"La suppression de la propriété privée... suppose, enfin, un processus universel d’appropriation qui repose nécessairement sur l’union universelle du prolétariat : elle suppose « une union obligatoirement universelle à son tour, de par le caractère du prolétariat lui-même » et une « révolution qui (...) développera le caractère universel du prolétariat ».
Marx (L'idéologie allemande)

«Devant le déchaînement du mal, les hommes, ne sachant que devenir,
cessèrent de respecter la loi divine ou humaine. »

Thucydide

samedi 2 février 2008

Belgique

DESINTEGRATION et féodalisation


« L’ordre poursuit le désordre »

Daniel Halévy (Histoire de quatre ans)

(Je me résouds à publier ici ce texte de politique fiction rédigé il y a six mois, et qui devait paraître dans une revue devenue fantôme avec un éditeur en carafe - je le dédie tout particulièrement à l'excellent comique belge François Pirette)

Alors qu’on attend encore la réponse des historiens à la question de savoir si la Belgique est morte de mort naturelle, si elle a été assassinée, si elle s’est suicidée ou si d’autres l’ont « suicidée », sa longue agonie et désintégration est célébrée en 2014. Quelque chose était pourri au Royaume de Belgie/Belgique. Qui avait eu intérêt à la désintégration de la Belgique ? L’Allemagne, si active naguère en Croatie ? L’Angleterre comme après Waterloo en 1815 ? Les Etats-Unis si craintifs à l’idée d’une Europe forte ?

Dans la géopolitique des anniversaires, on se souvient cette année des débuts des deux « protectorats » : celui, désormais décennal de la Flandre et le rattachement de la Wallonie au Pas de Calais et aux Ardennes. Les accords de Folkestone mettaient fin aux combats en Wallonie, après des années d’engagements sanglants. Caractéristique de l’accord diplomatique incertain qui sert aux grandes puissances à temporiser, le caractère atypique de celui-ci qui prétend imposer un modèle de système constitutionnel. Une machinerie politico-bureaucratique complexe est née. Même si certains résultats positifs ont été atteints, surtout en ce qui concerne les réfugiés wallons de Bruxelles (environ 55% ont pu s’établir sur la côte d’Opale), l’appareil d’Etat bipolaire se présente comme éléphantesque, très onéreux et souvent inefficace. En outre, selon presque tous les analystes politiques, il est indéniable que, aujourd’hui encore, bâtarde de cette nation artificielle à bourgeoisie bègue plus que bilingue, la Wallonie accueille quatre populations ethniquement divisées entre elles, Flamands parfaitement bilingues, Flamands néérlandophones, Flamands germanophones et Wallons-Wallons. La pacification est, aujourd’hui encore, garantie par la présence d’un contingent de troupes, actuellement celles de la Chine et du Canada.

A Knokke-Heist, charmante station balnéaire en mer du nord, lors de ces derniers mois, ont été avancées différentes propositions pour une solution définitive. Après des années où l’on s’est retranché derrière la formule « d’abord remplacer le roi, ensuite trouver une princesse » qui a garanti le pire statu quo dans le Brabant, qui vit dans une sorte d’obscurité médiatique, se profilent les premiers signes d’un intérêt international indéniable. Le 1er avril, les Nations unies, après la discussion au conseil de sécurité, ont décidé d’ouvrir formellement les négociations pour définir le statut des quatre provinces de l’ex-Belgique après avoir interné les tortionnaires du Contrex et du Vlan Blok qui seront jugés par le tribunal de Vancouver (Canada).

De nombreux observateurs s’accordent à reconnaître que la situation économique et des droits humains est actuellement à bien des égards pire que ce qu’elle a été il y a sept ans. Le mois dernier, le bloc américano-allemand, auquel sont affiliés la Grande Bretagne, l’Italie et le Danemark, a présenté un document qui prévoit l’indépendance de la Flandre. L’Inde et l’International commission on the Pays-Bas, financée par cinq Fondations privées, est parvenue à une proposition analogue qui ne devrait leurrer personne depuis que la Flandre a été rattachée à la Rhénanie-Westphalie.

La Wallonie ne cache pas son angoisse et sa peur d’un futur incertain en vue d’une réunification où la langue flamande serait obligatoire dès le berceau en complément de la langue teutonne. Une peur qui ne cesse pas d’augmenter avec les multiples tentatives états-uniennes d’imposer leurs accords pour un multiculturalisme à prédominance flamande et la réduction du français au rang de dialecte, sous prétexte d’en finir avec l’ingérence franco-chinoise qui nuit à la cohésion interne occidentale et ruine systématiquement un nouvel équilibre des forces dans la région.

Ces accords, aussi limités soient-ils, ont sans cesse marqué l’histoire de la Belgie jusqu’au Luxembourg. Ils ont signé la fin d’une guerre ethnique qui a fait couler beaucoup de sang belge, en prétendant éviter d’enfermer les différentes communautés, en tant qu’ennemies dans une même Belgique. C’était une solution pour pouvoir remettre de l’ordre en s’appuyant sur la communauté la plus puissante économiquement et qui eût dû conserver le contrôle de Bruxelles depuis la contre révolution de 1815. Mais l’ancien Etat belge avait toujours été un Etat lâche, refusant d’accueillir les Communards en 1871 et expulsant Victor Hugo.

Les accords en question, qui sont en voie d’être imposés par les milliers de soldats du contingent américano-allemand et par les milliers de dollars, ont réussi à redonner vie à l’Etat flamand. Ils ont permis aussi le retour des cinq mille wallons qui ont quitté Bruxelles pendant la guerre.

Donc après des mois de négociations et la mise en place de divers cadres constitutionnels selon les différences culturelles et linguistiques, les communautés internationales multiplient leurs efforts pour convaincre les différents acteurs à modifier le texte des accords de Vierzon (France). Une modification significative sous hégémonie américaine qui permettra d’élaborer une nouvelle constitution capable de gérer le pays sans exclure aucune communauté comme ce fût le cas après la prise de pouvoir insurrectionnelle d’Yves Leterme en 2007 après la vraie fausse vraie blague de la RTBF qui, contrairement à l’affirmation d’un vulgaire groupe ultra-gauche n’était pas un détournement de l’attention sur une grève à l’usine Volkswagen, mais avait ranimé le sentiment national régionaliste (ou régional-nationalisme) qui promettait de raser gratis.

Il va falloir créer les conditions de coopération entre les différents représentants de communautés en Flandre et Wallonie et les responsables sur la scène internationale, tels l’Union France-Chine-Russie et l’organisation des nations unies américaine et germanique. Une coopération dont l’objectif ultime est de fonder un Etat avec un seul président comme cela aurait dû être le cas il y a sept ans en remplacement du roi enfui au Kinshasa, un gouvernement et un parlement représentatif de toutes les communautés.

VERS LA DESINTEGRATION DE L’EUROPE

On l’a compris il s’agissait d’une prolongation du canular pas drôle du tout de la RTBF sur la résistible agonie de la Belgique. Chacun de vous a peu ou prou imaginé un tel scénario avec en tête l’éclatement tragique de la Yougoslavie (les belges seront-ils pires entre eux ?).

Ce dernier Etat était un produit récent des marchandages impérialistes de la Deuxième Guerre mondiale. Avec la Belgique, Etat fédéral bancal et jamais unifié autour d’une seule langue, l’affaire est plus ancienne, mais il n’existe aucune garantie que le nationalisme régionaliste qui est mijoté de toutes parts ne mène pas à des issues aussi sanglantes, voire gravissimes par extension au cœur de l’Europe. Ce nationalisme vraiment de clocher peut parader tant que la classe ouvrière reste muette. Les micros nationalismes régionaux en se généralisant – sous prétexte d’une meilleure intégration à l’Europe - s’ils affaiblissent le continent européen en le fractionnant, s’ils devaient persister à se répandre, compliqueraient singulièrement la lutte des classes, encore si opaque, si confuse et si méprisée par les médias.

Le nationalisme classique dans sa référence à l’Etat en tant qu’Etat territorial ou en tant que démocratie dont l’idée directrice domine encore les vieux pays, n’a plus d’objet dès que les régions entrent en concurrence au niveau régalien sur des bases mafieuses linguistiques ou religieuses. Par le facteur de l’ancien ordre de grandeur pratiqué dans la politique des grandes puissances, les régions se sont vues longtemps refuser le droit de constituer leur Etat à elles, ravalées au rang de clients ayant perdu toute indépendance dans certaines sphères d’influence, par rapport aux grands Etats mondiaux restés seuls maîtres du jeu d’un nationalisme de grand seigneur.

Absurde la croyance en un regroupement de grands blocs comparables à l’époque de la guerre froide. Absurde également la mondialisation avec son immortelle idée de la libre expansion économique dans le monde. Le mode de vie des régions occidentales a perdu son ingrédient essentiel qui ne réside plus dans le caractère privé de la vie communautaire mais dans le caractère économique de la vie sociale.

Ainsi, d’entre les fissures et les joints et par-dessus le bord des vieilles nations, jaillit comme un fruit de la désintégration cela même contre quoi les grands Etats avaient prétendu se constituer. Or, c’est à partir de leur infection inconsciente et involontaire par les querelles linguistiques et le communautarisme que les grandes puissances peuvent se sentir menacées de perdre la base de leurs normes de centralisation.

L’effondrement du bloc de l’Est, loin de résoudre la crise nationale universelle, n’a fait qu’accentuer et précipiter dans le chaos la transformation des rapports entre les régions et l’Etat central. Ce fut, avec Marx et Engels l’espérance de voir les Etats capitalistes se diluer dans de grands ensembles continentaux. Ce fut depuis les débuts du vingtième siècle, l’espérance socialiste et communiste d’une période révolutionnaire qui mettrait fin aux frontières et préparerait la fin de tout Etat, et non sa démultiplication en petites unités régionales.

Comme à l’ère du national-socialisme, la notion de race régionale est un pas décisif dans la dépréciation du sentiment national qui est figé et caduque historiquement depuis 1914. Que Bruxelles soit bombardée capitale européenne dans son enclave, que la Flandre obtienne la complète sécession, tous ces projets sont envisagés en contradiction avec le principe d’indépendance et d’existence historique des vieilles nations. Le concept de nation prend dès lors un nouveau sens racial, si toutefois il y a encore un sens autre que celui de petits Etats, arbitrairement formés d’un dosage administratif ethnique et de territoires colonisables. La perturbation d’un sentiment national, même plutôt artificiel à l’origine, et qui se voit dégradé au stade de la multiplicité ethnique, amène le dépérissement des valeurs spirituelles, traditionalistes et chtoniennes qu’impliquait le caractère spécifiquement culturel des nations au sens jacobin ; tout cela éloigne considérablement un véritable dépérissement marxiste de l’Etat réactionnaire. Le concept de nation est non seulement dépassé au sens historique – même si l’internationalisme « prolétarien » n’a pas triomphé ou n’a que trop tardé à le supplanter – mais aussi en tant qu’Etat national.

Ce sont, d’une part de nouvelles puissances émergentes continentales qui colonisent ou plutôt infectent la vieille Europe et d’autre part les plus petits Etats du vieux continent du capitalisme qui se trouvent abaissés au rang d’Etats secondaires dépourvus de la liberté de disposer d’eux-mêmes. On ne peut pas oublier que dans les années septante du siècle dernier la Belgique était bien loin industriellement devant la Chine. On ne peut pas nier que la disparition de toute industrie dans l’ancienne Belgique a préparé le morcellement régionaliste.

Les puissances émergentes se caractérisent par un nationalisme prédateur mais désuet. Les anciennes puissances sont marquées par leur dépérissement économique et idéologique. L’effritement belge exprime mieux que l’ex-Yougoslavie la tendance au fractionnement de toutes les anciennes nations, mais à un niveau qui menace de déchirer toute la mystification européenne.

Sous la pression de la crise économique permanente et de la déchéance de sociétés vides de projets, l’Etat n’est plus que l’association de bandes népotistes. Tout Etat est basé sur la force arbitraire, type de la réalité dernière dans une société en désagrégation. Cette régression de l’Etat abandonnant sa fonction d’arbitre des classes de la société, de régulateur et de promoteur de la classe dominante, conduit à une relégation progressive de l’Etat national de ses pouvoirs régaliens, de ses pouvoirs de décision à des corporations linguistiques autonomes, à des groupements de personnalités politiques motivés plus par la concussion que par l’intérêt public, peu soucieux de préserver la civilisation de la dérive sur la haute mer du chaos.

Cet absolutisme régional, quels que soient ses buts sociaux, son credo politique, devient par la même le critère suprême selon lequel le chacun pour soi constitue le premier et le dernier commandements. La molle Europe aspirant à prévenir cette tendance dangereuse et à prétendre maintenir une centralisation comme celle des Bismarck et Napoléon III, se trouve elle-même entraînée ou à la veille de l’être dans une évolution qui intègre une myriade de petits Etats comme garant le plus efficace de l’ordre contre le prolétariat, nullement pour accéder au statut de grande puissance.

De ce fait, le libéralisme qui prétendait se défaire du tout Etat, se trouve refoulé par les puissantes impulsions communautaristes pour n’être plus que l’otage d’une forme de fractionnement de la société très ancienne qui, sous des dehors modernes et nécessaires, prétend être un progrès absolu tant chez les théoriciens régionalistes tant wallons que flamands, mais aussi bavarois, gallois, basques, galiciens, etc.

L’Europe ne pourra jamais exister comme puissance, minée par la désintégration régionale, ni être apte à créer un pouvoir central discrétionnaire comme n’importe lequel de ses anciens grands Etats. Tout Etat de grande nation ne peut remplir sa tâche en tant que suprême organisme de contrôle qu’à l’intérieur d’une sphère de souveraineté unique et illimitée. Cette sphère coïncide avec la sphère de puissance d’un Etat régalien centralisé. Le fait que se dégage une tendance irréversible au fractionnement des anciens Etats ouvre un abîme pour tout pouvoir central en concurrence avec autant de micros Etats régionaux. L’isolement politique qui en résulte peut toutefois, sous la pression de la crise économique mondiale contraindre ces micros Etats à se soumettre à l’Etat régional le plus puissant sous couvert de supranationalité européenne qui ne sera jamais qu’une passoire d’intérêts planétaires carnassiers.

En attendant une éventuelle situation de crise contraignante, la victoire du fractionnement, loin de préserver l’intérêt des peuples et des travailleurs, monde aux intérêts indissolublement différents, menace bien plutôt de morceler l’Europe en féodalités qui seront séparées les unes des autres par de rigoureux antagonismes d’intérêts et de notables différences de niveau de vie. C’est là exactement le fond traditionnel de l’idéal politique de l’avenir de la bourgeoisie.

Affirmer que cette situation serait éternelle, pour éviter de nouvelles guerres, serait pour le moins un jugement superficiel. La situation réelle est infiniment plus complexe et dramatique à terme. La représentation vulgaire du caractère épouvantable de la politique des grandes puissances, méconnaît le fait que la puissance et l’aspiration à la puissance ne peuvent être supprimées ni dans les rapports entre les grands Etats ni entre les petits Etats régionaux. Sous le prétendu équilibre des forces se cache toujours le diktat de l’Etat continental dominant qui détient le monopole de la force économique et militaire.

Le capitalisme en est venu à piétiner irrésistiblement et involontairement ses anciens cadres nationaux institutionnels au rythme de la dérive de son économie, de sa désindustrialisation accélérée dans ses anciens fiefs productifs. Il a encore besoin d’un médicament de cheval, ou de se qu’il croit être une solution, comme la nuée annonce l’orage.

2 commentaires:

  1. Troisième et dernière tentative pour envoyer ce commentaire...

    A parcourir votre blog - fort bien écrit par ailleurs -, après plusieurs mois d'absence, je me pose toujours la même question : pourquoi vouloir imposer aux gens de choisir entre capitalisme et marxisme ? J'agit-il donc de choisir entre le Bien et le Mal ? Je déteste, pour ma part, les approches désespéremment systémiques que proposent ces deux "modèles". Avec les capitalistes, comme avec les marxistes, les gens ne sont que des pions, prisonniers de leur compte en banque ou de leur classe sociale. Ainsi, on les enferment dans des grilles de lecture qui ne sont pourtant que des créations de l'esprit humain. Pas d'alternative, donc, ni pour les uns, ni pour les autres. Les uns disent : "le pognon, c'est génial ! La Bourse, c'est formidable ! La spéculation, officiellement c'est pas bien, mais en réalité c'est merveilleux ! La loi de la jungle, ya que ça de vrai ! Premier arrivé, premier servi ! Et pas de pitié pour les perdants !". Les autres disent : "la lutte des classes explique TOUT ! Absolument TOUT ! Et tout doit être pensé à partir de celà ! Les "comités", les "cellules", les "partis prolétariens", ya que ça de vrai ! La Révolution ! La Révolution ! Et ceux qui ne sont pas avec nous sont forcément contre nous, car ils sont à la solde de la réaction !" Et il me semble que je caricature à peine...

    Franchement, moi qui déteste le pognon tout autant que les dogmes, quand j'entends parler les uns et les autres, j'ai simplement envie de faire le choix... de ne pas choisir.

    Je doute que vous puissiez arriver à me convaincre, mais je prendrais volontiers connaissance de vos arguments, si vous souhaitez me répondre... :-)

    Cordialement, :-)

    Hyarion, le démocrate anarcho-monarchiste.

    PS : j'adore la blague de Toto étudiant... ;o)

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  2. Chouette ! Cette fois-ci, ça a marché ! ;-)

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