"La suppression de la propriété privée... suppose, enfin, un processus universel d’appropriation qui repose nécessairement sur l’union universelle du prolétariat : elle suppose « une union obligatoirement universelle à son tour, de par le caractère du prolétariat lui-même » et une « révolution qui (...) développera le caractère universel du prolétariat ».
Marx (L'idéologie allemande)

«Devant le déchaînement du mal, les hommes, ne sachant que devenir,
cessèrent de respecter la loi divine ou humaine. »

Thucydide

vendredi 17 février 2023

LA DANSE DU VENTRE DES SYNDICATS AUTOUR DU PARLEMENT


5ème épisode

Préambule sur la manif parisienne de ce jour 

On apprend toujours en discutant sur le lieu d'une manifestation, et à en juger de l'ampleur ou pas1.

Peu importe le nombre, la manif se déroulant en période vacancière, on notera simplement en passant que les médias s'ingénient à souligner la baisse de la fréquentation, avec lourdeur.

Choses vues : comme c'est devenu une habitude à Paris, les manifestations se scindent en deux cortèges parallèles. Le premier cortège, atteignant le boulevard de l'Hôpital, seulement après deux heures du début, confirmait le choix des généraux syndicaux de continuer à prétendre faire masse sur un parcours court de Bastille à Place d'Italie. Devancé comme toujours par la pré-manif comportant plusieurs milliers de rétifs aux cortèges syndicrates ; quelques discussions échangées plus fines comme toujours que dans le gros des cortèges traîne-savates et sans gogol à mégaphone éructant des trucs débiles à répétition.

Le défilé officiel suivant s'écoulait derrière les employés municipaux en gilets bleu criard, les troupes CFDT orange, des troupeaux étudiants agités, pratiquant ponctuellement des sit-in bruyants, avec des slogans du genre « A bas le patriarcat », composés de futurs cadres de la gauche bourgeoise et de prochains syndicalistes de base (pour échoués du système universitaire), clos par les cadres de la CFTC. Tombant au bout de 400 mètres à peine de la fin de ce cortège sur les voitures balais de la municipalité j'étais étonné de la maigreur de ce défilé et je m'inquiétais presque de l'absence du dernier « syndicat ouvrier », la CGT, lorsqu'on m'expliqua que le deuxième cortège se déployait (étroitement) boulevard Vincent Auriol. Je traversai et rejoignis cet endroit où les ballons de SUD ouvraient la marche suivi par les ballons FO et CGT. Ce deuxième cortège était manifestement plus ouvrier, plus âgé et avec plus de nez rouges CGT. La CGT n'est plus pour longtemps une référence « ouvrière » puisque la succession déjà programmée de moustache Martinez vise à le remplacer par une féministe wokiste.

Le seul slogan intelligent que j'entendis provenait des rangs FO « Pas pour Macron et sa guerre ». C'est la première fois que je vis le personnel syndical aussi angoissé à l'idée de voir crever leurs ballons aux branches des arbres de l'étroite avenue Vincent Auriol, ce fade et inutile ex-président du temps jadis, on les dégonflait partiellement ou la voiture porteuse de l'attirail déviait vers un trottoir sans arbres. Je dois avouer que je jouissais à l'idée de voir ces ballons crevés.

Par bonheur j'eus la chance de côtoyer un bel italien observant le défilé (mesdames vous vous fûtes pâmées! Et elles le mataient en défilant). Sur l'appréciation de la situation en France, il me dit son admiration car en Italie au niveau protestation sociale « il n'y a plus rien ». J'objectais que selon moi il s'agit plus d'une manipulation du pouvoir pour recrédibiliser une opposition mal en point depuis des années. Il n'était pas d'accord estimant que cela démontrait une vraie colère ; d'ailleurs quelques minutes auparavant un jeune militant du CCI m'avait rétorqué : « nous pensons le contraire de toi, c'est d'abord une attaque contre la classe ouvrière ». Mon italien se questionnait à haute voix : « je ne comprends pas pourquoi Macron a été se mettre à dos la CFDT, alors que c'est un syndicat aimable avec le pouvoir ». Alors je lui ai répondu :

- mais il était nécessaire que le Berger syndical joue à l'unisson de la fable « unitaire » car c'est tout le syndicalisme qui est en crise de représentativité ; pour envelopper et encadrer l'ampleur du mécontentement (certes individualiste et très corporatiste) les soit disant radicaux CGT et SUD n'auraient pas suffi à déployer autant de fumigènes ! Et à drainer une telle masse de gens ! Sans compter que la CFDT n'est pas le premier syndicat de France pour rien, elle encadre une masse de cols blancs en certains endroits bien plus nombreux que les cols bleus ! Et ces cols blancs tombent aussi parmi les cols bleus !

Lorsque nous avons évoqué la question de la guerre en Ukraine, j'ai demandé à l'italien quelle était la raison de l'absence d'un mouvement de protestation en France comparable aux manifs contre la guerre au Vietnam durant les sixties ?

  • - en Italie par contre la dénonciation contre la guerre est publique, mais vous en France étant donné que les médias sont à fond pour l'Ukraine, ils vous coupent l'herbe sous les pieds.

Quand nous avons observé la présence et la proportion d'éléments petits bourgeois dans les cortèges, étudiants féministes, cadres CFDT et CGC, je lui ai fait part de mon analyse sur la fameuse chute de la petite bourgeoisie dans le prolétariat, accélérée de nos jours avec la crise du Capital : « le problème est que ces couches chutent avec leurs idéologies pourries, féminisme délirant, communautarismes, écologie punitive, moralisme sexuel, etc. ». Il eût cette réponse que je trouvai décoiffante avec cette langue de miel :

  • - ma parce qu'il faut oun parti !

L'homme avait lu Bordiga, sans se déclarer bordiguiste. Mais c'est sur l'appréciation du mouvement qu'il fût encore plus incisif :

  • - les manifestations actuelles c'est bien mais il y a une différence avec 95, et j'y étais, tu y étais aussi ? Aujourd'hui il y a des manifestations mais peu de vraies grèves, en 95 il y avait moins de manifestations mais plus de grèves, qui ont duré un mois et demi.

Sur l'expérience bolchevique de prise du pouvoir par le parti (bon dieu pourquoi parler de ça dans une minable manif sur les retraites?), mon ami italien était moins proche de moi. Il tiquait quand je lui ai dit que le parti ne devait pas se faire bouffer par le pouvoir d'Etat dans la transition au communisme, et qu'on ne pourrait pas mettre l'immense masse de la petite bourgeoisie dans des goulags mais qu'on devrait l'associer aux changements révolutionnaires, qu'on aurait besoin des qualifiés de cette masse... Sans doute un bordiguiste clandestin et pas déniaisé ?

Voilà pourquoi je suis rentré chez moi, malgré plus de 8 kilomètres dans les pattes, content de m'être déplacé pour des défilés qui ne m'enchantent guère.

LE JEU DE DUPES DU BARNUM SYNDICAL UNITAIRE

Je n'ai pas vraiment réussi à convaincre celles et ceux avec qui j'ai échangé durant la manifestation du caractère artificiel de « l'organisation » du mécontentement, et je ne suis pas tout à fait satisfait d'être à contre-courant. Je pense cependant qu'il n'a échappé à personne ce scénario où au parle-ment on s'écharpe entre « responsables » et « rigolos » pour une réforme prétendue pliée d'avance face à « une rue » gentiment contestataire, nombreuse mais simple chaire à discours syndicaux.


L'image détournée choisie pour cet article, allusion à une iconographie de 68 quasi introuvable (car anti-démocratique...)2 à côté de tant d'autre dessins de l'atelier des beaux arts), avec laquelle j'avais illustré mon livre en 1988, illustre assez bien l'actuelle comédie médiatique et ses risques. Il y a peu de chances que la lutte de classe fasse tomber les quilles de cet opéra (opération séduction de la gauche contestataire) avec des choeurs aussi dissemblables et des partitions cacophoniques où on a joint diverses catégories du genre chauffeur de taxi, du transgenre commerçant, du genre féministe sinistre, du genre étudiant, voire du sous-genre lycéen.

Le programme de la protestation ordonnancée continue de paraître improvisé quand chacun sait qu'il n'en est rien, alors que la fonction de « coordinateur » syndical (peu spontanée) sort de l'ombre, sans doute une nouvelle race de syndicalistes, probablement sous-offs des généraux3. Poste doté en plus de la coordination avec les journalistes. Ce qui est formidable, et qui ne semble choquer personne, est que toute cette tragédie en actes de la babylonie syndicale décadente tourne autour de Ulysse parlementaire qui promet d'officier pour le clientélisme des retraites diverses, quand cela reste aux mains de la mafia ministérielle. On est sensé imaginer que la syndicratie est en mesure de faire plier l'Etat (pardon le gouvernement) via les rigolos de la Nulles, pour, un : faire croire que le parle-ment sert à quelque chose, quand vendredi soir son clapet sera fermé, et pour, deux : faire croire à un pouvoir de la « rue syndicalisée », qui ne sert qu'à diluer toute réelle lutte de classe dans diverses « actions » corporatives et manifs traîne-savates où le nombre ne signifie pas plus que les chiffres des stades au moment des manifestations sportives.

Plus drôle on nous vante une rue « pacifique » comparée à un hémicycle « violent ».

UNE CRISE SOCIOLOGIQUE ?

Le « mécontentement » version journalistes sociologues n'est qu'un sentiment d'insatisfaction où tous les chats sont gris. Les débats, que ce soit - soit disant - pour les plus défavorisés, avec la blague des 1200 euros, ou pour l'allongement ou le raccourcissement, ne donnent lieu qu'à une ridicule foire d'empoigne, où le slogan, sur le site de Quatennens par exemple – Sauvons nos retraites - ne signifie rien et rien du tout que...le maintien des inégalités actuelles dont monsieur toutlemonde est sensé craindre une attaque généralisée alors qu'elle est torve et ciblée, pas la même pour chaque corporation, diluée ou chloroformée avec la clause à pépère. Attaque multiforme, irrationnelle, injustifiable par Macron et sa clique de bedeaux ministres, parce qu'ils ne connaissent rien à la condition salariée et qu'ils prennent le peuple et surtout le prolétariat pour des imbéciles, or l'imbécile collectif c'est eux !

En 2019 Macron, lors de ses tournées explicatives pour effacer le mouvement des gilets jaunes, montrait déjà qu'il n'y connaît rien et surtout n'y connaît rien aux questions sociales et dit des conneries plus grosses que lui4 :

«  Prenons un enseignant, qui va avoir une retraite de 1 100, 1 200 euros. Ça peut être plus pour certains selon la fin de carrière qu’ils ont eue. Il arrive, il a 65 ans… Beaucoup m’en ont parlé. Il est angoissé parce qu’il se dit : "Dans dix ans, les enfants travaillent, c’est dur pour eux, c’est moi qui les aide déjà. Le jour où je veux rentrer à l’Ehpad ou à la maison médicalisée, c’est quoi ? 1 500, parfois 1 700 par mois."»

Heureusement pour eux les enseignants ont une retraite autour de 2500 euros. Quant aux EPHAD à 1500 euros ? Quel ignorant plaisantin ce bourgeois !

On nous explique que ce mécontentement est basé sur un sentiment de déclassement comparable à celui des gilets jaunes, « sentiment » au cœur de la « colère sociale », sous-entendu nouveau radotage version conflit riches versus pauvres. Ce discours sociologique c'est à la télé. Lorsque la télé vient à Albi voir les généraux syndicats en visite des troupes, ceux-ci révèlent à leur tour le but profond de la pièce de théâtre dans l'amphithéâtre national (et lire la note 1).

Martinez : On a besoin de « dialogue social ». A partir du moment où on parle des problèmes des gens, on a un soutien massif.

Berger : On est au centre du mouvement social. On montre que le mouvement syndical « est de retour »

Martinez : On défend un syndicalisme de proximité, du monde du travail.

Berger : le syndicalisme est en train de montrer sa centralité dans le monde du travail. Dans ce cadre pacifique, on va construire l'intersyndicale au soir du 7. On est indépendants des partis politiques. On fait un exercice démocratique de la démocratie.

LA GREVE A EVITER...CAR DISPENDIEUSE

La CGT, dont le patron Philippe Martinez s'était prononcé pour des «grèves plus dures, plus nombreuses, plus massives, et reconductibles», a appelé les salariés des secteurs des transports et de l'industrie à débrayer pendant 24 heures. Cheminots, dockers, électriciens, gaziers, salariés de la chimie et du verre devraient donc lever le pied et le poing jeudi prochain.Toutefois, les perturbations devraient moins peser sur le quotidien les Français. Dans le secteur des transports ferroviaires, la grève de jeudi ne devrait pas engendrer trop de suppressions ou de retards de trains.

Un souci d'économie des grèves qui permet de les limiter et nouvelle manière de les saboter... la grève restant plus dangereuse que la manifestation plus diluée et toutes classes et tous mécontentements mêlés ...

« La mobilisation de jeudi 16 février sera «moins suivie par les cheminots», assure Fabien Dumas, secrétaire fédéral SUD-rail, qui estime que les grévistes seront surtout «des militants et syndiqués habituels». «Nous sommes bien conscients qu'un empilement de journées de grève peut peser douloureusement sur les salaires et ne fait jamais plier un gouvernement. Ce que font en revanche des blocages reconductibles comme ceux de 1995 ou du 7 mars prochain».

Cette journée du 16 février avait une visée surtout symbolique, continuer à « assiéger » le parle-ment en train de causer sornettes sur une texte de réforme inamovible.

L'ombre d'une grève reconductible : « on va durcir le mouvement »

Menaces des généraux syndicaux : «si malgré tout le gouvernement et les parlementaires restaient sourds à la contestation populaire, l'intersyndicale appellerait les travailleurs et les travailleuses, les jeunes et les retraités à durcir le mouvement en mettant la France à l'arrêt dans tous les secteurs le 7 mars prochain». Frédéric Souillot, le patron de Force Ouvrière, déclarait sur BFMTV avoir mis en garde Élisabeth Borne au téléphone : «Si nous ne sommes pas entendus, […] on va durcir le mouvement». Fabien Dumas, secrétaire fédéral de SUD-rail, table quant à lui sur une mobilisation massive dans le secteur ferroviaire, SUD-rail, la CGT-Cheminots et l'intersyndicale RATP ayant déjà appelé à une grève massive et reconductible. Des cheminots ont ainsi déjà déposé leurs déclarations d'intention de grève alors que cela est possible jusqu'à 48h avant le jour J.

Toutefois, le Berger des cols blancs a précisé de son côté ne pas encore être «dans la logique de la grève reconductible» et que «ce n'est pas un appel à la grève générale» non plus, expliquant que le 7 mars fera l'objet d'un «appel à la grève de 24 heures mais pas forcément davantage». Comme le rappelle au Figaro Yvan Ricordeau, le mot «reconductible» n'apparaît pas dans le communiqué commun. La journée du 7 mars devrait surtout se traduire par une mobilisation «plus musclée», avec des actions diversifiées et renforcées.

Une journée de grève « totale », « reconductible » (mais pas générale), on en a vu d’autres. Cela gêne une partie du pays, mais les travailleurs qui le peuvent, et sans illusion ou sans choix, s’organisent tant bien que mal pour aller au boulot. Avec les confinements les « citoyens » ont appris à réagir vite, à s’adapter. Les blocages et les pitreries des Robins des bois vont contribuer à desservir la fable de l'unité universelle des confréries syndicales...et renforcer le caractère « borné » du gouvernement.

L'INTERPRETATION DE DEUX MINORITES A VOCATION REVOLUTIONNAIRE


Le groupe maximaliste « Révolution Internationale » a analysé intelligemment la comédie des 5 premiers actes ! « À cela s’ajoutait, sur les mêmes plateaux de télévision et les mêmes émissions radio, un « débat » assourdissant sur l’injustice de la réforme pour telle ou telle catégorie de la population. Il faudrait la rendre plus juste en intégrant mieux les profils particuliers des apprentis, de certains travailleurs manuels, des femmes, mieux prendre en compte les carrières longues, etc.

Bref, toujours le même piège, pousser à ce que chacun se préoccupe de sa propre situation,tout en mettant uniquement en avant le sort des « catégories » les plus défavorisées face à cette attaque !Mais au final, tous ces contre-feux, mis en place durant les trois dernières semaines, n’ont pas fonctionné. Et la combativité exprimée par un à deux millions de manifestants impose désormais aux syndicats de s’adapter à la situation. D’où le décalage de la prochaine journée de mobilisation du 26 au 31 janvier. Si les « partenaires sociaux » de la bourgeoisie justifient ce changement par la nécessité « d’inscrire le mouvement dans la durée en réalité, il s’agit pour eux de se donner du temps afin de poursuivre l’entreprise de division et de sabotage de la lutte. D’ailleurs, dès le 20 janvier, ils se sont empressés d’appeler les « bases à s’organiser » en lançant des appels à des méthodes de lutte totalement stériles telles que « aller devant une préfecture faire du bruit », « couper le courant des permanences des députés» ou « aller manifester sa mauvaise humeur devant celles-ci ». Tout cela sans oublier d’isoler les secteurs les uns des autres en appelant, par exemple, à une journée de grève dans les raffineries pour le 26 janvier. Autant de gesticulations qui ne visent qu’à tenter d’organiser la dispersion, d’épuiser et d’amoindrir le rapport de force d’ici le 31 janvier. Nul doute que les mobilisations secteur par secteur vont également se multiplier d’ici là.

Les travailleurs doivent prendre en main la lutte. Comment, à l’inverse de ce travail de sabotage préventif des luttes, créer un rapport de force permettant de résister aux attaques contre les conditions de vie et de travail ? Par la recherche du soutien et de la solidarité au-delà de sa corporation, de son entreprise, de son secteur d’activité, de sa ville, de sa région, de son pays.En s’organisant de façon autonome, à travers des assemblées générales notamment, sans en laisser le contrôle aux syndicats. Par la discussion la plus large possible sur les besoins généraux de la lutte, sur les leçons à tirer des combats et aussi des défaites. Car il y aura des défaites, mais la plus grande défaite serait de subir les attaques sans réagir. L’entrée en lutte est la première victoire des exploités. L’autonomie, la solidarité et l’unité sont les jalons indispensables à la préparation des luttes de demain. Car les luttes actuelles ne sont pas seulement des expressions de résistance contre la dégradation des conditions de vie et de travail. Elles sont également la seule voie vers la reconquête de la conscience d’appartenir à une seule et même classe. Elles forment le principal sillon à travers lequel le prolétariat pourra entrevoir une alternative à la société capitaliste :le communisme ».

Tout cela est bel, bon et généreux. Sauf que les travailleurs n'ont ni décidé du mouvement ni organisé celui-ci. Sous le verrouillage complet du ballet syndical il est pour le moins présomptueux voire ridicule, d'imaginer que les travailleurs pourraient arracher le contrôle des AG par les appareils syndicaux ! Quant à affirmer que « l'entrée en lutte est la première victoire des exploités » c'est comme d'affirmer que marcher au pas est une victoire. Mieux qui peut croire à cette alambiquée « reconquête de la conscience » et au « sillon » de manifs strictement corporatives et syndicales vers... le communisme ? C'est non seulement aller vite en besogne mais ridicule, même « poussée à bout » ou avec grèves reconductibles ce mouvement si encadré ne peut viser qu'à faire tomber le gouvernement et à le remplacer par un autre...aussi capitaliste. Le communisme attendra, et ce n'est pas parce que vous l'invoquez à la fin de chaque article qu'il redeviendra plus crédible.

La secte qui paraît la plus proche du mouvement ouvrier (et employé), la plus éloignée du wokisme débile du NPA par exemple ou des Nulles, Lutte ouvrière est pour partie plus incisive et s'élève plus que RI au-dessus de la stricte manifestation pour les retraites, elle relie justement à la question de la guerre, absente du discours « communiste » (mais en fin d'article) de RI :

« Ici, nous avons à poursuivre notre combat contre la retraite à 64 ans, le recul de nos salaires et des droits ouvriers. Il faut le faire en ayant en tête la nécessité de reconstruire une force politique pour pouvoir, demain, refuser de servir de chair à canon dans la guerre que fomentent les capitalistes. Les confédérations n’ont appelé à riposter que tardivement, mais elles devaient aussi démontrer qu’une attaque telle que cette contre-réforme des retraites doit obligatoirement être négociée avec elles et que le gouvernement a eu tort de vouloir passer outre. L’ampleur des manifestations le 19 janvier, à laquelle elles ne s’attendaient peut-être pas, vient les conforter. Leur intérêt est de montrer qu’elles sont des interlocuteurs indispensables, mais aussi qu’elles méritent ce rôle en montrant leur capacité à contrôler les réactions des travailleurs. C’est ce qu’elles ont fait en fixant une date pour une nouvelle journée de grève et de manifestation le 31 janvier, avant sans doute de fixer des dates ultérieures en fonction du calendrier parlementaire. Jusqu’où les confédérations syndicales sont-elles prêtes à mener un mouvement contre le projet gouvernemental ? Il leur faut en tout cas obtenir de celui-ci quelques concessions, quelques inflexions au projet, qui leur permettent de justifier l’abandon des grèves et des manifestations à un certain moment. Ce moment peut évidemment être différent pour les uns et pour les autres, et l’unité syndicale réalisée pourrait donc être provisoire. Quoi qu’il en soit, les travailleurs ne peuvent pas leur donner de chèque en blanc et s’en remettre entièrement aux directions syndicales pour diriger une riposte qui les concerne tous. Il faut que, dans les entreprises et les secteurs en lutte, les travailleurs se donnent les moyens de décider de leur mouvement, il faut que se mettent en place des assemblées générales et des comités de grève démocratiquement élus.

Pour avoir une chance réelle de l’emporter, il faudra non seulement des manifestations massives, comme celles du 19 janvier, mais également des grèves frappant les capitalistes au portefeuille. Il faut que le mouvement s’étende, que la colère s’exprime suffisamment pour inquiéter le gouvernement et le patronat. (...) si celui-ci est suffisamment déterminé, c’est la bourgeoisie elle-même qui ira demander à son valet Macron de retirer sa réforme. Et face à une classe ouvrière renforcée, mobilisée et consciente, il deviendra possible d’imposer d’autres reculs au pouvoir politique et au patronat ».

Le discours de ce groupe trotskien peut paraître radical aux naïfs, voire être équivalent à celui maximaliste de RI. Il n'en est rien. Tout transpire le queuisme envers les syndicats officiels et une extension avec les pires ennemis de la lutte...les appareils syndicaux et leurs clairons de base ou du sommet. Que l'initiative des généraux syndicaux aient répondu à une possible explosion indépendante de classe (vision de RI et de LO) ou que l'Etat (gouvernement + partis et syndicats) aient pris les devants, la suite du programme coule de source et, d'une part vise à épuiser les colères ou les mécontentements, et d'autre part à faire croire à une victoire de l'un ou l'autre camp. Dans tous les cas la bourgeoisie sera gagnante : si la réforme reste en place, le gouvernement sera le salaud quand la confrérie syndicale et la gauche bourgeoise apparaîtront comme des « amis sincères » mais aussi désolés que nous d'avoir échoué ; si la réforme est annulée, même résultat, quoique inversé, syndicats et gauche bourgeoise gagneront plus en crédibilité même si rien n'aura changé dans la diversité et inégalité des retraites. Le calendrier manifestatoire et contestataire prête enfin à réflexion.

UNE CONJONCTION ET UN CURIEUX ETIREMENT entre la présentation de la réforme au parle-ment et les journées de manifestations syndicales opposées au projet criminel :

  • - le projet est présenté par la mère Borne le 10 janvier

  • - LFI veut organiser la première manifestation le 20 janvier

  • - les syndicats annoncent la leur le 19 janvier

  • - LFI doit se résoudre à reprogrammer la sienne le 21 janvier où la mobilisation est bien moindre que celle des syndicats

  • - la journée syndicale du 16 février fait pâle figure par rapport à celle du 19 janvier (effet recherché par les traîtres syndicaux?) mais le mont de Vénus est promis pour le 7 mars.

Tiens voilà du boudin ! Il aura fallu 9 jours pour une première réaction à la présentation parlementaire de la réforme, 24 pour celle du 11 février, puis 5 jours après celle du 19 – pour une pure raison prosaïque il y aurait encore eu 24 jours d'attente « pour les masses », certes comblées par telle ou telle grève corporative ou action Robin des bois. On a beau nous dire que la programmation syndicale accompagne les querelles au parle-ment ou prétendent lui faire la pression, la distance entre deux manifs fait passer la prévenance de grèves reconductible pour une baleine dégonflée, mais trop louche comme tout enterrement repoussé ou à la façon de la justice bourgeoise à la saint Glinglin. Mais il faudra quand même attendre encore 19 jours...le temps de passer à autre chose, qu'une guerre mondiale survienne, que Macron se tue en trottinette car tout passe et lasse. Le Graal promis pour le 7 mars aurait ainsi toutes les chances d'être un deuil, confirmé dès le lendemain pour un des carnavals wokistes des plus prisée, la journée mondiale de la femme, surtout celles d'Iran et d'Afghanistan.

 

NOTES

1La manif à Albi, la ville chérie de mon enfance, fût gonflé démesurément par l'aristocratie syndicale en déplacement et vantée hors de proportion en chiffres et en signification ; il est vrai qu'en ce moment démagogique je prends pus au sérieux les chiffres de la police. L'importance du mécontentement en province je m'en fous, je l'ai vécu au temps des gilets jaunes, c'est épidermique et sans lendemain ; depuis 1789 les provinces françaises sont toujours restées plouques.

2 La mystification de la « démocratie bourgeoise », comme toute mystification aussi bien chez Mao que chez les islamistes, commence dès l'enfance, avec ce PARLEMENT MOBILE A BORDEAUX : « Une drôle d’agora en bois posée là, au milieu de l’atrium du campus de la victoire de l’université de Bordeaux. Des estrades de part et d’autre d’une structure à roulettes. Une cinquantaine de jeunes âgés de 15 à 24 ans sont entassés sur des assises inconfortables. Ils sont conviés à l’assemblée des jeunes : le «parlement génération transition». «Vous contribuez à la vie politique à votre façon. On vous donne la parole aujourd’hui !» lance le maire écologiste de la ville de Bordeaux, Pierre Hurmic »

https://www.liberation.fr/forums/a-bordeaux-un-parlement-mobile-la-parole-est-a-la-jeunesse-20230214_BP3E4BEZU5HOFJIQTUA7RQLA2Q/

3« Du côté du raffinage, ce sont aussi essentiellement « des appels à participer aux manifs » qui sont prévus, a indiqué à l’AFP Éric Sellini, coordinateur CGT pour TotalEnergies ».

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