"La suppression de la propriété privée... suppose, enfin, un processus universel d’appropriation qui repose nécessairement sur l’union universelle du prolétariat : elle suppose « une union obligatoirement universelle à son tour, de par le caractère du prolétariat lui-même » et une « révolution qui (...) développera le caractère universel du prolétariat ».
Marx (L'idéologie allemande)

«Devant le déchaînement du mal, les hommes, ne sachant que devenir,
cessèrent de respecter la loi divine ou humaine. »

Thucydide

mercredi 11 novembre 2009

CORRESPONDANCE CONFIDENTIELLE




Voici donc un courrier"confidentiel". On ne vous cache rien sur ce blog et on vous dit tout dans la mesure du possible. Les "raisons" de sa publication dépassent le caractère "personnel" car elles indiquent une force irréductible : la fraternité et l'existence d'une correspondance multiple – individualité et...communauté ! Un état d’esprit qu’on aimerait bien voir se développer en milieu maximaliste. Même s’il ne croit plus, contrairement à moi, à la théorie du prolétariat (= classe révolutionnaire) dans sa condition de chômeur, la contribution de Florian nous intéresse parce qu’elle pose la nécessité de bouleverser la société dans un sens humain. Et il décrit cruellement avec ses mots à lui, notre situation à tous : « Aujourd'hui, nous sommes parvenus au point où nous n'avons jamais été autant démunis, dépouillés ».


Il aborde plusieurs faits ou questions auxquels je n’ai pas des réponses toutes prêtes.


Florian sait que j’ai rompu avec François L. parce qu’il avait publié sur le site facho Arrrgh son introduction à Tempus Fugit 2, sans me faire lire un galimatias incohérent et plutôt antisémite. Désespoir ? Désarroi comme le dit le jeune Florian. Certainement et d’autant que la lutte des classes ne casse pas des briques, que même les vieux routiers du maximalisme, et les groupes au disque rayé de la dite « gauche communiste » s’interrogent sur les capacités du prolétariat à fonder une alternative de société. Sous des airs de fiers à bras pour ces derniers ou sous une volonté « d’approfondir » façon « controverses » ne va-t-on pas vers une remise en cause faillitaire de la classe ouvrière ? Serais-je son dernier mohican ? D’où l’intérêt de réfléchir aux questions que pose fraternellement le jeune Florian, sans exclusive et en examinant attentivement les ordures et décombres dans le champ politique révolutionnaire. Sachant que ce ne sont pas seulement les mauvaises herbes qui repoussent.


Vous pouvez envoyer votre avis chers lecteurs ou vous impliquer sur ces sujets, ce modeste blog vous est ouvert.



JLR



PS : N+1 publie en italien www.quinterna.org Je ne connais pas leurs textes.





Cher Jean-Louis,



J'ai donc lu cette introduction à Tempus Fugit 2. C'est normal que je ne connaissais pas ce texte, puisque dans son édition "officielle", François L. dit l'avoir retiré et qu'une copie peut être demandée. C'est clair et net, il rejoint tout à fait la même façon d'appréhender que François B. C'est dommage. Le désespoir et le désarroi les minent et leur énergie est entière consumée dans une lamentation. C'est ainsi que je caractérise ce que je viens de lire - une lamentation indiquant de la perte des repères. Mais je crois sincèrement qu'ils sont en chemin, qu'ils évoluent, comme moi, comme chacun, chacune. Bref.1. Prendre acte que la théorie du prolétariat et le parti prolétarien ne sont plus opérants car le système s'est développé d'une façon telle qu'ils ne le sont PLUS, est foncièrement DIFFERENT de, du coup, nier carrément qu'ils aient été opérants. Cette négation les amène du côté de la révolution conservatrice. 2. l'échec et le désarroi pousse à créer des diaphragmes : théorie du complot (et ça c'est vraiment gravos). Ce qui est une mystification. Ça montre bien qu'on passe, là aussi, du côté de la révolution conservatrice. 3. l'analyse n'est plus qu'une longue lamentation. 4. il n'y a pas de sortie. Alors effectivement, tout support n'est pas innocent. Pourtant, je crois important ce travail historique, de publier tous ce qui est du courant radical, non seulement de notre courant, la Gauche communiste etc, le courant prolétarien révolutionnaire, mais aussi en intégrant certains apports du courant anticapitaliste de droite. Le problème est là : publier les textes des opposants de droite est également important. Car ils y avaient des choses très justes. MAIS, (il y a toujours un mais. Et c'est parce qu'il y a un MAIS que je me garde de plonger dans le piège de tout moralisme et du mode de penser binaire), MAIS il y a un pas (énorme, abyssal) entre publier des textes instructifs de ce courant et... PASSER DE L'AUTRE COTE! Je mets cela sur le compte du désarroi. En espérant que ces individualités poursuivent leurs chemins..., que rien ne soit fixé. Je suis content des divers textes que tu places en ligne. Notamment sur ton deuxième blog. J'ai lu le texte sur le volontarisme en Russie. C'est fort intéressant. Sur la guerre civile espagnole, sur la Belgique (gauche communiste italiens en exil) également. Est-ce toi qui a écrit le texte sur les "Besoins radicaux" ? En ce cas je te ferais quelques remarques. Tout comme la société bourgeoise puis capitaliste est née de la société féodale en tant que nouveau rapport social en gestation porté par des groupes infimes d'hommes et femmes dans une société féodale en décomposition, naîtra de notre société capitaliste en décomposition un nouveau rapport social : le communisme. Non plus comme un nouveau mode de production, mais un nouveau rapport social qui abolira tout le courant historico-social (dans ses manifestations, ses rapports sociaux, ses modes de production divers) qui a présupposé la dernière et la plus totale et à la fois dissolutive des formations historico-sociales : le MPC. C'est là qu'intervient le rôle historique du prolétariat en tant que classe révolutionnaire. Or, les conditions qui faisaient du prolétariat une classe révolutionnaire ont changées à mon avis. En ce sens que la généralisation de la prolétarisation et la minéralisation (domination réelle) rendent inopérante et placent en situation d'échec la fonction révolutionnaire de la classe. Elle a été opérante, elle n'est l'est plus car en tant que classe universelle elle perd des déterminités et en acquiert d'autres. Il y a toujours classes socio-économiques. Mais le fait de la généralisation de la prolétarisation, qui est aussi en même temps une "middle class-isation" (la middle class est par définition une non-classe), indique d'une évolution structurelle. Celle-ci implique à son tour la question : dans quelle mesure a-t-on, nous prolétaires, 1° la force d'une classe (c'est-à-dire ayant une position déterminante dans le système), 2° un programme préfiguration de la société communiste ? Nous n'avons plus ni l'un ni l'autre (victoire de la contre-révolution). Alors, cette classe universelle, lorsqu'elle entrera en action, opérera-t-elle en tant que classe ? Cette question n'est pas spéculative. Elle est importante car elle révèle la question suivante, connectée avec la fameuse question des besoins : qu'est-ce qu'on garde ? Doit-on réformer les rapports de production ? Ce système n'est-il désormais pas entièrement à détruire ? Nous ne sommes plus en 1848. Cf. Amadeo Bordiga. Le schisme. Faut-il lutter sur le terrain de l'entreprise ? Faut-il s'opposer sur le terrain de la production ? S'agit-il de nous réapproprier le travail vivant ? Mais où est-il ce travail vivant ? Doit-on garder les circuits de circulation, distribution ? Pire : est-ce vraiment la production ? Le communisme en tant que mode de production c'était les besoins de manger, se vêtir, se chauffer. Point barre. Tout le reste ciao. De quoi a-t-on besoin? C'est là que ton texte pose une bonne question : ces besoins de base c'est secondaire. Le besoin c'est le besoin d'être : la continuité de l'être : gemeinwesen. C'est ça la connaissance du plan de vie pour l'espèce : le gemeinwesen. Je pense que ce besoin, qui n'est plus un besoin lorsqu'il commence à abandonner l'aliénation mais manifestation de mon individualité totale qui est en même temps communauté, est appréhendé par la situation de répression, situation sociale. La reconnaissance, etc., sont des mystifications de notre être-gemeinwesen. Les rapports sociaux sont les supports d'un besoin d'être. Les rapports sociaux ALIENES sont les supports de besoins d'être ALIENES. Il faut aller à la racine. La racine c'est le rapport social. L'équation qui produit le schisme est déterminée désormais par la prépondérance de ce facteur: l'émergence d'un nouveau rapport. De celui-ci à son tour naît, plus ou moins spontanément, l'organisation matérielle, notre auto-organisation, nous prolétaires, prolétarisés, pauvres, dominés, qui dissous et fait disparaître peu à peu, mais radicalement et définitivement, ce système, tout en ayant mûri dans ses conditions, dans sa situation de cadavre en décomposition.


Ton billet sur les "tarnaqueries" m'a beaucoup amusé. Mais je ne serais pas aussi méchant ! Ces gars et filles sont animés sincèrement de la passion du communisme, de la communauté. Mais ils sont complètement happés par les déterminations du système, et par l'auto-infantilisation. A voir comment ça évolue de ce côté. Mais, pour parler en terme situs, je crains que, une fois pris dans la logique retorse et multiple du spectacle il soit quasi impossible de s'en dépêtrer, à moins de couper net (encore le schisme...).


Je lirais bien avec plaisir ton Histoire du maximalisme. Pour l'instant mes indemnités de chômeur ne permettent pas encore, mais bientôt j'espère je pourrais te l'acheter.


Sinon, pour ceux qui sont maintenus strictement classiquement marxistes, je me sens plus proche de la façon dont les camarades de N+1 abordent les choses que de Controverses. L'article de N+1 sur la crise est, par exemple, autrement plus vigoureux je trouve... Qu'en penses-tu toi de N+1? A ce propos, tu vois, pour revenir à cette question des besoins, du communisme comme mode de production, d'un nouveau rapport, eh bien ces gars maintiennent l'idée que ce que produit le système dans la haute-technologie (nanotech, etc.) constitue les bases matérielle du communisme. Pour moi, c'est tout simplement absurde. C'est un fatras. Et à mon avis tout est comme ça. Aujourd'hui, nous sommes parvenus au point où nous n'avons jamais été autant démunis, dépouillés. Alors c'est de ce dénuement total que nous nous repartons. Et pas compter sur ce que met le système à disposition matériellement, ce serait pour moi réformer. Car en fait ce qu'il met à disposition, c'est-à-dire tout simplement son organisation, est déterminée par SON organisation (ça à l'air tautologique mais ça ne l'est pas...!).


Je m'arrête. Je suis encore assez jeune pour affiner, confronter à la réalité, etc. Je continue donc. A bientôt !



Florian




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