Les tontons flingueurs vont bientôt nous "expliquer"... |
« Les
CRS... qu'on leur donne de la gnôle ».
Général
De Gaulle (mai 1968)
« La
populace ne peut faire que des émeutes. Pour faire une révolution
il faut le peuple ».
Victor
Hugo (O.C.)
Bravo au gouvernement ! Quelle maestria ! Il est vrai que
le sommet de l'Etat dispose de tous les pouvoirs : BFM Elysée,
TF1 Elysée, France infaux, LCI, les radios, les jeunes godillots
parlementaires, les syndicats et les... zadistes ! Chacun, à sa
façon favorise non pas des convergences mais la divergence accentuée
jusqu'à la caricature, on pourrait dire simplement la cacophonie ou
l'art de crier toujours « c'est la faute à l'autre ».
Régner c'est diviser a dit je ne sais plus quel roi de France. Naïf
comme un impotent ventripotent trotskien devant son compte facebook
je m'étais interrogé sur la façon dont la gouvernance Macron
allait traiter à la fois l'aboutissement du scénario syndical
impuissant et une nouvelle évacuation de la zone crado, clochardisée
et sans dents, à bobos marginaux. Je n'ai pas pensé un instant
qu'il puisse y avoir solidarité entre une partie de la classe
ouvrière (statutaire) en grève et la marge petite boutiquière de
ND des Landes, mais j'inclinais à croire que les violences pouvaient
enfler au point de contraindre à des dépassements d'horaires la
soldatesque républicaine et bourgeoise. Je me doutais que le NPA et
toutes les sectes immatures du gauchisme allaient crier à la
« généralisation » contre un sale gouvernement qui s'en
prend à tout le monde, aux travailleurs, mais aussi aux étudiants,
aux vieux, aux immigrés, et aux collectionneurs de timbré(e)s (en
HP).
Or régner c'est aussi être intelligent et retors. Depuis le
nettoyage annoncé longtemps d'avance et sans fard de la ZAD, on
n'entendait que persiflage de la part des opposants de la gauche
gnangnan contre un gouvernement couille-molle qui avait baissé
culotte face au projet d'aéroport. Dès ce lundi matin, le décor
était planté. Artistiquement et marconesquement. A la sonnerie du
réveil des travailleurs et des travailleuses, une femme, plus très
jeune, préfète du coin annonçait de sa voix douce qu'une dizaine
de squats avaient été déjà démantelés, que tout se passait
calmement (elle omettait de préciser que les cameramen étaient
interdits au front zadistes/gendarmes) ; tout se déroulait
légalement avec des huissiers et des déménageurs professionnels :
« on a été plus vite qu'on ne pensait »; elle informait
toutefois qu'un gendarme avait été gravement blessé à l'oeil. Il
ne fallait donc pas s'inquiéter. D'ailleurs ce ne sont que des
femmes (gages de paix et de douceur, CQFD) qui étaient convoquées
sur les plateaux : la porte-voix de la gendarmerie n'était
point de cette espèce de gros colonel repoussant avec képi comme on
en voyait bougonner vers les ans 68, mais une douce gendarmette
galonnée qui se répandait en prévenance sur la nouvelle culture
des troupes, le souci permanent des gradés qu'il n'y ait aucun
blessé « des deux côtés ». L'important était de
vanter l'engagement des troupes et l'héroïsme propre à la gent
militaire (cf. n'oubliez pas le colonel Beltrame, héros de la
nation!).
LA VICTIMISATION DE LA POLICE EN GENERAL
Le pauvre Rémi Fraisse était évoqué parfois au détour d'un
bâillement, mais l'insistance était portée sur les jets de
projectile par les « plus radicaux » (ne pas dire voyous
ni racailles SVP), et, en toile de fond – subliminal mes chers
après les voix flicardes féminines – les incendies de barrières
de pneus et quelques excités soigneusement filmés au niveau des
godasses collectant gros cailloux ou bâtons. Derrière les
journalistes autour de la table de studio, les grandes flammes de
l'écran géant faisaient tapisserie et conféraient une ambiance
méphistophélique à des bagarres très limitées avec un nombre
limité également de marginaux du coin face aux 2500 pandores ;
saisissant pour l'électeur retraité de province. La Bretagne à feu
et à sang ? Et quoi ? pour quelques zigotos qui ne payent
ni patente ni loyer, et qui prétendent qu'élever des chèvres loin
de Paris est synonyme de liberté... On annonçait pour le soir, des
manifs de soutien un peu partout pour environ 70 radicaux encore
dispersés dans les champs ou montés dans les arbres. La pluie et
« l'opinion » en eurent raison semble-t-il.
L'info qui occupa la matinée pourtant, en une sur gogole news, Bing
et Cie, puis à la suite sur tous les sites de presse : on avait
alpagué, comme par hasard 5 ou 6 personnes en lien avec le crime
atterrant du couple de policier à Magnanville d'il y a deux ans !
Terrifiant mais adonc rassurant sur l'utilité de la police en
général, pour sa capacité à nous protéger d'un coup de poignard
d'Allah Akbar ; bien sûr ce n'était pas un couple de gendarmes
mais c'est pareil n'est-ce pas ? la première cible des
terroristes c'est les gens en uniforme chargés de défendre... la
France. Qu'on se le dise et répétez-le à votre voisin.
Curieux que l'antiterrorisme héroïsé nous soit resservi comme plat
réchauffé lors de chaque confrontation sociale ou même d'émeutes
marginales... A la veille de la grève tourne-bourrique des syndicats
encadreurs des cheminots, l'agenda Big Brother avait placé les
présumés terroristes de Tarnac – comme une ombre furtive pour
indiquer aux vaillants cheminots de rester dans la légalité - avant
que le procès de cette poignée de rigolos ne s'écroule
lamentablement en justice dérisoire...
Baignés que nous étions devant nos écrans de gratitude et
d'admiration pour la geste gendarmesque, comptant dans les rangs sans
nul doute de nombreux futurs héros, nous nous demandions si les
journalistes allaient être un tant soit peu républicains et donner
la parole au camp adverse, aux défenseurs acharnés de la liberté
d'élever chèvres et volailles sans payer d'impôts à l'Etat
bourgeois. Un quarteron fût dégoté qui lut un communiqué minable
de consternation devant une « telle violence »,
probablement « inadmissible ». Il nous fallut cependant
réprimer un énorme fou-rire lorsque vint l'interview d'un jeune
zadiste en uniforme zaza avec cagoule, godasses et tout, qui expliqua
aimablement que la police était dans l'illégalité. Qu'un
gauchiste, émeutier amateur déguisé, vienne poser au défenseur de
la légalité juridique bourgeoise en défense des divers squatters
de « l'expérience agricole unique »1,
cela frise le ridicule2.
UNE OPERATION DE DIVERSION
C'est la remarque faite à BFM Elysée, par le politicien retraité
Mamère, remarque juste mais pour taxer Macron d' « erreur »
(ouh !le méchant!). Le nettoyage de la ZAD n'est pas une erreur
du tout mais un habile clin d'oeil du gouvernement Macron à
« l'opinion » (en 68 on l'appelait « majorité
silencieuse » avec quelque mépris) où grévistes encasernés
et usagers excédés ne voient pas plus d'avenir à une grève
corporative sans âme qu'ils ne peuvent prendre au sérieux une bande
de vieux boutiquiers et ploucs soixantehuitards ou jeunes vagabonds
nihilistes.
Le défilé des interlocuteurs des divers syndicats ne relève pas le
niveau. Ils peinent souvent à s'exprimer clairement ou récitent
leurs vieilleries corporatives qui n'intéressent qu'eux. Le vieux
Mailly de FO, convié lui aussi sur BFM Elysée, bonze en partance,
les observait avec pitié. La majorité de la classe ouvrière
travaille sans garantie d'emploi ni statut. Les garanties statutaires
sont complètement vintages de nos jours. A la veille de la guerre et
après (pour reconstruire le pays) la bourgeoisie, via staliniens et
trotskiens, a inventé les statuts pour attirer les prolétaires dans
des emplois alors ingrats et non source de profit, sauf pour la
circulation des marchandises ; la nationalisation ou étatisation
comme pouvait la concevoir Engels ne peut plus être considérée
comme une étape vers le socialisme3.
Comme tout a été reconstruit depuis belle lurette, il n'y a plus
nécessité de créer des « appâts » pour ces professions
du secteur qu'on nommait « nationalisé » à notre époque
où le capital est inter-nationalisé et a besoin d'aires
géographiques non limitées par des barrières douanières d'un
autre âge.
Mais le pire dans tout ce capharnaüm est qu'il n'y a rien de
socialiste ni d'intéressant pour l'avenir de la communauté humaine.
Du charbonnier maître chez soi et borné véhiculé par les zadistes
et leurs soutiens gauchistes au « défendons notre statut »
comme seule revendication prioritaire refilée aux cheminots par
leurs prétendus représentants syndicaux il n'y a aucune perspective
de lutte d'envergure pour une indépendance de classe, pour affirmer
la nécessité de renverser non pas quelques escouades de flics ou de
conserver des « avantages statutaires », mais de ficher
en l'air la société capitaliste. Rien pour décloisonner une
société figée, et cela Macron l'a compris, mais ce n'est pas cela
qu'il va « expliquer ». Il va se moquer des vieilleries
de l'attirail politique et syndical moisi de la gauche disparue pour
tenter de nous refiler de plus vieux oripeaux encore que le système
bancaire capitaliste lui a demandé de remettre à la mode comme
d'autres ressortent la danse sociale, le swing. Mais si le lindy hop
c'est super, et que toutes les classes peuvent faire le pas chassé,
le libéralisme macronesque c'est une exploitation et une
précarisation tout azimut du prolétariat ; va Macron !
Continue avec ces deux fouets et tu contribueras ainsi vraiment à la
généralisation puis à la cristallisation de l'unité
prolétarienne ; mieux que la défense du statut de telle ou
telle corporation.
Similarité avec l'artificialité de l'occupation des facs par des
minorités d'excités, même dans leur différence, l'émeute zadiste
comme la grève ombilicale SNCF vont dans l'impasse. Mais on ne
pourra pas dire qu'il s'agit d'une défaite de la classe ouvrière,
ni d'une partie de la classe ouvrière, mais bien d'une déconvenue
des syndicats « tous ensemble » avec leurs mensonges,
leurs fausses promesses de « radicalisation »... de la
négociation.
Les événements dans l'histoire ne se répètent jamais deux fois de
la même façon, et je me passe de vous refiler la citation éculée
de qui vous savez. Seuls les idiots utiles au gouvernement Macron et
à la gauche bourgeoise déconfite peuvent – lot de consolation –
entretenir la croyance en la venue d'un nouveau mai 68. Ils sont tous
creux comme des citrouilles et hors de la situation tangible.
NOTES
1
Dixit un électeur de Macron, Noël Mamère, seul « radical »
invité sur le plateau élyséen BFM, première chaîne d'infaux de
France. Ils auraient pu inviter un membre de la secte CCI pour qu'on
sache quelle est leur opinion sur les évènements en cours, à
moins que la CIA ait bloqué leur dangereux blog.
2C'est
pourquoi certains sont violents avec les journalistes parce
quoiqu'ils déclarent ils seront ridiculisés, mais surtout par leur
aptitude à se ridiculiser eux-mêmes.
3
Engels, qui a dit quelque part que les barricades et le temps des
coups de main était passé, se méfiait déjà du concept
d'étatisation : « Ce n'est que dans le cas où les
moyens de production et de communication sont réellement trop
grands pour être dirigés par les sociétés par actions, où donc
l'étatisation est devenue une nécessité économique, c'est
seulement en ce cas qu'elle signifie un progrès économique, même
si c'est l'État actuel qui l'accomplit ; qu'elle signifie
qu'on atteint à un nouveau stade, préalable à la prise de
possession de toutes les forces productives par la société
elle-même. Mais on a vu récemment […] apparaître certain faux
socialisme qui même, çà et là, a dégénéré en quelque
servilité, et qui proclame socialiste sans autre forme de procès,
toute étatisation […]. Évidemment, si l'étatisation du tabac
était socialiste, Napoléon et Metternich compteraient parmi les
fondateurs du socialisme. […] ce n'était nullement là des
mesures socialistes, directes ou indirectes, conscientes ou
inconscientes. Autrement ce seraient des institutions socialistes
que la Société royale de commerce maritime, la Manufacture royale
de porcelaine, voire l'étatisation proposée avec le plus grand
sérieux […] par un gros malin, - celle des bordels ».
- Socialisme utopique et socialisme scientifique, Friedrich Engels (trad. Paul Lafargue), éd. sociales, 1973, partie 2 (« Socialisme scientifique »), chap. Vers l'élimination du capitalisme individuel, p. 109 (note 1)
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