"La suppression de la propriété privée... suppose, enfin, un processus universel d’appropriation qui repose nécessairement sur l’union universelle du prolétariat : elle suppose « une union obligatoirement universelle à son tour, de par le caractère du prolétariat lui-même » et une « révolution qui (...) développera le caractère universel du prolétariat ».
Marx (L'idéologie allemande)

«Devant le déchaînement du mal, les hommes, ne sachant que devenir,
cessèrent de respecter la loi divine ou humaine. »

Thucydide

lundi 18 septembre 2023

LA CONTRIBUTION DES GUERRES MONDIALES A LA PSYCHOLOGIE...





aux soldats russes et ukrainiens,

L'entrée en décadence du capitalisme est patente en 1914, mais avec ceci de particulier que la guerre généralisée provoque plus souvent qu'on ne l'a imaginé les mutilations psychiques. Les plus cyniques docteurs ou analystes ont été jusqu'à prétendre que la guerre avait permis des évolutions dans l'étude des cas psychiatriques... jusqu'à instiller qu'il s'agissait de maladies de déserteurs. La boucherie mondiale de 39-45 a certes servi à ce que les toiles des parachutes permettent, du fait du manque de produits textiles, de fabriquer pendant des années les nouveaux soutiens-gorge, mais la guerre comme telle n'a jamais permis les grands progrès de l'humanité, mais réveillé les pires barbaries de l'homme primitif voire plus. La plupart des institutions bourgeoises extrêmement hiérarchisées, comme l'armée; elles sont dirigées par de cyniques tarés, qui, comme la hiérarchie militaire, poussent, comme seule alternative, au suicide ou s'en lavent les mains comme le salopard de proviseur de Poissy. Je chie sur la hiérarchie.

Les premières catastrophes ferroviaires sont à l’origine, à partir de 1860, de questionnements passionnés quant à la nature des troubles aussi multiples qu’énigmatiques dont souffraient certains de leurs survivants, majoritairement des hommes. Se posa notamment aux experts la question de déterminer s’ils relevaient d’une simulation frauduleuse ou bien d’une véritable pathologie causée par ces accidents. Ces troubles ne se laissaient appréhender ni par les catégories psychiatriques, ni par les connaissances pathologiques de l’époque d’autant plus que les lésions physiques étaient souvent bénignes voire totalement absentes.

La révolution industrielle s'est développée dans la boue et le sang, comme l'avait constaté un grand personnage que personne n'a oublié. La généralisation du chemin de fer apporta avec son cortège d’accidents la question de leur indemnisation par les compagnies d’assurances. Le débat qui s’installa en Europe eut pour but de différencier les séquelles traumatiques de ces accidents et les symptômes hystériques qu’ils pouvaient occasionner. Les médecins anglais et français s’opposèrent à leurs collègues allemands sur un malentendu. Tous étaient d’accord pour admettre le traumatisme, mais pas pour l’indemniser. En conséquence, on se disputa sur sa nature. S’il pouvait être qualifié d’hystérique et ne pas présenter de séquelles neurologiques, les compagnies d’assurances pourraient dégager leurs responsabilités puisque, l’accident n’ayant fait que révéler des symptômes virtuellement présents chez des sujets prédisposés, ne pas l’indemniser équivalait à nier sa portée, l’accident étant considéré comme une simple circonstance déclenchante d’une pathologie préexistante.

 La névrose traumatique tomba rapidement en disgrâce auprès du monde médical germanique à mesure que l’hystérie devenait un diagnostic de plus en plus admis, mais dans une acception réduite, comme en France, concernant les troubles fonctionnels sans cause organique.. Elle connaîtra malgré tout un regain d’intérêt avec la question des troubles de guerre. Fin décembre 1914, l’afflux de blessés psychiques amena les autorités à nommer H Oppenheim, responsable d’un hôpital à Berlin, réservés aux troubles nerveux de combat. Il y trouva l’occasion de conforter ses positions sur les spécificités sémiologiques et étiologiques des névroses traumatiques. Mais ses vues sur les troubles psychiques de guerre ne connurent pas plus de succès, se heurtant à la doctrine rapidement majoritaire, qui fut de considérer les conséquences psychiatriques des combats comme une forme de lâcheté, et la névrose traumatique comme une notion quasi antipatriotique1.

Pourquoi la guerre rend fou ?

La fréquence des troubles mentaux chez les militaires de retour d'opérations est anormalement élevée. Pour les médecins, la cause est évidente : nous ne sommes pas faits pour tuer, et cela peut nous rendre fous. En 1982, les opérations terrestres de reconquête des îles Malouines par les Anglais ont duré trois semaines. Les combats ont laissé 255 morts britanniques sur le terrain. Vingt-six ans plus tard, on parle de… 260 décès par suicide parmi les vétérans. Un chiffre controversé mais qui résonne avec d'autres. En 2009, 319 militaires américains étaient tombés en Afghanistan, 150 en Irak et, pendant la même période, 334 se suicidaient. Entre 2001 et 2010, aux États-Unis, il y a eu plus de militaires qui se sont suicidés que de morts aux combats ou causées par des pièges de guerre. En France, entre 2002 et 2007, 2 115 décès de soldats ont été recensés. Les causes : 25 % d'accidents de la circulation, 21 % de suicides, 11 % d'accidents en service et 1 % de morts au combat (les 42 % restants étant dus à des maladies).

Si le taux de suicides des militaires français est comparable à celui qui sévit dans la population civile (à âges et sex-ratio similaires), il reste anormalement élevé : la sélection médicale des recrues est telle qu'elle élimine les personnalités les plus fragiles et devrait aboutir à un nombre de suicides bien plus faibles. Le constat des experts de l'Otan est redoutable : au sein des armées occidentales engagées dans des opérations contre une guérilla terroriste, comme en Irak et en Afghanistan, le suicide tue deux fois plus de militaires que la guerre. En cause : un nouveau type de conflits auquel les troupes sont mal préparées, des combats asymétriques où l'ennemi reste invisible et s'attaque le plus souvent aux forces support comme les conducteurs de camions ou les ambulanciers. Une forme de lutte armée qui fragilise d'autant plus les combattants que la guerre est déjà source de nombreuses perturbations psychiques.

Des troubles psychiques multiples : Certains des soldats qui viennent me voir souffrent d'anxiété, de dépression, voire de stress post-traumatique. Ils commencent alors un parcours d'errance qui les conduit parfois à la précarité sociale, à l'isolement, voire au suicide. La structure mentale d'une personne se construit à partir de ce que lui apportent son éducation et son expérience. Or aucun enseignement ni aucune situation de vie ne savent préparer aux réalités du combat. À la guerre, un homme devient quelqu'un d'autre. Il est transformé par l'épreuve de la peur, de la violence2.

Les traumatismes psychiques de la grande guerre

Par The Conversation

14 novembre 2018 - 12:04, mise à jour le 13 décembre 2022 - 16:29

L’heure était peu propice aux observations détaillées et suivies, les centres de spécialités n’existaient pas encore, chacun interprétait ce qu’il voyait suivant ses connaissances médicales et son tempérament personnel, et ce n’est que lentement qu’un peu d’ordre se mit dans ce chaos. »

Les questions qui émergèrent étaient alors d’abord dictées par les exigences militaires et notamment par l’objectif de rendre aux hommes leur efficacité, pour les renvoyer au front. Il s’agissait d’opérer une évolution rapide des pratiques, pour clarifier et systématiser le diagnostic des troubles psychiques, d’une part dans le but d’identifier de possibles simulateurs et, d’autre part pour soigner ceux dont la pathologie avait été reconnue.

Reconnaître les effets dévastateurs de la guerre

Les peurs étaient aussi fréquentes qu’intenses : la hantise d’être déchiqueté, voire réduit à néant, par des bombes d’une puissance sans cesse renouvelée, l’attente de la mort avant les assauts… Tout cela, associé à un épuisement moral et physique majeur.

À considérer la guerre comme une forme de folie par rapport à la paix, certains médecins se sont questionnés sur ce qu’elle produisait. Le médecin et psychologue Georges Dumas reconnut par exemple que la guerre pouvait donner un caractère particulier à certains délires, mais aussi qu’elle pouvait être à l’origine des troubles mentaux eux-mêmes.

Au sein de la communauté médicale, le débat concerna d’abord l’origine de ces troubles. Étaient-ils induits par la guerre elle-même, ou résultaient-ils de l’expression d’une certaine vulnérabilité préexistante ? La pathologie psychique était-elle émotionnelle ou commotionnelle, c’est-à-dire plutôt d’origine psychique ou neurologique ?

Une évolution de la reconnaissance des symptômes et des diagnostics

Comme le rapportèrent les neurologues français Gustave Roussy et Jean Lhermitte, auteurs en 1917 de l’ouvrage Les psychonévroses de guerre (Paris, Masson et cie), la guerre fit « éclore une série de manifestations psycho-névropathiques, avec lesquelles les médecins étaient peu familiarisés ».

Cette nouveauté des symptômes psycho-traumatiques se traduisait par une grande incertitude quant à la nature physique ou psychologique des symptômes constatés chez des soldats sans blessure évidente.

Au début de la guerre, les termes d’« obusite » (ou « shell shock » chez les médecins britanniques), ou encore d’« hypnose des batailles », qui étaient utilisés pour qualifier les soldats qui en étaient atteints, en furent le reflet. Ceux-ci restaient en définitive toujours assez proches de celui de « vent du boulet », qui était utilisé lors des guerres napoléoniennes et qui supposait une origine physiologique à ces troubles. L’origine psychique s’imposa néanmoins au cours des années de guerre.

En 1915, le médecin britannique David Forsyth publia dans The Lancet une description de la névrose traumatique de guerre, dans laquelle il décrivait clairement le fait qu’elle est associée à des troubles en apparence neurologiques (des pertes de la mémoire, de la vision, de l’odorat et du goût). Deux ans plus tard, en France, le médecin Gaston Milian décrivit chez des soldats, des états de stupeur, des tremblements généralisés, des convulsions et des épisodes de perte de conscience, dont l’origine était attribuée à la peur et à l’anxiété ressenties face aux explosions et à la mort des autres soldats. Déjà en 1915, le psychiatre français Emmanuel Régis avait recensé 88 cas de névrose de guerre, dont 80 % n’étaient associés à aucune blessure physique. Dans toutes ces situations, c’est la vision de la mort des camarades qui s’imposait comme étant la cause des troubles.

Pour rendre compte de ces situations, le terme de « névrose de guerre » s’imposa donc rapidement de part et d’autre de la ligne de front. Il n’y eut pourtant pas de réel décompte de ces blessures psychiques chez les soldats de l’armée française, ce qui était rendu impossible a posteriori, en raison des très nombreux déplacements des soldats pris en charge par les services de santé, de la très grande variabilité des situations, certains soldats étant renvoyés au combat, d’autres chez eux, tandis que d’autres encore, dont les troubles étaient les plus graves, furent transférés dans les hôpitaux de l’arrière. Néanmoins, si on suit l’analyse de l’historien américain Marc Roudebush, ils représentèrent environ 10 % des soldats français.

Naissance d’une psychiatrie de guerre

Avec l’évolution du diagnostic s’est développée une psychiatrie de guerre qui proposait ses premiers traitements : l’hypnose, les sédatifs et la narco-analyse, la psychothérapie par la suggestion ou la persuasion, ou encore le conditionnement aversif.

La Première Guerre mondiale vit aussi se répandre l’utilisation de la « faradisation », c’est-à-dire l’application d’un courant électrique, notamment pour traiter les symptômes somatiques, tels que les tremblements, ce qui traduit bien le fait que l’origine psychique des troubles n’était pas clairement établie pour tous.

La découverte de la possibilité de traitements psychiatriques qui ne nécessitaient pas d’évacuation à l’arrière est aussi concomitante de la création de la « psychiatrie de l’avant », pour laquelle les bénéfices étaient largement attribués au soutien des autres soldats, mais aussi à la présence de la hiérarchie et qui offrait la possibilité de retourner plus facilement au combat.

Au début de la guerre, la filière de soins était la même pour les blessés physiques et les blessés psychiques : le passage par des postes de secours et par un centre de tri près du front, puis l’évacuation par train vers les hôpitaux de la zone des armées. Les aliénistes et les neurologues du front traitaient les cas aigus et rapidement curables, tandis qu’ils dirigeaient vers les centres à l’arrière les malades agités ou violents, ainsi que ceux qui avaient besoin d’un long traitement et d’une observation prolongée.

Dans la réalité, les soldats traumatisés psychiques trouvaient plus difficilement leur place dans le circuit d’évacuation. Ils étaient dispersés de manière anarchique dans de nombreuses structures médicales. La raison en était qu’au regard des autres blessés souffrant de troubles divers et nombreux, ils n’étaient pas considérés comme prioritaires. Par ailleurs, ils n’étaient pas toujours repérés, du fait qu’ils présentaient également d’autres pathologies.

Préfigurant ce qu’on peut qualifie aujourd’hui d’« équipes mobiles », il fut proposé dans l’armée française que des psychiatres soient chargés de parcourir les différents services à la recherche des soldats soignés pour une blessure physique, mais présentant aussi des troubles mentaux.

Des traumatismes durables

Alors que l’armistice de 1918 marqua la fin des combats, elle ne mit pas pour autant un terme à la souffrance psychique des soldats. Celle-ci put en effet perdurer tout au long de leur existence, ou également émerger bien plus tardivement, semble-t-il ravivée par une histoire plus contemporaine, ou par l’apparition de certaines vulnérabilités. C’est par exemple le cas du soldat français Georges D., dont l’histoire a été rapportée en 1968 par J. Alliez et H. Antonelli.

Blessé une première fois en 1914, à 20 ans, par un coup de baïonnette et par des éclats d’obus à la tête, il le sera une seconde fois en 1915, à nouveau par des éclats d’obus. Victime de cauchemars dans les années qui suivirent son retour à la vie civile, le jeune homme revivait des scènes de combats durant son sommeil. L’intensité et la fréquence de ces mauvais rêves se trouvèrent accentuées pendant la Seconde Guerre mondiale, puis s’aggravèrent nettement au milieu des années 1950. Georges D. finit par devoir être reçu en consultation en 1960, au moment de la guerre d’Algérie.

Autre soldat, autre histoire que celle rapportée en 1998 par J.D. Hamilton et R.H. Workman. Un Américain de 19 ans, exposé en 1918 aux tirs ennemis alors qu’il portait des messages, puis victime du gaz moutarde durant la seconde bataille de la Marne. Ce jeune homme manifesta son premier cauchemar dès 1919, revivant lui aussi une attaque par des soldats allemands, sous forme de flash-back. Ses troubles s’espacèrent avec le temps, mais réapparurent à l’âge de 94 ans, le replongeant dans l’effroi des combats. Les fragilités du grand âge l’avaient à nouveau confronté à son traumatisme…

En définitive, les quatre années que dura la guerre de 1914-1918 se traduisirent par des progrès considérables dans la gestion du traumatisme psychique, marquant une évolution décisive vers la psychiatrie moderne. Mais le prix à payer fut élevé, et la souffrance des combattants ne s’arrêta pas le 11 novembre 1918 : les souvenirs des horreurs vécues continuèrent à hanter bon nombre d’entre eux pour le reste de leur existence3.

LA VICTOIRE AMERICAINE EN IRAK

Le rite de légitimation qui était évoqué à l’époque était manifestement une tentative pour susciter un phénomène de preuve sociale. Il s’agissait non seulement d’une justification a posteriori visant à faire rentrer les Etats-Unis dans la logique de la guerre juste dont l’ONU était jusqu’alors titulaire, mais aussi d’une justification par la noble cause de l’occupation ultérieure du pays. L’aspect répétitif qu’amenait la référence au communisme tendait à inscrire l’événement dans une continuité logique du travail de désaliénation qui est l’un des traits les plus saillants de l’idéologie occidentale en général et de l’histoire européenne en particulier. L’invasion de l’Irak entrait ainsi dans la logique du progrès et, puisque l’efficacité est un des jalons du progressisme, les ennemis vaincus rejoignaient les forces de recul, le vieux, l’ancien temps, et par la même occasion, l’irrationnel. Ici encore, une éventuelle résistance était délégitimée a priori puisque, par généralisation abusive, le peuple irakien (enfants compris) montrait sa satisfaction de la chute du régime. Cette scène était essentiellement politique et tendait à prouver l’universalité des valeurs démocratiques par le biais d’une fête. Or, la fête – laïque, séculière – est le seul élément culturel avec lequel les Occidentaux peuvent trouver leurs marques, la seule manifestation sociale qu’ils peuvent comprendre par empathie dans les sociétés qui ne ressemblent pas aux leurs – du reste, le multiculturalisme européen des années 90 n’était multiculturel que dans les aspects festifs. Cette scène marquait un changement très clair de l’image donnée des Irakiens pendant les bombardements, c’est-à-dire des combattants. On se souviendra d’abord des images de l’épisode du pilote américain tombé dans le fleuve, qui était pourchassé par toute la population du voisinage. Ces images, à l’origine vues et diffusées par les chaînes arabes, n’étaient pas bien violentes et montraient une (très) petite victoire de la DCA irakienne ainsi que l’unité de la population de « Bagdad » dans la tentative de capture du pilote. Vue d’Occident, elles ne pouvaient que renvoyer aux scènes terribles de lynchage populaire de deux soldats des services de renseignement israéliens par des Palestiniens en colère, d’autant que le matraquage sur l’irrespect supposé des règles de la guerre par l’armée irakienne avait été particulièrement lourd – quoique opéré par petites touches, par insinuations, notamment par la révélation des règles à suivre données aux soldats américains s’ils étaient faits prisonniers, règles qui supposaient que ces soldats seraient soumis à de durs sévices. On se remémorera ensuite le débat « éthique » concernant la monstration des prisonniers ou des blessés de guerre, où l’on s’aperçut que les seules familles qui pouvaient être touchées par de telles images étaient occidentales, puisque les images des prisonniers irakiens abondèrent. On y voyait des gens dépenaillés, hagards, à genoux, ou se rendant. Le message était clair : si l’image d’un prisonnier est humainement offensante, alors ces prisonniers-là n’étaient pas des hommes. On avait bel et bien affaire à un déni d’humanité, non pas proclamé et verbalisé, mais manifesté insidieusement par le simple fait de montrer quelque chose et de ne pas montrer quelque chose d’autre. Le pseudo-débat « éthique » des médias à l’époque permettait de rendre ce processus de déshumanisation légitime – en Occident, le débat est signe de pluralité et de décision commune, donc de démocratie. La démocratie, la prise de décision démocratique légitime tout. Une autre aspect est à souligner dans ces images de soldats : la désertion. Le thème fut renforcé par l’absence de résistance armée à Bagdad lors de l’entrée des Américains. Le message était double : ces gens ne tiennent pas au régime et ces gens sont des lâches. On retrouvait aussi un vieux reproche des Occidentaux aux tactiques de guerre considérées comme « orientales » – le retrait, le harcèlement, le refus de la bataille décisive et du choc, militairement valorisés en Occident. Dans un parfait mécanisme de recherche de confirmation des stéréotypes, ceci mettait en exergue et renforçait les croyances de départ des Occidentaux, largement exposées quand Tarek Aziz étaient ridiculisés par les commentaires
journalistiques hilares ou ironiques durant ses séances de debriefing, alors que celles de l’État major américain étaient prises avec doute quelquefois, mais avec sérieux, toujours. On en peut continuer sans évoquer ne autre vision de la lâcheté, qui devait se retrouver, plus tard, dans l’épisode de la capture de Saddam Hussein – celui-ci n’ayant officiellement tiré aucun coup de feu et s’étant terré dans un trou. Ce détail (très improbable), ainsi que la scène montrant un Saddam hirsute soumis à une analyse dentaire, évoquaient à la fois un des grands classiques de la déshumanisation (l’assimilation à l’animal mais aussi le sous-entendu de malpropreté) et le défilé du triomphe par lequel les chefs de guerre romains gagnaient les honneurs et les fonctions politiques en exposant les vaincus. De cette image par laquelle aucune empathie et surtout aucun respect n’étaient possibles de la part des Occidentaux, on passait, avec l’épisode du déboulonnage de la statue à une re-humanisation des Irakiens : être à la fois perdants, débiteurs et demandeurs rendait un statut d’être humain aux citoyens d’Irak. L’ennemi se transformait en demandeur4.


NOTES

2Pourquoi la guerre rend fou | Cerveau & Psycho (cerveauetpsycho.fr)

3 Cet article a été tiré de The Conversation.AuteursGilles TréhelDocteur en psychologie fondamentale et psychanalyse, Université Paris Diderot – USPC Emmanuel Monfort Maître de conférences en Psychologie, Université Grenoble Alpes 

4GUERRE MORALE ET PSYCHOLOGIE SOCIALE - ARTICLE (26 Pages - 856 Ko).pdf (psychaanalyse.com)

On assistait dans l’épisode des pillages à une mise en scène d’une part, d’un élément sacré de la mythologie progressiste : le désordre, le désordre absolu hors du façonnement occidental, et ce désordre particulier qu’est le désordre « oriental », qui est exotique, irrationnel et témoigne peu ou prou de l’incapacité des peuples « orientaux » à se diriger eux-mêmes ; et, d’autre part d’un stéréotype plus psychologisant : celui de la frustration, donc du manque. La mise en scène (du point de vue médiatique comme factuel) de ce désordre visait aussi à déconsidérer, à souiller symboliquement les restes de l’appareil d’État ou de la sphère publique pour ne laisser apparaître que la violence des intérêts privés doublés, ici encore, d’une irrationalité et d’une forme de sauvagerie proprement essentielle aux Orientaux



1 commentaire:

  1. L’un des premiers à souligner les effets psychologiques de la guerre fut le médecin (et plus tard le principal mentor des sionistes politiques) Max Nordau dans son livre de 1892, Dégénérescence. Il fait référence à la guerre de 1870 que l’Allemagne a gagnée (chapitre sur Wagner). J'ai essayé de montrer que Nordau était socialiste dans cet article (en anglais), pour ceux que ça intéresse: https://www.academia.edu/59352384/Comrade_Max_Nordau

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