« Père, gardez-vous à droite, père, gardez-vous à gauche ! » Philippe Hardi (1935, il recevra la Bourgogne en récompense de son courage).
Dans mon article de janvier – « Pourquoi ces cortèges incessants de foules imbéciles ? » - la principale explication que je donnais soulignait le triomphe d'un individualisme obtus dans toutes les pores de la société. Ce constat n'explique pas tout. Diverses formes de mécontentement, surtout de la part des couches petites bourgeoises, continuent d'occuper le devant de l'actualité sans autre ciment qu'une haine confuse de l'Etat... et des partis politiques.
Ces manifestations de colère sont du pain béni pour les
journalistes qui jacassent à n'en plus finir sur les causes
supposées : l'oppression « sanitaire »,
l'interdiction d'aller au cinéma, un possible complot de l'Etat pour
domestiquer la population, la faiblesse du « pouvoir d'achat »,
l'atteinte à « notre liberté », etc. Le "pouvoir d'achat" cette fameuse lapalissade, ce truisme qui constituerait l'ordinaire de toutes les classes... qui serait la cause de toute révolte poujadiste comme étape vers la révolution, la vraie.
Les ploucs n'ont pas pu entrer dans Paris
Dernier avatar de cette « colère haineuse», le « convoi de la liberté », copié sur le modèle canadien. Que la presse fût veule, « compréhensive », attentive à « tenter de comprendre » en laissant croire que cette colère avec moult drapeaux patriotiques pouvait prendre de l'ampleur, puis complaisante en feignant d'approuver la « colère » de cette mixture de bobos antivax, de ringards gilets jaunes et d'une frange d'extrême droite spécialisée dans la protestation surtout en voitures de luxe et campings-car à 75.000 euros, comme tout prolétaire peut s'en offrir. La police française a bien fait son boulot et nos agitateurs populistes d'une soi-disant « démocratie directe » en ont été pour leurs frais. Outre que manifester en voiture n'est pas très prolétarien, les revendications étaient aussi confuses que stupides. La majorité de la population en France et au Canada ne s'est aucunement sentie concernée ; au Pays de Maria Chapdelaine, à Ottawa, les habitants sont descendus dans la rue en criant « stoppons les débiles » !
A la remorque des ringards gilets jaunes sans tête, le site Matière et révolution d'un ancien militant de base de LO, a rejoint lui les débiles du complotisme et des idiots antivax, publiant un :
« MESSAGE D'ALERTE INTERNATIONAL DE PROFESSIONNELS DE SANTE AUX GOUVERNEMENT ET AUX CITOYENS DU MONDE :
STOP : à la terreur, à la folie, à la manipulation, à la dictature, aux mensonges et à la plus grande arnaque sanitaire du 21e siècle ! »
Après ce complaisant message d'alerte aux gouvernements … bourgeois de la planète, le pseudo R.Paris y va de son cru faussaire :
« Ne comptons ni sur les Etats bourgeois, ni sur les partis réformistes, ni sur les élections, ni sur les bureaucrates syndicaux, ni sur les chefs militaires radicaux ! Organisons nos propres conseils de travailleurs et prenons le pouvoir sur nos luttes comme sur toute la société ! » et il faut lire derrière cette proclamation plus populiste que marxiste les insanités qui suivent sur « le crime covid » !
(à lire ici https://www.matierevolution.fr/ )
UNE HAINE APOLITIQUE QUI SERT A NE PAS PENSER LA POLITIQUE
Dans mon article de début janvier, je parlais de cette haine sans aborder la défection électorale généralisée ni la haine des partis, même par ceux et celles qui en sont membres ; car comme l'a rappelé le petit Fillippot : « pour un parti faut une hiérarchie et un chef »
« Les divers mouvements de protestation de ces dernières années ont tous en commun une haine de l'Etat, ce qui ne serait pas grave en soi, ni révolutionnaire, mais en premier lieu haine pathologique de toute centralisation ; théorie mère du libertarisme individualiste qui régit désormais le monde entier, et pas seulement le bourbier des réseaux sociaux : je fais ce que je veux, comme je veux et personne n'a à me dicter ma conduite, je peux cracher, tuer, violer, égorger si je me prends pour Allah ou Napoléon, etc. ».
Comment comprendre aussi cette haine des partis ? D'abord cette haine émane des couches petites bourgeoises paupérisées, mais plus encore parce que écartées de la promotion sociale et politique. Haine épidermique qui ne se nourrit que d'envie, de jalousie. On s'en prend aux grandes fortunes, Des bobos trotskiens à l'électorat mitoyen de Mélenchon, on s'en prend aux grandes fortunes qu'on veut piller et « nationaliser », mais pas de programme alternatif de société, un « tous pourris sauf mon clan » qui évite de réfléchir sérieusement. La politique est vue comme un match de football.
Cette colère n'entraîne nullement la classe ouvrière derrière ces agités du bonnet, complotistes et anti-scientifiques. C'est encore heureux. Car sur le terrain économique, la classe ouvrière – même si le mot déplaît et que plus personne ne coche le mot sur les formulaires – montre le bout de son nez avec les grèves annoncées à la SNCF, chez les gardiens de prison et dans d'autres secteurs qui n'ont pas été chloroformés par « l'emprisonnement sanitaire ». Cette oppression a tant stressé les « couches moyennes » si attachées à leur individualisme libertaire, à leurs sorties au théâtre et aux soirées dansantes.
Une vieille édile stalinienne me confiait la semaine dernière regretter une disparition de la « conscience de classe » et la nécessité malgré tout de voter pour une véritable candidate anti-fasciste, Mme Hidalgo : il est vrai qu'elle a les mêmes origines hispaniques que la maire de Paris ; le communautarisme chauvin n'a pas attendu la venue des arabes. Elle défendit aussi la nécessité de créer une nation martiniquaise, une nation guyanaise, tout en défendant le port du voile pour les joueuses de football musulmanes. Lorsque je lui objectais qu'elle se situait sur le même plan de démolition de toute dialectique historique que le wokisme, lequel veut entre autres faire rembourser l'esclavage à l'homme blanc, je m'entendis répondre que le vrai combat est désormais l'antiracisme ; ce que la candidate Arthaud a également affirmé dans son discours électoraliste préliminaire.
Exprimant mon régulier étonnement devant les mues successives de l'esprit stalinien, je dus également faire face à un jeune professeur, membre d'Extinction Rébellion, qui m'objecta qu'il ne fallait pas mépriser le « convoi de la liberté » ; « on ne fera pas la révolution tout seul », me jeta-t-il à la figure.
Certes on ne fera pas la révolution tout seul (pensait-il au prolétariat en me faisant cette objection?), certes, répondis-je, mais pas derrière ce magma de couches petites bourgeoises confuses, réactionnaires au sens originel du terme (= retour en arrière, mythe du chacun chez soi, retour à la terre, refus de la vaccination, etc.). Ces couches rétrogrades s'étendent du « facho » Zemmour au « raciste » l'écolo Jadot, ainsi qu'ils sont stigmatisés par les miettes de la gauche caviar. Zemmour n'est pas un facho mais un nouveau magouilleur du milieu politique des crabes bourgeois à faire regretter les partis classiques antiques ; il ratisse pêle-mêle chasseurs, gilets jaunes, convoyeurs en 4X4, la petite fille Le Pen, et les collectionneurs de timbres, un peu timbrés en général.
Jadot, représentant patenté de l'écologie punitive, n'est pas raciste , mais la doxa antiraciste lui est tombée dessus alors qu'il a maladroitement exprimé une vérité : Zemmour véhicule de sales objectifs nationalistes derrière une identité juive avec laquelle il plastronne comme si tout juif était noble en politique et nullement susceptible de devenir un vulgaire nationaliste.
Enfin ce succès provisoire de partis qui n'en sont pas formellement, mouvance écolo et divers charlots aristos et fachos autour de Zemmour, ne peut remplacer les partis traditionnels, lesquels « encadraient » les diverses couches de la population. Droite et gauche sont mortes d'usure au pouvoir, de saloperies surtout contre la classe ouvrière, d'un démantèlement de cette classe, de la propension de la gauche et de l'extrême gauche bourgeoises à remplacer le prolétariat par un immigrationnisme débile. Les vieux partis comme les syndicats ne peuvent plus encadrer la classe ouvrière, dont une partie est illusionnée par le populisme et sa partie immigrée par l'islam.
Tout ceci explique les explosions sporadiques de colères incontrôlables, mais forcément limitées par des couches sociales aveugles et obtuses.
UNE DERNIERE ETAPE ELECTORALE DE MISE EN SCENE des « fachos » ?
La presse dans son ensemble n'a plus d'yeux de Chimène que pour la bagarre de bistro entre Zemmour et Marine Le Pen, vu l'étiolement des autres candidats loufoques les Taubira, Hidalgo, Lassalle et même du clown utopico-nationaliste Mélenchon que Libération croit voir se pointer au deuxième tour de piste.
Or on pourrait même considérer ce spectacle comme un complot ourdi par la macronie, plus la haine (mot à la mode et parfaitement apolitique) déferlera entre les deux clans, plus la macronie « centriste » pourra tabler sur la victoire de son champion. Toujours avec l'aide de son Philippe Hardi, François Bayrou, Macron ne peut que se réjouir des bagarres picrocholines à droite et à gauche. Au bout, foin de l'abstention massive qui sera gommée par le « vote utile » antifa et antiraciste, pour garantir la survie de Macron au pouvoir cinq années supplémentaires.
Pour terminer, et il faut le dire franchement, l'inexistence temporaire mais criante d'une expression politique révolutionnaire de la classe ouvrière est aussi liée à l'inexistence de vrais partis de classe, non pour encadrer comme tous les partis bourgeois, mais pour affermir l'existence du programme révolutionnaire. Mais ceci sera développé ultérieurement et dans un autre cadre que la cacophonie et l'atmosphère délirante d'un banal concours électoral.
JAURES CONTRE LE VIDE DES GILETS JAUNES ET LE CONVOI DES DEBILES
Il y a plus d'un siècle le grand Jaurès avait déjà contré tous ces révoltés échevelés pour une fausse liberté commerciale et contre ces ânes soi-disant socialistes et cette extrême gauche pleureuse anarchiste pour leur caricature et dénégation du vrai socialisme.
« Il n'y a pas de socialisme, même utopique, là ou, si osée que soit une théorie, si audacieux que soit un plan de société, il n'y a pas désir d'action, appel à l'action, afin de préparer la nouvelle organisation de la propriété et de la société visant à assurer le bien-être de tous ses membres. Les réquisitoires contre la richesse et la propriété, comme les descriptions de sociétés idéales et les rêveries communistes ou humanitaires, sans intention d'application dans un milieu donné, sans viser à une pratique générale, sont des dissertations philosophiques, sociologiques, etc., et non du socialisme.
Il n'y a pas socialisme, même dans le sens le plus restreint, là où, si subversifs que soient un appel à la révolte ou un soulèvement populaire, si démocratique que paraisse une œuvre réformatrice, ces diverses actions ou tentatives, au lieu d'être subordonnées à une théorie générale quelconque de la transformation que doivent subir la propriété et la société dans le but de réaliser le bien-être de tous, sont déterminées par une doctrine religieuse prêchant le renoncement et la communauté (sic), par la tendance à ne régler que des situations spéciales, à se borner à des mesures d'avance estimées transitoires, ou par l'exaspération désordonnée des victimes de trop criants abus. (…) Ce qui est vrai, c'est que la plupart des démocrates crurent à l'efficacité, à tous les points de vue, de la liberté et des droits nominalement égaux qui ne pouvaient complètement profiter qu'à la classe économiquement à même de s'en servir, à la bourgeoisie ».
cf. THERMIDOR ET LE DIRECTOIRE , page 6
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