Malgré ses deux défaites en 1918 et
en 1945, la bourgeoisie allemande a réussi le tour de force de
conserver son capital industriel et diplomatique. Non soumise à des
exigences financières de réparations faramineuses comme au
lendemain de 14-18, elle n'est pas l'objet d'une mise à genoux
économique comme lors de l'Armistice de 1918, de la part des
vainqueurs américains. Pour une raison qui coule de source de la
part des vainqueurs américains, anglais mais moindre chez le cynique
Staline : il n'est plus possible de tenir sous la férule de la
terreur militaire les prolétariats des pays développés.
L'occupation de l'impérialisme dominant ne peut plus s'exercer par
le seul « parapluie » militaire primaire comme ce fût le
cas sous le règne européen des nazis. L'occupation requiert une
plus grande subtilité, laquelle se base sur le relèvement
économique des pays dévastés par la guerre mondiale. Du plan
Marshall aux accords de Bretton woods, l'impérialisme américain a
besoin de pays vassaux en bonne santé économique à condition
qu'ils restent ouverts à la pénétration économique de ses propres
produits, des machines à l'industrie du cinéma.
Cette forme de colonisation qui pèse
sur toute la reconstruction – et qui est masquée sous la création
de l'entité européenne – ne s'est pas modifiée jusqu'à nos
jours, l'Europe restant le principal marché capitaliste du monde.
L'effet pervers de la scission de
l'Allemagne pendant 50 ans :
Nul doute comme on sait (en lisant ce
blog) que le débarquement de 1944 n'avait pas pour but de libérer
la France ou la Belgique (L'Allemagne avait déjà perdu la guerre au
Moyen Orient), mais d'atteindre au plus vite le cœur de l'Allemagne
pour conserver le bastion capitaliste le plus inexpugnable. Staline a
pris de vitesse l'armada américaine qui a fait contre mauvaise
fortune bon cœur. La bourgeoisie allemande maintenue, débarrassée
de l'armada nazie, allait bénéficier d'un cadeau en or pour le
redéploiement de son industrie ; comme Rosa Luxemburg et Lénine
l'avaient démontré, le poids des dépenses militaires grève
toujours terriblement les budgets d'Etats capitalistes. Et, ce qu'ils
n'avaient pas pu voir à leur époque, le pétrole est devenu le sang
noir du capitalisme pour lequel il ensanglante la planète.
Les deux Allemagne ont ainsi
favorablement aidé et consolidé chacun des deux blocs durant la
période dite de guerre froide : la RFA comme principal mirador
et tremplin militaire face au bloc russe, et ce que l'on sait moins,
la RFA comme principale colonne vertébrale industrielle du bloc
stalinien. Parallèlement la division en deux de l'Allemagne permit
déjà d'affaiblir considérablement l'unité du prolétariat, le
divisant cruellement entre deux idéologies anti-communistes, entre
deux niveaux de vie : triomphe du consumérisme et de la
promotion sociale à l'Ouest (RFA), misère relative et bourrage de
crâne anti-occidental à l'Est (RDA).
A l'Est, la RDA n'était pas
simplement le satellite stalinien juste capable de fournir de
misérables Traban aux prolétaires, ni le principal lieu des
puissants services secrets de l'Est (la Stasi) mais la plaque
tournante industrielle qui contrôlait les autres « démocraties
populaires », Pologne, Tchécoslovaquie, Hongrie, etc. Le
régime de Staline contrôlait donc son bloc plus à partir de la RDA
que du Kremlin.
La réunion des deux Allemagne,
présentée comme inévitable besoin des peuples « en révolte
contre le totalitarisme » ne fût que l'aboutissement des
menées américaines en particulier en Afghanistan, épuisant les
ressources du bloc russe et lui faisant rendre gorge sans qu'il
puisse entreprendre une guerre mondiale1.
La réunification n'était en plus nullement due au prolétariat à
nouveau placé au rang de grand absent de la scène historique.
L'éclatement des deux blocs, pour faire
court, nous a conduit au chaos que nous connaissons aujourd'hui où
les clivages n'apparaissent plus entre Etats-Nations mais
fractionnent même de l'intérieur les Etats au profit de bagarres de
clans industriels, financiers ou pétroliers. Pour les plus informés
le massacre des twins à New York en 2001 n'est que le résultat de
confrontations entre fractions de la bourgeoisie américaine. Le
capitalisme moderne ne peut plus être expliqué avec les notions
simplistes de conflits de blocs ni de nations dominantes. Le capital
décadent, comme tout vieillard atteint d'Alzheimer ou de Parkinson,
singe même ses allures de jeunesse. La « main invisible »
du marché semble s'être ressourcée dans la « main
invisible » du militarisme et de la finance, au point que les
plus éminents spécialistes en perdent même parfois leur latin,
laissant aux journalistes les interprétations les plus fantaisistes
voire les plus simplistes.
L'Allemagne actuelle symbolise assez
bien le comportement d' « enfant terrible » de chaque
capital national.Avec un solide acquis. La réunification des deux
Allemagne a longtemps été l'objet de commentaires superficiels sur
un soit disant « ratage », une persistance des inégalités
entre wessies et ossies, une population à l'Est défavorisée,
considérée comme province adipeuse2.
En réalité, comme les meilleurs
observateurs, et les plus craintifs face à une résurgence de la
grande Allemagne prédatrice, l'avaient présumé, cette
réunification a été le garant de son renforcement et non les
quelques années de libéralisme effréné du chancelier Schroder.
Réunifiant l'expérience des managers de l'Ouest et des flics
apparatchiks de l'Est, la bourgeoisie allemande n'a pas cessé de
jouer un rôle déterminant dans la diplomatie internationale,
combattant en sous-main le protecteur US ou s'alliant avec lui selon
les intérêts du moment. Il n'y eu pas besoin d'une armée
allemande, même « humanitaire » pour faire éclater la
Yougoslavie3.
La force traditionnelle de l'économie allemande en Europe centrale
fît éclore suffisamment de clans nationalistes régionaux pour que
les politiciens de l'ancien régime stalinien constituent eux-mêmes
leurs groupes de mercenaires au nom de la liberté occidentale, d'une
histoire héréditaire romantique ou de critères religieux (les
industries d'armement des principaux pays vendeurs d'armes y firent
de juteux bénéfices).
A plan du nivellement, de la négation
et de l'atomisation du prolétariat, le capitalisme allemand fût
exemplaire pour les grandes puissances, même si la bourgeoisie
américaine avait déjà mis en pratique la stratégie d'immigration
à flux continue qui maintient l'arriération économique et
industrielle des pays secondaires ou ex-colonies, et empêche toute
unification du prolétariat4.
Au temps du bloc de l'Est, la RDA forma
aux techniques industrielles une masse très importante des
travailleurs de l'Est, en Pologne, en Hongrie, etc.Cette manne est
donc reversée à l'Allemagne actuelle, qui a intégré deux millions
de travailleurs turcs. L'ouverture des frontières européennes
profita donc pleinement à l'Allemagne réunifiée. Là est le
résultat de son « insolence économique », en plus de
l'absence de charges militaires supportées par d'autres, France,
Angleterre, Italie, Belgique, Hollande, Espagne. Le triomphe
économique de l'Allemagne opaque se résume aux 500 euros par mois
avec lesquels elle rétribue ses salariés multi-ethniques !
La bourgeoisie allemande est aussi
divisée entre fractions politiques liées à des groupes pétroliers
et gaziers, comme l'américaine, mais aussi désormais les sunnites
des pays sous-développés.
Pour récupérer l'Arabie Saoudite le
combat de l'ombre fait rage. Il n'y a plus la simple opposition
contre les chiites (l'Iran) mais entre sunnites : Qatar et
Turquie face à l'Arabie Saoudite. Le terrorisme individuel et les
bandes armées inorganisées servent d'écran de fumée à la réalité
des conflits d'intérêt. L'immense massacre en Syrie résume toutes
les contradictions et rivalités. Les menées américaines ne peuvent
même plus s'allier au boucher Assad ni compter rallier les dits
« insurgés » maqués par telle ou telle fraction sunnite
ou chiite. Ce n'est plus même une libanisation ou une balkanisation
mais une chaotisation (kaotic est d'ailleurs le nom d'un site qui
poste librement les pires meurtres des bandes armées), si je puis me
permettre ce néologisme.
Que cherche la bourgeoisie
allemande ? Elle cherche à reconstituer L'Empire allemand comme
au temps de la Duplice
où l’Empire
allemand et l'Autriche-Hongrie, les "Empires centraux",
constituèrent une alliance dominant l'Europe mais avec une
prétention plus étendue de régenter l'Europe du Danemark à la
Grèce.
La Chine, affamée aussi du sang noir
pétrolier, place également ses pions, en particulier en Afrique
mais doit compter avec le fournisseur russe. La Russie tangue entre
ses intérêts de proximité avec la bourgeoisie allemande et avec
les groupes pétroliers et financiers américains (la convivialité
avec le trust Exxon dont j'ai parlé dans l'article précédent). Les
oligarques russes sont tous d'anciens apparatchiks staliniens qui ont
profité de l'éclatement des blocs pour se remplir les poches. La
guerre en Ukraine est directement téléguidée par la bourgeoisie
allemande. Effroyable constat face aux mille menteurs de la classe
politique bourgeoisie de droite et au MEDEF en France qui la
présentent comme un admirable exemple de « réussite
économique », alors que l'Allemagne (sans potentiel
militaire)fait partie des plus sordides manipulateurs impérialistes
à faire rougir Hitler pour sa grossièreté et sa goujaterie
meurtrière.
UNE DESORIENTATION PERMANENTE POUR LE
PROLETARIAT
Dans ces conditions, terrorisé par
tant de guerres, de crimes quotidiens rendus inexplicables par ce
maëlstrom de conflits d'intérêts et de clivages de fractions
bourgeoises qui ne sont plus délimités par des intérêts
nationaux, le prolétariat est convié à prier pour plus de
démocratie, plus de protections militaires, en gros pour choisir la
politique de l'autruche à travers des espoirs de travail régional,
des indépendances picrocholines et la croyance... en dieu. Car le
capitalisme féodal décadent ressort toutes les croyances antiques,
toutes les superstitions des lois du hasard, typiques du règne sans
partage du féodalisme5.
Mais, même apeuré et fractionné, le
prolétariat reste la classe dangereuse pour une raison qui éclate
au grand jour en cette honteuse année commémorative des millions de
victimes du capital : le souvenir de la boucherie de 1914. Ce
n'est plus depuis 1945 que la guerre mondiale est impossible, mais
depuis 1914. En 1940 les populations prolétaires ont fui en masse
les possibles nouvelles tranchées, depuis la Hollande, la Belgique
et le nord de la France. Je veux dire une guerre mondiale impliquant
la mobilisation du prolétariat au service du nationalisme
patriotique. La deuxième boucherie ne fût pas une guerre de
positions, comme on pouvait la concevoir au XIXe siècle, mais une
guerre où les idéologies mondialistes des camps en présence
recoupaient des aires géographiques et non plus des nations, où la
technique industrielle du meurtre de masse atteignit une dimension
irrationnelle et inimaginable de destruction de l'espèce humaine. On
n'assista pas à la constitution d'armées nationales de volontaires
pour la défense de la patrie mais à des enrôlements ponctuels de
troupes non basées sur la fameuse « levée en masse »,
mais à des recrutements d'office pour la vague « démocratie »,
pour la fumeuse idéologie de la « race ».
Ou d'un communisme de caserne très
patriotique et inter-ethnique (les films de propagande staliniens
exaltaient comme ceux des nazis l'appartenance régionale ou
ethniques des combattants. La guerre d'Espagne avait été le
prolégomène à cette fumisterie.Or le prolétariat n'est plus
mobilisable en tant que tel, on seulement parce qu'il est nié ou
considéré comme faribole ringarde mais parce qu'il reste marqué,
même chez les plus ignorants, par le souvenir de la fameuse « der
des der », parce que « mourir pour la patrie » a
été enterré en Amérique du Sud et au Vietnam dans les années
1970. Et aussi parce que la vilenie des requins impérialistes a
atteint des sommets de criminalité qui ne peut que favoriser tôt ou
tard l'insurrection généralisée, plus vite et plus loin qu'en
1917.
Les opposants officiels à la
« mondialisation capitaliste » et au « libéralisme
sauvage » ne sont plus que les clowns écologistes, les
anarchistes péquenots et les élections universellement phagocytées
par une noria d'arrivistes bobos, où sont absents les prolétaires.La
classe ouvrière reste encore veuve d'un véritable parti
révolutionnaire mondial. Mais elle peut se remarier avec la
perspective révolutionnaire communiste.
Partout la classe ouvrière est censée
vivre du contentement d'une misère à géométrie variable jusqu'à
la misère absolue et à la mort pour les nouveaux boat-people. Et ce
qui accable cette classe martyrisée, sodomisée, assassinée, c'est
son exclusion de la vie civique, du monde du savoir et de la culture.
Démunie de tout ou goinfrée de besoins artificiels qui restreignent
tout horizon intellectuel et social, la classe ouvrière se retrouve
réduite en esclavage. A la fin du XIXe siècle, le Boston Post
écrivait : « le travailleur est supposé demeurer
patiemment à sa tâche, en raison de la ferme conviction qu'il ne
pourra jamais dépasser son cercle ni changer les lois qui le
gouvernent »6.
Les classes bourgeoises, en France
comme en Allemagne et ailleurs, détiennent le pouvoir de la parole
et du meurtre impuni. Pour combien de temps ?
1Nombre
d'autres opérations clandestines de sabotage du système industriel
à l'Est furent menées clandestinement par les agents secrets
américains, notamment la destruction de la fine fleur de
l'industrie en Roumanie avant la pantalonnade de la destitution du
couple pervers Ceausescu. L'histoire future après ouverture de
certaines archives devrait nous révéler d'éloquentes révélations
encore tenues hor de portée de nous les vulgum pecus.
2Ces
tendances à prétendre à une division de deux sortes de
populations est typique de la « leçon du Mur de Berlin »,
en prétextant que des provinces ou une région sont un poids pour
l'économie de la zone centrale de l'Etat, on maintient une division
fictive entre les prolétariats des régions, politique d'ailleurs
typiques des « avancées fédéralistes européennes »
lesquelles, en niant les nations et en favorisant des pouvoirs
autonomes locaux (Catalogne, Ecosse, Italie du Sud, Flamands et
Wallons, etc.) sans oublier depuis l'éclatement de la Yougoslavie,
l'émergence à l'infini de prétendus droits nationaux régionaux.
La France fait exception, non pas que des arguties identitaires ne
puissent être utilisés (cf. Bretagne, Jura, pays basque) mais du
fait de sa centralisation parisienne cimentée depuis 1789 ; ce
qui explique qu'elle ait été classiquement le pays des révolutions
universalistes. Le capitalisme moderne s'inspire profondément du
retour au féodalisme nécessaire à sa survie.
3La
guerre du Kosovo a été parfaitement orchestrée par les services
allemands... pour barrer la route à la Méditerranée aux Etats
-Unis.
4Par
exemple le contrôle de l'immigration est effectué sous la terreur
des cartels de la drogue qui ventilent la demande américaine sans
que les policiers US soient mis en cause. Idem pour le massacre de
milliers d'immigrants fuyant les guerres en Méditerranée, les
passeurs et accidents inévitables ne sont nullement contrecarrés
par les polices frontalières des pays européens mais exhibés
comme un malheur sans fin. Or, comme pour le financement des
djihadistes, les puissances policières et militaires des pays dits
riches pourraient très rapidement détruire les réseaux mafieux
s'il s'agissait de protéger populations démunies et de favoriser
le bien être des millions de prolétaires ou crève la faim.
5En
se targuant sans fard du mépris typique de la noblesse d'Etat. Un
petit con d'énarque récemment promu ministre d'Etat en France a pu
qualifier d'illettrés des centaines d'ouvriers en voie d'être
licenciés, et son chef de cabinet de chiottes d'Etat se moquer des
« sans dents » en privé. Le chaos régnant laisse
éclore ce qui était nié jusque là, ainsi Obama a pu dénoncer le
fait que la bourgeoisie française paye les rançons des otages,
contribuant sans vergogne à renforcer des bandes armées qui ne
sont pas forcément ses ennemis dès lors... Mais en même temps la
bourgeoisie US via sa girouette démontrant que le sacrifice de ses
propres agents ou soldats importe peu pour son arrogance
impérialiste, comme elle s'est fichée d'envoyer à la mort 300.000
pioupious américains en Normandie. Post festum impérialiste 60 ans
plus tard, il faut considérer que deux puissances se sont enrichies
de la guerre mondiale, qui les avait opposée, et de la
reconstruction, les Etats-Unis et l'Allemagne !
6Citation
extraite du livre de Christopher Lasch : « La révolte
des élites et la trahison de la démocratie ».
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