"La suppression de la propriété privée... suppose, enfin, un processus universel d’appropriation qui repose nécessairement sur l’union universelle du prolétariat : elle suppose « une union obligatoirement universelle à son tour, de par le caractère du prolétariat lui-même » et une « révolution qui (...) développera le caractère universel du prolétariat ».
Marx (L'idéologie allemande)

«Devant le déchaînement du mal, les hommes, ne sachant que devenir,
cessèrent de respecter la loi divine ou humaine. »

Thucydide

mardi 22 mai 2018

Le degré zéro du socialisme "national"


« Pour M. Homméril, qui a remanié son agenda pour pouvoir être présent, « la symbolique est forte ». « Nous sommes à un moment de tensions très vives car le gouvernement ne sait pas s’y prendre avec les syndicats, expliquait au Monde le président de la CFE-CGC, début mai. Il n’a ni le savoir-faire ni la culture. Sur le service public, où l’urgence est peut-être encore plus forte qu’ailleurs, c’est important qu’il y ait quelque chose qui aide à la prise de conscience du gouvernement. »

M.Homméril vous a certainement provoqué un rire homérique, comme moi à la lecture de cette déclaration ultra-radicale comme savent si bien nous la faire tous les bonzes syndicrates en ce moment, dans la tonalité : « ça va chier si le gouvernement ouvre pas les négociations ». Les négos en coulisses c'est comme le pinard, les bureaucrates syndicaux en ont besoin pour subsister. Et tout le monde de tirer contre Jupiter, l'affreux président des ultra-riches ! Mais détrompez-vous, je vous ai raconté comment récemment j'ai eu l'occasion d'approcher le Macron de près. C'est pas grand chose, il est minus, le cheveu bien découpé autour des oreilles comme un gosse de maternelle des fifties, mais rien dans le crâne ; la preuve c'est comment Trump s'est fichu de lui à deux reprises sans qu'il s'en rende compte. C'est juste un des ventriloques de l'appareil d'Etat qui veut à tout prix « dégraisser » (pour ne pas dire vulgairement baiser) la classe ouvrière, seule solution pour sauver le capital. Ses réformes n'en sont même pas... on a pissé de rire en observant sa flagornerie face à un parterre de groupies sur le vide sidéral et sidérant de son non-plan pour les banlieues... ce ne sont que des attaques pourries de morale antiraciste obséquieuse et déplacée (il est conseillé par un comique arabe très islamisant).
Le problème n'est pas minus Jupiter ni même le sabotage scénarisé des syndicats mais une classe ouvrière faible voire inexistante, ce qui est d'autant plus visible à chaque manif peau de chagrin où dominent les carnavaleux en casquettes et gilets syndicaux avec petit drapeau de l'écurie et gros ballons pour combler l'absence de la masse prolétarienne. Heureusement qu'il y a les bobos black blocks pour péter des vitrines sinon personne ne s'intéresserait à ces successives manifs « populaires », comme le plastique... aurait dit Bordiga.

Encore un coup, comme les fleuves populaires immenses promis par le comique troupier Ruffin et son acolyte Méluche, la presse officielle a tenté de sponsoriser ces pauvres syndicats, on allait voir ce qu'on allait voir...

« Le 22 mai, les neuf syndicats représentatifs de la fonction publique (CGT, CFDT, FO, UNSA, FSU, Solidaires, CFTC, CFE-CGC et FA-FP) appellent les 5,6 millions d’agents à faire grève et à défiler contre les projets du gouvernement les concernant. En cause notamment : le projet de supprimer 120 000 postes, le gel du point d’indice qui sert à calculer les rémunérations, le rétablissement du jour de carence en cas d’arrêt maladie ou encore la simple compensation de la CSG. « A chaque fois que nous avons des propositions communes, des préoccupations communes, nous sommes ensemble, c’est le cas aujourd’hui, tant mieux », s’est réjoui Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT. « Les agents publics sont malmenés aujourd’hui et ils méritent d’être respectés », a-t-il souligné. L’unité syndicale est « une très bonne chose », a insisté de son côté Philippe Martinez (CGT). Pour lui, « le message c’est la défense des services publics, c’est-à-dire une conception de la société française différente de celle du président de la République », et la défense de « l’égalité des citoyens sur l’ensemble du territoire ».

Hélas, trois hélas, cette grève-là a fait un bide phénoménal, c'est pas 5,6 millions de fonctionnaires qui se sont jetés dans la dure bataille pour les négociations, c'est à peine quelques milliers d'affidés et de permanents syndicrates ; et leur 130 manifestations « dans toute la France », parfois bruyantes mais le plus souvent maigrichonnes n'ont pas exalté les pauvres lycéens éliminés d'office par Parcoursup ni empêché les autres travailleurs de travailler. Les bonzes sont quand même culottés. N'ont-ils pas fait savoir la veille, selon tel ou tel godiche de Sud Rail ou d'une autre mafia, que ces manifestations seraient une occasion pour les cheminots de rencontrer les autres travailleurs attaqués eux aussi dans leur statut ? Pour quoi faire ? Pour cheminer ensemble et crier « Macron un an ça suffit ! ». La grève abstraite et irréaliste imaginée par les mafias syndicales réunies n'était même pas représentée mais resta un épisode secondaire par rapport à la cooolère des fonctionnnairrres !(matez ce qui était inscrit sur les banderoles affligeantes!) Et on vanta, non pas la fusion intercatégorie, qui ferait trembler n'importe quel gugusse chef de gouvernement, mais l'unité des bonzes syndicaux en rang d'oignons, alors que tout le monde sait déjà, même leurs trotskiens complices, qu'ils vont nous faire le coup de la désunion pour les arrêts de jeu à la SNCF, où de muette, la grève est devenue sourde.
Les journalistes font, je trouve, preuve d'un certain sadisme dans le décompte picrocholin à la calculette de la participation, et millimétré au chiffre minable près, comme pour mieux justifier le cynisme de minus Jupiter :
« A la mi-journée, le taux de participation au mouvement de grève s’élevait à 9,77 % dans la fonction publique d’Etat (contre 10,41 % lors de la dernière journée de mobilisation des fonctionnaires, le 22 mars) et à 6,3 % dans la fonction publique territoriale (contre 4,95 % en mars), selon une source à Bercy. Le taux de participation de la fonction publique hospitalière n’était pas encore connu. Le mouvement de grève était également suivi par 12,57 % des enseignants, premier et second degré confondus, selon le ministère de l’éducation nationale, en baisse par rapport au 22 mars, où il était de 14,54 %. A Lyon, 800 personnes ont manifesté, selon la police, 4 000 selon les organisateurs. On pouvait lire sur des banderoles : « Licencions les actionnaires, embauchons des fonctionnaires ». Si vous avez vraiment envie de gerber un peu plus sur d'aussi couillons jeux de mots syndicrates : En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/societe/article/2018/05/22/depart-de-la-manifestation-parisienne-pour-la-defense-de-la-fonction-publique_5302814_3224.html#VxRsYAOexeSXxO1a.99

J'ai bien aimé le commentaire d'un anonyme : « 16000 personnes, si on enlève les permanents syndicaux et les casseurs vivant du RSA il ne reste plus grand monde ». Quoique preuve soit faite que les casseurs ne sont pas des RSA mais surtout des bobos bien nourris par papa et qui veulent passer à l'action « anticapitaliste » comme briser des vitrines de l'empire mac do et casser des abribus, surtout qu'ils n'ont pas besoin eux de prendre les transports en commun.

C'est vrai au fond, il y a trop de fonctionnaires, trop de profs, trop de policiers, pas assez de chômeurs. OK Jupiter, continue à dégraisser mais nous eussions tant aimé que tu commences les vraies économies suivantes : suppression du Sénat, de l'Académie Française, de toute la panoplie de la Légion d'honneur, de Sciences Po, de l'Ena, se pencher sur le nombre d'heures de travail des policiers (27 h semaine selon Le Figaro, enquête il y a 3 ans) et du groupement aérien de liaison de l'Etat, avec participation aux frais de déplacement de Macron et de son gouvernement, exiger que les permanents syndicaux ne soient pas payés pendant les grèves qu'ils commanditent, rationaliser les salaires disproportionnés des saltimbanques de télévision et des patrons du Caca 40, réduire les retraites disproportionnées des bourgeoises qui n'ont jamais été que les bonnes femmes à magnats ou potiches à ministres. Mais bon je plaisantais il y faudrait une révolution, me direz-vous. Oui oui. Mais elle n'est pas dans l'air ni devant ni bientôt. Les nombreux chrysanthèmes distribués sur le tombeau de mai 68 en font foi en librairies ou sur les plateaux télé, et le bla-bla ridicule des menteurs gauchistes n'est qu'une palinodie digne des croque-morts professionnels : « tu restes parmi nous, vivant comme jamais, nous t'aimons comme jamais, nous savons que tu es là de l'autre côté du chemin... ».

LA VRAIE CARENCE DU PROLETARIAT : L'ABSENCE D'UNE REELLE THEORIE CRITIQUE DU CAPITALISME, DE SES INSTITUTIONS, DE SES « SERVICES PUBLICS », ETC.
Je t'ai fait perdre ton temps, mon pauvre lecteur, avec la narration du grand rien du « mouvement social » en France, aussi creux qu'une citrouille, aussi barbant que les manifs sur les ordonnances à la veille de mai 68, sauf qu'aujourd'hui les « ordonnances » contre la classe ouvrière vont s'empiler, qu'un retour de flamme n'est pas impossible, mais certainement pas au court terme.
Ce dont je voulais t'entretenir aujourd'hui c'est non pas de l'absence de revendications unitaires, cela je l'ai déjà souligné dans mes articles précédents, ni d'une absence de solidarité naturelle car l'immense majorité des travailleurs n'ont que foutre des statuts de cheminots ou de fonctionnaires, c'est de la nature de la revendication en général, qui peut être totalement étrangère aux intérêts du prolétariat, comme la très néo-stalinienne banderole que j'ai choisie pour illustrer mon propos : « Retour de la SNCF à la Nation » !
Illustration. Prenons par exemple le journal de l'institution syndicale CCAS où deux bonzes sont conviés à discuter des « intérêts communs » : « SNCF et IEG : même combat » (IEG = industries électriques et gazières). C'est la bonzette (du comité central du groupe ferroviaire, ben dis donc!) qui lève le voile dramatique : « la fin du statut et l'ouverture à la concurrence (ferait que) le financement, la « dotation globale », basée sur la masse salariale des cheminots (sic), serait mécaniquement amputée : « … et quid du patrimoine et du personnel qui font vivre les Activités sociales ». Au moins c'est clair, il faut avant tout défendre le personnel de la syndicratie, laquelle risque d'être privée de la « masse salariale des cheminots ». Le bonze de ce qu'il reste d'EDF salue cette déclaration mais parle au nom des usagers, forcément floués par la déréglementation, et élève son propos au niveau d'un député lambda : « Au détriment de l'intérêt général et de l'équité de traitement sur l'ensemble du territoire ». Puis le bureaucrate se fait compatissant envers sa collègue confraternelle en nationalisation :
  • Quel message adressez-vous aux usagers de la SNCF ?
  • La SNCF appartient à la nation (…) c'est ce qu'ont compris les usagers qui nous soutiennent massivement selon différents sondages.

Il en rajoute à son tour : « De fait ces (nos) barrages appartiennent à la nation et à ses citoyens... la privatisation est synonyme de hausse des tarifs. Le bonze d'EDF se prend décidément pour un politologue confirmé et il ose poser la question suivante à sa consoeur : « C'est donc sur un choix de société que vous vous opposez au choix gouvernemental ?
Sidérante la consoeur nous révèle une fervente hulotienne radicale et semble décoller de la fixette sur le statut corporatif : « Au lendemain de la COP 21, nous savons que l'un des enjeux de la survie de notre société, d'une manière globale, est la baisse des émissions des gaz à effet de serre (pas l'exploitation de millions de travailleurs ? Ndlr). Or la seule solution est d'assurer un report modal de la route vers le rail... il y a aujourd'hui des gens qui meurent de la pollution (pas des guerres ? Ndlr) ». Et de nous accoucher son programme, même si on ne sait pas au nom de qui elle parle, du CE de la SNCF, de son syndicat ou éventuellement depuis une adhésion masquée à LO : « Nous avons des propositions progressistes pour une vie en société et en collectivité. C'est la question de la péréquation (sic), car on vit ensemble en France, quel que soit son lieu d'habitation ».
On laissera la conclusion triomphale au bonze de l'EDF avec l'inénarrable langue de bois coutumière à l'espèce : « Bien évidemment, de par notre histoire sociale, nous serons aux côtés des fédérations syndicales, et inviterons les électriciens et gaziers à suivre toute forme d'action proposée par les fédérations au vu des enjeux sur l'avenir du secteur énergétique et du rail, soit l'avenir global des services publics en France ».
Je ne vais pas me focaliser sur le cadre patriotard, et très à la mode en ce moment en Europe et qui peut se comprendre1, mais je vais m'attacher une nouvelle fois à démonter ce vieux mythe du « service public », un service qui relève pourtant de l'Etat bourgeois et de son ordonnancement de la société en collaboration avec syndicats et institutions diverses, donc un système qui ne dépend ni de la compétence de la classe ouvrière ni n'est un instrument de mesure des bienfaits du capitalisme démocratique sur sa longévité, sur sa santé ou son désir de foutre en l'air le capitalisme.

Il est tard, et je ne vais pas me fatiguer à faire la synthèse des origines réformistes et anarchistes du concept de service public, je recopie sur internet ce qu'a été le « socialisme municipal ».

DU SOCIALISME MUNICIPAL A LA GESTION BUREAUCRATIQUE DES SERVICES PUBLICS

Même si ce mouvement a ses origines en Grande-Bretagne avec le socialisme fabien, c'est surtout en France qu'il joue un rôle essentiel et formateur : en effet, il sert de base au mouvement, qui, au contraire des travaillistes, refuse de participer au pouvoir national jusqu'en 1936 et ne peut compter sur le relais syndical depuis la charte d'Amiens. Cette synthèse entre la démocratie locale républicaine et la révolution des Communards caractérise la politique de mairies socialistes à partir des années 1900-1930. Concrètement, arrivé au pouvoir par l'élection, le parti socialiste français doit réaliser le socialisme à l'échelle locale, par la maîtrise publique du foncier et du développement économique au service de la classe ouvrière, de son éducation et de ses loisirs. On s'appuie sur des services publics municipalisés (hygiène, eau, transports, aide et logement social) et sur un personnel communal politisé, payé par une fiscalité redistributive, pour s'assurer le soutien électoral et associatif des concitoyens. Cette solution devient une possibilité de repli sur le pouvoir local, quand les socialistes sont écartés du pouvoir national. Elle fournit des responsables nationaux et les ministres des gouvernements socialistes, dès l’expérience du premier gouvernement Léon Blum (tel Marx Dormoy) puis sous la Quatrième République et même en 1981.Dans la gestion communale, ce modèle s’oppose à un communisme centralisé qui pense le local comme une partie subordonnée de l’État prolétaire, à un anarchisme mutualiste qui favorise les micro-communautés, à une gestion libérale, mettant les espaces en concurrence pour en améliorer le niveau de fonction, et au conservatisme qui défend le maintien d'une vision patrimoniale des espaces au profit de l'élite locale (parcs aristocratiques, chemins fermés…)
Il s’agit, pour le définir succinctement, d’un courant de pensée qui tend à faire de la Commune le laboratoire de la vie économique et de la vie politique décentralisée. Il envisage une conquête graduelle des services publics au niveau communal, chaque commune devant organiser par la suite la production et la distribution en régie directe. Il réside en quelque sorte dans la gestion de la grande majorité des services publics au niveau local et dans une action politique à l’échelon de la Commune.
Traditionnellement, le socialisme municipal est présenté comme l’œuvre de Paul Brousse, qui se serait inspiré de Benoît Malon, qui, lui-même, se serait inspiré de César De Paepe.
Une étude sur les origines intellectuelles du socialisme municipal à partir de la brochure sur les Services publics de César de Paepe n’a certainement pas pour but de découvrir une idée nouvelle dans la pensée du maître mais plutôt de faire découvrir un auteur trop souvent oublié. Une façon de rendre à César ce qui appartient à César… Suivant la lecture de la remarquable brochure de César de Paepe, la présente étude aurait pu être divisée en trois parties, de Paepe tentant de répondre à trois questions : 1. Qu’est-ce que les services publics ? C’est-à-dire lesquels sont utiles ? 2. À qui l’exécution de ces services incombe-t-elle ? 3. Comment, c’est-à-dire de quelle manière, les services publics doivent-ils être exécutés dans l’avenir ? Nous faisons le choix d’étudier la réponse apportée à ces trois questions sous l’angle des deux idées phares défendues par César de Paepe. Ainsi, nous verrons comment il entend répartir les services publics, ce qui est l’occasion d’étudier la décentralisation politique qu’il propose (I) ; avant d’examiner, plus en détail, le collectivisme évolutionniste dont il est en quelque sorte l’architecte, ce qui nous conduit à examiner la centralisation économique qu’il défend (II).
De Paepe est, sans surprise, plus proche de l’école interventionniste, pour qui les services publics doivent être confiés à l’Etat ou à la Commune, que de l’école du laisser-faire, qui souhaite que ces tâches soient exécutées par des individus ou des compagnies privées. Il reconnaît qu’entre les deux il existe des écoles.... En dépit de l’évolution idéologique dont nous avons fait part dans notre propos introductif, il reste assez méfiant vis-à-vis de l’État. Cette défiance explique qu’il soit très clairement favorable à la mise en place d’un fédéralisme modéré qui prend la forme d’une décentralisation politique. Il envisage, en effet, une répartition de la charge des services publics entre l’État, la Commune et la Confédération. Cette répartition tourne, du reste, très largement à l’avantage de la Commune qui doit devenir le véritable organe des fonctions politiques. Il cherche à confier le maximum de pouvoir à ces communautés, qui sont avant tout des communautés ouvrières. Avant d’examiner cette répartition (B), il convient de s’attarder sur les différents organes, sujet de la décentralisation politique qu’il entend défendre (A).
L’État apparaît, dès lors, comme un élément « naturel », voire indispensable, de cette nouvelle organisation politique. Si de Paepe n’envisage pas sa suppression, à l’inverse d’une partie des socialistes, il ne souhaite pas, pour autant, qu’il conserve sa forme actuelle. Il défend, en effet, une autre forme d’Etat : « un État fédératif, un État formé de bas en haut, un Etat ayant à sa base pour origine un groupement économique, le groupement des corps de métier formant la Commune ». Des services publics, op.cit., p. 23.. Selon lui, il est nécessaire de reconstituer l’État sur de bonnes bases. Il fait de l’État une machine, « l’instrument des grands services publics » Ibid., p. 24., ajoutant que, comme toutes les machines, elle a été destructrice pour les travailleurs, qui doivent désormais s’en emparer et y apporter les modifications nécessaires. L’État doit être non autoritaire, autrement dit, il ne doit ni faire ni imposer sa loi. C’est pourquoi il propose que les lois soient votées dans les Communes et espère, un brin idéaliste, que certaines d’entre elles, à terme, n’auront plus besoin d’être votées tant elles paraîtront évidentes. Il fait ainsi de la Commune l’organe des fonctions politiques, reléguant l’État à d’autres fonctions, sur lesquelles nous allons revenir. De Paepe est prêt à abandonner le mot État, peut-être trop connoté idéologiquement, au profit d’une autre dénomination telle « administration publique, délégation des communes fédérées », pour ne pas faire fuir ces socialistes qui craignent l’intervention de l’État s’agissant des services publics »2.

Dès la fin des années 1960 l'Etat a compris qu'il devait faire jouer la décentralisation, et Macron comprend si bien celle-ci qu'il veut dégager l'Etat de certaines charges financières sur le dos des communes et des régions. Mais cette théorisation du service public (socialisme communal) a fait long feu depuis 1945. Nos chers disparus éclateraient de rire si on leur racontait que les services publics sont une marche vers le socialisme ou le communisme. Ils ont en revanche été englobés sous la forme des nationalisations et ont servi de pain blanc à des générations de politiciens et syndicrates de gauche (statufiés permanents à vie) en opposition professionnelle mais cogérante des « services publics » de la « nation » et de ses « usagers » et autres citoyens divers ; l'extrême droite en Europe à son tour fait de la défense du service public un axe de sa bataille... nationale.
Or la marche d'une société ne dépend pas plus des divers services publics sous contrôle étatique que de la bonne ou mauvaise santé de telle ou telle industrie. La classe ouvrière n'y a de toute façon pas voix au chapitre. Le management moderne est autrement plus complexe qu'au temps des nationalisations qui, au même titre que les anciennes forteresses « ouvrières » dans l'automobile ou la mine, ont fait les beaux jours de la « reconstruction ». Le management ne fonctionne plus sur la seule question de la paye3 ; Maslow hiérarchise cinq besoins fondamentaux, qui s'apparentent à mon sens à un cocooning aliénant nécessaire au capital pour nous contrôler toujours plus et prétendre nous empêcher de penser que le communisme serait lui vraiment libérateur :
  • les besoins physiologiques (besoins vitaux)
  • les besoins de sécurité (physique ou psychique)
  • les besoins d'appartenance
  • les besoins d'estime/de reconnaissance
  • les besoins de réalisation et d'accomplissement.

On pourrait remarquer que ces cinq besoins ont existé et existent partiellement encore dans les grands « services publics » mais au milieu d'une nuée de nuances hiérarchiques et d'intérêts diamétralement opposés sans oublier la concurrence à mort entre collègues...

La discussion sur une réorganisation de la société ne peut imaginer un « management communiste » et nécessite encore de reprendre les vieux débats du mouvement maximaliste car on trouve assez généralement chez les bobos de tout acabit et dans l'intelligentsia bourgeoise des notions fort conservatrices ; ainsi il n'y aurait plus nécessité de renverser l'Etat, nous pourrions développer les assocs, fraterniser avec l'écologie planétaire voire suivre les principes végans... Cette discussion politique plus générale sur quelle société envisager – j'aime bien l'appellation du groupe « les explorateurs des lendemains » - rôle des comités, syndicats, partis, Etat et gouvernance décentralisée, n'est menée par personne. La plupart des blogs ou forums gauchistes ou anti-gauchistes ne parlent pas de politique. Ils se font les amplificateurs de la morale antiraciste ou antifa de salon des gouvernants, notent et commentent faits divers et crimes racistes, s'invectivent pour des histoires de bonne femme ou s'insultent rapidement en s'excluant mutuellement après avoir honni leur propre mère. Sur facebook c'est à mi-chemin entre la cour d'école et Sainte Anne. Les réunions publiques des gauchistes sont des montages de cirques où ils ne réfléchissent pas plus que Macron à une société qui se délite et n'offre que désespoir et suicide.

Une discussion sur les mythes usés de la gauche bourgeoise (nationalisations, services publics, comités d'entreprise, etc.) serait bien utile à la classe ouvrière pour ne pas se laisser enfermer dans des questions secondaires de cogestion capitaliste ou étrangères à ses véritables revendications immédiates. Je conseillerai à tout jeune révolutionnaire maximaliste de ne pas se contenter de lire le Cahier bleu de Lénine ou L'Etat et la révolution, mais l'étonnant et très instructif : « Je vais vous apprendre à intégrer HEC » (prépa édition 2015) ; certains d'entre vous en resteront baba ; c'est une bible même pour nos futurs ministres prolétariens, éligibles et révocables dans l'heure bien entendu.

NOTES:

1L'argument du terrorisme « venu de l'étranger », comme la fable de la possession d'armes de destruction massive pour liquider telle ou telle puissance régionale, ainsi que l'invasion migratoire et religieuse, laissent à penser que seul un repli national pourrait limiter les dégâts. En Italie on assiste au merveilleux spectacle de la communion des extrêmes pour former un gouvernement commun, sans doute aussi long que Pépin le bref, comme en France où Macron a réussi à embrigader autant de vieux politiciens (et politiciennes) des camps de la droite et de la gauche bourgeoises.
2https://www.cairn.info/revue-francaise-d-histoire-des-idees-politiques-2015-2-page-167.htm
3Une foultitude de sociologues et de chercheurs ont été mis à contribution pour aller plus loin que le système Taylor, voir comment exploiter de façon optimum le travailleur, par exemple Maslow et la théorie des besoins (ed Dunod, p. 29).

LA GAUCHE MARECAGEUSE

Tout le programme minable de la gauche nationale populaire ou populiste si vous voulez.

Gentilly, mai 2018




UN PETIT HOMMAGE A NOTRE MENTOR (certains et certaines le reconnaîtront, il fût un passeur de Socialisme ou Barbarie et de Pouvoir Ouvrier)

« Mais cela suffit-il au « comité révolutionnaire » ? Il ne suffit pas que le lycée Buffon soit un temple de la culture bourgeoise, il faut qu'il soit un foyer rayonnant dans tout le quartier, il faut que la culture descende dans la rue, il faut qu'elle cesse d'être un privilège, et c'est dans ce but ultime que nous poursuivons notre action ».

Jean-Pierre Hébert (17 ans, Président de la Commission culturelle, juin 1968) in Le courrier de Buffon.

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