DEUX DARDENNE UNE MARION
(notes sur le film des
frères Dardenne "Deux jours, une nuit", ses contempteurs
sectaires et l'agonie du syndicalisme)
Les films de guerre ou
sur les guerres mondiales ne sont jamais subversifs comme nous venons
d'en subir les images plus commémoratives que réflexives tout au
long de l'année qui vient de s'écouler. Sous certains aspects, comme
un article choc, un livre important, un événement marquant, un film
peut être subversif, et la subversivité de ce film échapper
complètement à une poignée d'intellos qui se piquent de
connaissance approfondie en subversion historique.
Des films qui traitent de
la condition ouvrière il y en a peu pour ne pas dire de moins en
moins. Mais il y a eu de plus en plus de films sur les cols blancs,
sur des péripéties personnelles, conflictuelles, amoureuses qui
mettent en scène tout de même cette classe ouvrière moderne, si
névrosée, si niée, apparemment si impuissante à prétendre
s'extraire de son sort. Le cinéma à gros budgets et gros profits
préfère les scénarios inspirés de faits divers juteusement
sanguinolents, une variété d'histoires d 'éternels marginaux ou de
détraqués qui saisissent de frayeur les spectateurs, ou encore des
aventures extraordinaires avec effets spéciaux. Je ne crache pas
dans la soupe ni ne méprise la distraction pour tous les goûts. "La
famille Bélier" est un moment d'enchantement avec un scénario
simple comme l'était "bienvenu chez les chtis". Le théâtre
du dix-neuvième siècle a été totalement supplanté en milieu
disons populaire par la "distraction cinématographique",
qui est aussi recueillie par le creuset TV, nécessaire pour atténuer
la monotonie du quotidien des "gens honnêtes" et "sans
histoires". Le cinéma de propagande "populaire" ou
"prolétarienne" est mort de sa nunucherie1.
Les cinéastes gauchistes et tiersmondistes de l'après 1968 tentèrent
bien également de nous faire le coup; il suffit d'en revoir quelques
uns pour déplorer tant de navets pas tant imbuvables que ridicules.
En général le militant lambda de l'ultra-gauche fossile n'a pas le
temps d'aller au cinéma, et consacrer des articles à des films ou
livres serait une insulte au papier réservé à l'éducation
politique du prolétariat inculte. En général depuis trente ans,
avant l'excellente invention de la bloggerie universelle, la secte ne
consacrait que très peu d'articles aux films ou aux livres,
considérant, comme ses diverses scissions ouvriéristes, qu'on ne
saurait parler d'autres choses que des augmentations de salaire, des
licenciements et du squelette du parti futur, au minuscule
échantillon des masses prolétariennes susceptibles de s'intéresser
à une aride prose politique pour l'essentiel dénonciatrice des
malheurs et distractions perverses du capitalisme "à
l'agonie"2.
Comment se fait-il que la
secte ultra-gauche - mais rassurez-vous fort accommodatrice désormais
au démocratisme convivial autant qu'elle s'est réduite comme peau
de chagrin3
- ait réservé quelques colonnes, quoique gratuites, de son blog au
film de la confrérie Dardenne? Parce qu'ils n'ont plus rien à dire
hormis les radotages sur la décomposition du capitalisme et la
trahison infinie de la gauche caviar?
Je me prends à penser
que c'est parce que ledit film sous ses airs sociologiques
inoffensifs, colle de trop près à la vérité de la condition
ouvrière aujourd'hui, sans prétention propagandiste, sans
fioritures marxistes ou anarchistes, a vexé nos purs
propagandistes", enlevant le pain psycho-politique de la bouche à ces
donneurs de leçon d'une classe "atomisée" et qui "a
besoin des guides de l'organisation révolutionnaire". Les
"purs" sont sortis de leur trou comme les Témoins de
Jéhovah ulcérés par la pornographie. Le film des frères Dardenne,
comme leur oeuvre, n'a aucune prétention révolutionnaire, et c'est
très bien. Car la prétention révolutionnaire est ridicule et
revient depuis cent ans à prendre les prolétaires pour des cons. Le
travail des deux cinéastes est bien plus intéressant qu'un prêche
marxiste car il est recréation de la réalité. Ce que nous savons
tous plus ou moins confusément – ce genre de deal sordide proposé
par un patron cynique d'une PME, primes contre le licenciement d'une
ouvrière – et qui se déroule tous les jours sous nos yeux, il ne
sert à rien de le dénoncer ni d'écouter les lamentations
hypocrites de la gauche de la gauche et de leurs bonzes syndicaux
contre la marchandisation du monde et l'enrichissement inouï. Non il
s'agit de faire VIVRE, ou revivre l'humiliation subie dans la tête
du spectateur. Peu importe le début ou la fin et il n'y a pas de
morale contrairement à ce que prétendent les critiques qui se
veulent connaisseurs. Il y a un constat. Intériorisé. On ne
pourrait pas se contenter des films Dardenne ou on sombrerait dans la
dépression, même s'il y filtre l'espoir. Heureusement le reste du
cinéma mondial offre des occasions de rêver, de se marrer ou
d'apprécier des films d'amour.
Le vieux militant qui a
signé Sandra B (pour moquer la Sandra du film, trop pleurnicharde à
son goût) ne nie d'ailleurs pas le talent des cinéastes, ni le
constat, mais leur reproche le constat et l'absence du discours
d'éducation à la "solidarité prolétarienne de l'avenir"4.
Comme la critique
lamentable des journaux de la droite caviar – qui n'y ont vu que
répétitions et gaucherie, typique de leur vision méprisante de la
classe ouvrière... une classe astreinte justement aux tâches
répétitives - la secte CCI (Cercle Concentrique Interne) n'aura vu dans
le film des frères Dardenne (Deux jours, une nuit) qu' "un
hymne à l'abandon du combat de classe". Je résume l'avis, que
je partage, de la plupart des critiques positives des articles des
spécialistes du cinéma, par les deux extraits suivants:
"Le cinéma-vérité
des frères Dardenne, (...), prend toujours aux tripes, mais sans
jamais verser dans l’émotion facile. En accompagnant Marion
Cotillard dans son chemin de croix, sans discours, tout est dit sur
la crise, la dureté du monde du travail. En rupture de glam, la
comédienne nous chavire.
"Récit sur les
aléas de la solidarité entre petites gens, par le passé valeur
prolétarienne fondamentale, "Deux jours, une nuit"
stigmatise les temps nouveaux, où l'individualisme prime sur le
partage. Sans pour autant tomber dans le pessimisme. La morale du
film stigmatise l'effort sur soi nécessaire pour ne pas sombrer dans
le désespoir, afin de s'en sortir"5.
Et comme un autre
critique de cinéma, C. Narbonne le décrit très finement, ce genre
de cinéma vérité n'est pas statique comme une secte politique qui
va répétant les mêmes concepts depuis trois décennies, la
trajectoire créative des deux cinéastes n'a rien à voir avec la
mode des films "no future", trash et gore qu'affectionne
Hollywood ou le petit monde des arrivistes bobos du cinoche français
qui se complait dans la description de marginaux paumés:
"Il y a quinze ans,
les frères Dardenne faisaient de Rosetta, cette affranchie mal
peignée et mal embouchée, le symbole du « peuple de la démerde »
prêt à tout pour s’en sortir, quitte à abandonner en route un
bout de son âme. Rosetta, c’était le monstre honteux enfanté par
les années fric, le dommage collatéral du capitalisme sauvage, dont
il reprenait à son compte le cynisme et l’aveuglement
jusqu’au-boutiste. Depuis, au « tout est permis » et au « chacun
pour soi » a succédé le « bien-vivre ensemble ». La crise a
refroidi les ardeurs les plus ancrées et a transformé le peuple de
la démerde en masse solidaire et droite. Gravement dépressive,
Sandra passe ainsi toute la durée du film à se redresser dignement
dans l’adversité quand la volontaire Rosetta se tassait de plus en
plus sous le poids de sa culpabilité. Dans la filmographie des
Dardenne, riche en drames sociaux « no future », Deux Jours, une
nuit marque un tournant dialectique assez net. Fidèles à leurs
idéaux, les frères belges ont compris que l’époque était au
dialogue âpre mais concerté et non plus au repli sur soi suicidaire
ou à la fuite en avant. Cela se traduit par une narration moins
directe, un rythme moins soutenu et une mise en scène moins punchy
qui pourront déconcerter de prime abord. Comme tous les films de
rupture, Deux Jours, une nuit, porté par l’interprétation retenue
de Marion Cotillard, est une belle promesse de renouvellement"
(cf. Première).
SE
BATTRE POUR RETROUVER UNE VIE SOCIALE
Le cinéma des frères Dardenne est le produit d'une école de
l'épure au cinéma, qui a survécue aux diverses modes des cinémas
dits d'avant-garde, une école que je dirai classique, et qui survit
à toutes les modes parce qu'elle est le résultat d'un travail
d'orfèvre en effet comparable à celui des grands maîtres de la
peinture flamande, le néoréalisme italien de Rossellini, mais aussi
les rigoureux et exigeants Bresson et Pialat, et on peut ajouter
Cassavetes et Claude Sautet. Je ne vais pas vous analyser ici les
plans-séquence du film ni les interprétations snobs des critiques
de cinéma, mais l'impression, tout à fait subjective, que peux
faire et que m'a fait ce film.
Il met tout de suite mal à l'aise, et c'est pourquoi il n'est pas un
film de distraction mais de réflexion6.
Il met mal à l'aise pour une raison qui a échappé à tous les
critiques et aux gandins en tenue de soirée du festival de Cannes.
Il est d'abord hors de la réalité. Les réalisateurs expliquent
dans le supplément s'être inspirés de faits divers quotidiens dans
la presse où dans plein de petites boites les ouvriers sont soumis
au chantage à la baisse des salaires ou aux journées chômées pour
maintenir la pérennité de l'entreprise ou le "destin commun
patron et ouvriers" comme le chanta notre jeune milliardaire et
fringant ministre de l'économie Macron lors de son intronisation par
la commission parlementaire au mois d'octobre. Premier défaut de
casting à mon sens, la première victime de la liste "destruction
d'emploi" ne se défend jamais elle-même dans la réalité
sociale. Mais c'est un truc des Dardenne que la plupart n'ont pas vu;
d'ailleurs, clin d'oeil à la réalité, vite oublié, c'est Juliette
la collègue de Sandra (= Marion Cotillard magnifique!) qui l'attrape
par la manche pour aller exiger un deuxième vote auprès du patron.
En réalité on ne se défend pas lorsqu'on est condamné, on accuse
le coup, on pleure, on tombe malade, on se suicide; et à toutes les
époques. Et surtout: ON EST SEUL (nombre d'anciens militants m'ont témoigné de leur dégoût de l'absence de solidarité dans la secte CCI, et je n'en ai ressenti aucune non plus soit quand je me suis fait casser la gueule par les staliniens, tout comme lorsque j'ai été inquiété à mon boulot). Même avec des soutiens réels de proches, on reste
seul face à sa déchéance sociale. Il n'y a ni parti ni syndicat pour vous soutenir. Cela les cinéastes belges le
démontrent à fond la caisse. Rien ne peut extraire Sandra de la
solitude de l'humiliation, de la remise en cause professionnelle et
donc sociétale, ni son mari attentif et consolant ni ses rares
collègues fusionnelles. Le truc des Dardenne qui met immédiatement
mal à l'aise c'est cette ficelle de départ où la personne
licenciée doit s'abaisser à se défendre face à l'égoïsme de la
majorité des collègues. Mais cela a toujours été comme cela de
tout temps dans la classe ouvrière; il faut être un pur sectaire
pour l'ignorer et chanter les inénarrables couplets vides à la
"lutte ensemble et solidaire"! Le spectateur – celui en
smoking de Cannes comme le cariste d'Aubervilliers – est choqué de
l'absence de solidarité... apparente, et du fait que la victime
prolétarienne sans prolétariat massif est obligée de se
"démerder". Ce n'est pas la réalité en pays développé
toutefois depuis des décennies. Tout de suite vous pouvez avoir
recours aux Prud'hommes, un syndicaliste quelconque accourt aussitôt
telle une assistante sociale oecuménique, et il y a toujours un ou
deux collègues pour protester ou vous plaindre. Mais chez les
Dardenne le parti-pris de l'épure l'emporte: ils se sont débarrassés
de tous ces missi dominici de l'assistanat social – pas de
syndicaliste, pas de grève pour l'honneur, pas d'appel au brûlage
de pneu devant la résidence secondaire du patron – pour livrer le
"vécu". Oui le vécu individuel pas individualiste,
personnellement meurtri pas le bisounours symbole des "intérêts
communs" et bientôt sanctifié. En se débarrassant justement
de toute la propagande misérabiliste qui entoure les régulières
"destructions d'emploi", plus souvent au compte-goutte que
"collective", ce qui évite l'explosivité mais favorise la
destructivité, les cinéastes dévoilent et nous font vivre la
souffrance individuelle qui est incoercible. Il n'y a pas de morale
selon laquelle on serait impuissant selon l'interprétation des
critiques bourgeois et de Sandra CCI, mais un constat qui fait mal,
et ce constat n'est pas l'individualisme mais la SOLITUDE, solitude
qui est aussi celle de ceux qui ont accepté la prime quitte à ce
qu'elle ait pour conséquence le licenciement de leur collègue. La
dénonciation de l'individualisme contemporain est le gimmick du
libéralisme et de toutes les sectes révolutionnaires modernes, et
la fixation sur cette notion finit par ne plus rien expliquer du
tout. Sandra made in CCI dénonce une recherche de la solidarité
d'individu à individu, donc chant à la gloire de l'individualisme!
Quelle bêtise! C'est pourtant typique d'une secte qui a toujours
comporté pour l'essentiel des petits profs et divers fonctionnaires
des secteurs protégés, et qui oublie que le scénario se déroule
dans une ...PME, endroit encore féodal pour les rapports de classe
où les prolétaires sont forcément plus terrorisés et
individualisés. C'est un autre truc des Dardenne, qui permet de
dépouiller leur film coup de poing de tout bla-bla syndical et
autres promesses gauchistes ou ministérielles. Dans la réalité,
même dans les grosses entreprises, la défense des licenciés est
toujours passée par le porte à porte, seuls des révolutionnaires
en peau de lapin qui n'ont jamais fait grève ou jamais secouru un
camarade de travail peuvent nier cette réalité. Ce qui apparaît en
filigrane chez les malins frères Dardenne, et que Sandra CCI ne voit
pas, les collègues ont fini par se téléphoner entre eux, la
solidarité est en marche indépendamment du porte à porte
désespérant de Sandra, la formidable Marion Cotillard qui marche
épaules voûtées, le pas lourd, les hanches épaisses, le chignon
rapide, pas sexy, au bord de l'asphyxie et qui campe si bien ces
millions d'ouvrières harassées comme elle avait incarné
magnifiquement Piaf. Les autres acteurs sont eux aussi géniaux de
vérité; chaque ouvrier convié à se prononcer me fait penser à
tel ou tel ancien collègue, au caractère de l'un ou à
l'emportement de l'autre. Moi-même, ouvrier plus de trente ans dans
une grande entreprise nationalisée j'ai pratiqué le porte à porte
plus d'une fois pour sauver tel collègues de "la porte".
Le porte à porte ne signifie pas chant de l'individualisme, d'autant
qu'à l'époque les autres du CCI étaient plutôt fier de mon action
et de mon dévouement, mais tout simplement souvent "d'informer":
"tiens me dirent certains, on n'était pas au courant, les
syndicats n'ont rien dit", ou "désolé j'étais en
vacances... mais oui on va tous poser le sac", etc. Fabriquer
une banderole, planifier une massif, haranguer au mégaphone, je
savais faire. Mais la victime elle restait toujours prostrée, voire
gênée qu'on "prenne des risques pour elle". C'est cela
que donne à voir la "synthèse Dardenne". Evidemment ils
ne prônent pas le "grand soir", ficelle usée non pas tant
que la nécessité de la transformation violente de la société
bourgeoise ne soit plus une nécessité, mais cela ne peut avoir lieu
à coup de coups de clairon sémantique ni par harcèlement vocal. Ce
n'est pas non plus leur rôle en tant que cinéastes qui n'y
connaissent rien en projet communiste ou anarchiste de révolution,
et qui, si leur discours était dangereux trouveraient vite le chemin
du pôle emploi belge. Ce cinéma, qui possède l'imprimatur
officielle, n'est pas subversif et ne peut pas l'être, et on s'en
fout. Il nous intéresse parce qu'il donne à voir l'humiliation et
la destruction de l'individu même jeté hors d'un travail idiot,
parce que ce travail idiot permet de bouffer et d'élever les gosses.
Le talent des cinéastes tout en montrant bien cette réalité ne
nous pousse pas à pleurnicher, en fixant toujours la caméra sur la
principale victime, si seule malgré l'amour que famille et amis lui
prodiguent. Finalement ils sont aussi subversifs que les hommes de
théâtre du dix-septième siècle, comme La Fontaine, qui
parvenaient à moquer les puissants sous des oeuvres apparemment
anodines.
MALGRE
LA DECHEANCE DU SYNDICALISME LA SOLIDARITE PEUT RENAITRE
Lorsqu'on survole l'histoire du mouvement ouvrier on ne peut être
que fier de la place longtemps occupée par le syndicalisme, malgré
ses divisions, ses échecs, pour sa participation à la constitution
d'une conscience de classe universelle, pour son rôle de ciment dans
la compréhension de la nécessité de l'unité de classe, de la
communauté d'intérêt, mais le syndicalisme a toujours été un
cheval fou sans tête et sans réelle perspective de changement de
société. Le livre de Davranche, dont je ne cesserai de faire la
publicité – Trop jeunes pour mourir 7-
le démontre amplement.
LE
FILM REFLETE BIEN L'INANITE DU SYNDICALISME
L'échéance du film choque Sandra CCI non seulement parce qu'elle ne
parle pas des clés (marxistes) de l'avenir de l'humanité mais parce
que notre belle Sandra "s'adapte" en se barrant finalement
de cette boite de merde pour aller chercher un job ailleurs. Mais
nous on s'en fout pour l'heure des clefs de l'humanité et on est
plutôt content qu'elle se barre parce qu'on sait qu'elle peut sauver
le CDD de son pote noir qui a pris le risque de la solidarité et qui
était l'objet du deuxième deal pourri du patron. Là aussi,
contrairement à cette conne de Sandra bis "pure" et sans
crédit, les cinéastes ne prétendent pas parler au nom de toute la
classe ouvrière mais creuser la difficile notion de solidarité
actuelle. Leur génie est justement de montrer, chez Sandra et chez
ses collègues, qu'elle reste et est bien présente même dans les
plus petites cellules du prolétariat moderne, contrairement aux
sectes prétendues marxistes et "gauche communiste
traditionnelle" qui sont restées toujours extérieures à la
classe ouvrière et celle-ci indifférente à leurs jérémiades ou
radotages. Sur le fond, et le supplément au DVD le montre bien, dans
la plupart des TPE et PME les ouvriers sont obligés de courber
l'échine. C'est la réalité des rapports sociaux depuis l'origine
de l'industrie capitaliste. Seule les fortes concentrations ouvrières
ont pu institutionnaliser un rapport de force, mais le schéma féodal
patron/ouvrier individuel, qui est passé par le schéma
patron/ouvrier+ syndicat, est retombé dans un autre rapport féodal
: patron+syndicat/ouvrier.
De même que les clichés bourgeois traditionnels "ils sont
morts pour que tu es le droit de vote et la possibilité de t'acheter
un écran plasma" ne m'ont jamais impressionné, de même le
martyre des syndicalistes tentant carrière dans les PME ne m'a
jamais angoissé ni enclin à croire que le syndicalisme allait
renaître de ses cendres8.
Le syndicalisme n'a jamais été révolutionnaire ni en petit ni au
faîte de sa reconnaissance officielle par l'Etat bourgeois. Au plus
loin que je puisse remonter aucune grève syndicale ne débouche sur
une révolution, désolé camarade Lénine! Ce sont les grèves
politiques qui ont généralement déstabilisé l'Etat bourgeois.
L'exécution de Francisco Ferrer en 1909 en Espagne a suscité le
mouvement de protestation prolétarienne le plus important depuis la
Commune de Paris en termes de grèves, manifestations et émeutes. De
même l'affaire Sacco et Vanzetti, beaucoup moins hélas la
condamnation injuste du secrétaire anarchiste du syndicats des
charbonniers Jules Durand, plus détruit et ignoré que le capitaine
Dreyfus. Mai 68 est provoqué par la répression contre les étudiants
pas pour une hausse des salaires.
Ce n'est ni la misère ni la dépression personnelle qui entrainent
les révolutions sinon on s'en serait aperçu. Les navets simplistes
du proletkult bolchevik, s'ils gardent un aspect romantique et
décalé, n'en comportent pas moins une vérité, c'est contre la
guerre, contre l'injustice suprême que la révolution éclate9,
c'est pour contrer un moment politique d'appel au meurtre national
par la bourgeoisie que le prolétariat s'est toujours réellement
insurgé... les armes à la main. Pas pour que les élites patronales
et syndicales ouvrent les négos entre eux et palabrent à la
télévision sur l'absence de solidarité des ouvriers, la chute de
l'encartage syndical ou le scandaleux vote pour Marine à la peine.
LE
CINEMA DE CREATION POUR LUTTER CONTRE LE CINEMA RELIGIEUX
Je conclus sur ces superbes extraits des écrits de Trotsky sur le cinéma - à la fois archaïques, dépassés mais aussi en partie très actuels - qui
explique que celui-ci peut devenir un excellent moyen de lutte contre
la religion, toutes les religions y compris l'islam qui n'occupait
pas autant l'écran du monde à son époque et qui a su récupérer
en partie le cinéma ou tout au moins les vidéos avec égorgement,
appât alléchant comme justification et vengeance pour les petits
paumés maghrébo-français dans leur haine de la société actuelle
dont ils ignorent les causes capitalistes et toute alternative
humaine communiste.
« Le
désir de se distraire, de se divertir, de s’amuser et de rire est
un désir légitime de la nature humaine... Actuellement, dans ce
domaine, le cinématographe représente un instrument qui surpasse de
loin tous les autres. Cette étonnante invention a pénétré la vie
de l’humanité avec une rapidité encore jamais vue dans le
passé. »
« C’est
un instrument qui s’offre à nous, le meilleur instrument de
propagande, quelle qu’elle soit - technique, culturelle,
antialcoolique, sanitaire, politique ; il permet une propagande
accessible à tous, attirante, une propagande qui frappe
l’imagination ; et de plus, c’est une source possible de
revenus. »
« Le
cinématographe rivalise avec le bistrot, mais aussi avec l’Eglise.
Et cette concurrence peut devenir fatale à l’Eglise si nous
complétons la séparation de l’Eglise et de l’Etat socialiste
par une union de l’Etat socialiste avec le cinématographe. »
« On
ne va pas du tout à l’église par esprit religieux, mais parce
qu’il y fait clair, que c’est beau, qu’il y a du monde, qu’on
y chante bien ; l’Eglise attire par toute une série d’appâts
socio-esthétiques que n’offrent ni l’usine, ni la famille, ni la
rue. La foi n’existe pas ou presque pas. En tout cas, il n’existe
aucun respect de la hiérarchie ecclésiastique, aucune confiance
dans la force magique du rite. On n’a pas non plus la volonté de
briser avec tout cela. »
« Le
divertissement, la distraction jouent un énorme rôle dans les rites
de l’Eglise. L’Eglise agit par des procédés théâtraux sur la
vue, sur l’ouïe et sur l’odorat (l’encens !), et à
travers eux - elle agit sur l’imagination. Chez l’homme, le
besoin de spectacle, voir et entendre quelque chose d’inhabituel,
de coloré, quelque chose qui sorte de la grisaille quotidienne -,
est très grand, il est indéracinable, il le poursuit de l’enfance
à la vieillesse. »
« Le
cinématographe n’a pas besoin d’une hiérarchie diversifiée, ni
de brocart, etc. ; il lui suffit d’un drap blanc pour faire
naître une théâtralité beaucoup plus prenante que celle de
l’église. A l’église on ne montre qu’un "acte",
toujours le même d’ailleurs, tandis que le cinématographe
montrera que dans le voisinage ou de l’autre côté de la rue, le
même jour et à la même heure, se déroulent à la fois la Pâque
païenne, juive et chrétienne. »
Le
cinématographe divertit, éduque, frappe l’imagination par
l’image, et ôte l’envie d’entrer à l’église. Le
cinématographe est un rival dangereux non seulement du bistrot, mais
aussi de l’Eglise. Tel est l’instrument que nous devons maîtriser
coûte que coûte!"
1Ses
premiers initiateurs, avant le grand raout idéologique culturel
stalinien, le "Cinéma du peuple" des années 1910 en
France échoua parce que basé sur l'idiotie de la théorie d'une
possible "culture prolétarienne", comme si la description
du monde du travail ou son héroïsation cinématographique pouvait
distraire les prolétaires voire les catéchiser pour les pousser
plus vite à faire la révolution (lire les bonnes pages sur le
début de ce cinéma dans la somme de Guillaume Davranche: "Trop
jeunes pour mourir" (la véritable histoire du mouvement
ouvrier à la veille de 1914) ed l'insomniaque (oct 2014). Le
simplisme idéologique du cinéma bolchevik n'a lui pas effacé ses
inventions esthétiques.
2Les
chercheurs ou historiens qui voudront bien éventuellement retrouver
les auteurs des articles culturels seront étonnés de retrouver
surtout un certain Pierre Hempel, et ses divers autre pseudos:
Rigault, Damien, PH, JLR, etc. Sans doute diront certains une
vieille déviation gramsciste de "l'individualiste" JLR!
3Sur
Face Book, surprise récente de taille, le reniement du crypto
léninisme version anar radical du GCI, micro secte belge, plus ou
moins issue du CCI, qui jusque là menaçait le monde entier de la
prise du pouvoir par le parti et surtout du recours à la puissance
historique de la "terreur rouge" appuyée par des analyses
marxisantes chiadées de la crise économique finale bientôt
décisive dans la mesure où la classe d'en soi allait devenir pour
soi!
4"Des
qualités artistiques au service d'une thèse démoralisatrice".
5La
secte reprend cette même citation de journaliste critique de
cinéma, sans la comprendre, en l'assimilant à un présumé chant à
la gloire de l'individualisme, or la citation et sa dernière phrase
dit tout le contraire!
6Comme
d'autres films, moins élaborés techniquement, peuvent être des
films de prises de conscience ou de confirmation de l'injustice. Le
film consacré à l'affaire d'Outreau – Présumé coupable –
avec l'excellent Philippe Torreton, devrait être projeté dans tous
les lycées parce qu'il permet de visualiser les conditions
terribles et destructrices de la vie en prison. Il y a des films
coups de poing et c'est très bien.
7Malgré
une conclusion moche, bêtement anar qui prétend que Zimmerwald ne
fût que de la petite bière comparée aux actions d'une poignée
d'anarchos syndicalistes français, sans nous démontrer en quoi
quelques zigotos ont été "les forces pour résister à la
guerre"!(cf. Epilogue p.517). Dans la même eau de dissolution
de la véritable force politique qui a stoppé la guerre mondiale
(le bolchevisme) les amis et impétrants de Spartacus psalmodient le
conte du "pacifisme radical" (cf. Le brouet de Chuzeville,
"Militants contre la guerre de 14-18).
8La
CGT a ému récemment les journalistes en leur dénonçant un
système d'espionnage des syndicalistes de maisons de retraite par
des comédiens professionnels. Outre l'aspect comique bien que
sinistre de ces méthodes féodao-patronales, on pourrait évoquer
aussi l'espionnage à Ikea ou les multiples licenciements
d'apprentis créateurs de sections syndicales en PME. Tout cela ne
nous arrache pas une larme! Petit arriviste, petit conseiller
ouvrier veut toujours devenir grand et finit soit patron soit bras
droit du patron. De LIP à Longwy, la plupart des délégués
syndicaux ont tiré leur épingle du jeu mieux que la plupart des
ouvriers licenciés. Lors de la Réunion publique du CCI à Longwy
dont j'ai été à l'origine, où nous n'avions vu arriver qu'une
escouade de militants CFDT, j'avais été rabroué par un petit chef
du CCI (Peter) pour avoir déclaré que je ne voyais aucune raison
de se solidariser avec ces traîtres au prolétariat que sont les
délégués des syndicats, et j'avais raison déjà avant la fin des
festivités giscardiennes. Les "purs" font semblant d'ignorer qu'il y a toujours de fieffés salopards parmi les ouvriers, qu'il y a toujours eu des mouchards et même des mouchards syndicalistes, et que le syndicalisme moderne est devenu le principal mouchard de l'Etat bourgeois!
9A
cet égard le livre de Davranche est àa partir d'aujourd'hui le
plus instructif sur les raisons de la trahison des chefs syndicaux,
ce n'était pas parce qu'ils étaient méchants ou corrompus. En
passant au peigne fin les dix journées qui ont précédées le
tragique 4 août, on s'aperçoit de l'importance du chantage
étatique, des menaces terribles de mort et d'emprisonnement et des
manoeuvres d'intoxication dilatoires (chapitre de fin). Et nous
confortables débatteurs d'idées, libresde toute provocation
verbale derrière un aimable clavier dans un monde internétisé
poubelle de tous les mécontentements et récriminations
personnelles, où chacun peut dire à peu près n'importe quoi (sauf
chez les arriérés musulmaniaques), on ne sait toujours pas en
général que le moindre mot de travers valait des mois ou des
années d'emprisonnement aux divers lutteurs du prolétariat
majoritairement anarchistes prolétariens puis plus tard à
consonance marxiste.