par Xavier
« A la place de la conception critique, la minorité met une conception dogmatique, et, à la place de la conception matérialiste, une conception idéaliste. Au lieu de la situation réelle, c’est la simple volonté qui devient la force motrice de la révolution. Nous, nous disons aux ouvriers : VOUS AVEZ À TRAVERSER 15, 20, 50 ANS DE GUERRES CIVILES ET DE LUTTES INTERNATIONALES, NON SEULEMENT POUR CHANGER LA SITUATION EXISTANTE, MAIS POUR VOUS CHANGER VOUS-MEME ET VOUS RENDRE APTE AU POUVOIR POLITIQUE. Et vous leur dites au contraire : il nous faut immédiatement arriver au pouvoir, ou bien nous n’avons qu’à dormir sur nos deux oreilles. Tandis que nous, nous faisons tout spécialement remarquer aux ouvriers allemands l’état informe du prolétariat allemand ; vous, vous flattez de la façon la plus grossière le sentiment national et le préjugé corporatif des artisans allemands, ce qui est évidemment plus populaire. De même que les démocrates ont fait du mot peuple (démos) une entité sacrée, vous faites, vous une entité sacrée du mot prolétariat. Tout comme les démocrates, vous substituez à l’évolution révolutionnaire la phraséologie révolutionnaire, etc ». (Marx-Engels, « Révélations sur le procès des communistes, 4 octobre 1852 » c’est nous qui soulignons)
1 Le capital et l’État bourgeois ne se laisseront pas déstabiliser sans actionner l'arsenal répressif totalitaire déjà en place. La démocratie rend superflu tout besoin de la «solution» fasciste, tant les moyens de contrôle, de traçabilité, de neutralisation et d’intégration sont omniprésents dans la société démocratique achevée, techniquement toujours plus perfectionnés et juridiquement mieux encadrés. La démocratie est l’idéologie conforme au capital(1).Elle lui est nécessaire tant pour dominer et intégrer, donc pour maîtriser la classe qu'elle exploite, que pour réguler ses conflits propres issus de la concurrence à tous les échelons. La bourgeoisie s’est accaparé tous les idéaux de gauche permettant une adhésion plus profonde de la population et une meilleure légitimité, notamment auprès des nouvelles couches moyennes vivant dans la circulation du capital, qui ont pour fonction de réaliser la plus value, couches substantiellement prépondérantes au sein de la population active dans la phase de soumission réelle au capital. Ces nouvelles couches moyennes (2), produites dans cette phase, se sentent solidaires de la continuité de l’accumulation du capital que l’on retrouve en majorité dans les grandes métropoles, phare du fétichisme de la marchandise et de la réification, où se trouvent bobos écolos, anti fascistes et anti racistes démocratiques. Ces idéaux de la gauche du capital sont un facteur de mobilisation et d’instrumentalisation idéologique des plus efficaces dans le renouvellement des formes marchandes et de la modernisation des instruments de production (3). Ces couches moyennes sont donc un des facteurs essentiels de la pérennisation de l'ensemble du système capitaliste.
3 Le discours petit bourgeois au mieux néo-proudhonien, restera l’idéologie dominante des «gilets jaunes» tant qu’une crise économique profonde n’aura pas lieu pouvant faire sauter l’illusion de l’espérance dans un autre gouvernement ou dans l’illusion d’une solution nationale. On peut constater que la mystification du socialisme réel des anciens pays de l’Est et de la Chine reste encore très puissante ; les références aux luttes du mouvement ouvrier restent absentes et les
syndicats apparaissent pour ce qu’ils sont, des rouages de l’État avec les politiciens vendeurs d’illusions qui trompent de moins en moins les couches sociales les plus défavorisées, sans pour autant que ces dernières adhérent aux principes communistes. On peut remarque, au-delà du caractère hétéroclite de la composition sociale du mouvement, que les revendications qui dominent se rapprochent d’un certain néo-proudhonisme : pouvoir du peuple, vraie patrie, démocratie directe, critique du capital porteur d’intérêt, etc... Les «gilets jaunes» revendiquent l’adhésion à l’État national et rejettent le gouvernement Macron comme étant le défenseur du cosmopolitisme capitaliste international, pro immigré, chantre de la modernité et des idéaux de gauche. Les «gilets jaunes» se veulent les vrais défenseurs du Peuple français et voudraient revenir à une situation du capital à un stade antérieur de son développement. Ils se sentent dépossédés par ce capitalisme mondialisé, voudraient que l’État soit au service du citoyen et redevienne le canalisateur de la réalisation de la démocratie sociale tel qu’il fut après la deuxième guerre mondiale. Cette tentative de renouer avec le drapeau de la Révolution française rend inaudible tout discours communiste. L’apparition de la future crise mondiale du capitalisme est d’autant plus nécessaire que les «gilets jaunes» attribuent à Macron et non au capitalisme leur souffrance.
8 A la différence des années 1968, la perspective de démantèlement de l’État providence, de l’augmentation de la précarisation, de la paupérisation et de la prolétarisation et de la future crise catastrophique du capital, est bien le présent et l’avenir qui se dessine. Les formes de lutte similaires à celle des «gilets jaunes» ne manqueront pas de réapparaître, à savoir des luttes spontanées, désordonnées, non encadrées par des syndicats et partis politiques, luttes frontales avec l’État et en dehors des lieux de production. Mais la crise catastrophique du capital provoquera parallèlement des luttes revendicatives aussi au sein des entreprises que tenteront encore d’étouffer les syndicats. Le chaos de la crise catastrophique du capital ne pourra pas ne pas faire renaître la lutte de classe révolutionnaire et l’émergence de fractions prolétariennes et communiste et le processus de différenciation de classe fournira les bases de l’émergence du Parti communiste.
9 Depuis plusieurs décennies, on avait dans les vieux pays capitalistes plutôt des mouvements revendicatifs catégoriels de la classe ouvrières dans les entreprises avec pour certaines luttes une classe ouvrière homogène, mais les revendications avaient un contenu bourgeois (défense de l’entreprise, droit au travail, etc…) et ne constituaient aucunement un pied d’appui pour l’unification de la classe ouvrière (4). Aujourd’hui, on a un mélange de classes sociales plutôt défavorisées, déclassées et paupérisées pour un type de revendications au mieux néo proudhoniennes (5) avec comme pour objectif le parachèvement de revendications issues de la révolution française sans remettre en cause le système capitaliste. Les «gilets jaunes» recherchent avec illusion le retour de l’État providence. Ce mouvement est plutôt composé d’une classe ouvrière périphérique ou présente dans de petites entreprises avec des couches moyennes travailleuses à bas salaires et une partie de la petite bourgeoisie paupérisée (certains petits patrons, artisans et micro-entrepreneurs).
10 Il sera nécessaire que d'illusoires alternatives politiques soient consommées comme en Italie ou en Grèce, et qu’une crise économique sérieuse apparaisse afin qu'émergent des revendications radicales contre le système et non des revendications démocratiques visant à rendre le capitalisme plus propre et plus honnête. Le mouvement des «gilets jaunes» est un mouvement qui veut le pouvoir du «peuple» (6), un capitalisme sans excès, sans trop de riches, sans trop de pauvres, sans crise économique, composé de politiciens et de patrons honnêtes avec la volonté de revenir à un
capitalisme à Papa ! Ce qui a fait illusion dans l’apparition d’un certain radicalisme de ce mouvement, c’est le fait d’avoir des formes de lutte subversives, souvent violentes, qui s’attaquent frontalement à l’État, en dehors de l’encadrement des partis politiques et syndicaux, mais pour un contenu politique conservateur sans volonté de sortir du capitalisme et se proposant de parachever les idéaux de la révolution bourgeoise de 1789. 11 Tant que le système capitaliste dans les vieux pays industriels n’a pas encore épuisé toute une gamme de fausses alternatives, droite et gauche hier, populistes et libéraux aujourd’hui, tant qu’une crise profonde n’apparaîtra pas dans toutes ses conséquences palpables et tant qu’un nouveau dimanche de 1905 sanglant ne se fera pas jour, point de reprise de classe prolétarienne. Une partie de la classe ouvrière dans cette perspective tend à redevenir prolétaire (sans réserve) et c’est sur cette classe ouvrière qui redevient sans réserve, qu’une perspective de genèse du Parti communiste pourra émerger entraînant derrière son programme toutes les couches moyennes déclassées et paupérisés.
12 Le mouvement des «gilets jaunes», au-delà de l’orientation politique, représente une forme de lutte qui a de fortes chances de se maintenir ou de se renouveler, à savoir des mouvements sans direction claire, sans représentant politique, des manifestations sans autorisations, violentes, sans objectifs précis, composés des classes sociales paupérisées. On ne peut pas exclure différentes formes de situations chaotiques en perspective de la reprise prolétarienne (7). Les syndicats ont démontré non seulement leur collusion à l’État, mais aussi leur incapacité à unifier des forces sociales en lutte contre l’État et le capital. La forme d’action subversive des «gilets jaunes» en tant que telle ne donne pas nécessairement un contenu révolutionnaire. La question de la reprise prolétarienne n’est pas un problème de forme mais de contenu et de force. Sans processus de différenciation communiste et l’émergence d’avant-gardes prolétariennes révolutionnaire, pas de Parti communiste et sans approfondissement de la crise économique pas de possibilité de radicalisation politique. La lutte de «gilets jaunes» est le symptôme et la conséquence de la réduction des amortisseurs sociaux et de l’impuissance significative de toute fonction syndicale. La progressive impossibilité de toute satisfaction des revendications économiques arrive au moment où l’État capitaliste a pour objet dans les vieux centres du capital, de reprendre les quelques «acquis» de la classe ouvrière, obtenus pendant les trente glorieuses et de concourir au démantèlement de l’État providence quelle que soit le prix à payer en terme de répression pour un capitalisme français en retard sur le plan des réformes d’adaptation à la mondialisation capitaliste. La fonction syndicale n’est plus opérante (8), non parce que les travailleurs ne doivent plus se défendre, mais parce que le système capitalise va vers son effondrement économique et sa crise finale pour des raisons objectives et non à cause de la mauvaise volonté de Macron ou des patrons, mais par ses contradictions incontournables et inconciliables que l’on a cru oubliées durant les trente glorieuses. Le capital dans les anciens centres industriels tente désespérément de fuir dans la production de capital fictif, qui n’est qu’un moyen de chercher à gagner du temps par une cavalerie financière, pour tenter de surmonter les contradictions insurmontables de la loi de la baisse du taux de profit.
NOTES
(1)«La valeur d'échange est la réalité de la démocratie, de même que la démocratie est l'idéologie de la valeur d'échange. Le communisme supprime donc la démocratie sans la réaliser, tandis que le capital réalise la démocratie sans la supprimer. L'idée centrale que nous travaillons à défendre et à diffuser contre toutes les déviations, errements et reniements est donc celle-ci : le prolétariat n'est pas l'héritier des valeurs bourgeoises, le communisme n'est pas la réalisation du projet
démocratique bourgeois (ainsi que l'affiche l'école révisionniste).» Extrait de «Délivrons nous du capital» 1981, Le programme de la société communiste.
(2) Extrait du numéro 6, Première série d’Invariance : «Le capital produit une telle quantité de marchandises qu'elles encombrent le marché. De ce fait, parallèlement, augmentation de la concurrence pour les faire consommer. D'où l'accroissement des points de vente, des circuits de distribution qui doivent faire connaître la marchandise. D'autre part, développement énorme de la publicité qui prend, dans les investissements, le relais du capital fixe en tant que moyen d'enlever au prolétariat une partie du produit. On a le gaspillage d'une fraction de capital afin de faire circuler l'autre (comme K. Marx l'indiquait d'ailleurs dans le passage cité à propos de la protection de l'autonomie de la valeur d'échange). Le capital s'est assujetti la science pour l'incorporer dans le procès de production; il en fait autant de l'art pour l'incorporer dans le procès de circulation. Toutes les formes artistiques sont utilisées pour faire circuler le capital. C'est l'expression même de Ι'inessentialité de ces productions. Tous les hommes adonnés à ces activités vivent donc de la circulation de la plus-value. Ils touchent un salaire d'autant plus élevé que la situation économique est plus prospère.»
(3)Cf. le Manifeste du Parti communiste, 1848 : « La bourgeoisie ne peut exister sans révolutionner sans cesse les instruments de production, donc les rapports de production, donc l'ensemble des conditions sociales... Ce qui distingue l'époque bourgeoise de toutes les précédentes, c'est le bouleversement incessant de la production, l'ébranlement continuel de toutes les institutions sociales, bref la permanence de l'instabilité et du mouvement. » (4) « Nous avons donc combattu l'idée que la somme des revendications catégorielles ferait un mouvement de classe. C'est ainsi que nous avons pu démontrer, en 1976, que les conflits catégoriels de "Lip", du "France" et de "Concorde", nés pour la défense de l'entreprise et de l'emploi, constituaient non des moyens mais des obstacles à l'organisation du prolétariat en classe : ce qui se trouve donc "légitime et urgent" pour chaque ouvrier peut être illusoire et réactionnaire à l'échelle de la classe. C'est pourquoi nous avons ainsi formulé cette position : "Or ce qui prévaut comme BUT dans le réformisme, ne saurait valoir même comme MOYEN dans le communisme. Un point fondamental d'ailleurs, déduit de l'évolution économique moderne, doit particulièrement être mis en évidence : avec le développement économique des nouvelles couches moyennes improductives, vivant du revenu (classe de la dissipation, du parasitisme et de la jouissance), toute poursuite d'objectifs revendicatifs qui n'est pas organiquement soumise aux buts révolutionnaires, se transforme nécessairement en apologie du parasitisme, du gaspillage et du crime" ("La question syndicale et le marxisme ", Le programme de la société communiste 1976, point 47). »
(5) "Au demeurant, il se trouve que des socialistes reprennent ces insanités, notamment en France. Ils entendent démontrer que le socialisme est la réalisation des idées de la société bourgeoise énoncées par la Révolution Française. Ils affirment entre autres, qu'à l'origine, l'échange, la valeur, etc. représentaient (sous une forme adéquate) le règne de la liberté et de l'égalité pour tous, mais que tout cela a été faussé par l'argent, le capital, etc. L'histoire aurait vainement tenté jusqu'à ce jour de réaliser ces idées conformément à leur essence véritable (que Proudhon par exemple, tel Jacob, a découverte) : l'histoire fausse de ces idées peut donc faire place maintenant à l'histoire véritable. Il faut leur répondre : la valeur d'échange, et mieux encore le système monétaire, constituent en fait le fondement de l'égalité et de la liberté ; les perturbations survenues dans l'évolution moderne ne sont que des troubles immanents à ce système ; autrement dit, la réalisation de l'égalité et de la liberté
provoque l'inégalité et le despotisme. Vouloir que la valeur d'échange ne se développe pas en capital ou que le travail produisant des valeurs d'échange »
(6) « Au départ, dans sa signification littérale et son origine étymologique, la démocratie signifie pouvoir du peuple ; contre quoi le marxisme rétorque c'est une abstraction : le peuple étant divisé en classes sociales irréductiblement antagoniques parce que placées à des pôles contradictoires d'un mode de production et d'échange déterminé et, en conséquence, ne pouvant gouverner ensemble un intérêt commun durable qui ne saurait exister. » Extrait de « Délivrons nous du capital » 1981, Le programme de la société communiste.
(7) Extrait du texte de Mario Gangarossa :“Imaginer la révolution comme un affrontement ordonné entre les phalanges organisées du prolétariat et les forces de la répression au service de la bourgeoisie est au plus loin de la réalité que l’on puisse l’imaginer. Il n’existe pas de processus linéaire qui aurait comme inéluctable débouché, prévu et désiré, la palingénésie sociale. Infinis sont les carrefours, les choix à faire, les décisions à prendre, et ce sont des choix que des millions de femmes et d’hommes font poussés par la nécessité, parfois par hasard, presque toujours inconscients du résultat que leur action produira. Les « théoriciens » (au bénéfice de leur capacité à distinguer entre science et fausse conscience) sont un pas en avant par rapport au mouvement réel parce qu’il ont fait trésor de la praxis, des expériences, de l’histoire du passé mais risquent l’impuissance et l’incompétence s’ils ne réussissent pas à s’engager dans la vive expérience quotidienne, à interagir avec la pratique quotidienne, à faire les comptes « avec celui qui passe les couverts».
(8) «J’ai dit à plusieurs reprises que les grèves - lorsque les ouvriers les déclenchent tardivement, notamment lorsque les possibilités favorables suscitées par une prospérité exceptionnelle sont de nouveau à leur déclin - ne peuvent se montrer efficaces du point de vue économique ou pour ce qui est de leur objectif immédiat" (New York Daily Tribune, 16-12-1853 KARL MARX).
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