« C’est,
pour une bonne part, comme force de production que le corps est
investi de rapports de pouvoir et de domination ; mais, en
retour, sa constitution comme force de travail n’est possible que
s’il est pris dans un système d’assujettissement ; le corps
ne devient force utile que s’il est à la fois corps productif et
corps assujetti » ;
Michel
Foucauld (Surveiller et punir)
« Dans
cette humanité centrale et centralisée... il faut entendre le
grondement de la bataille ». Le même
«Plus
de 103 000 morts du Covid, plus de 40 millions de personnes
au chômage et la cinquième nuit de chaos ». Présentateur de
TV américaine.
Mais c'est un crime d'Etat. On se focalise sur les cinq
cognes qui ont étouffé George Floyd et sur l'abruti qui lui
coinçait la tête avec son genou. Personne ne s'interroge sur le
« spectacle » ainsi offert à la population mondiale et
sur son objet. La scène est de toute manière révoltante, chacun
d'entre nous spectateurs ressent aussi comme un étouffement, comme
l'approche de sa propre mort. Aussitôt la médiatisation cria au
« racisme » contre un « afro-américain »
(pourquoi pas affreux américain?), dénonçant des criminels
« policiers blancs » (quoiqu'on aperçoive un policier
asiatique debout près du mourant).
Il faut tout de suite convenir de l'importance de
l'ébullition sociale créée, et non pas simplement « genrée »
qui a pris le dessus sur tout autre événement se déroulant sur la
planète. La mise en scène de la marchandisation de l'espace avec la
fusée « la plus puissante du monde » d'Elon Musk n'a
intéressé personne, et la vue du poste de commandement à Cap
Canaveral avec sa noria de techniciens porteurs du masque antivirus,
révélait plus l'impuissance à terre de la science capitaliste que
la glorieuse, et dont on se branle, conquête des étoiles.
Comme à chaque bavure, en France ou ailleurs, la
répression ou l'acte sordide d'un crétin en uniforme, du robot
exécutif1
- car les flics, surtout basiques genre CRS et gendarme mobile sous
armure moyenâgeuse, ne font plus figure humaine - fait aussitôt
l'objet d'une dénonciation hystérique antiraciste, sorte de
contre-feux automatique qui ne peut pas provenir du « pouvoir »
puisque ce sont les contestataires qui s'en chargent (ici, Libé,
npa, Médiapart, etc.). En réalité la bavure possède une haute
dose de récupéralibilité perverse, désolé pour ce néologisme de
ma fabrique, parce que c'est compliqué à faire comprendre. Elle est
d'abord un fait : tant pis pour celui qui a résisté ou
symbolisé l'illégalité, il devait être exécuté. Mais comme
toute justice expéditive elle ne peut qu'apparaître révoltante,
aussi lui trouve-t-on deux faces avocates, d'un côté c'était
accidentel, et de l'autre c'était un acte raciste. Tournez manège,
suite au prochain numéro.
Le scandale principal de l'exécution publique de George
Floyd n'est même pas évoqué depuis plusieurs jours par les médias
du monde entier : la méthode policière étouffante et hyper
risquée du placage ventral au sol (méthode
mondialisée) par cinq brutes contre un ;
notons au passage qu'il y a
toujours une jouissance pour un groupe de
policiers petits (comme lors de l'arrestation du journaliste noir de
CNN) de ficher par terre un colosse du genre de George Floyd,
Gargantua, ancien champion sportif dans deux disciplines majeures aux
USA, ou un journaliste dont la fonction sociale est plus huppée. Le plaquage au sol a déjà tué en France plusieurs
manifestants ou récalcitrants. L'a-t-on déjà oublié ? Comme
on a oublié que les multiples demandes de suppression de cette
« tentative d'assassinat légale » soit interdite pour
les cognes, n'ont buté que sur le mutisme indifférent d'Etat.
L'usage des LBD qui ont tant crevé d'yeux de manifestants gilets
jaunes, a-t-il été retiré de l'armature des demi-soldes robocops ?
Que nenni ! Pourquoi ? Simplement parce que ces deux
méthodes évitent de tirer dans la foule comme dans les années
1950, et que, plus sélectivement masquée sous la parure de
« possible bavure », placage ventral au sol et arme
crève-oeil restent indispensables pour exercer en toute impunité
juridique la terreur de l'Etat bourgeois.
Le plus sordide dans l'emballement médiatique autour du
meurtre officieux de George Floyd est évidemment l'intense campagne,
non pas contre le racisme, qui reste accessoire finalement et usée
jusqu'à la corde, mais la revendication de « justice pour
George Floyd »2.
Demander justice pour un mort tient plutôt de l'oxymore ou du
foutage de gueule, et c'est derrière ce slogan « démocrate »
que les spécialistes de l'indignation libérale, gauchiste et de
tout acabit, se sont congratulés ; sans oublier les slogans
factuels qui limitent toute réelle réflexion politique (on se
rappelle du creux « je suis Charlie ») : « je
ne peux plus respirer », les derniers mots de la victime sous
la botte policière. Mots pourtant qui retentissent cruellement et
véridiquement en écho à la pandémie que subit l'humanité. Mots
qui, hors des slogans farceurs qui font croire à la justice de
classe de la classe dominante, devraient plutôt signifier la
vérité : le capitalisme étouffe l'humanité.
Et c'est là tout l'intérêt de bloquer la
signification de l'événement et de ne pas en rester au constat de
la nécessité de l'émeute mais aussi de sa limite, les frasques
subséquentes des paumés petits bourgeois. On a affaire à une
répression de classe. Point. L'embrasement à Minnesota et dans bien
d'autres cités américaines aurait-il pris une telle ampleur hors la
situation subite de 40 millions de chômeurs. Les médias nous
agitent sous le nez une histoire de noirs versus des flics « fachos »
mais oublient de peindre la toile de fond. Je me permets de rappeler
que mai 68 a commencé non pas à cause du monôme étudiant ni à
cause du réveil des ouvriers consommateurs mais par l'indignation
face à l'ultra-violence policière et de flics sans moyen, tapant en
tous sens comme contre les ouvriers immigrés algériens, et pas
encore harnachés en robocops ni formatés aux techniques dissuasives
plus sophistiquées.
L'indignation contre le meurtre de George Floyd a été
d'abord indignation contre un acte anti-humain, lâche et le fait du
personnel robot de l'Etat capitaliste. Qu'aussitôt on ait barbouillé
le meurtre en le personnalisant sur le seul abruti Dugenoux face à
un « afro-américain » en criant partout qu'il s'agissait
d'un acte raciste traditionnel dans la société américaine, aurait
dû en faire réfléchir quelques uns parmi vous !
Je viens de revoir un film « noir » - « Le
coup de l'escalier » (1959) de Robert Wise – de ces années
de reconstruction, que nous nommons encore en milieu maximaliste
« années de la contre-révolution ». Dans la lignée de
ces films « polars » sur les paumés de la société
consumériste, on y trouve en général un bon reflet des
arriérations d'époque. En comparant avec nos jours, on est frappé
par les énormes différences. Il n'est pas vrai que la société
américaine est aussi raciste que pendant ces lointaines années. Les
sixties, et bien avant 68, sont passées par là. Au cours des années
1970, un slogan des mineurs américains en grève avait bien résumé
la révolution « des moeurs », bien plus sérieux que la
clochardisation bobo à Woodstock : « au fond de la
mine on est tous noirs ». L'Etat bourgeois a d'ailleurs
récupéré au niveau idéologique ce contre-le-racisme en
anti-fascisme d'Etat ; Trump, qui n'est pas fou, a d'ailleurs
été le premier à s'indigner bien avant son rival et la gauche
américaine3.
George Floyd nouvelle victime
expiatoire du prolétariat
Cet homme est aussi une victime du covid, puisque vidé
de sa place de videur (il avait exercé tous les métiers et fait de
la taule comme du sport de haut niveau4)
il cherchait à s'inscrire au chômage. Les circonstances de
l'arrestation sont pitoyables. Floyd aurait effectué le paiement de
ses courses dans un supermarché avec un faux billet de 20 dollars,
c'est à pleurer la misère. Il est aussitôt dénoncé à la police
par une larve de caissier (ça ne se fait pas en France, on lui rend
son faux biffeton et il repart le type). On connaît la suite.
Disproportion ahurissante et un tel zèle des demi-soldes robocops
pour aussi peu de chose, qu'on y voit la condamnation à mort du
voleur d'orange pendant que les Balkany, Carlos Goshn et leurs
équivalents US courent toujours...
On ne peut s'éviter la comparaison avec Damiens5.
Le fameux Surveiller
et punir
place de Michel Foucauld s'ouvre sur l'effroyable supplice de
Damiens, qui sera d'ailleurs le dernier type de massacre public de la
féodalité. Plus que le châtiment du condamné importait à
l'époque la visibilité de la peine, le spectacle de la souffrance
du condamné, « pour l'exemple » comme on dira encore
lors des pelotons d'exécution en 14-18. La peine de mort en public
permettait de démontrer
la puissance du roi. Le corps supplicié devait pénétrer les
esprits et leur faire ressentir la terreur indicible comme rétorsion
inévitable face à toute désobéissance, jusque pendant leur
sommeil.
Foucauld,
aussi débile politiquement que le fût ce pauvre Sartre, n'est pas
ma tasse de thé. Je l'ai d'ailleurs croisé une fois en 1971 avec
Geismar. Comme sociologue de la marginalité, de la folie et de la
sexualité il nous a laissé tout de même de percutantes analyses,
plutôt lorsqu'il se rapproche de la méthode conceptuelle de Marx6.
Par
contre, en prétendant survoler l'ensemble des techniques
disciplinaires, en super prof des hautes études et banal maoïste
certifié, il ne voit dans la discipline d'atelier qu'un
réductionnisme, finalement comme tout bourgeois il croit que le
prolétaire ne peut être qu'un enculé du capitalisme. Contrairement
au subtil Marx il est incapable de voir dans la soumission
disciplinée la fin de la soumission mais l'apprentissage d'une autre
discipline. Discipline et responsabilité dont j'ai déjà rappelé
ici que ce sont les deux aspects fondamentaux dans la conscience du
prolétariat, qui conditionnent paradoxalement sa conscience et sa
recherche de l'unité.
Dans la description
factuelle, Foucauld touche juste. Le corps au travail devient
l’espace d’investissement d’un ensemble de dispositions visant
à la réalisation des profits. « Le corps de l’ouvrier »
inquiète non seulement parce qu’il est potentiellement le foyer
« de l’illégalisme de prédation et de déprédation »,
mais également parce que la paresse, les libations ou les festivités
laissent craindre un « illégalisme de dissipation ».
Le corps est un capital objectivé par les rapports de production :
son épuisement ou la dispersion de ses énergies oblitèrent les
profits futurs, c'est pourquoi la bourgeoisie, pendant le pic de la
crise du covid, a pris tant soin de la santé de la « nation »
Il faut « protéger la force de travail de son propre
porteur ».
L'entreprise, en
particulier via les mafias syndicales, noue entre elles les sphères
du travail et de la vie personnelle,
l’entreprise solidarise l’individu à ses propres objectifs
politiques. Tout cela a été clairement confirmé par le
télé-travail pendant le confinement, loué comme gage de confiance
des exploités, capables de rester soumis sans que leur corps soit
surveillé physiquement.
La
gouvernementalité libérale confirme sa capacité à un enrôlement
des subjectivités. La « discipline d'usine » pouvait
encore produire naturellement le socialisme, parce qu'elle ne tenait
que le corps comme les romains ne ficelaient que les mains des
chrétiens. L'emprise psychologique du capitalisme mondialiste
détruit tout espoir. Le
corps n’est qu’un élément, parmi d’autres, de cette grande
transformation ultrasubjective. Il intègre le capital personnel
d’une entreprise de soi en perpétuelle recherche de performance :
sport, sexualité, sommeil, nutrition, attention et vigilance
prennent place dans un tableau plus vaste de variables
psychosomatiques que l’individu surveille, améliore et augmente.
L’organique, visé par le pouvoir disciplinaire classique, ouvrait
encore la possibilité d’un repli intérieur, d’une recomposition
intime des résistances et des refus. Débordant le territoire
somatique, arraisonnant l’âme à son entreprise de mise en
conformité des subjectivités aux désirs d’accroissement sans fin
du capitalisme, le néolibéralisme vise une prise totale sur
les individus par
les individus eux-mêmes.
Michel Foucault a
usé d’un second concept, la biopolitique, qui lui aussi innerve
les travaux de sciences humaines et sociales depuis une trentaine
d’années. La biopolitique a fini par désigner, pour l’époque
moderne, un régime de pouvoir partagé entre le « faire
vivre » et le « rejeter dans la mort ». La célèbre
journaliste de la sexualité débridée, Marcella Iacub a récemment
mis en exergue la nécessité de réviser la biopolitique
foucaldienne à la lumière des nouvelles lois bioéthiques. Ces
dernières ne visent plus le corps en tant qu’unité organique,
mais le « matériau humain » dans ses déclinaisons et
ses variétés : liquides, organes, substances. Iacub soutient
que, dans cette perspective d’un corps démembré au profit de ses
éléments constitutifs, « l’être humain et même l’espèce
humaine ne vont plus être des données a
priori
mais des horizons à construire ». Le droit opère donc à la
couture de l’organique et du pouvoir. La prise juridique sur le
corps cesse d’être opératoire dès lors qu’un soma
perçu dans ses flux et ses pièces devient la source d’une
politique bioéthique. À la différence du corps décrit par
Foucault dans ses passages de vie à trépas, point déterminant du
régime de pouvoir moderne, le corps contemporain semble ignorer la
mort7.
Il s’agit bien pour le philosophe de « court-circuiter
l’intériorité, la conscience et la subjectivité, et de
contourner toute interprétation d’ordre psychologique ».
Plus exactement, en insistant sur le travail de subjectivation du
pouvoir et les projections sur chaque individu d’une psyché
attendue Foucault ne nie pas la possibilité d’un travail du
pouvoir visant « l’âme » et l’intériorité.
LE
SPECTACLE DE LA VIOLENCE ETATIQUE QUI SE RETOURNE CONTRE ELLE
Je me suis intéressé
également aux réflexions du philosophe marginal Agamben qui
rappelle que, dans le droit romain antique, la condamnation à mort
est très particulière. Mis au ban de la société, le condamné ne
pouvait plus être tué selon les rites de celle-ci ; mais dans
le même temps, son meurtre n’était pas un homicide. Situation
paradoxale d’un homme placé en dehors de la cité, dont
l’exécution ne pouvait plus relever du droit de cette dernière,
mais qui pouvait malgré tout être mis à mort sans inquiéter son
meurtrier.La production de la « vie nue », pure biologie
débarrassée des attributs politiques, par une exclusion mortifère
et paradoxale, serait au fondement de la politique moderne. La figure
de l’exclu opère comme fédérateur de la cité : posée à
l’extérieur de la zone d’exercice du pouvoir, elle en incarne la
limite intangible. La mise à mort publique de George Floyd, présenté
comme « afro-américain », donc pas américain pur
(celui-là existe-t-il à part les amérindiens?), ex-taulard, avec
cette inévitable co-morbidité cachée de tous les criminels, ne
vérifié-t-elle pas finalement que George Floyd s'est mis à mort
lui-même ? En tant qu'étranger à la cité blanche, hors de
l'univers des cosmonautes blancs ?
Foucauld
dépasse les vieilles conceptions de Durkheim qui reste aveugle
devant les « nouveaux mécanismes pénaux »8.
Car les mises à mort et les tortures spectaculaires de
l’Ancien Régime étaient l’occasion de désordres relatés
longuement par Foucault. Le peuple appelé à assister à la
démonstration du pouvoir du roi pouvait tout aussi bien retourner sa
violence contre lui.
La
fonction de la prison n'est pas de permettre la réinsertion des
« délinquants » ; il faut les séparer du reste du
« corps social », les distinguer de la masse des révoltes
du peuple qui entravaient le développement du jeune capitalisme. On
retrouve la même séparation médiatique du 93 du reste de la
société française. Alors que, comme dans les ghettos américains,
se trouve une partie significative de la classe ouvrière, et la plus
manuelle et la plus exploitée, les délinquants doivent s'y
perpétuer comme garantie que la révolte ne prenne pas le chemin de
la lutte de classe. On ne parle pas de quartiers ouvriers, de
prolétaires au chômage mais de population paupérisée, de seconde
ou troisième génération immigrée, de peuple arabe ou noir, jamais
de prolétariat. Le spectacle « révolutionnaire », la
vraie insoumission sociale doit rester l'échappée nocturne en quad,
pied de nez aux policiers qui finit souvent mal. Le spectacle doit
être permanent car il cache le vrai souci des prolétaires confinés
dans taudis exigus et conditions de transport aberrantes.
Le
petit voyou à moto n'est qu'un petit bourgeois raté dont la gloire,
quelquefois posthume aura résidé, dans sa capacité à « soulever
le quartier ». Le jeune voyou de banlieue est le frère du
bonze syndical et le héros de Besancenot et Poutou, qui n'ont jamais
été qu'à l'école des BD.
Les
victimes de l'émeute sans avenir sont les prolétaires du quartier,
noirs ou pas noirs. La casse petite bourgeoise ne fait pas dans le
tri sélectif. Au milieu de l'énorme convergence de troupes de
défense « de la démocratie » (13.000 soldats pour la
seule ville de Minneapolis, si bien nommée), les vraies victimes de
la campagne assourdissante, et qui doivent nettoyer le bordel, ce
sont encore les ouvriers :
« Samedi
en fin de matinée, la petite foule se livre à un véritable ballet
de balais pour chasser l'eau laissée par les lances à incendie. Un
groupe de Somaliennes voilées – une des plus grosses communautés
immigrées de la ville – remplit des sacs-poubelle avec des
détritus, d'autres enlèvent la boue dans l'odeur âcre. « C'est
mon quartier, c'était terrible de voir la destruction hier à la
télé et je suis venue donner un coup de main », raconte
Jenny, une enseignante de 30 ans. « Ce nettoyage et cette
solidarité sont la plus belle chose que j'aie vue depuis le début
de la semaine. » Son mari espère que la violence va
s'arrêter. « Je comprends que certains veuillent vandaliser un
commissariat, mais pas les commerces », dit-il.
« Jenny
est venue avec un grand balai rouge. Jeff, son mari, en a un aussi,
vert pomme. Ils ne sont pas les seuls. Des centaines d'habitants de
Minneapolis ont convergé sur l'avenue Nicollet avec des pelles, des
brouettes et des balais pour aider à nettoyer le quartier. C'est un
des endroits qui a le plus souffert lors de la
quatrième nuit d'émeutes,
vendredi soir. Le commissariat est toujours debout, mais la banque
Wells
Fargo,
le bureau de poste, une station-service et d'autres commerces ont été
brûlés et saccagés ».
Et
pourtant que la démocratie locale était belle :
« Minneapolis
se targue de sa diversité raciale et de ses idées progressistes.
Son maire est démocrate, la représentante au Congrès, Ilhan Omar,
est une Somali-Américaine très à gauche. C'est aussi un des rares
endroits aux États-Unis
où, en 2019, un policier a été condamné à 12 ans de prison,
pour bavure. Mais les manifestants ne font pas vraiment confiance à
la justice. Le rapport médical sur la mort de Floyd suggère que ce
sont ses problèmes de santé qui ont conduit à sa mort, et
non l'asphyxie. Le ministère
de la Justice
n'a lancé aucune enquête, et les trois autres agents présents lors
de l'interpellation sont toujours en liberté ».
Libération
est obligé de décrire une réalité émeutière pas aussi
reluisante que celle qui enthousiasme les infantiles NPA ou black
blocs français, et où les victimes se croient encore trop noires
plus que prolétaires :
« Dans
ce quartier populaire, ils se sentent «abandonnés»:
le maire de la ville et le gouverneur de l’Etat ont affirmé que
les forces de l’ordre n’étaient pas en nombre suffisant pour
faire face aux émeutiers, ni les pompiers pour venir éteindre tous
les incendies. Depuis, des centaines de soldats de la garde nationale
ont été déployées dans la ville, en priorité pour protéger les
autres commissariats et les commerces. «Ici,
on est livrés à nous-mêmes pour se défendre»,
constate Nina, qui affirme que la réaction des autorités aurait été
très différente si «les
mêmes destructions avaient eu lieu dans un autre quartier. Nous, on
ne compte pas.»
Elle dit néanmoins espérer que les événements permettront «de
faire quelques progrès, d’aboutir à des changements à
Minneapolis».
Depuis la mort de Floyd, à Minneapolis, rien n’est manichéen :
il y a des casseurs et des pillards noirs et blancs, et les
manifestants sont également, eux-mêmes, victimes des émeutiers.
«Ce
sont même les gens les plus affectés par les brutalités policières
qui sont aujourd’hui affectés par ces destructions,
insiste Nina. Les
commerces de cette rue qui ont brûlé appartiennent presque tous à
des gens de couleur.»
L’émotion après la mort de Floyd, elle, est unanime, tout comme
l’appel à un changement profond et structurel dans les forces de
l’ordre. «J’ai
élevé deux enfants noirs,
reprend Nina, blanche mariée à un Afro-Américain. Nous
avons souvent dû avoir cette conversation avec eux : comment gérer
une situation compliquée avec la police, comment se protéger contre
eux. On a totalement intégré le fait qu’il y avait une nette
différence de traitement de la police vis-à-vis des noirs et des
blancs.»
Certes
la plupart des zones ouvrières sont habitées par une population
noire, de même qu'on nous a suffisamment expliqué que la majeure
partie des nombreuses victimes du covid aux Etats-Unis était noire.
Certes mais ne sont-ils pas avant tout des prolétaires et pas des
va-nu-pieds ni de quelconques petits casseurs anarchistes noirs et
blancs ? Certes il faut tenir compte de l'énorme capacité de
l'Etat démocratique à favoriser la paranoïa d'être noir et libre
de ses mouvements, comme l'explique superficiellement l'Express :
« Une
fois par jour au moins, Neuli Shangwe et sa famille ont la peur au
ventre. Car une fois par jour, son frère part faire son jogging dans
leur quartier de Minneapolis. Ils s'imaginent alors les pires
scénarios. " Ici, un Noir qui court dans la rue, c'est
forcément un homme suspect, raconte la jeune femme de 27 ans. Et un
homme suspect noir, c'est une victime potentielle des
bavures de la police",
explique-t-elle, navrée9.
Puis son regard vert perd de son intensité et ses yeux se tournent
vers le sol. Dans un souffle, elle ajoute: "Je ne sais jamais si
mon frère reviendra de son jogging..."
Des
manifestations qui ne sont pas sans rappeler d'autres incidents
survenus aux Etats-Unis concernant des meurtres d'hommes noirs, comme
l'affaire Trayvon
Martin
en
2012, la mort d'Eric
Garner
en
2014 lors d'une interpellation - qui a, comme George Floyd, alertant
qu'il ne pouvait pas respirer aux policiers - ou encore celle de
Michael
Brown
à
Ferguson la même année. La liste est longue. Comment expliquer que
de telles situations adviennent aux Etats-Unis et mènent à une si
grande colère ? ».
Justement
l'ensemble de la presse-médiatrice du pouvoir ne l'explique en rien,
sauf à en rester au particularisme racial et aux interviews
impressionnistes de monsieur et madame tout le monde à un coin de
rue.
UNE
ALERTE SOCIALE QUI NE DOIT PAS ETRE REDUITE A LA PROTESTATION
ANTIRACISTE
Que
pèseront ces jours de protestations sociales détournées dans
l'attente d'un vraie justice bourgeoise par rapport aux luttes, pas
aux émeutes, qu'il faudra à la classe ouvrière mener partout, sans
doute avec des revendications plus politiques que salariales.
D'ailleurs à son premier niveau la colère contre le meurtre du
prolétaire George Loyd, est un fait politique, bien que embrouillé
dans les protestations antiracistes de la petite bourgeoisie et de la
bourgeoisie. On ne va pas accepter que les masses d'ouvriers noirs
soient qualifiée de pauvres ou de racisés, mais respectés comme
prolétaires à part entière. La question n'est plus alors quelle
justice ? Mais quel emploi, quel avenir pour les millions de
jeunes avec ou sans diplômes ? Le
gouvernement espagnol a approuvé vendredi en conseil des ministres
la création d'un revenu minimum de base garanti pour les foyers les
plus pauvres. Ce revenu a été fixé à 462 euros par mois et par
personne vivant seule, et jusqu'à 1.015 euros pour une famille, a
précisé Pablo Iglesias, le chef de file du parti de gauche Podemos
et l'un des vice-présidents du gouvernement. Il sera cumulable avec
des revenus modiques. Est-ce que les gouvernants capitalistes croient
que ce genre d'obole va nous empêcher de mettre en cause le
capitalisme ?
Est-ce
que les petits rigolos trotskiens de Lutte ouvrière qui s'alignent
sur ce partage de la misère croient qu'on va les prendre pour des
ennemis du système ? ils titrent leur blog : « Non
aux licenciements, répartition du travail entre tous », ce qui
est nettement moins radical que la mafia CGT ou que les généreuses
donations pour le travail partiel en confinement par les sieurs
Macron et Le Maire.
C'est
tout pour aujourd'hui et je termine avec ce beau mot de Michel
Foucauld :
« Le
droit de mort tendra dès lors à se déplacer ou du moins à prendre
appui sur les exigences d’un pouvoir qui gère la vie. »
PS :
Sur les exactions policières. Il ne faut jamais oublier que ce sont
des exécutants, et qui agissent dans les moments les plus primaires.
Il y a bien d'autres professions flicardes, psychologiques,
journalistes, syndicales. La grosse majorité des corps de police
sont en effet des robocops. Les plus humains se suicident parfois.
Les médias n'en parlent pas, mais parmi eux il y a souvent du dégoût
d'exercer une telle fonction, mais faut bien bouffer même en
uniforme. Leur problème et toutes les révolutions le démontrent,
c'est que les exactions ne tombent jamais dans l'oubli et peuvent se
payer au centuple. J'ai rappelé dernièrement, ce que ne savent pas
ou ne veulent pas savoir le spécialistes de la révolution russe,
que la moitié des flics de Petrograd ont été tués et jetés dans
le fleuve, plus de trois mille en 1917... Dans les grands
chamboulement, il n'est pas interdit de faire preuve d'opportunisme.
En 1945, les flics parisiens qui avaient si bien exercés la
répression pétainiste et envoyé les juifs à la mort, se joignent
« opportunément » à l'insurrection gaulliste organisée
par un stalinien « néo-léniniste »10.
Terminons par cet entrefilet qui sauve l'honneur des policiers restés
dignes :
« Nous
voulons être avec vous. Ces policiers vous aiment ».
Le discours du shérif du comté de Genesee, dans le Michigan, n'est
pas passé inaperçu en plein mouvement de contestation aux
Etats-Unis après la
mort de l'Afro-Américain George Floyd après
une interpellation policière à Minneapolis.
"Marchez
avec nous",
a répondu la foule à Chris Swanson. Policiers et manifestants ont
donc défilé dans le calme à Flint, samedi 30 mai. La
manifestation pacifique a duré plusieurs heures ».
NOTES
1La
représentation des flics comme robots est tout à fait explicite
lors de l'interpellation du journaliste noir de CNN. On voit une
bande de robocops se mouvant au ralenti, cernant puis posant les
menottes au journaliste sans parler, sans donner d'explication. Puis
l'emmener. Le technicien blanc était aussi menotté par après,
puis comme l'image n'aurait sans doute pas eu l'effet recherché, on
nous annonce que seul le journaliste noir a été emmené en
détention, donc preuve d'une arrestation raciste, mais c'est faux
les deux employés de CNN ont été en état d'arrestation.
Noah respire le fric. |
#justiceforgeorgefloyd
#blacklivesmatter
#justiceforall
enough !!!!! It’s not enough to be non racist we must be Anti
racist ! Say it LOUD !!! Justice for Georges FLOYD and ALL !!
Remettons
la palme de l'imbécillité aux bambins immatures du NPA :
« « Les outrances racistes policières qui ont déclenché
les manifestations et la colère qu’on voit dans les rues des
États-Unis sont le fruit de quatre cents ans d’oppression
raciale. Elles sont inséparables et font partie de la
structure même du capitalisme étatsunien. La solution se trouve
donc dans les changements sociaux de grande envergure. D’ici là,
nous revendiquons la fin de racisme policière et la protection des
communautés victimes par de telles violences ». Et ta sœur
on revendique la guérison de son rhume ?
3Avec
un parfait cynisme de façade dont a témoigné un des membres de la
famille de Floyd tant de la part du Trump que du Joe Biden. Un
besoin de justice, des mots et des supplications qu’il a senti
vite balayés par ses deux interlocuteurs. “Je ne comprends juste
pas”, commente alors Philonise Floyd, toujours
sur MSNBC,
des sanglots dans la voix. ”Ça m’a fait mal. [...] Pourquoi
devons-nous vivre toute cette douleur? J’aimais mon frère et je
ne le reverrai juste plus.”
4Une
série d'atouts qui risquent bien d'en faire le nouveau Che Guevara
sur les tee-shirt des banlieues.
5Ce
fût d'ailleurs mon premier surnom de clandestinité militante.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Robert-François_Damiens
9Nous
avons tous été profondément touchés par la chasse à l'homme
puis le meurtre d'un jogger noir, affaire qui relève du faits
divers, du fait qu'il y a beaucoup de cow-boys cinglés en Amérique,
armés, mais qui autorise la vente des armes aussi largement et
légalement ? Ce meurtre n'a pas la même gravité, désolé de
le dire, et signification que le meurtre policier.
10Dans
l'étonnant mea culpa de Didier Daeninckx, vieux spécialiste de la
collaboration aux campagnes idéologiques bourges anti-racistes, on
trouve cette remarque qui montre bien la capacité collusoire de la
bourgeoisie : « Charles Tillon, maire communiste élu en
1945, figurait également dans le gouvernement De Gaulle, un général
qui ne s'était jamais offusqué du fait que son ministre ait été
un mutin de la mer noire ». De mutin à putain...
(« Municipales banlieue naufragé ». Etonnante cette
adaptation du trust Gallimard à la forme brochure pour de courts
textes pamphlétaires, comme ceux que nous réalisions post-68 –
nommés « tracts Gallimard » - mais pas vendus hors de
prix : 3,90 E. Peut-être que, vu les bouquins de merde qu'ils
n'écoulent plus (tous les éditeurs) vont-ils essayer de se
renflouer avec des livrets format peuple?
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