Une étrange insurrection bourgeoise néo-bolchevique |
« La
liberté est la règle ; l’interdiction l’exception”.
Edouard Philippe, ministre
« J'ai
eu pour universités la prison » Léon Trotsky, maximaliste
La
liberté n'était donc plus la règle en France. Six semaines
d’assignation à résidence et de libertés surveillées,
attestées, avec une police déployée comme jamais et plus présente
que chez Orwell, pour notre pays comme pour les autres démocraties,
tout ceci commençait sérieusement à peser sur le moral de la
population et du prolétariat et nous donner envie de rouler à fond
la caisse le soir sur un quad soit à nous morfondre en nous
projetant dans la vie sous l'Etat « prolétarien » en
1918 et même aux heures de couvre-feu pendant la dernière guerre
mondiale. Pourtant il n'y a pas matière à s'en plaindre, le
confinement a limité les dégâts du virus inattendu et de la chaîne
de l'irresponsabilité des dirigeants bourgeois. La crise économique
catastrophique est devant le monde entier. Comme en 68 lorsque les
moyens de télévision abrutissement furent confinés, il y a eu
sacrément matière à réfléchir.
Depuis
des années on nous chantait qu'il n'y avait plus d'argent dans les
caisses de l'Etat, qu'il fallait se serrer la ceinture, faire des
efforts « pour redresser nos comptes », « réduire
la dette » ou « se plier au diktat des 3% de la robuste
et congelée Allemagne ». Voilà qu'il coule à flots
l'argent... mais qu'on nous sussure qu'il faudra « sauver le
pays » tôt ou tard... Les Etats se sont donc inspirés de la
gestion allemande de la crise de 2008 en faisant marcher d'abondance
la machine à billets. L'aide gigantesque au chômage partiel peut
permettre à une grande partie des entreprises de redémarrer plus
vite d'une immobilisation de l'économie pire que celle qui fût
vécue en 1917 en Russie. Il ne s'agit pas d'un revirement social du
gouvernement Macron, ni d'une envie de nous jouer un nouveau Front
popu avec quelques nationalisations. Macron ne changera pas ou
chassez son naturel libéral exploiteur et il revient au galop. Le
déconfinement accéléré a avant tout pour but d'en finir avec le
pansement financier étatique et que les patrons se démerdent à
nouveau pour faire rentrer de l'argent dans les caisses et régler
leurs ouvriers. Etonnante cette précipitation au même moment où
les élites puantes ne parlent plus de crise passagère, plus ou
moins solvable, mais historique...
La
plupart des soumis du clan Macron et des économistes ne savent pas
vraiment encore quoi faire ou n'osent pas mettre sur la table le
revenu minimum universel tant que la misère n'a pas vraiment
explosé. Cet attentisme est bercé par le bla-bla invraisemblable
des Picketty et Mélenchon qui prétendent qu'il suffira de « faire
payer les riches », voire supprimer la dette. Messieurs oui,
mais pour supprimer la dette il y faudra une révolution mondiale !
C'est
une forme d'attentisme assez grave, conforme à l'irresponsabilité
qui a présidé au début de la réponse à la crise du covid. Et qui
pose des questions politiques et sociales qui débordent le petit
cerveau de nos élites bourgeoises. Nous irons donc vers des
affrontements très graves, pas simplement au niveau de nos habituels
faits divers, quoique ceux-ci se soient multipliés, violences envers
les femmes, agressions dans la rue, etc. Ne croyez pas ceux qui vous
disent que les masses sont abruties, atomisées dans le secteur
privé, sans défense face au chantage à la faim, etc. Le problème
n'est ni de tuer Macron, ni de voter pour des comiques beaufs, ni de
se lancer dans l'insurrection made in gilets jaunes (dissipés et
ridiculisés par les permanents CGT qui portent tous désormais un
gilet jaune) ; car lors de la fameuse journée de pris d'assaut
du quartier le l'Elysée en décembre 2018, il s'en est failli de
peu... paraît-il, mais franchement je n'imaginais même pas une
seconde l'illettré Drouet dans la peau d'un géant comme Trotsky.
Mais c'est vrai, l'histoire nous le montre, et je vais vous le
démontrer, l'insurrection n'est pas le plus difficile.
L'exemple de l'insurrection victorieuse et historique
Ce
qui frappe le premier mars 1917 c'est que les foules qui manifestent
dans les rues songent moins à s'intéresser aux hommes politiques ou
aux personnages d'Etat qu'à elles-mêmes. Le plaisir d'aller et
venir sans contraintes, où les soldats délivrés de la guerre se
mêlent aux étudiants, aux ouvriers, aux bourgeois, tous portés par
un bonheur inédit.
La
première partie de la révolution s'est déroulée sans victimes
nombreuses. On méprise l'ancien régime et ses larbins qui se
répandaient en flatteries.
Il
existe désormais un soviet des « députés ouvriers et
soldats », révolutionnaire par nature. Un de ces nouveaux
types de députés, est choisi pour 500 ouvriers, avec une commission
exécutive de 25 membres. Ce type de fonctionnement a été mis en
pratique par les ouvriers typographes et sert d'exemple pour tout le
prolétariat. L'objectif n'est encore que d'établir un pouvoir
« démocratique républicain » à la place du régime
impérial, et déjà a été créée une milice ouvrière. Le soviet,
héritage de celui de 1905, a été recréé le 27 février 1917 à
Petrograd. La désignation des députés ne repose pas toujours sur
une comptabilité exacte et il n'y a aucune règle établie de
jurisprudence « insurrectionnelle », c'est un mouvement
qui emporte les masses et les partis ; on peut trouver un député
pour mille ouvriers d'une usine mais aussi un également pour une
entreprise de moins de 1000 prolétaires. L'essentiel, qui est dans
la nature responsable et disciplinée de la classe ouvrière, repose
surtout sur la nécessité de réorganiser la société,
distributions alimentaires, quadriller les villes pour assurer la
sécurité (la misère développe les bandes de racailles)1.
Le
gouvernement provisoire est obligé de consulter le soviet pour
avancer ses décisions. Le soviet ne lui apporte qu'un soutien
conditionnel : postolkou postolkou (dans la mesure où...).
L'aile
bolchevique du POSDR a compris tardivement qu'une révolution était
en cours et tentait d'abord de ridiculiser le soviet. Les neuf
dixièmes des députés du soviet n'appartiennent à aucun parti. On
y trouve quand même des mencheviques, des
socialistes-révolutionnaires et des anarchistes. Les militaires
présents parmi ces députés sont plus souvent d'anciens paysans
plus attirés par le parti terroriste des
socialistes-révolutionnaires. La garnison de Petrograd, pour son
rôle de premier plan, est surreprésentée au soviet par rapport aux
ouvriers.
Le
vieux débat sur le parti semble dépassé par les événements.
Opposant bolcheviques et mencheviques, la question impérative
était : où parti de sympathisants ou parti trié sur le volet.
C'est la fraction social-démocrate bolchevique qui sera le fer de
lance de la révolution avec des partisans déterminés et impliqués,
et non pas un parti mou d'opinion comme l'aile menchevique. C'est
Lénine qui avec sa brochure – Que Faire ? - a défini le plus
clairement la nature d'un parti cohérent et le moins susceptible
d'être récupéré par la bourgeoisie, et constamment sur le pied de
guerre, car contrairement à ce que croient les anarchistes, il n'y a
jamais de vacuité du pouvoir.
La
priorité est politique. La méfiance vis à vis du pouvoir
intermédiaire (= risque de retour en arrière) est fondée sur le
souvenir du massacre des grévistes de la Léna en 1912, qui avait
entraîné la grève de 100 000 ouvriers à Saint-Pétersbourg. Le
mollasson Kerenski qui est nommé premier ministre « socialiste »,
est aussi responsable du soviet, et il n'a pas affaire à de simples
revendications économiques de la part de la représentation de la
classe ouvrière. Les ouvriers des usines Poutilov le disent sans
fard : « L'heure est arrivée de régler nos comptes avec
l'autocratie » ; Trotsky corrigera par « autocratie
capitaliste ».
On
notera que la décomposition politique de l'Etat s'est surtout
manifestée depuis le premier mars dans l'armée avec la création
des comités de soldats qui impose leur contrôle de l'armement et
exigent la suppression des appellations traditionnelles réservées
aux officiers au même titre que les haut fonctionnaires civils ;
fin du tutoiement et de tout comportement brutal à l'égard des
soldats. La discipline militaire est déjà brisée alors que les
ouvriers ne se contentent encore que de revendiquer. Pire est mis à
l'ordre du jour l'élection des officiers.
Lorsque,
à la mi-mars, le gouvernement veut relancer la guerre, face à la
colère et à la dénonciation par la fraction bolchevique de cette
ignominie Kerenski est obligé de reculer et contraint de publier un
« appel aux citoyens » qui affirme renoncer à la
conquête violente impérialiste. Il n'illusionne personne. Le
pouvoir n'est pas dans les mains de ce gouvernement de toute façon.
Sa seule force de répression a été éradiquée. Fin février la
moitié des 7000 policiers de Pétrograd ont été tués et leurs
cadavres jetés dans le canal Obvodni. C'est d'ailleurs en grande
partie à la suite de ce massacre qu'a été accéléré la formation
de milices ouvrières armées pour contrôler la racaille qui se
répand au moment des troubles sociaux.
Les
« thèses d'avril » de Lénine constituent une bombe
politique en indiquant qu'il faut passer à l'étape de la
« révolution socialiste ». Il n'hésite pas à critiquer
les « erreurs de tactique » des masses, tout en
réaffirma,nt la nécessité du passage de tout le pouvoir aux
soviets des députés ouvriers. La majorité du comité bolchevique
de Petrograd rejette pourtant ces thèses.
Au
début du mois de juin se réunit le premier congrès national des
1090 députés ouvriers et soldats, qui se fiche d'une possible
Assemblée constituante. Il y a deux représentants ouvriers pour les
plus petits soviets (25 000 à 50 000 membres), huit pour ceux qui
dépassent les 200 000 membres, et un maximum de huit délégués par
armée et par flotte. Les délégués bolcheviques ne sont que 105
sur les 822 délégués au congrès disposant du droit de vote.
Lénine appelle encore à la révolution sociale et à la
fraternisation entre soldats russes et allemands (car la guerre
continue).
En
appelant encore une fois de façon plus vindicative à « donner
le pouvoir aux soviets », les bolcheviques signifient
clairement « le prendre au gouvernement » et « virer
les ministres capitalistes ».
Lénine
fait rire tout le monde en prenant la parole au deuxième jour du
congrès : « Notre parti ne refuse pas de prendre le
pouvoir, il est prêt à la prendre à tout moment ». Il décrit
ensuite combien l'insurrection est une tâche simple : « Il
faut arrêter quelques dizaines de capitalistes, les garder dans les
mêmes conditions que Nicolas Romanov et ils nous donneront toutes
les ficelles et les secrets de leur fortune ».
La
réaction de l'amiral Koltchak croyant suppléer à la mollesse du
gouvernement Kérenski est battue en brève rapidement, le soviet des
matelots et ouvriers de Sébastopol désarme les officiers et vote la
destitution de l'amiral. La révolution n'est pas une affaire de
démocratie et de bla-bla.Il y a des exactions. On trouve des gamins
irresponsables et des types sortis de prisons pour s'introduire dans
les milices ouvrières, mais en général un contrôle strict est
appliqué par les ouvriers eux-mêmes, qui refusent le port d'armes
au premier irresponsable venu.
Prendre
le pouvoir ? Ce n'est pas le plus important, a dit Trotsky en
juin, c'est le conserver et surtout empêcher que les autres partis
mi-chèvre mi-chou ou les anarchistes irresponsables ne s'en
emparent. En juillet, les bolcheviques s'opposent à une insurrection
qui serait prématurée.
Du
premier au deuxième semestre 1917 on se croirait en pleine pandémie
française régentée par le camarade Edouard Philippe. La production
est ralentie. Les offres d'emploi sont tombées de 18 000 à moins de
8500. Les demandes ont grimpé à 16 500. Scandale, quand les
ouvriers ne sont pas en grève ou ne participent pas à un meeting,
il en est qui suivent une formation militaire au sein de la garde
rouge créée par l'organisation militaire bolchevique (au printemps
1917, un tiers des hommes quittent l'usine tout en conservant leurs
salaires, pour suivre une formation militaire) ! Le ministre
menchevique du travail dénonce en vain la violence des conflits du
travail et l'inadmissible prise de contrôle des entreprises par
leurs salariés ; il a le culot d'affirmer comme un vulgaire Le
Maire : « Le transfert des entreprises aux mains du peuple
ne favorise pas la révolution ».
Pire
que le métro parisien au mois d'avril, il n'y a plus de trams à
Moscou après 21 heures, et les horloges sont avancées d'une heure
pour faire des économies. Au deuxième congrès du commerce et de
l'industrie trois ingénieurs bolcheviques opposent le bon sens de
classe à l'irresponsabilité des décideurs politiques - « clique
de charlatans politiques » - fustigeant une élite « dépourvue
d'intelligence gouvernementale ».
Passons
sur l'épisode qui confirme la montée de la révolution,
l'obligation où Kérenski est tenu, otage finalement du Soviet,
limoger le général comploteur Kornilov de son commandement de
l'armée russe après sa tentative de putsch. L'avancée de la
révolution a lieu encore et toujours contre l'ordre militaire,
puisque le pays est toujours en guerre. La révolte reste encore si
je puis dire plus anti-militariste que sociale.
Le
28 août, sous le label « Nous exigeons » paraissent dans
le quotidien Rabotchi (L'Ouvrier) les exigences de la fraction
bolchevique : dessaisissement des généraux
contre-révolutionnaires et leur remplacement par des généraux
élus, suppression de la peine de mort, transfert immédiat des
terres, journée de travail limitée à huit heures, contrôle
démocratique des usines et des banques, droit à l'autodétermination
des peuples de Russie, etc.
Aux
élections municipales qui suivent les bolcheviques n'obtiennent à
peu près partout que des résultats médiocres. Cela n'a aucune
espèce d'importance pour la suite, le processus révolutionnaire se
déroule lui dans le cadre des assemblées d'usine et dans les
soviets.
Fin
août toujours, un jour ou deux après « Nous exigeons »,
une résolution bolchevique, avec le même contenu, est adoptée à
la majorité par les soviets de Petrograd et de Moscou :
proclamation de la République, transfert des terres privées sans
compensation, contrôle ouvrier des usines, taxation du grand
capital. Scandale pour les observateurs bourgeois démocrates ou les
monarchistes conservateurs : comment cela se fait-il alors que
les bolcheviques ne détiennent aucune majorité dans les
assemblées ! Trotsky apparaît comme l'orateur le plus
talentueux, le plus puissant et le plus sincère du discours
révolutionnaire intransigeant. A peine sorti de prison, il est une
nouvelle fois numéro un !
C'est
le 10 octobre, après une dizaine d'heures de débat que Lénine
réussit à faire pencher la balance en faveur de l'insurrection
armée « inévitable et tout à fait mûre ». Non sans
mal, et sans cette discipline imaginaire de nos troglodytes
bordiguiens, deux membres du comité central, Zinovoev et Kamenev
vont s'indigner et crier le lendemain sur les toits la nouvelle, en
violation flagrante du nécessaire secret pour réussir une
insurrection. Il leur sera beaucoup pardonné puisqu'ils se
retrouveront quand même au sommet de l' « Etat prolétarien ».
Le
grand drame de la révolution commence dans le fait qu'après la
réussite relativement rapide de l'insurrection, les bolcheviks vont
s'identifier à l'Etat, ce qui les mènera à leur perte. On a
amplement débattu depuis très longtemps dans le mouvement
maximaliste sur cette erreur, ou qui n'en fût pas une pour les
autres. Pas question de refaire l'histoire ici, mais il faut bien
remarquer que c'est parce que Lénine n'avait pas fini son livre
« L'Etat et la Révolution », qu'il a abandonné
finalement les mises en garde d'Engels sur les dangers de l'Etat même
le demi-Etat de la période de transition. On laisse ici de côté
les spéculations faciles des adorateurs de l'Etat-parti, comme quoi
la faute en reviendrait à la non-extension de la révolution
mondiale et du fait que le parti bolchevique, réduit au rôle de
parti-Etat en avait été réduit à gérer l'isolement puis la
dégénérescence. Il s'agit bien d'une erreur qui commence par la
création prioritaire de la Tchéka et finit par la répression de
Kronstadt. Evidemment le plus cohérent de tous les partis et le plus
déterminé, le parti bolchevique au pouvoir a assumé de façon
responsable le pouvoir, mais pour l'Etat (en tant que fédérateur de
la société pour l'empêcher d'éclater en tous sens), et, quoiqu'il
ait assumé de réelles responsabilités en refusant en particulier
l'aventurisme romantique des « communistes de gauche »
qui croyaient encore aux fables de la « guerre
révolutionnaire », pour l'essentiel il n'a pas permis une
société gérée, comme promis, par la classe ouvrière. Les mêmes
adorateurs du parti de fer peuvent nous objecter que la classe,
majoritairement illettrée, était incapable de gérer la société,
ce qui est l'argument misérable de toute élite bourgeoise.
La
vérité c'est que les bolcheviks pouvaient laisser l'Etat nouveau
géré par les différents partis politiques et leur laisser assumer
le sale boulot contre le prolétariat, et rester eux, en tant que
parti intransigeant, dans et aux côtés du prolétariat.
On
peut toujours gloser sur l'immaturité des conditions dans ce vaste
pays paysan et sur le fait que c'était cuit en Occident où la
bourgeoisie, en faisant cesser (provisoirement) la guerre mondiale,
freinait d'autant mieux la généralisation révolutionnaire. On peut
toujours supputer mais cette erreur le mouvement communiste
révolutionnaire l'a payée très cher et la paye encore très cher.
Comme cette erreur ne pouvait déboucher que sur la dictature d'un
parti, qui s'appela rapidement stalinien, et dont on a vu la
conséquence - un demi-siècle de contre-révolution et de
défiguration du projet communiste – quel meilleur moyen de faire
fuir population et prolétariat à l'idée d'une révolution qui est
sensée refiler le pouvoir à un parti totalitaire ?
Sur
la terreur, j'ai déjà expliqué souvent que, en 1793 comme en 1918,
elle est mise en place parce que les leaders révolutionnaires sont
l'objet d'attentats répétés et que les petites terreurs et
massacres des bandes de racailles imposent à l'Etat une terreur plus
grande pour calmer tout le monde. La focalisation des bourgeois
historiens, des journalistes cupides et des cinéastes frivoles sur
cette « criminalité » des bolcheviques est une méthode
de faux-culs qui place la révolution en marge de la guerre mondiale
et non pas comme son principal barrage ; qui oublient que les
gens meurent de faim dans la rue.
On
ne peut vraiment pas faire équivaloir pourtant la Russie sous Lénine
de celle sous le dictateur Staline. Désolé de choquer mes petits
amis intellectuels « conseillistes », Lénine ne fut pas
un dictateur ou alors qu'on me démontre des dictateurs passant des
heures et des journées à expliquer leur point de vue, à accepter
de se retrouver en minorité. En mars 1919 dans le débat sur l'armée
et la politique paysanne, Lénine se fait traiter de tous les noms,
dont celui d'innocent concernant les questions militaires.
Les
bolcheviks ont eu tort de s'identifier à l'Etat, point barre. Mais
le plus sublime et ce qui les exonère pour l'histoire, et les
différencient des vieux bègues marxistes qui croient encore que
l'erreur aurait le droit d'être invariante, c'est qu'ils s'en sont
rendus compte eux-mêmes (silences de Lénine, gêne de Trotsky
lorsqu'il était interviewé). C'est enfin cette récente découverte,
cet « aveu » dans les archives du Kremlin d'un rapport
interne, présenté alors devant le bureau politique du comité
central, qui fait fi de tous les mensonges d'époque pour préserver
l'Etat « prolétarien » après le massacre de ceux de
Kronstadt : « aucune intervention étrangère et
contre-révolutionnaire n'est à l'origine des événements, qu'il
faut admettre comme une réaction contre la dictature du prolétariat
et le régime communiste, le mécontentement de la paysannerie et des
couches arriérées de la classe ouvrière contre la politique de
ravitaillement du pouvoir soviétique ».
Une
dernière remarque, qui visera toutes les variétés d'anarchistes et
de libéraux anarchistes qui accusent les bolcheviques d'avoir mené
un coup d'Etat : personne ne critique le pouvoir gaulliste
d'avoir laissé organiser l'insurrection parisienne de 1945 par des
vieux loups staliniens, calquant la méthode sur celle du comité
militaire révolutionnaire de 1917. Quand ça marche peut importe la
source. Personne n'a été reprocher au principal chef de
l'insurrection le stalinien Rol-Tanguy de ne pas avoir attendu la
décision d'une constituante ou d'un vote de soviets pour lancer
l'assaut !2
Une
insurrection « prolétarienne » à notre époque ne
pourra plus bientôt être considérée comme utopique ou une horreur
sanglante avec la misère effroyable qui nous pend au nez. Il faut
s'attendre à ce que les « forces de l'ordre » soient au
moins aussi irresponsables que leurs maîtres. On voit assez
comment
la police américaine tue sans vergogne des prolétaires, avec l'aide
de la propagande qui focalise l'attention sur le fait qu'ils sont
noirs, pour que la révolte reste « raciale » et non pas
de classe. On voit assez comment en de nombreuses occasions les
policiers français se comportent comme des voyous, quand des voyous
se comportent eux aussi comme des flics qui auraient tous les droits. Je n'ai pas oublié que l'explosion de 68 a explosé à un moment donné à cause de l'hyper violence policière, avec ses moyens d'époque pour cogner primitivement, et qu'elle recommence de plus en plus à exercer une violence souvent disproportionnée et qui développe non pas un simple manque de confiance mais un rejet automatique et indiscutable, et un désir de s'armer soi-même contre les dangers qui vont aller croissant.
The killer Derek Chauvin |
Sous confinement la colère a commencé à bouillir, elle ne va pas
s'exprimer le temps de « libération accordée »
provisoirement par l'Etat, mais la violence sera partout plus tard. Et pourtant elle n'est pas la solution pour celui qui va prendre la place de la classe cupide et irresponsable, et rassurer, une bonne dictature a du bon si elle vise à sauver le genre humain, par le "confinement" de la répression et dictature de la démocratie capitaliste. Le prolétariat international saura bien trouver les moyens pour le mettre en œuvre, et il apparaîtra doux en comparaison de ce qu'on va vivre.
NOTES
1Une
anecdote personnelle sur la violence qui monte de la part des
« largués », démunis définitifs, pauvres hères. Hier
je me rends à l'intermarché de Fresnes. Je ne fais pas attention à
deux femmes miséreuses mendiant assises sur le sol et au type
édenté qui va et vient en soufflant et en s'agitant. Je passe mon
chemin sans répondre aux sollicitations, mais je trouve effrayant
pour les femmes qui passent et les employés du supermarché que le
clochard agité puisse se déplacer en long et en large, stressant
tout le monde. Une fois mon panier rempli, je sors en évitant
encore le type aviné (qui se fait remettre une canette par une des
deux pauvres femmes) et je me rends compte que le clochard a couvert
de ses excrément un côté de ma voiture. Je téléphone le
lendemain au directeur du magasin et je lui demande de faire le
nécessaire, au moins éloigner l'individu de la porte d'entrée, et
que s'il envoie ses vigiles il les équipe de visières au cas où
l'autre se mettrait à cracher. Il me répond qu'il n'est pas la
police. Malgré mes explications réitérant la nécessité de
protéger clients et personnels il radote « je n'ai pas à
faire la police ». Je l'envoie chier. Les mendiants dangereux
vont se multiplier aux portes des magasins. Ils deviennent plus
teigneux, je l'ai remarqué à plusieurs reprises au sud de Paris ;
Une amie m'a raconté qu'une collègue à elle a vu dans le métro
une femme recevoir un coup de seringue par une pauvre hère parce
qu'elle ne lui avait pas fait l'aumône. Il ne peut pas y avoir un
policier devant chaque magasin ou rame de métro, et les policiers
ont plus à faire à crever les yeux des manifestants ou à les
étouffer sur le sol. Quelle joie que ce déconfinement où l'on va
vivre dans la peur du crachat ou du coup de seringue dans les
transports en commun !
2https://fr.wikipedia.org/wiki/Libération_de_Paris
La référence pour comprendre une insurrection de classe reste:
La référence pour comprendre une insurrection de classe reste:
« L'art
de l'insurrection », Trotsky 1930
https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/hrrusse/hrr44.htm
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire