"La suppression de la propriété privée... suppose, enfin, un processus universel d’appropriation qui repose nécessairement sur l’union universelle du prolétariat : elle suppose « une union obligatoirement universelle à son tour, de par le caractère du prolétariat lui-même » et une « révolution qui (...) développera le caractère universel du prolétariat ».
Marx (L'idéologie allemande)

«Devant le déchaînement du mal, les hommes, ne sachant que devenir,
cessèrent de respecter la loi divine ou humaine. »

Thucydide

vendredi 29 mai 2020

Par qui remplacer la bourgeoisie mortellement infectée par le covid? (2)


Une étrange insurrection bourgeoise néo-bolchevique
« La liberté est la règle ; l’interdiction l’exception”. Edouard Philippe, ministre
« J'ai eu pour universités la prison » Léon Trotsky, maximaliste

La liberté n'était donc plus la règle en France. Six semaines d’assignation à résidence et de libertés surveillées, attestées, avec une police déployée comme jamais et plus présente que chez Orwell, pour notre pays comme pour les autres démocraties, tout ceci commençait sérieusement à peser sur le moral de la population et du prolétariat et nous donner envie de rouler à fond la caisse le soir sur un quad soit à nous morfondre en nous projetant dans la vie sous l'Etat « prolétarien » en 1918 et même aux heures de couvre-feu pendant la dernière guerre mondiale. Pourtant il n'y a pas matière à s'en plaindre, le confinement a limité les dégâts du virus inattendu et de la chaîne de l'irresponsabilité des dirigeants bourgeois. La crise économique catastrophique est devant le monde entier. Comme en 68 lorsque les moyens de télévision abrutissement furent confinés, il y a eu sacrément matière à réfléchir.
Depuis des années on nous chantait qu'il n'y avait plus d'argent dans les caisses de l'Etat, qu'il fallait se serrer la ceinture, faire des efforts « pour redresser nos comptes », « réduire la dette » ou « se plier au diktat des 3% de la robuste et congelée Allemagne ». Voilà qu'il coule à flots l'argent... mais qu'on nous sussure qu'il faudra « sauver le pays » tôt ou tard... Les Etats se sont donc inspirés de la gestion allemande de la crise de 2008 en faisant marcher d'abondance la machine à billets. L'aide gigantesque au chômage partiel peut permettre à une grande partie des entreprises de redémarrer plus vite d'une immobilisation de l'économie pire que celle qui fût vécue en 1917 en Russie. Il ne s'agit pas d'un revirement social du gouvernement Macron, ni d'une envie de nous jouer un nouveau Front popu avec quelques nationalisations. Macron ne changera pas ou chassez son naturel libéral exploiteur et il revient au galop. Le déconfinement accéléré a avant tout pour but d'en finir avec le pansement financier étatique et que les patrons se démerdent à nouveau pour faire rentrer de l'argent dans les caisses et régler leurs ouvriers. Etonnante cette précipitation au même moment où les élites puantes ne parlent plus de crise passagère, plus ou moins solvable, mais historique...
La plupart des soumis du clan Macron et des économistes ne savent pas vraiment encore quoi faire ou n'osent pas mettre sur la table le revenu minimum universel tant que la misère n'a pas vraiment explosé. Cet attentisme est bercé par le bla-bla invraisemblable des Picketty et Mélenchon qui prétendent qu'il suffira de « faire payer les riches », voire supprimer la dette. Messieurs oui, mais pour supprimer la dette il y faudra une révolution mondiale !
C'est une forme d'attentisme assez grave, conforme à l'irresponsabilité qui a présidé au début de la réponse à la crise du covid. Et qui pose des questions politiques et sociales qui débordent le petit cerveau de nos élites bourgeoises. Nous irons donc vers des affrontements très graves, pas simplement au niveau de nos habituels faits divers, quoique ceux-ci se soient multipliés, violences envers les femmes, agressions dans la rue, etc. Ne croyez pas ceux qui vous disent que les masses sont abruties, atomisées dans le secteur privé, sans défense face au chantage à la faim, etc. Le problème n'est ni de tuer Macron, ni de voter pour des comiques beaufs, ni de se lancer dans l'insurrection made in gilets jaunes (dissipés et ridiculisés par les permanents CGT qui portent tous désormais un gilet jaune) ; car lors de la fameuse journée de pris d'assaut du quartier le l'Elysée en décembre 2018, il s'en est failli de peu... paraît-il, mais franchement je n'imaginais même pas une seconde l'illettré Drouet dans la peau d'un géant comme Trotsky. Mais c'est vrai, l'histoire nous le montre, et je vais vous le démontrer, l'insurrection n'est pas le plus difficile.

L'exemple de l'insurrection victorieuse et historique

Ce qui frappe le premier mars 1917 c'est que les foules qui manifestent dans les rues songent moins à s'intéresser aux hommes politiques ou aux personnages d'Etat qu'à elles-mêmes. Le plaisir d'aller et venir sans contraintes, où les soldats délivrés de la guerre se mêlent aux étudiants, aux ouvriers, aux bourgeois, tous portés par un bonheur inédit.
La première partie de la révolution s'est déroulée sans victimes nombreuses. On méprise l'ancien régime et ses larbins qui se répandaient en flatteries.
Il existe désormais un soviet des « députés ouvriers et soldats », révolutionnaire par nature. Un de ces nouveaux types de députés, est choisi pour 500 ouvriers, avec une commission exécutive de 25 membres. Ce type de fonctionnement a été mis en pratique par les ouvriers typographes et sert d'exemple pour tout le prolétariat. L'objectif n'est encore que d'établir un pouvoir « démocratique républicain » à la place du régime impérial, et déjà a été créée une milice ouvrière. Le soviet, héritage de celui de 1905, a été recréé le 27 février 1917 à Petrograd. La désignation des députés ne repose pas toujours sur une comptabilité exacte et il n'y a aucune règle établie de jurisprudence « insurrectionnelle », c'est un mouvement qui emporte les masses et les partis ; on peut trouver un député pour mille ouvriers d'une usine mais aussi un également pour une entreprise de moins de 1000 prolétaires. L'essentiel, qui est dans la nature responsable et disciplinée de la classe ouvrière, repose surtout sur la nécessité de réorganiser la société, distributions alimentaires, quadriller les villes pour assurer la sécurité (la misère développe les bandes de racailles)1.
Le gouvernement provisoire est obligé de consulter le soviet pour avancer ses décisions. Le soviet ne lui apporte qu'un soutien conditionnel : postolkou postolkou (dans la mesure où...).
L'aile bolchevique du POSDR a compris tardivement qu'une révolution était en cours et tentait d'abord de ridiculiser le soviet. Les neuf dixièmes des députés du soviet n'appartiennent à aucun parti. On y trouve quand même des mencheviques, des socialistes-révolutionnaires et des anarchistes. Les militaires présents parmi ces députés sont plus souvent d'anciens paysans plus attirés par le parti terroriste des socialistes-révolutionnaires. La garnison de Petrograd, pour son rôle de premier plan, est surreprésentée au soviet par rapport aux ouvriers.
Le vieux débat sur le parti semble dépassé par les événements. Opposant bolcheviques et mencheviques, la question impérative était : où parti de sympathisants ou parti trié sur le volet. C'est la fraction social-démocrate bolchevique qui sera le fer de lance de la révolution avec des partisans déterminés et impliqués, et non pas un parti mou d'opinion comme l'aile menchevique. C'est Lénine qui avec sa brochure – Que Faire ? - a défini le plus clairement la nature d'un parti cohérent et le moins susceptible d'être récupéré par la bourgeoisie, et constamment sur le pied de guerre, car contrairement à ce que croient les anarchistes, il n'y a jamais de vacuité du pouvoir.
La priorité est politique. La méfiance vis à vis du pouvoir intermédiaire (= risque de retour en arrière) est fondée sur le souvenir du massacre des grévistes de la Léna en 1912, qui avait entraîné la grève de 100 000 ouvriers à Saint-Pétersbourg. Le mollasson Kerenski qui est nommé premier ministre « socialiste », est aussi responsable du soviet, et il n'a pas affaire à de simples revendications économiques de la part de la représentation de la classe ouvrière. Les ouvriers des usines Poutilov le disent sans fard : « L'heure est arrivée de régler nos comptes avec l'autocratie » ; Trotsky corrigera par « autocratie capitaliste ».
On notera que la décomposition politique de l'Etat s'est surtout manifestée depuis le premier mars dans l'armée avec la création des comités de soldats qui impose leur contrôle de l'armement et exigent la suppression des appellations traditionnelles réservées aux officiers au même titre que les haut fonctionnaires civils ; fin du tutoiement et de tout comportement brutal à l'égard des soldats. La discipline militaire est déjà brisée alors que les ouvriers ne se contentent encore que de revendiquer. Pire est mis à l'ordre du jour l'élection des officiers.
Lorsque, à la mi-mars, le gouvernement veut relancer la guerre, face à la colère et à la dénonciation par la fraction bolchevique de cette ignominie Kerenski est obligé de reculer et contraint de publier un « appel aux citoyens » qui affirme renoncer à la conquête violente impérialiste. Il n'illusionne personne. Le pouvoir n'est pas dans les mains de ce gouvernement de toute façon. Sa seule force de répression a été éradiquée. Fin février la moitié des 7000 policiers de Pétrograd ont été tués et leurs cadavres jetés dans le canal Obvodni. C'est d'ailleurs en grande partie à la suite de ce massacre qu'a été accéléré la formation de milices ouvrières armées pour contrôler la racaille qui se répand au moment des troubles sociaux.
Les « thèses d'avril » de Lénine constituent une bombe politique en indiquant qu'il faut passer à l'étape de la « révolution socialiste ». Il n'hésite pas à critiquer les « erreurs de tactique » des masses, tout en réaffirma,nt la nécessité du passage de tout le pouvoir aux soviets des députés ouvriers. La majorité du comité bolchevique de Petrograd rejette pourtant ces thèses.
Au début du mois de juin se réunit le premier congrès national des 1090 députés ouvriers et soldats, qui se fiche d'une possible Assemblée constituante. Il y a deux représentants ouvriers pour les plus petits soviets (25 000 à 50 000 membres), huit pour ceux qui dépassent les 200 000 membres, et un maximum de huit délégués par armée et par flotte. Les délégués bolcheviques ne sont que 105 sur les 822 délégués au congrès disposant du droit de vote. Lénine appelle encore à la révolution sociale et à la fraternisation entre soldats russes et allemands (car la guerre continue).
En appelant encore une fois de façon plus vindicative à « donner le pouvoir aux soviets », les bolcheviques signifient clairement « le prendre au gouvernement » et « virer les ministres capitalistes ».
Lénine fait rire tout le monde en prenant la parole au deuxième jour du congrès : « Notre parti ne refuse pas de prendre le pouvoir, il est prêt à la prendre à tout moment ». Il décrit ensuite combien l'insurrection est une tâche simple : « Il faut arrêter quelques dizaines de capitalistes, les garder dans les mêmes conditions que Nicolas Romanov et ils nous donneront toutes les ficelles et les secrets de leur fortune ».
La réaction de l'amiral Koltchak croyant suppléer à la mollesse du gouvernement Kérenski est battue en brève rapidement, le soviet des matelots et ouvriers de Sébastopol désarme les officiers et vote la destitution de l'amiral. La révolution n'est pas une affaire de démocratie et de bla-bla.Il y a des exactions. On trouve des gamins irresponsables et des types sortis de prisons pour s'introduire dans les milices ouvrières, mais en général un contrôle strict est appliqué par les ouvriers eux-mêmes, qui refusent le port d'armes au premier irresponsable venu.
Prendre le pouvoir ? Ce n'est pas le plus important, a dit Trotsky en juin, c'est le conserver et surtout empêcher que les autres partis mi-chèvre mi-chou ou les anarchistes irresponsables ne s'en emparent. En juillet, les bolcheviques s'opposent à une insurrection qui serait prématurée.
Du premier au deuxième semestre 1917 on se croirait en pleine pandémie française régentée par le camarade Edouard Philippe. La production est ralentie. Les offres d'emploi sont tombées de 18 000 à moins de 8500. Les demandes ont grimpé à 16 500. Scandale, quand les ouvriers ne sont pas en grève ou ne participent pas à un meeting, il en est qui suivent une formation militaire au sein de la garde rouge créée par l'organisation militaire bolchevique (au printemps 1917, un tiers des hommes quittent l'usine tout en conservant leurs salaires, pour suivre une formation militaire)  ! Le ministre menchevique du travail dénonce en vain la violence des conflits du travail et l'inadmissible prise de contrôle des entreprises par leurs salariés ; il a le culot d'affirmer comme un vulgaire Le Maire : « Le transfert des entreprises aux mains du peuple ne favorise pas la révolution ».
Pire que le métro parisien au mois d'avril, il n'y a plus de trams à Moscou après 21 heures, et les horloges sont avancées d'une heure pour faire des économies. Au deuxième congrès du commerce et de l'industrie trois ingénieurs bolcheviques opposent le bon sens de classe à l'irresponsabilité des décideurs politiques - « clique de charlatans politiques » - fustigeant une élite « dépourvue d'intelligence gouvernementale ».
Passons sur l'épisode qui confirme la montée de la révolution, l'obligation où Kérenski est tenu, otage finalement du Soviet, limoger le général comploteur Kornilov de son commandement de l'armée russe après sa tentative de putsch. L'avancée de la révolution a lieu encore et toujours contre l'ordre militaire, puisque le pays est toujours en guerre. La révolte reste encore si je puis dire plus anti-militariste que sociale.
Le 28 août, sous le label « Nous exigeons » paraissent dans le quotidien Rabotchi (L'Ouvrier) les exigences de la fraction bolchevique : dessaisissement des généraux contre-révolutionnaires et leur remplacement par des généraux élus, suppression de la peine de mort, transfert immédiat des terres, journée de travail limitée à huit heures, contrôle démocratique des usines et des banques, droit à l'autodétermination des peuples de Russie, etc.
Aux élections municipales qui suivent les bolcheviques n'obtiennent à peu près partout que des résultats médiocres. Cela n'a aucune espèce d'importance pour la suite, le processus révolutionnaire se déroule lui dans le cadre des assemblées d'usine et dans les soviets.
Fin août toujours, un jour ou deux après « Nous exigeons », une résolution bolchevique, avec le même contenu, est adoptée à la majorité par les soviets de Petrograd et de Moscou : proclamation de la République, transfert des terres privées sans compensation, contrôle ouvrier des usines, taxation du grand capital. Scandale pour les observateurs bourgeois démocrates ou les monarchistes conservateurs : comment cela se fait-il alors que les bolcheviques ne détiennent aucune majorité dans les assemblées ! Trotsky apparaît comme l'orateur le plus talentueux, le plus puissant et le plus sincère du discours révolutionnaire intransigeant. A peine sorti de prison, il est une nouvelle fois numéro un !
C'est le 10 octobre, après une dizaine d'heures de débat que Lénine réussit à faire pencher la balance en faveur de l'insurrection armée « inévitable et tout à fait mûre ». Non sans mal, et sans cette discipline imaginaire de nos troglodytes bordiguiens, deux membres du comité central, Zinovoev et Kamenev vont s'indigner et crier le lendemain sur les toits la nouvelle, en violation flagrante du nécessaire secret pour réussir une insurrection. Il leur sera beaucoup pardonné puisqu'ils se retrouveront quand même au sommet de l' « Etat prolétarien ».
Le grand drame de la révolution commence dans le fait qu'après la réussite relativement rapide de l'insurrection, les bolcheviks vont s'identifier à l'Etat, ce qui les mènera à leur perte. On a amplement débattu depuis très longtemps dans le mouvement maximaliste sur cette erreur, ou qui n'en fût pas une pour les autres. Pas question de refaire l'histoire ici, mais il faut bien remarquer que c'est parce que Lénine n'avait pas fini son livre « L'Etat et la Révolution », qu'il a abandonné finalement les mises en garde d'Engels sur les dangers de l'Etat même le demi-Etat de la période de transition. On laisse ici de côté les spéculations faciles des adorateurs de l'Etat-parti, comme quoi la faute en reviendrait à la non-extension de la révolution mondiale et du fait que le parti bolchevique, réduit au rôle de parti-Etat en avait été réduit à gérer l'isolement puis la dégénérescence. Il s'agit bien d'une erreur qui commence par la création prioritaire de la Tchéka et finit par la répression de Kronstadt. Evidemment le plus cohérent de tous les partis et le plus déterminé, le parti bolchevique au pouvoir a assumé de façon responsable le pouvoir, mais pour l'Etat (en tant que fédérateur de la société pour l'empêcher d'éclater en tous sens), et, quoiqu'il ait assumé de réelles responsabilités en refusant en particulier l'aventurisme romantique des « communistes de gauche » qui croyaient encore aux fables de la « guerre révolutionnaire », pour l'essentiel il n'a pas permis une société gérée, comme promis, par la classe ouvrière. Les mêmes adorateurs du parti de fer peuvent nous objecter que la classe, majoritairement illettrée, était incapable de gérer la société, ce qui est l'argument misérable de toute élite bourgeoise.
La vérité c'est que les bolcheviks pouvaient laisser l'Etat nouveau géré par les différents partis politiques et leur laisser assumer le sale boulot contre le prolétariat, et rester eux, en tant que parti intransigeant, dans et aux côtés du prolétariat.
On peut toujours gloser sur l'immaturité des conditions dans ce vaste pays paysan et sur le fait que c'était cuit en Occident où la bourgeoisie, en faisant cesser (provisoirement) la guerre mondiale, freinait d'autant mieux la généralisation révolutionnaire. On peut toujours supputer mais cette erreur le mouvement communiste révolutionnaire l'a payée très cher et la paye encore très cher. Comme cette erreur ne pouvait déboucher que sur la dictature d'un parti, qui s'appela rapidement stalinien, et dont on a vu la conséquence - un demi-siècle de contre-révolution et de défiguration du projet communiste – quel meilleur moyen de faire fuir population et prolétariat à l'idée d'une révolution qui est sensée refiler le pouvoir à un parti totalitaire ?
Sur la terreur, j'ai déjà expliqué souvent que, en 1793 comme en 1918, elle est mise en place parce que les leaders révolutionnaires sont l'objet d'attentats répétés et que les petites terreurs et massacres des bandes de racailles imposent à l'Etat une terreur plus grande pour calmer tout le monde. La focalisation des bourgeois historiens, des journalistes cupides et des cinéastes frivoles sur cette « criminalité » des bolcheviques est une méthode de faux-culs qui place la révolution en marge de la guerre mondiale et non pas comme son principal barrage ; qui oublient que les gens meurent de faim dans la rue.
On ne peut vraiment pas faire équivaloir pourtant la Russie sous Lénine de celle sous le dictateur Staline. Désolé de choquer mes petits amis intellectuels « conseillistes », Lénine ne fut pas un dictateur ou alors qu'on me démontre des dictateurs passant des heures et des journées à expliquer leur point de vue, à accepter de se retrouver en minorité. En mars 1919 dans le débat sur l'armée et la politique paysanne, Lénine se fait traiter de tous les noms, dont celui d'innocent concernant les questions militaires.
Les bolcheviks ont eu tort de s'identifier à l'Etat, point barre. Mais le plus sublime et ce qui les exonère pour l'histoire, et les différencient des vieux bègues marxistes qui croient encore que l'erreur aurait le droit d'être invariante, c'est qu'ils s'en sont rendus compte eux-mêmes (silences de Lénine, gêne de Trotsky lorsqu'il était interviewé). C'est enfin cette récente découverte, cet « aveu » dans les archives du Kremlin d'un rapport interne, présenté alors devant le bureau politique du comité central, qui fait fi de tous les mensonges d'époque pour préserver l'Etat « prolétarien » après le massacre de ceux de Kronstadt : « aucune intervention étrangère et contre-révolutionnaire n'est à l'origine des événements, qu'il faut admettre comme une réaction contre la dictature du prolétariat et le régime communiste, le mécontentement de la paysannerie et des couches arriérées de la classe ouvrière contre la politique de ravitaillement du pouvoir soviétique ».
Une dernière remarque, qui visera toutes les variétés d'anarchistes et de libéraux anarchistes qui accusent les bolcheviques d'avoir mené un coup d'Etat : personne ne critique le pouvoir gaulliste d'avoir laissé organiser l'insurrection parisienne de 1945 par des vieux loups staliniens, calquant la méthode sur celle du comité militaire révolutionnaire de 1917. Quand ça marche peut importe la source. Personne n'a été reprocher au principal chef de l'insurrection le stalinien Rol-Tanguy de ne pas avoir attendu la décision d'une constituante ou d'un vote de soviets pour lancer l'assaut !2
Une insurrection « prolétarienne » à notre époque ne pourra plus bientôt être considérée comme utopique ou une horreur sanglante avec la misère effroyable qui nous pend au nez. Il faut s'attendre à ce que les « forces de l'ordre » soient au moins aussi irresponsables que leurs maîtres. On voit assez
The killer Derek Chauvin
comment la police américaine tue sans vergogne des prolétaires, avec l'aide de la propagande qui focalise l'attention sur le fait qu'ils sont noirs, pour que la révolte reste « raciale » et non pas de classe. On voit assez comment en de nombreuses occasions les policiers français se comportent comme des voyous, quand des voyous se comportent eux aussi comme des flics qui auraient tous les droits. Je n'ai pas oublié que l'explosion de 68 a explosé à un moment donné à cause de l'hyper violence policière, avec ses moyens d'époque pour cogner primitivement, et qu'elle recommence de plus en plus  à exercer une violence souvent disproportionnée et qui développe non pas un simple manque de confiance mais un rejet automatique et indiscutable, et un désir de s'armer soi-même contre les dangers qui vont aller croissant.
Sous confinement la colère a commencé à bouillir, elle ne va pas s'exprimer le temps de « libération accordée » provisoirement par l'Etat, mais la violence sera partout plus tard. Et pourtant elle n'est pas la solution pour celui qui va prendre la place de la classe cupide et irresponsable, et rassurer, une bonne dictature a du bon si elle vise à sauver le genre humain, par le "confinement" de la répression et dictature de la démocratie capitaliste. Le prolétariat international saura bien trouver les moyens pour le mettre en œuvre, et il apparaîtra doux en comparaison de ce qu'on va vivre.

NOTES

1Une anecdote personnelle sur la violence qui monte de la part des « largués », démunis définitifs, pauvres hères. Hier je me rends à l'intermarché de Fresnes. Je ne fais pas attention à deux femmes miséreuses mendiant assises sur le sol et au type édenté qui va et vient en soufflant et en s'agitant. Je passe mon chemin sans répondre aux sollicitations, mais je trouve effrayant pour les femmes qui passent et les employés du supermarché que le clochard agité puisse se déplacer en long et en large, stressant tout le monde. Une fois mon panier rempli, je sors en évitant encore le type aviné (qui se fait remettre une canette par une des deux pauvres femmes) et je me rends compte que le clochard a couvert de ses excrément un côté de ma voiture. Je téléphone le lendemain au directeur du magasin et je lui demande de faire le nécessaire, au moins éloigner l'individu de la porte d'entrée, et que s'il envoie ses vigiles il les équipe de visières au cas où l'autre se mettrait à cracher. Il me répond qu'il n'est pas la police. Malgré mes explications réitérant la nécessité de protéger clients et personnels il radote « je n'ai pas à faire la police ». Je l'envoie chier. Les mendiants dangereux vont se multiplier aux portes des magasins. Ils deviennent plus teigneux, je l'ai remarqué à plusieurs reprises au sud de Paris ; Une amie m'a raconté qu'une collègue à elle a vu dans le métro une femme recevoir un coup de seringue par une pauvre hère parce qu'elle ne lui avait pas fait l'aumône. Il ne peut pas y avoir un policier devant chaque magasin ou rame de métro, et les policiers ont plus à faire à crever les yeux des manifestants ou à les étouffer sur le sol. Quelle joie que ce déconfinement où l'on va vivre dans la peur du crachat ou du coup de seringue dans les transports en commun !

2https://fr.wikipedia.org/wiki/Libération_de_Paris

La référence pour comprendre une insurrection de classe reste:

« L'art de l'insurrection », Trotsky 1930

https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/hrrusse/hrr44.htm

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