TRUMP EST IL ADVENU SEULEMENT POUR TROMPER ?
«L'industrie est une machine qui fonctionne sans régulateur ; peu lui importe la force motrice qu’elle emploie. […] Véritable Saturne du travail, l’industrie dévore ses enfants et ne vit que de leur mort.»
Napoléon III (extinction du paupérisme)
« Le véritable auteur de la guerre n’est pas celui qui la déclare, mais celui qui la rend nécessaire. » Montesquieu
« Quelle que soit l'issue de la guerre, elle aura exercé le prolétariat français au maniement des armes, et c'est là la meilleure garantie pour l'avenir» (lettre à Kugelmann, 13 décembre 1870).
« La classe ouvrière ne peut être poussée dans le feu du combat que sous la persécution directe de l'État. (Marx à Engels, 14 sept 1870)
« Mais, c'est la situation de la France elle-même qui me donne les plus vives inquiétudes en ce moment. La prochaine grande bataille ne pourra pas ne pas s'achever autrement que par une défaite française. Et alors? Si l'armée battue se retire sur Paris sous la direction de Bonaparte, ce sera la paix la plus humiliante pour la France, et peut-être la restauration des Orléans. Si une révolution éclatait à Paris, on peut se demander si elle aurait les moyens et les chefs pour opposer une résistance sérieuse aux Prussien? On ne peut se dissimuler que les vingt années de farce bonapartiste ont créé une démoralisation profonde. On peut difficilement compter sur le seul héroïsme révolutionnaire. Qu'en penses-tu? »
Marx à Engels 8 août 1870
« Tout gouvernement actuel devient, nolens-volens, bonapartiste »
(Engels à Sorge, 1890).
« Le nouvel essor du capitalisme à partir de 1895 environ affaiblit les tendances bonapartistes, le déclin du capitalisme après la guerre les renforça extrêmement. » (Trotsky 1938)
La victoire de Trump a été un solide coup de bambou sur les têtes de la gauche bourgeoise américaine et wokiste tout comme sur les cervelles petites bourgeoises wokistes françaises. Les wokistes en chef de mamie Angela Davis à l'employé de bureau Besancenot en ont eu plein le baba, après avoir soutenu en vain la représentante des bobos new-yorkais. Plus que des mots creux pour dénoncer un « fasciste » :
« Une majorité des électeurEs a donc fait le choix la brutalité d’un homme blanc réactionnaire, raciste et misogyne, un capitaliste climato-sceptique dont l’obscène slogan de campagne « Drill, baby, drill » (« Fore, chéri, fore ») résume sa caricature et replonge ses électeurs dans le fantasme d’une Amérique toute-puissante. Si les démocrates, en particulier Kamala Harris, étaient à juste titre contestés par les militantEs de la cause palestinienne pour leur soutien à Israël et leur complicité dans le génocide en Palestine, c’est plus généralement le bilan socio-économique de Joe Biden qui a été sanctionné, car les inégalités n’ont jamais été aussi fortes aux États-Unis. Malgré l’absence d’illusions des forces de gauche dans le vote Kamala Harris et la politique capitaliste libérale qu’elle représente, faire obstacle au retour de l’extrême droite au pouvoir était au cœur des préoccupations ». (édito du NPA)
Il y a aussi un couplet qui lance la nouvelle mode gauchiste, la lutte contre le Carbo fascisme, nouvelle conception pour replâtrer l'idéologie écologiste bourgeoises, car le « fasciste » Trump est écolo-sceptique.Trump fasciste ? Cela reste à démontrer. N'est-ce pas plutôt une variété de bonapartisme ou plutôt, pour actualiser la notion, du populisme ? Voyons comment le wokisme politique du trotskisme girouette définit ces notions sur leur wikirouge :
« La notion de fascisme n'est pas, pour les marxistes, un fourre-tout dans lequel on doive mettre tous les régimes autoritaires. Le fascisme est un écrasement du mouvement ouvrier, que le grand capital peut réaliser en s'appuyant sur un parti de masse basé sur la petite-bourgeoisie radicalisée. En arriver à ce degré de violence fait courir des risques à la bourgeoisie, cela peut notamment provoquer un sursaut révolutionnaire du prolétariat. Par ailleurs, contrairement aux chimères qu'il répand pour mobiliser sa base plébéienne, le fascisme gouverne in fine au service du capital financer. La conséquence, c'est que le fascisme ne conserve pas longtemps cette base de masse, et dégénère en bonapartisme ».
Bien sûr que si pour ces marxistes en peau de lapin la notion de fascisme est leur fourre-tout le plus ridicule et le plus répandu ! Mais cette explication contient en plus deux mensonges historiques (hystériques). Le premier est de faire croire que c'est le fascisme qu a écrasé le mouvement ouvrier. Non c'est la social-démocratie, le fascisme n'a fait qu'achever le travail, et le règne de la terreur fasciste n'a jamais entraîné un sursaut révolutionnaire du prolétariat ! Deuxième mensonge, le fascisme dégénérerait en bonapartisme. Falsification historique d'abord qui inverse les données comme pour leur interprétation du fascisme. Le fascisme dégénère surtout dans la guerre et les régimes capitalistes qui lui ont succédé ne furent pas spécialement bonapartistes, ce vieux gimmick de papy Trotsky.
La secte Lutte ouvrière, est plus proche de la réalité du tournant que signifie une nouvelle ère Trump, Trump est-il là pour tromper en étant porteur d'un néo-fascisme ? ? Tout s'explique-t-il par manque d'un parti ouvrier ? Le simplisme de la secte est aussi patent que celui des charlot(tes) du NPA sur le fond :
« Cette fois-ci, Trump a élargi sa base, en gagnant non seulement la bataille du collège électoral, c’est-à-dire les grands électeurs, mais aussi celle du « vote populaire », avec peut-être 80 millions de suffrages. Il a sans doute bénéficié du bilan désastreux de l’administration Biden-Harris. Si les plus riches ont beaucoup gagné ces dernières années, de nombreux Américains, en particulier dans les classes populaires, ont vu leur niveau de vie se dégrader, avec une inflation de 25 % en quatre ans et des salaires qui n’ont pas suivi. Des millions de personnes ont perdu leur travail et ont dû prendre deux, voire trois emplois précaires et mal payés. Dans les classes populaires, certains, faute de pouvoir payer un vrai logement, vivent dans une caravane, voire dans leur voiture. Des personnes âgées en sont réduites à distribuer des catalogues ou à dépendre de l’aide alimentaire. Certains travailleurs, désorientés, se sont donc rabattus sur Trump, pourtant leur ennemi patenté. »
LO n'a pas vraiment tort, l'enjeu n'a pas été le « politiquement correct », c'est la question économique qui a prévalu sur tous les délires de part et d'autres. Mais l'explication reste plate, superficielle et insuffisante si n'est pas pris en compte la (les) campagne idéologique.
« Make America Great Again » ?
Nous voici donc face à un nouveau parti bonapartiste pour ne pas dire populiste, au sens où défier les élites permettrait au peuple d'en bas de retrouver confiance en leur bourgeoisie nationale : le MAGA, formule inventée jadis par le cow-boy Reagan. L'explication sociologique courante de la part des sociologues anti-wokes jette une confusion plus grande encore pour peu qu'on s'y arrête, les Guilluy et Yascha Mounk en particulier qui se réjouissent d'avoir eu raison contre les wokistes.. Il ne serait question que de la rivalité entre élites et peuple, Métropolia contre Periphéria! Par conséquent plus de classes sociales et essentialisation de la ville comme bobo city et des campagnes comme révolte des ploucs.
Un sociologue anglais marxiste a démonté cette théorie des élites dans un livre de 1964 que j'avais acheté à Dublin en 992, que vient de traduire Jean-Pierre Laffitte – et j'appelle tout éditeur à publier ce passionnant petit livre. « Elites et société » de Thomas Burton Bottomore dépoussière d'avance les théories modernistes. C'est de la foutaise cette séparation semblable à celle de Castoriadis entre dirigeants et dirigés :
« Dans la théorie marxiste qui emploie le concept de classe dominante, le conflit entre les classes devient la force principale qui produit des changements dans la structure sociale ; mais, dans la théorie des élites – malgré le fait que Pareto ait été très élogieux à l’égard de la conception de Marx de la lutte des classes, qu’il décrit comme « profondément vraie » –, les relations entre la minorité organisée et la majorité inorganisée sont nécessairement représentées comme plus passives, et le problème qui en résulte de savoir comment expliquer l’essor et la chute des élites gouvernantes, s’il est vraiment affronté, doit être traité soit en postulant une décadence récurrente dans l’élite (Pareto), soit en introduisant l’idée de l’ascension de nouvelles “forces sociales” parmi les masses (Mosca), ce qui rapproche cette théorie du marxisme »1
LE POPULISME EST- IL D'EXREME DROITE ?
Guilluy récuse cette imbécillité mais nous invente une « autonomie culturelle » des classes populaires versus une « sécession des élites » car les gens n'écoutent plus les débats télévisés ni les intellectuels ni la presse. Il a raison d'expliquer le clivage du fat de la désindustrialisation qui crée chômage et afflux de migrants et concurrence accrue entre travailleurs.Le mouvement : « ... ne dépend donc d’aucun parti, ni syndicat, ni même d’aucun leader : c’est la working class américaine qui fabrique Trump et non l’inverse ! ». Ce n'est pas faux, de la même manière que le socialisme utopique avait fabriqué Badinguet.
C'est tout de même une récupération bourgeoise, que Guilluy comme simple sociologue ne voit pas, et qui, par cette théorie du va et vient voit lui aussi avec mépris ces »gens ordinaires » :
«Ce sont ces classes populaires et moyennes qui écrivent la feuille de route. Et aux États-Unis comme en Europe, cette feuille est identique : protéger les travailleurs, relancer l’économie, réindustrialiser, maîtriser les frontières et réguler les flux migratoires. Ainsi, contrairement à ce qu’on imagine, l’élection de Trump doit moins à son talent qu’à sa capacité à s’adapter à la demande d’une majorité ordinaire qui refuse d’être mise au bord du monde ».
Il ne voit pas le paradoxe en reconnaissant plus loin que c'est bien la bourgeoisie qui pilote depuis des années cette dissolution (en théorie) de la classe ouvrière caractérisée confusément comme « classes populaires » : :
« les classes populaires étaient aussi de trop pour les élites démocrates. Ces dernières - qui portaient la révolution sociétale qui devait accompagner le changement de modèle économique - avaient, elles aussi, besoin d’invisibiliser une working class de moins en moins fidèle électoralement, mais surtout trop attachée à ses valeurs traditionnelles (cette stratégie arrivera plus tard à gauche avec la note Terra Nova). Dans la représentation globalisée, tertiairisée, métropolisée des prescripteurs d’opinions, la working class n’existe pas, pas plus que l’idée d’une majorité ordinaire. Prisonniers du bocal métropolitain, beaucoup de médias et de sondeurs ne perçoivent l’électorat de Trump qu’à travers le panel d’une working class blanche en voie de disparition ».
UN VOTE QUI TRADUIT UNE REAFFIRMATION DE LA CLASSE OUVRIERE
Guilluy se fiche de la classe ouvrière avec sa bipartition sociologique qui ressemble comme deux gouttes d'eau à l'opposition fumeuse entre riches et pauvres (pur jus mélenchonien, dixit « univers des dépossédés »), et, tout en analysant justement la chute du wokisme aux Etats Unis, il n'y voit pas derrière le populisme ridicule, pointer une conscience de classe qui se fiche des bisbilles entre wokistes et anti-wokistes :
« L’un des faits marquants de cette élection est également le vote des minorités. La stratégie de clientélisme « racisé » et « genré » de Kamala Harris n’a pas fonctionné… A contrario, cela contredit l’idée que le vote Trump se réduirait à un vote de « petits Blancs en colère »…
Par sa critique du libre-échange Trump a fait sortir les républicains du modèle dépassé de la globalisation, porté par Reagan dans les années 1980. Parallèlement, il est frappant de constater que les démocrates, et au-delà la plupart des gauches européennes, restent enfermés dans une représentation culturelle très datée des classes populaires. La mise en avant de ce qu’on appelle pompeusement le wokisme révèle un assèchement de la pensée typique du bocal métropolitain ».
La société des gens d'en bas est déjà multiethnique et multiconfessionnel dans le monde du travail ! Aux États-Unis comme en France, cet ensemble n’est pas un monde de « Blancs, hétéros, et homophobes ». Lors des interviews de rue pendant la campagne électorale on vit des électeurs de Trump, noirs, clamer : « on ne se bat pas pour une communauté ou une ethnie mais en tant que travailleurs blancs et noirs, y a pas de différence ». Yascha Mounk – le trumpisme n'est pas un accident de l'histoire -va plus loin que Guilly et identifie le nationalisme, qui n'est ni un fascisme ni un racisme, derrière le populisme :Le premier ressort de ce vote, son cœur battant, si l’on peut dire, reste, comme en 2016, la colère des classes populaires et leur rejet de la globalisation post 1991, qui a mené à la fois à la délocalisation de l’industrie américaine vers la Chine et à une immigration massive. C’est de ce point de vue, non pas une réaction raciste comme cela a souvent été dit, mais un projet nationaliste, visant à « protéger l’Amérique d’abord », ce qui explique que Trump ait trouvé un écho chez les minorités hispaniques et afro-américaines. Dès son apparition sur l’escalator de la Trump Tower pour lancer sa campagne de 2016, Trump avait promis une approche protectionniste, dénonçant les traités commerciaux « injustes » qui ont mené à la paupérisation de la classe ouvrière américaine, et promettant de construire un mur sur la frontière avec le Mexique ».
« La question de l’idéologie identitariste woke qui a submergé les institutions américaines depuis la fin de l’ère Obama, a été un autre élément clé de la mobilisation populaire en faveur de Trump, qui a promis de débarrasser les universités des départements d’équité, diversité et inclusion qui ont entrepris de révolutionner les critères de recrutement méritocratiques et les curriculums. Dans toutes les interviews que nous avons faites en pays trumpiste, l’exaspération face à la spirale de déconstruction, d’utilisation outrancière de la carte raciale, et de multiplication des incidents visant à permettre aux hommes transgenres de pratiquer les sports féminins, a cristallisé une véritable rébellion parmi les Américains, qui parlent « de revenir au bon sens ».
Le succès du populisme n'est pas à mépriser si l'on n'ignore pas ce qu'il y a derrière du point de vue des masses ouvrières et, en outre queTrump a piqué sa radicalité passée à la gauche bourgeoise :
il y a aussi une raison beaucoup plus profonde, c’est que les Américains n’ont plus confiance en leurs institutions. Une grande partie des Américains a perdu toute confiance en l’impartialité des médias, dans l’ouverture de leurs universités, et même dans la possibilité de pouvoir assumer leurs opinions politiques s’ils travaillent dans une grande entreprise. Trump a toujours promis de bousculer cet establishment, associé dans les esprits au Parti démocrate »2.L'affirmation suivante a de quoi nous interloquer. Pourquoi ce soudain intérêt populiste, en Amérique, pour l'heure – car le populisme traditionnel a vocation à dissoudre la classe ouvrière dans le peuple :
« Le projet de Vance est de construire une coalition multiethnique de la classe ouvrière comme nouvelle base du Parti républicain, ce qui est très différent de la base électorale de Mike Pence. Et cela montre que cette fois il n’y aura pas de compromis ».
Une telle reconnaissance relève du fait accompli!dont s'empare le populisme : la classe multiraciale existe depuis longtemps indépendamment de tous ces moralisateurs. Reconnaissance d'autant plus urgente que la bourgeoisie ne peut pas faire face aux grèves dans l'automobile, chez Boeing et ailleurs avec des arguties wokistes qui font rire les milliers d'ouvriers en lutte. Résumé de bon sens de classe :
« Les gens qui sont tristes de l’élection de Trump devraient se réjouir de cette dépolarisation de l’électorat du point de vue ethnique. C’est un fait positif que l’appartenance à un groupe ethnique nous dise moins pour qui on a voté aujourd’hui qu’en 2016. Je ne veux pas vivre dans un pays où je peux déduire le vote de quelqu’un en me basant sur la couleur de sa peau ».
Yascha Mounk ne tresse pas des lauriers au populisme trumpiste, certes autoritaire mais en souligne la faiblesse au court terme :
« Cela n’enlève rien au fait que, pour moi, Trump est un populiste autoritaire qui peut être comparé à Viktor Orban en Hongrie ou à Hugo Chavez au Venezuela. Toutefois, on a vu pendant les dix dernières années que ce genre de figure politique ne parvenait pas toujours à concentrer le pouvoir entre ses mains ».
UNE ETRANGE RESSEMBLANCE DE NOTRE PERIODE AVEC CELLE DES ANNES 1870
Il faut souligner cette leçon géniale tirée par les Marx et Lénine : la bourgeoisie nationale ne peut commencer une guerre sans l'aval ou la soumission du prolétariat, ce que des démagogues populistes ont pu faciliter. Je ne crois pas que Trump soit en mesure d'en déclencher une, même s'il la prépare au long terme avec ses promesses de paix ; lesquelles ne dépendent pas que delui ; Napoléon ne voulait pas de la guerre.
À l’époque de la Commune, la France est encore à forte dominante rurale, 65% d’une population de plus de 38 millions. Paris compte environ 2 millions d’habitants, dont plus de 900 000 employés et ouvriers, 114 000 domestiques, 45 000 concierges. La composition « industrielle et commerciale » représente environ 70% de la population parisienne.
Confronté à de sérieux problèmes de politique intérieure et à un mouvement ouvrier revendicatif, Napoléon III déclare la guerre à la Prusse le 19 juillet 1870. Un mois et demi plus tard, l’empereur capitule à Sedan le 2 septembre. La République est proclamée le 4 septembre et est formé un gouvernement composé.
La réaction communarde -en pleine guerre – surprend totalement la bourgeoisie. Contrairement aux fixations staliniennes la révolte au début n'est pas seulement parisienne. A la nouvelle de la catastrophe de Sedan et de la révolution du 4 septembre consacrant l'effondrement du Second Empire, il y eut de grandes manifestations d'ouvriers révolutionnaires dans de nombreuses villes françaises. Des organes du pouvoir - communes - furent créés à Lyon, Marseille et Toulouse. Le gouvernement de la Défense nationale ne put tolérer cet État rival et entreprit de le réprimer par tous les moyens. Dans les provinces, les Communes instaurèrent, malgré leur brève existence, une série de mesures révolutionnaires importantes: remplacement de l'appareil administratif et policier, libération des prisonniers politiques, introduction de l'instruction laïque, forte imposition des grandes fortunes, restitution des objets - au-dessous d'une certaine valeur - mis en gage aux monts-de-piété.
Dès le 4 septembre, la liberté d’expression et de réunion donne la parole au peuple. Des journaux et des clubs apparaissent. Pendant le siège, dans plus de 28 clubs, des idées révolutionnaires se propagent et la Commune se prépare. Les clubs se prononcent sur la défense nationale jusqu’à la victoire, ainsi que sur le rôle central de la Garde nationale.
Le peuple volontaire vient grossir les rangs de la Garde nationale, qui devient une véritable armée, totalisant jusqu’à 350 000 hommes. Pour coordonner leur action, les bataillons de la Garde nationale décident de se fédérer, créant un Comité central de la Garde nationale. C’est dans la Garde nationale que s’expriment au mieux le patriotisme du peuple et son attachement profond à la République. Pourtant derrière ce patriotisme se cache pour peu de temps la vocation socialiste universaliste à changer le monde. Le Gouvernement de la Défense nationale a peur de ce peuple parisien en armes. Aussi, plutôt que de continuer la guerre, il préfère la trahison, signant le 28 janvier 1871 l’armistice livrant à l’Allemagne l’Alsace et la Lorraine. Appelée à ratifier la paix, l’Assemblée nationale élue le 8 février, est majoritairement royaliste. Elle choisit de siéger à Versailles, ancienne capitale de la monarchie, plutôt qu’à Paris, ville populaire, ville dangereuse. Aussi, elle nomme Adolphe Thiers, ancien ministre de l’Intérieur sous la Monarchie de Juillet, chef de l’exécutif.
À l’aube du 18 mars, sur ordre d’Adolphe Thiers qui veut désarmer Paris, environ 6000 soldats attaquent les Gardes nationaux qui gardaient les canons sur la butte Montmartre. Au cours de la fusillade, le garde national Turpin est le premier combattant de la Commune tué par les Versaillais. Les femmes se lèvent tôt pour travailler. Elles font sonner le tocsin à l’église Saint Pierre de Montmartre et les comités de vigilance du 18e arrondissement, avec Louise Michel et Théophile Ferré, organisent la riposte. Les gardes nationaux et la population, hommes, femmes et enfants confondus, s’avancent vers la troupe en criant : « vive la ligne ; vive la République » ! Le général Lecomte donne à sa troupe l’ordre de tirer à trois reprises. Finalement, les soldats mettent crosses en l’air et arrêtent leur général. Dans l’après-midi, le général Thomas, un fusilleur du peuple en 1848, qui se promenait en civil, était reconnu et arrêté à son tour. Ils sont tous deux exécutés le soir du 18 mars.3
Et pourtant, dieu sait si Badinguet n'avait pas été avare de « réformes socialistes ».
Il avait écrit des années auparavant un ouvrage référentiel faisant le constat du triste sort de la classe ouvrière, et suggère de créer dans les campagnes des colonies agricoles pour les chômeurs et les indigents des villes. L’attention du prince à la condition des plus pauvres, à la misère des travailleurs, est l’un des fils rouges de sa pensée. Et aussi de son règne : la Deuxième République puis le Second Empire furent marqués par des avancées sociales majeures, des retraites au droit de grève. Précurseur de la capacité d'anticipation politique des bourgeois les plus intelligents, son souci de la classe ouvrière avait aussi un arrière-fond politique. Dans la conception bonapartiste du pouvoir, l’Etat est dirigé par un homme providentiel, qui tire sa légitimité du peuple, via le suffrage universel. S’assurer du bien-être des masses est aussi une façon d’obtenir leur adhésion, et d’éviter qu’elles ne se révoltent, comme en 1789 ou en 1830. Même s’il se présente comme le défenseur de la propriété privée face à la menace du collectivisme, la feuille de route du candidat Bonaparte comprend un long volet progressiste : «Quant aux réformes possibles, voici celles qui me paraissent les plus urgentes : admettre toutes les économies qui […] permettent la diminution des impôts les plus onéreux au peuple ; […] pourvoir à la vieillesse des travailleurs par des institutions de prévoyance ; introduire dans nos lois industrielles les améliorations qui tendent, non à ruiner le riche au profit du pauvre, mais à fonder le bien-être de chacun sur la prospérité de tous. Le candidat apparaissait alors comme plus à gauche que les Républicains modérés, menés par Cavaignac, bourreau des quartiers ouvriers lors des Journées de juin 1848 [où des milliers d’insurgés furent tués, NDLR]. Ces quartiers votèrent massivement pour lui.» En combinant cette image sociale et le nom ultrapopulaire de Bonaparte – qui lui assurait ainsi le soutien des paysans, des bourgeois et des partisans de l’ordre –, le prince rafla 74,2 % des voix.
Mais, dans l’immédiat, l’élan social n’alla guère plus loin. Plusieurs raisons l’expliquent. Même devenu empereur, Napoléon III ne pouvait pas tout se permettre. «Il devait prendre garde de ne pas s’aliéner les élites conservatrices qui l’avaient soutenu lors de son coup d’Etat», poursuit Eric Anceau. De plus, l’ouverture aux revendications ouvrières avait ses limites : elle se doublait d’une volonté de contrôle des masses, d’une méfiance face au «péril rouge», dans un climat de restriction des libertés publiques. Améliorer le sort des miséreux, oui ; les laisser faire de la politique, non… La loi de 1852 sur les sociétés de secours mutuel était aussi une façon de remplacer les associations ouvrières autorisées en 1848, vues comme des foyers de subversion. Les cités ouvrières promues par Napoléon III avaient aussi des fins d’encadrement – et nombre de travailleurs refusaient d’ailleurs d’y vivre. D’autres lois, sur la réorganisation des conseils de prud’hommes (1853) ou encore le livret ouvrier (1854), témoignaient également de l’ambivalence du régime.
Au début, c’est vrai, les ouvriers le soutenaient. Mais il y eut une sorte de lassitude. Si le souverain s’intéressait à eux, il y avait aussi, de l’autre côté, la fête impériale, le luxe tapageur, la proximité avec la bourgeoisie et l’Eglise... Les républicains, eux, faisaient une propagande astucieuse, se posant comme les héritiers de la Révolution. Tout cela explique une progressive défection.» Si la classe ouvrière vivait mieux, elle prenait aussi conscience de sa condition. Une partie d’entre elle réclamait désormais son émancipation politique, s’engageait dans la lutte active, basculait du réformisme à la révolution, alors que Marx publiait, en 1867, le premier livre du Capital. La libéralisation de l’empire, loin de calmer les oppositions, eut pour conséquence leur multiplication et leur radicalisation. Au grand dam de l’empereur, qui, en 1870, étudiait encore des nouvelles mesures en faveur des masses laborieuses. Il n’eut pas le temps de les appliquer.
Marx, dans son ouvrage le 18-Brumaire, analyse le bonapartisme comme la volonté d'une conciliation de l'héritage contradictoire de la monarchie et de la révolution dans les mains de la classe moyenne et avec le soutien d'une partie de la paysannerie, attitude qui conduira à la prise du pouvoir par Louis Napoléon Bonaparte le 2 décembre 1851. Trump, lui, n'est pas parti pour tenir 20 ans ni 4 années.
Comment ne pas vous resservir Blanqui ?
Mais, pour les prolétaires qui se laissent amuser par des promenades ridicules dans les rues, par des plantations d'arbres de la liberté, par des phrases sonores d'avocat, il y aura de l'eau bénite d'abord, des injures ensuite, enfin de la mitraille, de la misère toujours.
Que le peuple choisisse !
1Il serait trop long de citer l'analyse de Bottomore, mais il continue ainsi plus précisément :
« Une autre différence entre les deux concepts réside dans la détermination de la mesure dans laquelle elles permettent des explications sur la cohésion de la minorité gouvernante. L’“élite gouvernante”, définie comme comprenant les personnes qui occupent des positions de commandement dans une société, est simplement supposée être un groupe soudé, à moins que d’autres considérations, telles que leur appartenance à la classe des riches, ou leurs origines familiales aristocratiques, ne soient introduites (comme elles le sont systématiquement par Mosca, et occasionnellement par Pareto). Mais la “classe dominante”, définie comme étant la classe qui détient les principaux instruments économiques de production dans une société, est présentée comme un groupe social cohérent tout d’abord, parce que ses membres ont manifestement des intérêts économiques en commun, et, chose plus importante, parce qu’elle est engagée de façon permanente dans un conflit avec d’autres classes dans la société, du fait duquel sa conscience de soi et sa solidarité sont continuellement rehaussées. En outre, ce concept affirme sous une forme précise ce qui est un fondement de la position dirigeante de la minorité, à savoir sa domination économique, tandis que le concept d’“élite gouvernante” dit peu de choses sur les bases du pouvoir que l’élite possède, sauf dans la mesure où elle incorpore des éléments de la théorie marxiste des classes. Dans l’étude de Mills relative à l’“élite de pouvoir”, il existe une tentative d’expliquer la position de pouvoir des trois principales élites prises séparément – celle des dirigeants d’entreprise par la croissance en taille et en complexité des sociétés commerciales ; celle des chefs militaires par la gamme et les dépenses croissantes des armes de guerre, déterminées par la technologie et la situation de conflit international ; et celle des leaders politiques nationaux, d’une manière quelque peu moins satisfaisante, en raison du déclin du corps législatif, de la politique locale et des organisations volontaires –, mais l’unité de l’élite de pouvoir en tant que groupe unique, et la base de son pouvoir, ne sont pas expliquées. Pourquoi y a-t-il un seul pouvoir d’élite et non pas trois ?
2En réalité, c’est l’élection de Trump en 2016 qui a fait avancer les idées woke. Car après son élection il est devenu impossible de critiquer ces idées à l’université sans être accusé de préférer secrètement Donald Trump. Cette stratégie a failli. Elle semblait avoir gagné en 2020, mais aujourd’hui on constate qu’elle a juste préparé une victoire très large de Trump. Par extension c'est ce qui est en train de se passer en France et en Europeoù les accusations à tout bout de champ de fascisme et d'antisémitisme non seulement ne sont plus crédibles mais savonnent la planche aux gens comme Bardella.
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