«"Plus vous négociez, plus vous mobilisez la gauche qui pense que
vous allez céder, et plus vous démobilisez la droite qui ne comprend
plus ce que vous voulez faire. Il n’y avait rien à négocier. Il fallait
seulement écouter et informer, c’est ce que nous appelions “concerter". Sarkozy (ce jour au Figaro)
23 km! (aller et retour chez moi) Jamais je n'avais marché aussi longtemps pour une manif, même en 68 où pourtant les motifs étaient plus intéressants que cette palinodie syndicale qui prétend délaisser tout son cortège de corporatismes...maintenus. Cette manifestation du 31 annoncée à grands coups de trompette comme organisée "par départements" fût pourtant bien le même serpent de mer "tous ensemble"de corporatismes à la queue leu-leu avec chacun leur système de retraite paisible. Lequel est régi par "la clause du grand-père" qui ne risque pas de mettre le feu au poudre parce que la jeunesse les vieux grognards syndiqués s'en foutent sinon ils se mobiliseraient pour la révolution. La division, ou plutôt les divisions existantes ne sont ni remises en cause par le gouvernement ni par les mafias syndicales. Des garanties envers le "secteur public", fortement avantagé depuis la guerre, pour les raisons que j'ai déjà explicitées, il n'est nullement question de les appliquer au privé. C'est d'ailleurs pourquoi la prétention des mafias syndicales du "public" à appeler le "privé" à rejoindre la lutte, ou pour tenter de faire croire qu'au cours de cette manif il aurait rejoint les parties syndicales du défilé sont du pipeau; même s'il est vrai que nombreux de ceux "qui n'avaient jamais manifesté" étaient présents, mais devant...dans la pré-manifestation habituelle ! Un article du CCI révèle bien la foutaise des discussions qui tout en semblant de se soucier des plus mal lotis, s'en fichent et dénotent un individualisme corporatif:
"À cela s’ ajoute un «
débat » assourdissant sur l’injustice de la réforme pour telle
ou telle catégorie de la population. Il faudrait la rendre plus
juste en intégrant mieux les profils particuliers des apprentis, de
certains travailleurs manuels, des femmes, mieux prendre en compte
les carrières longues, etc.Bref, toujours le même piège, pousser à
ce que chacun se préoccupe de sa propre situation, tout en mettant
uniquement en avant le sort des « catégories » les plus
défavorisées face à
cette attaque ! Mais au final, tous ces
contre-feux, mis en place durant les trois dernières semaines, n’ont
pas fonctionné. Et la combativité exprimée par un à deux millions
de manifestants impose
désormais aux syndicats de s’adapter à
la situation".
L'unité syndicrate "ensemblière", pour les plus observateurs critiques, se confirme cependant comme une supercherie d'autant que chaque jour on nous informe du ralliement des diverses crapules politiques de la gauche bourgeoise, de la mère Tondelier à la hyène Hidalgo et au furet Jadot, du blaireau Roussel à la belette Faure, sans oublier le putois Mélenchon, as de la palinodie. Des journalistes "spécialistes" vendent déjà la mèche, les syndicats "veulent gagner du temps" (= épuiser les troupes) et de toute manière, dans 50 jours, une fois la réforme adoptée avec ou sans le parlement, les syndicats légalistes CGC et CFDT arguront qu'il faut accepter la légalité en République, quand la CGT hurlera à la trahison pour renforcer son image de marque de syndicat fort en gueule, quoique navré.
Deux défilés...
Immédiatement, au départ à la place d'Italie on aperçoit les noyaux syndicaux avec leurs farces et attrapes:ballons géants, gilets oranges, bleus, jaunes, banderolles officielles avec slogans ad hoc, puis une foule qui oscille qui ne donne pas l'impression de vouloir se laisser domestiquer par les agents de l'Etat en milieu ouvrier. Il y a des corridors qui filent le long des trottoirs, qui cherchent à percer les cordons et attroupements syndicaux et qui se dirigent, comme moi... vers l'avant, ou prennent les rues parallèles pour ne pas avoir à subir cormes de brume et slogans débiles, et se retrouver à l'avant du cortège. La pré-manif est vraiment une autre manif où on respire, on discute et où on sait qu'on est de tous les secteurs, surtout les non encadrés. Ce deuxième défilé je ne le limite pas à l'avant car au milieu du barnum syndical nombreux sont aussi sont celles et ceux, non membres des mafias, qui défilent parce qu'ils se retrouvent là sans reprendre les débile slogans corporatifs ou mensongers.
Un défilé donc, pompeux, rasoir, habituel, qui peut être considéré comme celui de couches moyennes, intermédiaires (...avec le capital) même s'il contient des ouvriers, communaux, techniciens du public, etc. Masse de vieux grigous à cheveux blanchis sous le harnais syndical. Les professeurs trotskiens y dénoncent le "saccage des services publics", dont on n'a que foutre. Des couches qui ont un emploi garanti et une retraite décente, engoncées dans un solide esprit corporatif (qu'on ne peut pas reprocher aux seuls syndicats comme le croit le CCI). C'est statique et stagnant. Aucun projet politique. On discute entre soi. On ne raconte la dernière et comment va Paulette ou Roger, puis l'on s'en va marcher en bramant en choeur ce que le bonze de tête hurle dans le mégaphone. Là on ne réfléchit pas et on ne peut pas réfléchir. Pas de débat car c'est comme à l'armée au 14 juillet, un défilé est un défilé. On marche aux ordres. Les tracts hors norme sont refusés avec dédain voire déchirés sans être lus1. Une chose est sûre une amplification de ces bureaucrates n'est source d'aucun danger, ils stagnent syndicalement et corporativement; et quand un rigolo de SUD intronisé régulièrement en plateau TV vient raconter que les syndicats sont "débordés", c'est du nombre qu'il parle, sans préciser que les débordants ne sont pas derrière ses amis syndicrates mais...devant2.
Tout autre est le deuxième défilé. Lequel double à chaque fois et personne n'en parle. Oui il était au moins le double comparé à la manif du 19. Dans l'ensemble il est silencieux comme pour signifier qu'à cet endroit on réfléchit. On n'ose pas encore tenir des AG de rues, comme en 68, mais ça viendra. Faut penser à provoquer un attroupement, je sais le faire et je l'ai déjà appliqué. J'ai eu plusieurs discussions éclairantes en marchant, confirmant bien des réflexions que j'exprime dans ce blog. Ici on défile tous sans se soucier de corporation ou d'appartenance à un métier. On peut défiler à côté d'un chercheur du CNRS, d'un ouvrier du bâtiment, d'un travail sans papier comme d'un étudiant, voire d'un boulanger ou d'un chauffeur de taxi. Il y a beaucoup de jeunes, non embrigadés dans les corpos étudiantes de bobos de gauche.
Ici les termes de classe ouvrière ne choquent personne. Ici le féminisme débile qui trône dans les médias est méprisé; cf. Discussion avec des techniciennes de Radio-France qui débinaient ces "dames qui en réalité ne font rien pour les femmes battues ni les iraniennes". Ici on parle de la guerre en Ukraine sans prendre partie pour un camp ou l'autre; j'ai été estomaqué quand une dame d'un âge certain (ancienne comédienne du café de la gare) m'explique craindre sérieusement une montée vers la guerre mondiale si le mouvement de classe actuel cesse de se radicaliser comme en 36 qui n'avait fait que précéder 39...
Ici je suis étonné d'entendre tel jeune douter de la "victoire syndicale" et de leurs protestations. Ici les journalistes de télévision sont considérés comme des putes du système. La télévision n'est vue que comme l'entonnoir des spécialistes véreux et des rigolos d'extrême-gauche3 sur un strapontin avec tels pitres de SUD ou de la CGT, seuls habilités à représenter "l'insurrection citoyenne".
L'insurrection citoyenne4... bientôt soumise à l'économie de guerre
Radical à la racine tous ces gens du premier défilé ne sont que des radis du système, rouges à l'extérieur et blancs dessous. Ils parlent "au nom" du "peuple de France", pour "les pauvres" contre "les riches". Outre que cette pâle "insurrection citoyenne" ne vise pas à renverser les meubles (ni Macron), elle n'a aucune alternative sauf l'invraisemblable retour au 60 ans pour la clique hétéroclite et féministe-débile de Mélenchon.
Ce carnaval de la gauche "ré-unie" en surface profite surtout de la soi-disant connerie du gouvernement, qui ne peut pas agir autrement face aux urgences financières . Donc il est impossible de justifier l'absolue nécessité d'une réforme qui permettra au mieux une économie de 20Md€/an, alors que Macron a claqué 560Md€ en deux ans pour financer son "quoi qu'il en coûte", quand le budget de l'état accuse un déficit annuel de 180Md€, et que la dette publique avoisine les 3.000Md€ soit 115% du PIB... Mais je maintiens que cette "urgence" a avant tout pour but de remettre en selle la gauche bourgeoise dans son rôle théâtral oppositionnel.
Cette lutte pour "sauver nos retraites" est en outre tout sauf internationaliste... Certes, il est impossible d’en justifier l'urgence véritable et que personne n'évoque excepté Lutte Ouvrière et Révolution Internationale. Les caisses ne sont pas en déficit et les retraites restent et resteront aussi un serpent de mer pour les décennies à venir, sauf s'il y a la guerre ou la révolution. Il ya quelques jours Macron annonçait l'attribution de milliards pour l'armement français. Où trouve-t-il l'argent? Cette question et son lien avec la nécessité de resserer tous les budgets dont ceux des retraites devrait pourtant interroger tout le monde, et nous élever au-dessus de la banale et insoluble question de ma retraite ou de la tienne; le retraites ne sont pas plus scandaleuses que la hiérarchie ou le chômage non indemnisé. Il faut trouver l'argent pour alimenter les dépenses parasitaires des armées!
Lutte Ouvrière frôle l'astuce:
"Plus grave encore, il y a les bruits de bottes qui se rapprochent avec l’escalade guerrière en cours en Ukraine. Il suffit de voir comment Macron veut passer en force sur les retraites pour comprendre qu’il ne nous demandera pas notre avis pour entrer en guerre. Et pour acheter des missiles, des chars d’assaut et des avions de combat, il ne manquera pas d’argent. Le gouvernement a déjà porté le budget militaire à 413 milliards, soit 100 milliards de plus sur sept ans ! S’il y a la guerre, le gouvernement ne nous volera pas seulement deux ans de retraite, il volera les 20 ans de la jeunesse qu’il enverra au combat. Plus d’injustice, plus d’inégalités, plus de guerres, voilà ce que les capitalistes et leurs serviteurs politiques nous réservent, à nous et à nos enfants !".
REVOLUTION UNTERNATIONALE ((CCI)) va plus loin en expliquant la place prise par l'économie de guerre:
"Le retard pris depuis plusieurs années par la bourgeoisie française pour « réformer » le système des retraites demeure une faiblesse de poids vis-à-vis des bourgeoisies concurrentes. Cet impératif s’accroît d’autant plus que l’intensification de l’économie de guerre impose une intensification inexorable de l’exploitation de la force de travail. Après avoir échoué une première fois en 2019, Macron et sa clique font de cette nouvelle tentative un enjeu pour leur crédibilité et leur capacité à jouer pleinement leur rôle dans la défense des intérêts du capital national".
Et les intérêts du capital national, subordonnés à l'impérialisme américain, sont de fabriquer des armes...avec l'argent du contribuable, surtout prolétaire, de les tester sur le terrain en Ukraine, tout en préparant la population à la guerre (cf. Mon billet sur Macron-Déroulède). On est loin de la défense des retraites, même si l'Etat bourgeois (et tous ses compartiments financiers, politiques et syndicaux) en taisent les dessous.
UNE PROTESTATION REACTIONNAIRE
POURQUOI CETTE LUTTE "ENSEMBLIERE" POUR "DEFENDRE" DES RETRAITES DIVERSES ET INEGALITAIRES EST REACTIONNAIRE?
Parce qu'elle fait dépendre l'avenir de la classe ouvrière et de la société d'exploitation et d'injustice à un avenir meilleur dépendant d'une "retraite juste", "mettant fin à l'injustice", nullement A CHANGER DE SYSTEME ni à penser à une nécessaire révolution. Il me souvient qu'à la veille de 68 se déroulait des manifs pour les retraites et que tout le monde s'en fichait. De plus cette prétention à défendre un avenir "retraitable garanti" fait passer au second plan le plus grave ICI ET MAINTENANT: la précarisation de la vie au travail: "C'est une insécurité généralisée que produit le management du travail moderne"5.
L'urgence des partenaires gouvernementaux et syndicaux est une esquive de la principale urgence DANS LE TRAVAIL ici et maintenant!
Un travail qui devient toujours plus précaire. Un travail qui sépare la classe ouvrière (noyée dans l'euphémisme "couches moyennes") en deux entités: jeunes et vieux, où, comme en ce moment, on semble plus se préoccuper du travailleur vieux en fin de carrière, tout en prétendant "faire un effort" "à l'avenir" pour embaucher les "vieux" de plus de 45 ans! Ici ce n'est pas une question de retraite mais d'actualité de l'infamie patronale et étatique6. Réduire le coût de la "masse salariale" c'est dans la plupart des cas virer quadragénaires et quinquagénaires.
Le présent au travail devient invivable. Les conditions drastiques imposées par le management suppriment toute solidarité de classe dans des conditions de travail infantilisantes. Du coursier au cadre en marketing jusqu'aux enseignants: "Les salariés qui se dopent (à la cocaïne ou au cannabis) le font pour ne pas freiner leurs collègues et garder leur place" (p.144).
La peur de perdre son emploi en conduit beaucoup à des concessions incroyables comme de travailler de façon compulsive de huit à dix heures par jour, avec le lot de mal-être qui suit:, AVC, dépressions, suicides. Un monde à remettre en cause dans l'urgence qui n'est nullement réformable mais une destruction lente et sadique des êtres humains. L'auteure, pourtant apolitique, en démonte bien la trame:
"Le monde qui vient sera-t-il bipolaire? Un monde divisé entre, d'un côté, des multinationales transhumanistes et, de l'autre, des micro-entreprises? Un monde divisé entre des salariés robotisés bien payés et des auto-entrepreneurs précarisés? Aujourd'hui le système ressemble étrangement à l'utopie "Le mailleur des mondes" de Aldous Huxley"7.
NOTES
1L'esprit stalinien demeure chez nombre de gros boeufs CGT, comme je m'en suis rendu compte in vivo. Je diffusais un papier humoristique "éteins la nuit", parodie d'une chanson d'Hallyday, se moquant de la disparition du tarif préférentiel à EDF, mais les mains se fermaient et le regard se faiaait méprisant. Ce n'est pas qu'ils manquent d"humour mais qu'ils sont simplerment cons.
2Le CCI toujours généraliste tient toujours ce genre de discours qui imagine que toutes les parties de la classe ouvrière sont prêtes à discuter: ""Défiler les uns derrière les autres, puis repartir chacun dans son coin est stérile. Pour être véritablement unis dans la lutte, il faut se rencontrer, débattre, tirer ensemble les leçons de la lutte présente et des luttes passées. Il faut prendre en mains nos luttes.Partout où cela est possible, sur les lieux de travail ou ici, sur les trottoirs, sur les places, en fin de manifestation, il faut se regrouper et discuter". Douce rêverie, non ce n'est pas partout que l'on peut discuter, cf. Rappelez-vous les honteuses exactions des ouvriers roumains jadis.
3Lire le très intéressant article de LO sur la scission de la girouette NPA, mais vaut mieux qu'ils ne parlent pas d'eux, LO n'est qu'un petit parti stalinien qui imagine prendre le pouvoir, en tant que parti.
4Expression du putois Mélenchon.
5cf. Danièle Linhart "Travailler sans les autres". D.Linhart nous bassine tout le long avec ce truisme "la valeur républicaine d'égalité", conforme à l'hypocrisie de son frère, principal chef naguère de la secte maoïste "la cause du peuple".
6cf.Violaine des Courières: "L'hexagone n'emploie que 37% des actifs âgés entre 54 et 64 ans, soit 5 points en dessous de la moyenne européenne" (p.151 de "Le management totalitaire".
7"Le management totalitaire"
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