Après
la manif exploratoire du 22 mars, pas terrible malgré les
satisfecits de la secte LO, la deuxième série séquentielle de la
grève intermittente n'a pas soulevé d'énormes vocations parmi les
masses exploitées par Micron 1er. Même le CCI n'a pas jugé utile
de publier le moindre communique ou article pour au moins encourager
les grévistes à ne pas se laisser berner trop longtemps par la
comédie des conciliabules du "négoce" en permanence du gouvernement et de ses
syndicats chéris, cette comédie de boulevard digne d'un Eugène
Labiche qui aurait pu s'intéresser au philistin syndicaliste, à ses
travers et ridicules comme au bourgeois, sa cible principale ainsi
qu'il l'avoue au Figaro en 1880 : « Je me suis adonné
presque exclusivement à l'étude du bourgeois, du philistin ;
cet animal offre des ressources sans nombre à qui sait les voir. Il
est inépuisable. C'est une perle de bêtise qu'on peut monter de
toutes les façons. Il n'a pas de grands
vices, il n'a que des
défauts, des travers, mais au fond il est bon, et cette bonté
permet de rester dans la note gaie ». Bon et con finissent par
la même lettre, disait ma mère1. L'essentiel n'est ni la revendication, ni la révolution, ni la cristallisation d'une conscience de classe, mais la négociation, cet art de gérer ensemble l'Etat capitaliste entre politiciens parvenus, même minoritairement au pouvoir, et valets syndicalistes à la vue bornée à leur seule corporation et carrière individuelle.
DES
TRAVAILLEURS COMME MASSE DE MANOEUVRE...
Des conciliabules gouvernementeurs à foison... Vous
ne le savez sans doute pas, mais au total, environ 70 réunions de
négociation étaient prévues pour les mois de mars et avril entre
le gouvernement et les syndicats. La causette à rallonge ils s'y
connaissent ! Pas besoin d'avoir fait l'ENA ou une école de
cadres cheminots. Pour se distraire un peu entre négociateurs ils
ont jugé bon d'inventer un scénario de grève intermittente
prolongée, prolongeable et gonflable. Certainement pour balader les
ouvriers et employés de la SNCF mais aussi pour y convier des
millions de spectateurs dont la seule solidarité chantée même par
Le Figaro n'est envisagée que comme solidarité pécuniaire. Les
cheminots ont été poussés à une grève séquentielle totalement
encadrée, individualisée comme le vote politique isolatoire dans
l'urne2,
où la décision
le passif des conciliabules moqué grossièrement... |
finale comme initiale reste entre les mains des
bonzes syndicaux anonymes, sans que personne ne pense un instant
qu'ils agissent en concertation permanente avec leurs maîtres (les
permanents syndicaux de hight class sont payés par l'Etat ou ses
officines indirectes... de service public!). Il n'est pas né le
chien qui mordra la main de celui qui le nourrit.3
« Posture »
des syndicats selon la clique gouvernementale ! « Mascarade »
de concertation selon les cliques syndicales. Hier six heures de
palabres pour rien, et ce vendredi deux heures et demie dans une voie
de garage exclusivement revendicative sur le négoce de la dette de
55 milliards d'euros de la SNCF versus le non transfert des cheminots
vers des sociétés privées après l'ouverture à la
concurrence."C'est une véritable mascarade" avec "un
gouvernement qui brode", qui "n'a pas de propositions et
qui ne règle pas les problèmes", a déploré Laurent Brun,
secrétaire général de la CGT Cheminots."Le gouvernement
avance à marche forcée pour tenter de nous asphyxier (…) Il n'y a
pas eu de négociation », puis il a assuré que «la grève
pourrait aller au-delà du mois de juin ».(oulala! le moment des vacances est propice à généraliser la lutte... sur la plage)
« On
est dans une situation où le mouvement social risque bien de se
durcir », a renchéri de son côté le ventripotent Roger
Dillenseger pour l'Unsa (la presse écrite se gardant de préciser
que le ton était plus courtois et qu'il ajoutait qu'il sentait tout
de même venir la négociation). Voire de tomber à l'eau...
Ce même vendredi matin, la ministre des Transports, Elisabeth Borne (bornée?), pour son côté ministériel déplora que "la posture des syndicats ne change pas", et au contraire vanta des avancées dans le vaudeville syndical, estimant avoir "donné des garanties" aux cheminots qui partiraient chez la concurrence en cas de perte d'un marché par la SNCF à l'avenir. Ils conserveraient selon elle "l'essentiel des garanties du statut". En gros le gouvernement explique et les syndicats ne... veulent pas comprendre.
COMMENT
DURCIR UN GROS MOU ? OU LA CRISTALLISATION IMPOSSIBLE
Les
organisations dites « représentatives » à la SNCF (CGT,
Unsa, SUD, CFDT), pourtant étrangères au mouvement ouvrier, sont
sorties du ministère après ces deux heures et des broquilles aussi
« scandalisées » les unes que les autres comme si la
négociation avait été violée . . «Les cheminots vont augmenter
la pression», a surenchéri le bonze CFDT Didier Aubert, annonçant
dans certaines régions «quatre à cinq points de plus» de
mobilisation pour les deux prochains jours de grève. «Le
gouvernement a besoin d'une nouvelle démonstration», a-t-il
assuré."Hélas,
les cheminots vont devoir se mobiliser dimanche et lundi (...) Nous
sommes partis sur un conflit qui risque de durer si le gouvernement
ne revoit pas sa méthode", a menacé le bonze de la CFDT.
La
clique syndicale,qui passe pour la plus radicale, a re-surenchéri
par la voix de Erik Meyer de SUD Rail«C'est absolument inacceptable
ce qui vient de se passer aujourd'hui», et en annonçant avoir
l'intention de «proposer lundi de durcir le mouvement». Le même
représentant de clique syndicale, interrogé le soir sur BFM,
assurait que « les syndicats restent unis » autour de la
défense du service public et d'une SNCF non basée sur le profit4 ;
la plupart des sous-fifres syndicaux ont leur deux minutes de gloire
devant micros et caméras mais pour radoter les mêmes discours faux
sur l'unité dans la lutte « du privé et du public »,
triste racontar comme en 95 et dans les années 2000 où le privé
n'a pas la force pour faire grève ou reste isolé et sans soutien
des grands groupes nationalisés. Ce n'est pas pour une véritable
convergence qu'ils militent ces arsouilles, convergence des
travailleurs eux-mêmes d'où qu'ils viennent, mais pour leurs
amalgames troubles entre cartels syndicaux en lutte des places. La
cristallisation des luttes sociales est impossible tant que ces
menteurs professionnels, camelots des vieilleries nationalisées et
sans projet politique alternatif, occupent le devant de la scène. La
grève planifiée et dévitalisée a autant à voir avec mai 68 que
le défunt programme commun avec Octobre 17.
Ce
qui est le plus honteux c'est bien cette défense de la comédie de
l'unité des cartels syndicaux alors qu'on sait qu'ils vont se
diviser lors du sprint final (comme toujours), et cette inféodation
au mythe de la représentativité de ces organismes d'Etat si on
compare avec le caméléonisme de leurs pères en trotskysme en 1968
(mais poussés au cul dans une période autrement singulière par une
classe qui déchirait les cartes syndicales) : à l'époque les
trotskistes récemment sortis du stalinisme ne passaient pas leur
temps à coller des calicots CGT ou SUD mais revendiquaient des
comités élus et révocables en AG et refusaient que la parole des
grévistes soit « usurpée » par les bureaucraties
syndicales5
Pour
SUD-Rail jeudi soir, il fallait "renforcer, amplifier, durcir"
la grève pour "faire plier" le gouvernement.
La reprise de la grève est prévue samedi à 20H00, jusqu'à mardi 07H55. Ce sera le deuxième épisode de grève deux jours sur cinq, après celui des 3 et 4 avril, lors duquel le trafic ferroviaire a été très perturbé. Le mouvement est emmerder usagers et gouvernement jusqu'au 28 juin, voire plus s'il est nécessaire de vraiment bien faire mordre la poussière aux plus excités, et que cela signifie une défaite pour l'ensemble de la classe ouvrière, laissant les mains libres à Jupiter pour honorer les cieux patronaux jusqu'au renouvellement de sa sinécure élyséenne.
Les divers conflits agitent le pays - universités, Air France, milieu hospitalier, fonctionnaires – restent cloisonnés entre leur quatre murs, et aucune convergence n'est possible dans le magma des revendications, voire leur étrangeté dans l'obscurité des conciliabules syndicalo-gouvernementaux. Macron ne s'est pas fait remarquer pour sa brutalité mais, toujours pédagogue Labiche, il a expliqué que les mouvements sociaux "ne doivent pas empêcher le gouvernement de gouverner". Et les menuisiers de menuiser.
La reprise de la grève est prévue samedi à 20H00, jusqu'à mardi 07H55. Ce sera le deuxième épisode de grève deux jours sur cinq, après celui des 3 et 4 avril, lors duquel le trafic ferroviaire a été très perturbé. Le mouvement est emmerder usagers et gouvernement jusqu'au 28 juin, voire plus s'il est nécessaire de vraiment bien faire mordre la poussière aux plus excités, et que cela signifie une défaite pour l'ensemble de la classe ouvrière, laissant les mains libres à Jupiter pour honorer les cieux patronaux jusqu'au renouvellement de sa sinécure élyséenne.
Les divers conflits agitent le pays - universités, Air France, milieu hospitalier, fonctionnaires – restent cloisonnés entre leur quatre murs, et aucune convergence n'est possible dans le magma des revendications, voire leur étrangeté dans l'obscurité des conciliabules syndicalo-gouvernementaux. Macron ne s'est pas fait remarquer pour sa brutalité mais, toujours pédagogue Labiche, il a expliqué que les mouvements sociaux "ne doivent pas empêcher le gouvernement de gouverner". Et les menuisiers de menuiser.
Le
vaudeville syndicalo-gouvernemental risquant de lasser les
spectateurs, les comédiens durcissent le scénario. Il devrait
«s'amplifier», prévient Force ouvrière. Pour SUD Rail, «il va
falloir renforcer, amplifier, durcir» la grève pour «faire plier»
le gouvernement et «arriver au bout des revendications». L'Unsa
Ferroviaire appelle également les cheminots et usagers à «se
mobiliser si on veut faire plier le gouvernement». «Il faut avoir
en mémoire qu'on a derrière nous (sic, un par un) des cheminots
mobilisés. Plus le conflit va durer, plus les positions vont se
radicaliser», assure Didier Aubert de la CFDT. Selon ce dernier, la
mobilisation des cheminots, appelés à cesser le travail samedi à
20 heures jusqu'à mardi à 7h55, devrait être «au moins aussi
importante» qu'en début de semaine. Et la lassitude, même si les
figurants Hamon, Mélenchon et Ruffin organisent des « sorties »
pour distraire un peu de la vacuité politique et sociale.
NOTES
1Macron
figure assez bien ce bon bourgeois parvenu de vaudeville, avec ce comique
mépris de classe, hautain et moralisateur. Il a accumulé des
perles ces dernières années qui auraient ravi Labiche. «
Si j’étais chômeur, je n’attendrais pas tout de l’autre,
j’essaierais de me battre d’abord » ; « Il faut des jeunes
Français qui aient envie de devenir milliardaires » ;
et il EXPLIQUE que «
la meilleure façon de se payer un costard c'est de travailler »,
sans oublier
les «
illettrées »
de l’entreprise Gad… Dans un bassin minier du Nord, comme
n'importe quel curé du temps jadis il EXPLIQUE : «l’alcoolisme
et le tabagisme se sont peu à peu installés dans le bassin minier.
Tout comme l’échec scolaire. Il faut traiter cela en urgence afin
de rendre le quotidien de ces personnes meilleur», Sur un plateau
TV il EXPLIQUE que les ouvriers sont des privilégiés :
« Bien
souvent, la vie d'un entrepreneur est bien plus dure que celle d'un
salarié, il ne faut pas l'oublier. Il peut tout perdre, lui, et il
a moins de garanties ». Mais il se fait aussi régulièrement
recadrer comme à Rouen cette semaine face à une aide-soignante
(certes militante LO) qui refuse de lui serrer la main. Bravo c'est
déjà ce qu'il faut faire refuser de serrer la main de tous ces
pantins de négociateurs en chef, et en cravate, comme aurait dit
Labiche.
2Chaque
gréviste doit se déclarer à son petit chef de service, lui
indiquer le jour et les heures où il fait grève, un casse-tête
aussi débile à gérer que le début d'application des 35 heures...
voir l'article de Libération à ce sujet : http://www.liberation.fr/france/2018/04/04/sncf-a-la-gare-du-nord-la-crainte-d-une-mobilisation-a-la-carte_1641001
3Dans
certaines entreprises nationalisées on pouvait naguère assister à
une partie des négociations direction/syndicats. J'y ai assisté
une paire de fois, ce n'était que bavardages inconsistants,
roulements de tambour et déclarations bravaches qui n'en
finissaient pas, à chaque fois j'ai claqué la porte.
4Les
chiffres de comparaison qu'il avait inventé pour prouver que les
transports coûtent plus cher en Allemagne et en Angleterre étaient
faux ; l'intérêt de la concurrence libérale écrase la
lourdeur du monopole nationalisé stalinien, baisse des prix en
réalité et une concurrence qui permet de choisir ou de changer de
prestataire comme on en voit les avantages avec la téléphonie. Ce
discours syndical vieillot – très corporatiste – se ridiculise
lui-même, et fait les gorges chaudes chez les millions de
cons-somateurs plutôt du côté de l'Etat... mercantile.
5Dans
son livre d'archiviste, Ludivine Bantigny - « 1968 de grands
soirs en petits matins » (Seuil 2018, 25 euros) – rappelle
cela, mais les trotskistes restaient complices et suce-boules des
syndicats staliniens, en fait ils se calquaient sur les positions
autrement révolutionnaires des minorités révolutionnaires qui
commençaient à réapparaître, hors du caméléonisme trotskien,
mais peu audibles, à part les esthètes situs.
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