ces temps de dramatiques accidents ferroviaires en
série, la terrible répression des manifestations des partisans du gouvernement
islamique de Morsi en Egypte pourrait presque passer pour un autre fait divers
prolongeant la série morbide de « déraillements » dont on s’empresse de
faire porter le chapeau au seul prolétaire dans sa cabine pour valoriser les
bisous compatissant et pipole chic des aristocrates espagnols aux familles des
défunts.
Il aura fallu attendre un mois pour que le laquais
gouvernemental français Fabius proteste contre le non-nommé « coup d’Etat »
et néanmoins bain de sang sous l’épaule de l’armée en Egypte. Jusqu’à ce lundi,
c’est le même attentisme lâche de tout gouvernement occidental qui présidait à
cet étrange long silence. Un silence lourd d’approbation, si l’armée mercenaire
des USA était en voie de rallier les couches moyennes plus ou moins laïques, en
nous débarrassant des affidés frérots musulmaniaques, le viol du choix
électoral par l’armée n’était-il pas en passe de devenir « rectification
démocratique » ; presque cet obscur concept d’éligibilité-révocabilité
immédiate qui préside en particulier au début des révolutions prolétariennes.
Manque de pot, les masses dites laïques, pour le moins populaires, n’ont pas
voulu servir outre mesure de masse de manœuvre aux militaires, même face au
camp ennemi des frérots arriérés !
Nombre de posteurs anonymes « laïcards »,
pour ne pas dire pire, se réjouissaient plutôt du massacre des « arriérés ».
Or les dits arriérés constituent une importante partie de la population civile –
certains ne sont pas des saints et se réjouissent éventuellement de l’assassinat
de coptes tout comme ils aiment violer les femmes en public – mais ce n’est
certainement pas en tirant dans le tas que les mercenaires de la bourgeoisie US
obtiendront de justifier leur coup d’Etat ni l’amitié des peuples. Si des
arriérés se sont avérés prompts épisodiquement à violer des femmes non voilées,
l’aile militaro-policière de la bourgeoisie ne s’est pas gênée pour violer sa
propre légalité à coups de fusils. Il faut d’ailleurs souligner que ce viol
militariste barbare vient, lui aussi, confirmer la vacuité du cinéma de la
démocratie représentative. Au Chili en 1973, Allende avait été également viré
comme un malpropre, accompagné par le meurtre de centaines de prolétaires,
voire plus. Qu’on imagine les clameurs de la militance gauchiste si les
soudards égyptiens avait tiré dans une masse de manifestants de l’autre bord ;
on eût crié au « fachisme » ! Là, rien, silence radio depuis un
mois. La secte bourgeoise électoraliste LO persiste à mener sa guerre opiniâtre
contre la baisse du pouvoir d’achat et le NPA à s’émouvoir de l’érection
probable d’un aéroport breton, pour faire monter le prix du terrain pour les
ploucs des environs comme hier au Larzac et à Naussac.
Le commis
Fabius a donc rétroactivement appelé "à
la libération des prisonniers politiques, y compris celle de l'ancien président
Morsi", ficelé par l'armée
dans un endroit obscur au Caire. "Nous
condamnons les brutalités. Nous appelons au dialogue, a ajouté le commis.
La situation est très critique en Egypte. Il faut revenir vers un cheminement démocratique et refuser la violence ». Le sentier du « cheminement
démocratique » est tordu : « Le président Morsi avait été élu
dans des conditions régulières mais le sentiment qu'ont eu beaucoup de
personnes, c'est qu'il voulait aller vers un islamisme à marche forcée et d'autre part la
situation économique était catastrophique ». Ce n’est donc qu’une moitié
de désapprobation et on ne se risque pas à insulter la bête kaki. Cette même
armée qui emprisonnait les jeunes de la place Tahrir et organisait les
tests de virginité. Beaucoup d’attouchements de barbudos islamistes feraient-ils
oublier la photo de la femme dénudée, frappée à coups de pieds au ventre et
trainée par les militaires lors des manifestations antérieures ?
Nul doute que le commis Fabius a
voulu approfondir la phrase célébrissime du penseur d’Etat F. Hollande : « l'Islam
est compatible avec la démocratie » ; à l’heure où il faut plus faire
confiance aux imams formés en Françafrique pour domestiquer les « jeunes
hommes » violents des campings, des piscines municipales et de Trappes, qu’aux
pandores, qui ne déméritent pourtant pas de contrôler quelques provocatrices
déguisées en Belphégor.
LA POLITIQUE DE L’AUTRUCHE
Le NPA,
lorsque l’actualité dérange un peu trop ses clichés politiques, se contente de
publier la prise de position de confrères en trotskysme caméléon : «Pas
en notre nom!» Déclaration des Révolutionnaires Socialistes ». Curieuse
prise de position qui, tout en se distanciant de l’armée (du « bonapartiste »
Al Sissi), imagine que le coup d’Etat a été une étape de la révolution,
tout en se contorsionnant pour ne pas approuver les massacres avec cet
inénarrable fleur de rhétorique gauchiste démocrate le fameux « chèque en
blanc» trotskien: « Les Frères musulmans ont été
renversés afin d’approfondir la révolution et non pour soutenir le régime. Quels
qu’aient pu être les crimes commis par la Confrérie contre le peuple et contre
les Coptes en défense de son pouvoir au nom de la religion, nous ne confions
pas notre autorité au chef de l’armée: Al-Sissi [ministre de la Défense et dirigeant
du Conseil suprême des Forces armées]. Nous ne descendrons pas dans les rues
vendredi, offrant un chèque en blanc pour que des massacres soient commis. Si
Al-Sissi dispose des moyens légaux de faire ce qu’il souhaite, pourquoi fait-il
appel au peuple pour qu’il descende dans les rues? Il veut d’un référendum
populaire sur le fait qu’il assume le rôle d’un César [bonapartisme] et que la
loi ne lui fera pas obstacle ».
Au milieu de
contorsions qui zigzaguent et divaguent dans la trinité des (vagues) masses,
des frérots arriérés et de l’armée pro-USA, il semble bien que nos trotskiens
égyptologues refusent de servir de bébés éprouvettes aux retournements et
exactions de l’armée bourgeoise : « Les
crimes que Morsi a réalisés, il les a réalisés avec l’armée, la police et
l’Etat de Moubarak. Ils doivent tous être tenus responsables et jugés ensemble.
Donner au vieil Etat un mandat pour que ses institutions répressives puissent
faire ce qu’elles veulent de leurs partenaires en crime d’hier ne fera que leur
donner le champ libre pour réprimer ensuite toute opposition. Ils réprimeront
tous les mouvements de protestation, les grèves ouvrières, les sit-in et les
manifestations. Nous ne pouvons pas oublier que les crimes commis par les
Frères musulmans à travers le pays se sont déroulés sous les yeux de la police
et de l’armée sans qu’ils n’interviennent en aucune manière pour protéger les
protestataires ou les gens. Les masses qui descendent dans les rues ce vendredi
26 juillet 2013 font du tort à la révolution, quoi que puissent penser ceux qui
y participent. Donner à l’armée un mandat populaire pour qu’elle en finisse
avec les Frères musulmans va inévitablement conduire à la consolidation du
régime contre lequel la révolution s’est soulevée pour le mettre à bas ».
LES VERTUS AMBIGUES
DE L’ARMEE CAMELEON
Un ancien
petit chef de la vieille mouvance trotskienne, rangé des barricades romantiques
et promu journaliste au Nouvel Ob, Jean-Marcel Bouguereau détonna au détour d’un
articulet dans le silence de la gauche caviar et de ses gauchistes défenseur du
voile islamique et de la démocratie bâchée ; il confia son angoisse d’un
cheminement vers le
spectre de la « guerre civile » :
« C’est à un véritable massacre que l’armée
égyptienne s’est livrée. Un massacre dont les stigmates subsisteront longtemps
dans l’histoire d’Egypte comme dans la geste des frères musulmans que le
général Al-Sissi vient de transformer, à son grand profit, en martyrs. Des
dizaines de morts, peut-être une centaine, des milliers de blessés. En moins
d’un mois, le général vient ainsi de se situer dans une lignée sinistre. Tout
indiquait pourtant qu’Al-Sissi bénéficiait au départ d’un fort soutien
populaire. Les manifestations, plus importantes que lors du soulèvement
contre Moubarak, exprimaient la très forte hostilité que les frères
musulmans avaient suscitée. Ils avaient réussi à coaliser contre eux une
classe moyenne qui n’entendait pas se faire imposer un régime d’un
autre âge, contrôlant aussi bien le pouvoir judiciaire, que l’armée et les
médias ». Bouguereau
ne dit rien de consistant à partir de cette amorce d’inquiétude de bourgeois
repus. Il défendrait presque l’armée mercenaire caméléon lui-aussi. Il ne lui
vient pas à l’idée que, d’une certaine façon, l’armée caméléon a pris les
devants pour éviter une véritable guerre civile entre la population civile et
les diverses factions musulmaniaques qui se croyaient intouchables au pouvoir.
Mais, comme en Tunisie, avec la version inversée du meurtre d’opposants à l’Etat
islamique, la bourgeoisie internationale veut surtout nous faire croire que le
choix serait entre « guerre civile » entre musulmaniaques et une
vague population civile entrainée par d’aussi vagues « couches moyennes ».
Un tel choix sert à merveille à éviter toute mis en cause de l’Etat bourgeois,
des oscillations de son armée, pas si impulsivement brutale qu’on le dit ;
ce sont en effet des forces policières et des lumpens qui sont considérés comme
responsables principaux des massacres, même si l’armée caméléon a laissé faire.
LA COMEDIE DE LA CLIQUE DES OPPOSANTS EN DENTELLE EN TUNISIE
Toute l’hypocrisie de la défense de la démocratie représentative s’étale à vue
de nez depuis les cartels de nos révolutionnaires d’opérettes tunisiens jusqu’aux
marionnettes de la « gauche égyptienne » roulée dans la farine par l’armée
caméléon. Ne remettant nullement en cause les prérogatives de l’Etat, même occupé
par d’autres incapables musulmaniaques, la vindicte et le verbe haut de l’intellectuel
tunisien n’a de cesse que de vanter la démocratie représentative et l’unité
bourgeoise sous le drapeau national. Lecteur tu y cueilleras aussi des fleurs
de cimetières comme « la justice transitionnelle » ( !?) et ces
poncifs creux si pétainistes « travail, liberté, dignité nationale » :
« Nous,
Tunisiennes et Tunisiens conscients de l'extrême gravité de la crise que
traverse notre pays, refusons la reproduction des scénarios algérien et
égyptien. Déterminés à résister à la guerre civile, à la contre-révolution et à
la tentation d'un retour à l'ordre sécuritaire, nous sommes résolus à nous battre corps et âme pour une solution collective, qui ne peut
être que politique. Celle-ci doit impliquer l'ensemble du peuple tunisien, toutes classes
sociales confondues, ainsi que l'ensemble de la classe politique, toutes tendances confondues. Aujourd'hui
que le feu est dans la maison, et même si les hommes et les femmes politiques
que les Tunisiens se sont choisis n'ont cessé de jouer au jeu du pompier pyromane, l'Assemblée nationale
constituante reste, malgré ses défaillances, le seul espace d'élaboration
commune d'un compromis politique capable de nous faire sortir de la crise dans les plus brefs délais. Quelles que
soient les responsabilités des uns et des autres, le temps n'est plus aux
accusations et aux dénonciations factices. La seule voie qui doit nous guider pour les prochains jours est la ligne rouge entre ceux
qui fomentent et exacerbent la guerre civile, et par conséquent le processus de
désagrégation nationale et sociétale, et ceux qui s'y opposent malgré leurs
divergences idéologiques et politiques. Cette issue, confortée par des
modalités concrètes de justice transitionnelle, est la seule à même de remettre les revendications originelles de
la révolution tunisienne au centre
du processus : travail, liberté, dignité nationale » (cf. Hèla Yousfi
(universitaire) et Choukri Hmed (universitaire) in Le Monde).
La Tunisie n’a pas plus connu de
révolution que l’Egypte. Tout le bla-bla qui enveloppe au fond une crise
sociale inextricable et ininterrompue n’a pas pour but de sauver une révolution
qui n’est même pas née. Les tribunes bien pensantes des intellos de la petite
bourgeoisie politique et universitaire ne peuvent pas cacher une réalité où,
sous la fausse opposition islamistes/démocrates, chaque fraction bourgeoise a
pour but de tirer sur l’autre comme sur des perdrix, mais surtout d’exposer le
prolétariat de ces pays à une mitraille qui
puisse les pousser à terme à choisir un de ces deux camps, tous deux étrangers
au sien : celui de la lutte internationale et sans drapeaux nationaux des
prolétaires internationalistes.
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