"La suppression de la propriété privée... suppose, enfin, un processus universel d’appropriation qui repose nécessairement sur l’union universelle du prolétariat : elle suppose « une union obligatoirement universelle à son tour, de par le caractère du prolétariat lui-même » et une « révolution qui (...) développera le caractère universel du prolétariat ».
Marx (L'idéologie allemande)

«Devant le déchaînement du mal, les hommes, ne sachant que devenir,
cessèrent de respecter la loi divine ou humaine. »

Thucydide

mercredi 16 mars 2022

CRISE DE LA GUERRE TRADITIONNELLE (épisode 9)

 


Guerre irrationnelle ?

(suivi de l'attrition de l'armée russe)

« Fuite aberrante dans la barbarie guerrière », juste image du CCI. En voyant toute cette accumulation de destructions de bâtiments civils et un nombre de morts civiles et militaires invérifiables du fait de l'opacité, inhérente en temps de guerre, des deux camps, il se pose beaucoup de questions sur lesquelles on ne peut répondre. Malgré les affirmations hystériques occidentales, l'Etat russe n'avait pas l'intention de tuer massivement les civils. Les chiffres les plus sérieux indiquent que la tuerie serait de l'ordre de quelques centaines, ce qui est déjà certes horrifiant et se retourne contre Poutine et sa clique militaire, mais qui ne signifie pas un génocide puisque Poutine et sa clique se félicitent de permettre des couloirs de « civils en fuite » probablement d'un pays « nazifié »1. Par ailleurs il y a chaque jour beaucoup plus de morts dus au covid !

Les deux causes de ce « dérapage » sont d'une part le fait que la guerre éclair a été impossible et d'autre part que le matériel militaire russe est en partie obsolète et fait des ravages « collatéraux ». Il devient stupide de personnaliser l'agression impérialiste russe sur le seul dictateur Poutine ; un dictateur reste toujours un délégué de la bourgeoise, et, en temps de guerre, il est entouré d'une clique de généraux tout aussi intéressés à préserver l'ordre et leur prébendes.

Si certains intellectuels, comme Marcel Gauchet, reprennent la notion de décomposition (bien après le CCI...), personne dans l'appareil propagandiste de la médiacratie occidentale ne réfléchit à la possibilité d'une perte de contrôle du gouvernement russe, tout en expliquant qu'il s'est mis dans la merde2. Cette notion de « perte de contrôle » est toutefois à relativiser. Comme j'en ai déjà fait état, le système se maintient aussi en « organisant » le chaos ou en le limitant, par exemple par la désimplication lâche de la diplomatie américaine, qui n'a paq envie non plus d'une troisième guerre mondiale :

« Julianne Smith, ambassadrice des États-Unis auprès de l’Otan, lors d’un briefing avec la presse. Elle n’a pas souhaité s’étendre sur les conséquences hypothétiques de tel ou tel «scénario», comme une incursion dans l’espace aérien d’un pays allié. «Notre intérêt n’est pas l’escalade», a-t-elle insisté ». La plupart des dirigeant des grandes puissances ne sont pas fous, même s'il faut en surveiller des un peu toqués ; une anecdote, durant le mandat Trump, un haut responsable chinois avait appelé le général en chef de l'armée américaine lui demandant si Trump n'allait pas causer un drame, le général lui répondit : « ne craigniez rien, on est là ». Seule une poignée d'intellos et artistes tarés sont va-t-en guerre généralisée.

Au départ pourtant le projet d'invasion militaire a été plus rationnel et plus calibré que ne l'affirment divers commentateurs qui n'ont cessé de clamer que Poutine était en échec. Le choix d'envahir en plein hiver, parmi les hypothèses des généraux russes, pas plus idiots que les occidentaux, supposait que, en cas de sanctions, le chantage à la livraison du blé, aurait une action complémentaire et terrorisante pour l'ordre occidental, sans souci des répercussions pour les pays du Sud... Même si en été il n'y a pas de boue pour freiner les chars.

Toutes les guerres qui vont se développer en ce début de siècle, seront dépendantes de la césure inaugurée par cette invasion de l'Ukraine : imprévisibilité, piétinement, acharnement, et surtout transparence des saloperies mutuelles des « criminels de guerre » des belligérants de tout bord ; ce qui est extrêmement négatif pour le militarisme quelles que soient ses prétextes, nationaux, démocratiques, territoriaux, etc. L'énorme fluidité des réseaux sociaux est catastrophique pour les cliques militaires qui passent plus de temps à chercher comme rendre à nouveau opaques leurs guerres de brigandage, et surtout sachant que les généraux, eux, savent le danger de la classe ouvrière.

La guerre comme projet avec des buts impérialistes précis est rationnelle, mais en durant et en se développant, et maintenant directement dans les pays centraux du vieux capitalisme, elle devient irrationnelle ; comme on pouvait le lire en 1977 dans la revue internationale (n°11) d'un groupe drivé encore par un penseur du mouvement ouvrier, original et très profond, Marc Chiric, héritier rare de la véritable tradition marxiste avant-guerre, différenciée du trotskisme et du stalinisme :

« La seule fonction de l'économie de guerre est...la GUERRE ! Sa raison d'être est la destruction effective et systématique des moyens de production et des forces productives et la production des moyens de destruction – la véritable logique de la barbarie capitaliste »3.

Ce que la médiacratie nomme une « erreur historique de Poutine » n'est pas une erreur, surtout quand on n'oublie pas que, malgré l'effondrement du pacte de Varsovie, la puissance américaine n'a jamais cessé de faire pression pour dépouiller l'Empire russe de ses restes. Et cela continue même si elle reste à distance et se sert de son pion allemand pour poignarder l'Europe quoique la bourgeoisie allemande ait le cul entre deux chaises : approvisionnement à plus de 50% en gaz russe et obligation d'acheter des avions made in USA.

Maintenant, comme toute dictature dans le chaos généralisé, l'armada russe a accumulé fautes et impuissance, non seulement à cause de la « courageuse » résistance du nationalisme ukrainien, mais surtout parce que les troupes ukrainiennes sont équipés d'engins de destruction ciblée très efficaces... qu'i sont fourni par le bloc occidental, où l'Europe se la joue unie, fort provisoirement et en prétextant n'agir que par des sanctions économiques. Notons au passage la sanctification du milliardaire corrompu Zelinski, ancien clown professionnel, qui plastronne et surjoue au Winston Churchill bis, tout en retenant systématiquement les hommes pour les envoyer au casse-pipe national. Nombre d'observateurs se méfient aussi de la propagande nationaliste ukrainienne qui en rajoute des couches ; par exemple maternité bombardée était probablement vide et on a promené dans les gravats une femme enceinte dont on voyait qu'elle était vivante, puis on nous a annoncé qu'elle était morte ainsi que son bébé.

Un autre élément à prendre en considération, qui a été quelques fois évoqué ces jours-ci face aux ratages militaires russes et autres dommages collatéraux. Poutine et sa clique ont mis du temps à comprendre que la situation allait se complexifier, et pour une raison héritée du fonctionnement étatique stalinien :

« (comme en Chine)...il est apparu que cela ne fonctionnait pas (l'information de bas en haut) , parce que dans le capitalisme d'Etat stalinien, les responsables locaux craignent pour leur carrière/promotions s'ils annoncent de mauvaises nouvelles »4

Longue ou courte ?

Pourquoi Poutine fait durer ? C'est la première question.

Professeur à Sciences Po, ancien économiste en chef de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), Sergei Guriev, ancien conseiller économique du gouvernement russe au début des années 2010. Exilé en France, après avoir critiqué les arrestations d’opposants à la réélection du président russe, en 2012. Il explique pourquoi Poutine a sous-estimé les sanctions occidentales. Et comment, privé de l’argent des hydrocarbures, il peinerait à poursuivre la guerre et à financer la répression dans son pays. Observant la polarisation politique aux Etats-Unis, le retrait d’Afghanistan des troupes américaines [achevé fin août 2021] et le manque d’unité en Europe, Poutine était convaincu que l’Occident était faible et divisé. Il pensait que l’invasion de l’Ukraine serait bouclée en quelques jours, comme celle de Crimée [en 2014], et que les sanctions occidentales viendraient tard, voire pas du tout. Il a, en outre, sous-estimé la résistance ukrainienne et surestimé la force de l’armée russe5.

Il fait durer pour deux raisons. D'abord il ne veut pas perdre la face, ou perdre la place, après s'être tant ridiculisé aux yeux du monde entier et surtout de la classe ouvrière. Deuxio parce que, même sous des apparences neutres, l'impérialisme américain continue à faire pression, arme les nationalistes ukrainiens et laisse l'Europe s'enfoncer dans le chaos migratoire, lequel est en train de devenir plus pesant et déstabilisant que la venue des syriens naguère, pour l'ordre intérieur et l'économie des pays européens ; sachant que tous leurs dirigeants sont débordés, ne savent pas comment cela va tourner, et que les moins dépressifs croient qu'ils suffira de renvoyer chez eux cette population aux yeux bleus et aux cheveux blonds, preuve de leur lointaine origine viking.

Mais il y a une autre dimension plus importante que tous les spécialistes de télévision oublient. Comme l'histoire des vétérans du Vietnam, les soldats du contingents, même s'ils ne sont qu'un tiers, restent des prolétaires et il apparaît qu'on leur a menti, comme il est probable que nombreux ont été ceux qui ont refusé de tirer sur les civils. La dénonciation de la guerre en Russie, même si elle est minoritaire, pose problème. Le retour des cercueils de soldats n'est pas forcément de nature à remettre en cause cette guerre, car la bande à Poutine peut toujours raviver la haine nationaliste des parents dont les fils « ont été tué par les nazis ukrainiens »... Mais quand même si cela dure. Le vrai problème n'est pas de sauvegarder l'Ukraine mais d'abattre le criminel Poutine (c'est la raison pour laquelle il se barricade plus que Zelensky, et pas ce qu'on lui prête, une peur ridicule du covid).

En outre, dans la durée, la mascarade nationaliste ne peut tenir longtemps, et c'est pourquoi les démarches pour négocier au plus vite sont de mise en ce moment, réchauffées par la poursuite des bombardements sélectifs, quoiqu'elles traînent en longueur. Poutine montre des « ouvertures » car il ne veut pas subir le sort de Krouchtchev, démis par un coup d'Etat militaire, mais lui sans sang sur les mains et sauveur de l'humanité avec Kennedy lors de la crise de Cuba (en cas d'éjection, coupable de tant de crimes de masse depuis 20 ans, Poutine finira pendu comme Mussolini ou castré comme Khadafi)6.

La mascarade nationaliste au nom de la mystification démocratique bourgeoise ne peut tenir longtemps ici au centre de l'Europe. Ce n'est pas la Syrie, ni l'Afghanistan. Ici ce n'est pas seulement « l'opinion » des gens en général, même si existe une liberté de circulation de l'information comme nulle part ailleurs, du fait que le système ne peut plus mentir à la colonne vertébrale de la société, le prolétariat, mais en laissant dire la réalité des faits, les noyer dans ses solutions fausses ou des mirages idéologiques.

Impact pour le prolétariat mondial

Le congrès du CCI, certes d'une toute petite organisation – avec le mot congrès on imagine une grande salle remplie de politiciens staliniens – et qu'ils devraient plutôt nommer « réunion générale annuelle » de notre fraction (ce qui ferait moins ridicule) – est plein de considérations géniales pour le développement de la lutte de classe, en particulier sur la question de la « politisation de la guerre ». Lors de leur réunion publique à Paris, j'ai avec culot fait référence à une réflexion d'Althusser (décrié et méprisé depuis 68 puisqu'il a servi de maître penseur aux cons maoïstes), mais un con peut dire parfois une vérité. Il l'exprimait ainsi : Pourquoi la révolution a-t-elle eu lieu en Russie ? (ndlr en 1917) Parce qu'avec le déchaînement de la guerre impérialiste, l'humanité était entrée dans une situation objectivement révolutionnaire. L'expérience et l'horreur de la guerre allaient, en tout pays, servir de relais et de révélateur à la longue protestation d'un siècle entier contre l'exploitation capitaliste »7. Ce que le texte du congrès du CCI résume plus simplement et profondément : « la conscience socialiste n'est pas le produit mécanique de la lutte quotidienne, mais qu'elle est le produit du mouvement historique de la classe » cf. page 37).

L'omniprésence de cette guerre « contre les civils » a pris le pas sur les sujets secondaires en comparaison : campagne présidentielle, coût de la vie, matchs de foot, etc. >Chacun ne peut s'empêcher d'imaginer, en passant devant des barres d'immeuble, les mêmes explosions en façade qu'on nous montre dans les villes ravagées d'Ukraine, et de penser que cette société aboutit à tout foutre en l'air, irrationnellement : pour qui, pour quoi chasse-t-on par la terreur une population de millions de personnes désarmées, en détruisant toute son industrie et ses sources d'approvisionnement, et aussi sa fourniture importante de blé pour le monde entier ? Tabula rasa à laquelle l'immobilisme sert de justificatif à de nouveaux crimes de guerre et de gigantesques destructions qui resteront impunis ! Cette guerre aboutit déjà à « politiser » le prolétariat. Même si la médiacratie veut, comme l'anarchosyndicalisme placer le souci au niveau moral ou psychologique :

Pourtant, comme Agathe, nombreux sont ceux à voir leur moral se dégrader à cause du conflit ukrainien. Et ce, même s’ils ne sont pas directement concernés. « Ce n’est pas parce que la guerre ne nous regarde pas qu’elle ne nous touche pas », résume Karine Danan, psychothérapeute à Saint-Nazaire. Parce qu’elle survient juste quand on pensait en terminer avec la pandémie, beaucoup la perçoivent comme une fatalité, et cela accentue notre sentiment d’insécurité. Les médias entretiennent aussi un climat anxiogène, argumente la spécialiste : « Quand les journalistes emploient des expressions comme “l’apocalypse” ou “la troisième guerre mondiale”, on ne peut pas attendre des gens qu’ils restent indifférents. »

à suivre comme toujours...


NOTES

1Cette sortie de Poutine a fait s'indigner l'élite occidentale, or c'est oublier que l'antifascisme en Russie est resté, plus qu'en Occident, une mystification traditionnelle de la bourgeoisie russe qui, du temps des Brejnev et cie jouaient de cette lyre pour désigner le « camp du capitalisme » ; sans oublier que c'est le pays qui a fourni le plus lourd tribut à la « paix » de 1945, j'allais dire à la paie sanglante.

2Cette notion de perte de contrôle est analysée par le CCI dans son 24 ème congrès (cf. Rint n°167), laquelle s'appliquait d'abord au rabougrissement du gendarme du monde, les USA. Deux idées intéressantes étaient soulignées, d'une part le fait que la « décomposition » « affectait la forme des conflits impérialistes et aussi la prise de conscience du prolétariat », et ensuite, comme le montra la crise du covid, « une absence de concertation internationale des pays centraux » (= chacun pour soi). Je rends à César ce qui est à César, ils ont vu avant moi, certes sans en tirer toutes les conséquences, comme nous les apprend la guerre actuelle, une crise de la guerre traditionnelle

3Citation en page 54 de la revue internationale n°167. Revue consacrée à leur 24 ème congrès, mais avec des textes trop longs, des répétitions pesantes : 150 fois le mot décadence, 100 fois le mot décomposition, 50 fois le mot irrationnel, 20 fois « pezrte de maîtrise », idem pour « chacun pour soi », « chaos », etc. Certes une revue militante ne se cache pas d'être propagandiste, et surtout pas l'OBS ou Paris-Match, mais, malgré une réflexion très approfondie sur la décennie écoulé, cela aurait pu être plus synthétique. Je me suis accroché pour tout lire attentivement, en plusieurs fois.

4cf. RINT page 24 (Pandémie et le développement de la décomposition). Mais attention à cette fixation et interprétation « maladive » sur le cas Poutine, comme on le lit ci-après, cela sert surtout à esquiver la responsabilité du capitalisme et du capitalisme russe : « « La communauté du renseignement partage un nombre croissant de rapports sur le "comportement de plus en plus instable" de Vladimir Poutine, âgé de 69 ans. On le dit atteint de la maladie de Parkinson, souffrant des conséquences d'un Covid long ou bien encore atteint d'un cancer incurable. Le visage de plus en plus "enflé" du maître du Kremlin attise, en effet, les pires rumeurs sur son état de santé. "Il y a eu un changement identifiable dans sa prise de décision au cours des cinq dernières années environ. Ceux qui l'entourent voient un changement dans la pertinence et la clarté de ce qu'il dit et dans la façon dont il perçoit le monde qui l'entoure", aurait affirmé une source proche de l'alliance du renseignement Five Eyes. La source a déclaré que cette incapacité à penser clairement était aggravée par l'absence de "boucle de rétroaction négative", le dirigeant russe " n'étant tout simplement pas briefé" sur les éléments d'échec de l'invasion ».

6On notera l'empressement des dictateurs démocratiques occidentaux à vouloir discuter et maintenir des liens avec pareil « criminel de guerre », sans doute parce qu'ils sont nombreux.

7La seule évocation d'Althusser fit lever les yeux au ciel du planton intello de 50 années de RP du CCI à Paris, monsieur de Galar, représentant de l'association des faux-culs socio-anrarchos Cahiers Spartacus.

L'armée russe n'est plus ce qu'elle était

(source Le Figaro et Le Monde)

Son attrition est confirmée en Ukraine !

Trois semaines après le début de sa guerre en Ukraine, l’armée russe est à la peine. Engagée sur la base d’une décision politique prise en comité bien trop restreint (la partie économique du gouvernement et même un certain nombre de membres du conseil de sécurité ont paru surpris de la tournure des événements), cette « opération militaire spéciale » se fonde sur une vision stratégique et politique déformée de la réalité ukrainienne qui a conduit à une planification pour le moins hasardeuse de l’intervention. Les biais d’analyse du Kremlin sur les dynamiques internes de cette ex-république soviétique sont perceptibles depuis des années. Le défaut d’expertise est, en outre, probablement aggravé par la distension des liens entre les élites des deux pays après l’annexion de la Crimée en 2014.

Confrontée à une résistance inattendue, tant de l’armée que de la population ukrainiennes, et subissant une importante usure de ses ressources humaines et matérielles, l’armée russe est bien loin de l’image qu’elle a projetée au cours des dix dernières années.

Tout cela a fait oublier que l’armée russe, dont la réforme n’a été véritablement engagée qu’après 2008, partait de loin : dix à quinze ans de sous-financement conduisant à une attrition irréversible des capacités héritées de l’URSS.

La modernisation de l’outil militaire russe, bien réelle et accompagnée d’un vrai soutien budgétaire, n’a pu être que progressive et sélective – car si la Russie reste parmi les pays consacrant une part significative (environ 4 % par an en moyenne entre 2010 et 2020) de leur produit intérieur brut (PIB) à leurs dépenses de défense, la faiblesse relative de celui-ci se traduit par une contrainte financière persistante.

La première mesure de la réforme de 2008 a consisté à de larges coupes dans le corps des officiers, «car il y avait un peu le syndrome de l'“armée mexicaine” [une situation où les décisionnaires seraient plus nombreux que les exécutants, NDLR]». Le résultat est drastique : de 365.000 officiers, l'armée russe passera à 142.000 entre 2008 et 2012, soit une chute de plus de 60% des effectifs.

La principale faille russe observée sur le terrain concerne d'ailleurs sa coordination. Un problème stratégique beaucoup plus structurel, symbolisé sur le sol ukrainien par la désarticulation entre l'armée de terre et les troupes aéroportées (VDV), indépendantes. Et ce malgré l'effort évident d'«interarmisation» mené par la Russie.

Si bien que, sur le terrain, elles semblent parfois «pataudes» et inadaptées. À cela s'ajoute la question de la corruption, endémique dans l'armée russe, qui n'a jamais pu être résolue malgré la modernisation. «Au milieu des années 2010, le procureur général de Russie estimait que 20% du budget militaire s'évaporait», se souvient le chercheur. Concrètement, les commandes de matériel peuvent être officiellement faites et payées, mais jamais livrées. Ce qui joue un rôle sur les «petits matériels de cohérence, comme les radios», mais aussi sur le volume de munitions.

L'avenir paraît bien sombre pour l'armée russe. Quand bien même elle parviendrait à ses fins en Ukraine, elle aura laissé dans la bataille des hommes, dont des officiers, et des stocks importants.


 

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