« On ne naît pas bobo, on le devient » anonyme
« Force est de constater, et les faits nous donnent raison, qu’il n’y a plus dans ce parti, à quelque chose près bien sûr, que les bobos fascinés par Mélanchon » (des démissionaires du NPA)
Tout ou presque a été dit sur le bobo, terme péjoratif utilisé d'ailleurs par tous les bords politiques (sauf le CCI qui ne l'utilise jamais)[1] mais le mot valise a fini par caractériser en définitive les braves gentrifiés de l'Est parisien et de la rive gauche.. Une chose est sûre, on hait ce moraliste arrogant, cette pimbêche Sardine Ruisseau. Il ; elle est narcissique et militant religieux ; il a toujours raison. Son moindre pet est répercuté par les médias. Ses représentants, les Ruffin, Caron, Rousseau, etc. sont débiles. Je ne m'étendrai donc pas ici sur les aspects sociologiques du mode de vie du petit bourgeoisie mais sur son mode de pensée, et en particulier politique. Je m'attacherai ici à surtout décrire les caractéristiques politiques du bobo gauchiste-libéral, gauchiste islamophile, gauchiste vert, gauchiste écolo. Il est pétri de son rôle explicatif. Il a pour fonction d'éveiller (awake). Il enseigne. Il apprend aux autres ou à ceux qui veulent bien l'écouter. C'est lui qui parle. Enfin, contrairement à une analyse simpliste limitée à la seule domination bourgeoise, le petit bourgeois militant, même sans pouvoir officiel, détient une place publique qui leur confère UN ROLE POLITIQUE BOURGEOIS. L 'exemple le plus frappant de la manière dont il a été capable d'induire en erreur la grande bourgeoisie restera dans les Annales les campagnes contre le nucléaire, terrain sur lequel la France pouvait s'imposer à l'international et...se chauffer[2]. L'infection écolo-bobo a même réussi à polluer CCI et PCI, au point que nos deux pithécanthropes maximalistes s'ingénient à essayer de démontrer que Marx était le premier écologiste, orientation soudaine qui trahit l'opportunisme le plus bêlant, alors que pendant des décennies ils avaient dénoncé la mystification écologique. On s'en branle de cet écologisme planétaire et ronflant qui sert à dévier des trois principales questions : guerre-exploitation-prolétariat. La médiocrité bobo n’a d’égale que sa prétention à l’universel.
Pour moi, depuis 68 où j'en terminais avec les années lycée, la figuration politique de la petite bourgeoisie est et est restée le gauchisme dans ses modes successives, et a finalement joué un rôle non négligeable dans la « boboïsation de la vie ». En conclusion de mon histoire du trotskisme en 2002[3], j'écrivais :
« La révolte dilettante est devenue éternel opposant institutionnel. Les lieutenants trotskiens ont troqué leurs galons estudiantins contre la pelisse de cadres politiques officiels et de cadres syndicaux (…) Loin du parti béton unique d'un stalinisme archaïque à vocation mondialiste, le trotskisme correspond à la diversification des classes et au découpage sociologique (et intentionnel) de la classe ouvrière en corporations, régions et pays. Le trotskisme ne peut s'extraire de son hétérogénéité caractéristique des ferments de division nécessaires à l'ordre social, pour ne pas dire du pullulement organisé et institutionnalisé qui continue à disperser toute conscience de classe. (…) Chaque revirement impérialiste, chaque mouvement social (les femmes, les régions, les homosexuels, l'anti-mondialisation, etc.) les a conduit à modifier leur stratégie en maintenant une image moderniste nullement révolutionnaire (…) on peut faire un constat simple : regardez comment fonctionnent les groupuscules et vous verrez le type de société dont ils rêvent ».
LE MILITANTISME STADE SUPREME DE L'ALIENATION
La petite brochure qui portait ce titre en 1972, qu'on pouvait acheter dans le sous-sol de la Librairie Maspéro, était un pastiche du texte de Lénine sur l'impérialisme[4], c'était la première à ma connaissance à souligner la dimension première du bobo moderne : son militantisme mais dans tous les domaines et de plus en plus ou plutôt de moins en moins politique. Extrait :
« Le ridicule de leurs prétentions peut faire rire, mais en rire ne suffit pas. Il faut aller plus loin, comprendre pourquoi le monde moderne produit ces bureaucrates extrémistes, et déchirer le voile de leurs idéologies pour découvrir leur rôle historique véritable. Les révolutionnaires doivent se démarquer le plus possible des organisations gauchistes et montrer que loin de menacer l’ordre du vieux monde l’action de ces groupes ne peut entraîner au mieux que son reconditionnement. Commencer à les critiquer, c’est préparer le terrain au mouvement révolutionnaire qui devra les liquider sous peine d’être liquidé par eux ».
Je ne me joins pas évidemment aux aigris et aux partisans de ne rien faire, mon militantisme politique m'a aidé à survivre et à ne pas sombrer face aux humiliations au boulot. Mais le militantisme « multiforme », « multicarte » de la gauche bobo c'est autre chose : en étant touche-à-tout, il croit que c'est lui le pouvoir. D'où aussi son fanatisme et sa propension à admirer Mitterrand comme Mélanchon. Dans sa diversité sociétale, il est en effet cette « bureaucratie extrémiste » qui n'est pas vraiment disposée à renverser l'Etat, une poubelle en feu oui, mais pas l'Etat[5] cette source de tous ses fantasmes sado-masos. Pourquoi ? Parce qu'il pense détenir déjà le pouvoir, fût-c un pouvoir local ou sur ses amantes. Mettons qu'il soit prof, ou cadre informatique. Il se doit d'être présent dans tous les aspects de la vie quotidienne. Il peut être à la fois conseiller municipal (le Graal), délégué syndical, président des parents d'élèves, conseiller du club sportif, animateur de quartier, etc. Jean-Luc Debry a expliqué cela plus brillamment que moi.[6]
Et puis je suis tombé sur cette magnifique lettre d'Engels à Kautsky en 1894, où nous est décrit, toutes proportions gardées - (le parti socialiste allemand de l'époque était quand même un parti ouvrier bien que gangrené par le réformisme, quand la NUPES n'est qu'un bâtard du parti bourgeois dit socialiste) - le milieu bobo des LFI et NPA :
« Il est remarquable combien toutes ces « couches cultivées » sont enfermées dans leur cercle social. Ces bavards du centre et de la libre pensée, qui restent encore maintenant dans l'opposition, représentent les paysans, les petits-bourgeois, voire parfois les ouvriers. Et chez ceux-ci, la colère contre les charges fiscales croissantes ainsi que la presse vénale existe indubitablement. Mais cette colère populaire est transmise à messieurs les représentants du peuple par le truchement des couches cultivées avocats, curés, commerçants, professeurs, docteurs, etc. , c'est-à-dire des gens qui, en raison de leur instruction plus universelle, voient un tout petit peu plus loin que les masses du parti, ont appris suffisamment pour savoir qu'un grand conflit entre le gouvernement et nous broiera tout ce monde, ce qui explique qu'ils veulent transmettre aux gens du Reichstag une colère populaire atténuée sous forme uniquement de compromis ».
LE LUMPEN PROLETARIAT N'EXISTERAIT PLUS ?
Le bobo tend l'oreille, si vous marchez à côté de lui pendant la manifestation, et vous jette un œil torve parce que vous venez de prononcer le mot racaille, mot banni de son vocabulaire comme les mots race, islamophlilie, classe ouvrière[7], etc. Sur le web ses potes intellectuels s'interrogent, vaticinent, doutent puis mettent en cause le sérieux des Marx et Engels sur ce qualificatif très dixneuviémiste de « lumpen », déplorent « mots injurieux » et « stigmatisation du lumpenprolétariat ».
Engels précisait que le lumpenprolétariat était issu à son époque de « la décomposition du féodalisme » qui suit le déclin des protections professionnelles traditionnelles, grossissant la masse des vagabonds, des mendiants et des journaliers citadins travaillant misérablement dans les interstices laissés par les corporations ? Le lumpenprolétariat, cette lie d’individus dévoyés de toutes les classes, qui établit son quartier général dans les grandes villes, est de tous les alliés possibles, le pire. Cette racaille est absolument vénale et importune. Tout chef ouvrier qui emploie ces vagabonds comme gardes du corps, ou qui s’appuie sur eux, prouve déjà par là qu’il n’est qu’un traître au mouvement ».
Eh bien nous la supportons nous aussi cette « racaille » moderne. Le lumpenprolétariat est toujours là et en grande partie lié à une religion du meurtre. Et notez bien, ce « qui ne fait pas partie de la bourge lumpen « est issu de toutes les classes », et j'ajoute qu'il est renforcé par la décadence du capitalisme, avec cette grande nouveauté que le bobo le qualifie de révolutionnaire. Un des bardes de ces milieux interlopes, Renaud, ancien soutien du ministre de Pétain devenu Président a pour partie rendu célèbre le qualificatif de bobo en s'en moquant, mais en reconnaissant en faire partie.
La petite bourgeoisie a des oeillères d'autant qu'elle se vit comme une « classe de transition », pas vraiment intermédiaire (Lukacs)[8]. Sa vantardise et sa prétention lui font croire qu'elle est au-dessus des classes. Elle estime qu'elle n'a aucun intérêt à supprimer les oppositions de classe ; toute sa tartufferie politique consiste à prétendre les réconcilier harmonieusement avec les slogans les plus nunuches (cf. Marche contre la vie chère et l'inaction climatique). C'est le même aveuglement ou plutôt la même complicité avec l'idéologie des bigots islamistes, non pas qu'ils soutiennent les actes odieux et criminels des tarés terroristes, c'est la même démarche non pas réformiste mais artificielle de réconcilier les contraires, même en passant par-dessus les pires horreurs. Cela s'explique par « la sentimentalité petite bourgeoise » comme nous le rappelle fort justement Jean-Luc Debry par la relecture du Manifeste t de Weber, ce qui permet de comprendre aussi le petit bourgeois islamiste et le regain de sa religion arriérée :
«
Dans un célèbre passage du Manifeste du Parti communiste (1848), Marx et Engels parlaient
de « ces frissons sacrés de la piété exaltée, de l’enthousiasme
chevaleresque, de la sentimentalité petite-bourgeoise », « noyés dans
les eaux glacées du calcul égoïste ». Soixante-dix ans plus tard, en 1919,
dans un texte désormais célèbre, « Le métier
et la vocation de savant », Max Weber
observait que « le destin de notre époque, caractérisée par la
rationalisation, par l’intellectualisation et surtout par le désenchantement du
monde, a conduit les humains à bannir les valeurs suprêmes les plus sublimes de
la vie publique. Elles ont trouvé refuge soit dans le royaume transcendant de
la vie mystique, soit dans la fraternité des relations directes et réciproques
entre individus isolés ».[9]
Dont le portable est le stade suprême.
Sa révolution il la fait en cultivant son jardin bio.
[1]Pour
la simple raison que depuis sa fondation la petite bourgeoisie n'existe pas,
tout est noir ou blanc, bourgeoisie/prolétariat. Non pas qu'ils ignorent
l'existence des avocats, des paysans et des boutiquiers, mais toutes ces
couches sont sensées n'exprimer que des positions bourgeoises, ce qui n'est pas
faux en général, mais c'est aussi lus complexe, sinon pourquoi ne
pourraient-elles plus « tomber dans le prolétariat », sachant de plus
qu'à la tête des révolutions on trouve beaucoup de petits bourgeois, et ce
n'est pas Lénine qui me dira le contraire.
[2]Cette
bêtise, sous la houlette de Hollande, était souhaitée par l'Allemagne, baignant
dans l'idéologie écolo-bobo régnante,mais, qui est hélas dépendante du gaz russe (tout ce qui fait rigoler les
Américains). Selon le politologue Jean-Claude
Rennwald, les bobos ont joué un rôle croissant au sein des Partis socialistes
européens. Ils mettent l'accent sur les sujets de société (environnement,
culture, procréation assistée), au détriment des revendications traditionnelles
(salaires, temps de travail, sécurité sociale) du mouvement ouvrier. Ce
changement de priorités politiques pourraient, en partie, expliquer les mauvais
résultats des Partis socialistes en France, en Allemagne, en Autriche, en
Espagne, aux Pays-Bas, en Grèce et en Italie dans les années 2010. Le
« boboïsme » serait alors « la maladie chronique du
socialisme »
[3]Les
Trotskiens '1968-2002) les éditions du pavé, p.228.
[4]Rédigé
par une obscure ODJTR, organisation de jeunes travailleurs révolutionnaires,
que je soupçonne d'être de la plume de Jean Barrot.
[5]Renverser
l'Etat ? Ils ne sauraient pas quoi en faire. Ils n'ont aucun programme
crédible ni cohérent. La gauche bourgeoise, comme la droite, ont usé toutes les
ficelles.
[6] « La
motivation toujours égotiste et narcissique du néo-Rastignac l’incite désormais
à se penser comme le « sauveur » de la province. Sous couvert d’une
quête des vertus publiques perdues, le « jeune loup aux dents
longues » se donne en spectacle comme modèle à suivre, devient une sorte
d’évangélisateur aspirant à prendre la direction des affaire, postulant aux
diverses instances du pouvoir local, siégeant dans toutes sortes de commissions
et conseils, aspirant (pourquoi pas ?) à la députation, mimant ou
parodiant la démocratie participative ». On peut regretter qu'il ne prenne
pour exemple de nouveau Rastignac, Macron, Mélanchon l'est encore plus.
'« « Les bobos ne forment pas une classe sociale, puisqu'ils
n'ont pas d’intérêt économique commun. Ils partagent un mode de vie, qui prête
le flanc à la caricature, et un ensemble de valeurs positives que la droite
conservatrice qualifie de « bien-pensante » : l'antiracisme, le
féminisme, la promotion de l'égalité des sexes, la conscience de la finitude du
monde. Les bobos sont à l'aise dans la mondialisation. Ils sont à la fois
raillés par les politiques et courtisés par eux, puisque leur vote est
prescripteur », JL Debry)
[7]« Les
bobos ne forment pas une classe sociale, puisqu'ils n'ont pas d’intérêt
économique commun. Ils partagent un mode de vie, qui prête le flanc à la
caricature, et un ensemble de valeurs positives que la droite conservatrice
qualifie de « bien-pensante » : l'antiracisme, le féminisme, la
promotion de l'égalité des sexes, la conscience de la finitude du monde. Les
bobos sont à l'aise dans la mondialisation. Ils sont à la fois raillés par les
politiques et courtisés par eux, puisque leur vote est prescripteur », JL
Debry)
[8]Jean-Pierre
Garnier lui n'aime pas le terme bobo ; il insiste sur la place
intermédiaire de la petite bourgeoisie qui ne fait pas partie de la
bourgeoisie, jouant la médiatrice, or ce n'est pas ici le problème même si
idéologiquement les bobos font partie de la bourgeoisie, c'est l'analyse de
leur absence de conscience de classe et leur prétention à l'universel qui est
ici l'objet de mon article.
[9]cf les habits neufs de la petite bourgeoisie : https://acontretemps.org/spip.php?article785 lire aussi : https://www.cairn.info/revue-societes-et-representations-2017-2-page-127.htm
[10]Elisabeth
Levy ajoute une précision importante, oubliant que les maos s'étaient fait les
dents avec la lutte des Sonacotra puis les avaient laissés tomber : « Le bobo s'est mis à aimer l'immigré, le sans-papiers,
avec la même ardeur que ses parents vénéraient le prolétaire. […] Le bobo voit
chez le conservateur un facho en puissance. Et il adore toutes les cultures,
sauf celle dont il est souvent lui-même issu, qu'il symbolise par l'effroyable
personnage du « vieux mâle blanc hétéro ». Et en prime souvent catho,
l'horreur ». Il est toutefois à noter qu'il existe des bobos de droite, au
mode de vie similaire mais aux valeurs différentes »
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