"La suppression de la propriété privée... suppose, enfin, un processus universel d’appropriation qui repose nécessairement sur l’union universelle du prolétariat : elle suppose « une union obligatoirement universelle à son tour, de par le caractère du prolétariat lui-même » et une « révolution qui (...) développera le caractère universel du prolétariat ».
Marx (L'idéologie allemande)

«Devant le déchaînement du mal, les hommes, ne sachant que devenir,
cessèrent de respecter la loi divine ou humaine. »

Thucydide

lundi 19 septembre 2011

LA POSTURE DE LA VICTIME CONSENTANTE


Et consternante.

Si l’on prend un peu de recul sur la prestation télévisée du sieur Strauss-Kahn et qu’on ne se laisse pas passionner par les méandres de ce scandale, on ne peut que se poser la question : pourquoi ce bourgeois, ancien « homme de pouvoir » comme il s’en est vanté a-t-il eu carte blanche pour justifier, maquiller ou faire pleurer sur ses turpitudes ?

Vous ou moi pris dans les « mâchoires » d’une telle affaire aurions-nous eu le droit devenir nous exprimer à TF1 ? Non, franchement nous serions encore dans une vulgaire prison yankee sans femme généreusement milliardaire et avocat mafieux pour nous en sortir. Jadis les grand commis de l’Etat compromis dans des affaires de cul, par exemple le ministre Profumo en GB ou Charles Trenet n’ont pas eu le droit de venir se faire plaindre à la télévision. TF1 est enchaîné à la clique de M. Sarkozy. Il y a donc eu négociations secrètes entre le clan de M. Strauss Kahn et le pouvoir actuel.

Du côté du pouvoir, soupçonné d’avoir tendu un piège au principal rival intellectuel du président qui veut rempiler, refuser cet étalage aurait signifié plaider coupable de destruction d’adversaire sous la ceinture. Trop heureux de la mésaventure du prétendant à la succession le pouvoir actuel ne pouvait risquer de perdre le bénéfice du scandale, donc feu vert. Ne baissant pas casque, le clan DSK – la gauche caviar pouvait poser ses conditions (car une mauvaise gestion des suites du scandale DSK pouvait entraîner un anéantissement d’une figuration honorable de toute la gauche en 2012 et rééditer la désagréable configuration de 2002 avec cette cruche de Marine Le Pen en pole position). Pour une affaire qui ne vaut pas un kopeck - chacun sait que DSK est un obsédé comme beaucoup des fous qui nous gouvernent – l’enjeu politique était important pour que la bourgeoisie maintiennent un mystère de merde où les « français » passent leur temps, dans ce piège, à enculer des mouches et à se bagarrer inutilement sur les mensonges de DSK et de Nafissatou Diallo. La prestation de DSK, blanc comme neige, l’air d’avoir pris un bon neuroleptique et d’avoir super préparé l’interview avec les questions intelligentes de Claire Chazal, me fit penser à l’affaire d’Outreau. La lie de la terre ne sait pas s’exprimer aussi bien que messieurs les bourgeois. La lie de la terre se contredit, bafouille, ne sait pas se défendre. D’ailleurs comme nombre de commentaires l’ont souligné sur le web, Nafissatou Diallo n’a aucune chance de disposer d’une telle tribune.

Indépendamment des avis d’untel ou d’untel, la comédie avait quelque chose de trop organisé pour être honnête, et devait se dérouler de manière ad hoc. Rue 89, site gauchiste convivial comme Médiapart avait quasiment fourni la veille la ligne de conduite (pas très honorable) à la « victime » d’un complot présumé : « Nos conseils à DSK pour réussir son JT de 20h post-scandale. Avant Strauss-Kahn, Adjani, Baudis, Mitterrand ou Woerth… ont dû subir une séance d'explication au JT. Chacun dans son style ». Cinq conseils donc :

- Montrer sa colère, comme Adjani

- Ne pas transpirer comme Dominique Baudis

- Faire profil bas, comme Frédéric Mitterrand

- Nier en bloc, comme Woerth

- Insulter les journalistes, comme… DSK.

Sauf le dernier conseil, le staff à DSK a bien suivi ces recommandations. Comme le remarquait justement un internaute sur ce même site : « Logiquement DSK ne dira rien concernant "l'affaire" : le procès en civil n'est pas terminé aux USA, donc il lui est impossible de faire quelque confidence sincère . Il sera donc évasif .Et donnera son avis sur la crise ».

Les quatre premiers conseils de Rue 89 ont été respectés. La colère était contenue, nulle transpiration, pas la morgue dont il était coutumier en tant qu’intelligence supérieure, négation de toute culpabilité. En bon pervers narcissique DSK est venu « clamer son innocence ». Qui l’eût cru ? Lustucru. Ce fût une « faute morale » et non pas une pipe immorale. Il alterne habilement sa relation sexuelle bizarre avec son statut d’homme de pouvoir. Il nie de fait toute « faute physique » en dérivant vers « son rendez-vous manqué avec les français (cf. les fabricants de sondage du Nouvel Obs, du Monde et de Marianne qui voulaient nous l’imposer comme futur chef de l’Etat). Il se défend ensuite, non par soi-même mais sur la base du rapport du procureur ambigu et empressé du procureur girouette de New York. Sa prétendue victime a menti sur tout (la plupart de se fans se pâment). Nafissatou Diallo a menti sur tout « pas tant sur ce qui s’est passé qui est secondaire ». Banco ! Une partie des téléspectateurs approuve (hé qu’est-ce qu’elle faisait là cette minable femme de chambre, et pourquoi n’a-t-elle pas crié au secours, hein ?). Le milliardaire DSK peut naturellement ensuite réduire à néant les prétentions de son accusatrice puisqu’elle n’était motivée que par l’argent (hein le coup de téléphone à un taulard : çà peut me rapporter…) et il précise bien qu’une deuxième traduction du patois africain a confirmé cette vénalité. Mais moi si j’avais été une femme abusée j’aurais naturellement voulu faire cracher au bassinet le bourgeois en guise de dédommagement, normal !

Admirable complice la Chazal qui aiguille le brave homme sur son sentiment au moment de l’emprisonnement : « j’ai eu peur… une mâchoire » lâche l’autre heureux de l’esquive qui élimine l’autre prétendue victime « corrompue ». Complice en diable, dans le respect de la négociation en coulisses, Chazal tend la perche à la théorie du complot : « des pressions extérieures ? »

DSK est ravi : « pourquoi on a choisi d’aider celle qui m’accusait et pas de collaborer avec moi ? ». Faute sémantique d’un homme de pouvoir pervers ce « collaborer avec moi ». Il se fait plaisir à poser à l’énigmatique : « Un piège c'est possible … Un complot ? Nous verrons. Il y a des zones d'ombres». Formidable pour tous ses amis et complices, persuadés que « Dominique » a été torpillé par des directives en haut lieu concernant sa quéquette. Après cette rapide évocation du complot (qui rassure ses affidés) il faut gagner le cœur des naïfs : « sans l’aide d’Anne (Sinclair) et je sais que je lui ai fait du mal je le s ais, je n’aurais pas tenu le coup » (une partie des téléspectateurs pleure). Rien n’est laissé au hasard par le déroulé des questions de la subtile et compréhensive Chazal. La petite Banon, « une version imaginaire ». D’autres affaires ? Bof…

N’y a-t-il pas eu là un décalage entre le comportement privé et le comportement professionnel, renchérit la subtile journaliste spontanément ?

- « C’est une faiblesse, une faute morale… j’ai eu du pouvoir… j’ai payé lourdement » (pas à Nafissatou Diallo en tout cas). (Les féministes lèvent les bras au ciel devant leur téléviseur et crient « salopard ! », pour une fois je suis OK avec elles).

Il exprime ensuite la douleur qu’il a créée autour de lui quoique il ait beaucoup réfléchi (après ses pulsions) et en ait conclu avec lui-même que « cette légèreté il l’a perdu pour toujours ».

L'air contrit, il a qualifié son rapport – non tarifé, selon lui – avec Nafissatou Diallo de « relation inappropriée », une faute vis-à-vis de sa femme, ses enfants, ses amis, mais aussi une faute vis-à-vis des Français qui avaient placé en lui « leur espérance de changement ».

Merveilleuse Chazal qui veut écluser toutes les questions du comité de rédaction de l’Elysée : « acte manqué ? ». Non répond sobrement « la victime », « je ne crois pas à cette théorie pyschologique » (mais la théorie psychologique en est persuadée). Suit le scoop que personne n’attendait (sauf Le Nouvel Obs, Marianne et Le Monde) : « je voulais être candidat » (à l’élection suprême). Il ne se mêlera pas des « primaires socialistes » mais une victoire de la gauche est « nécessaire » en 2012. Enfin, comme de bien entendu, l’interview doit se terminer en apothéose de l’homme crucifié, stigmatisé par une vulgaire affaire de cul, qui eût pu sauver le monde capitaliste de sa crise. Tour à tour rassurant et sermonneur vis-à-vis des Etats européens DSK en remontre dans son statut élimé de grand économiste et d’ancien directeur du FMI. Les économies sont gangrenées par la dette. On prend des décisions trop tard ou on ne les applique pas. Il y a des mesures anti-sociales. Il reste préoccupé par les questions qui concernent la population.

- Votre avenir ?

- Je vais prendre le temps de réfléchir, on verra…

Conclusion des téléspectateurs apitoyés : « il a reconnu sa faute au moins ». Demain un nouveau sondage confirmera que 53% des français considèrent qu’il doit prendre du repos et 59% qu’il a au moins le mérite d’avoir au moins reconnu sa faute. Les mêmes français qui vont voter Sarkozy et qui auraient voulu voter DSK.

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