La
pensée libérale et la télévision d'Etat du Parlement et du Sénat
forment un couple fusionnel à l'égard de l'anarchisme. Dans le
cadre bcbg de la chaîne à 0,04% d'auditeurs, on n'allait tout de
même pas laisser libre cours à une analyse subversive de
l'anarchisme, cette antique théorie de la petite bourgeoisie flouée
par l'histoire. Le cinéaste libéral-libertaire s'en donne à cœur
joie pour nous livrer une ode à la pompe aspirante de toutes les
révoltes petits bourgeoises, un prétendu anarchisme pur de toute
tâche étatique au-delà du temps et de ses époques. L'anarchisme
est ainsi repeint en mère généreuse de toutes les contestations et
inspiratrice de toutes les idées fantaisistes de libération
universelle en tous genres, sans principe ni cadre politique. En fait
une sorte de romantisme bien intentionné comme le conclura
l'animatrice du court débat avec le réalisateur Tancrède Ramonet
et l'invité poli Besancenot.
La
première partie était intéressante, bien que déjà trafiquée.
Comment ne pas rendre hommage à l'exceptionnel et intègre
Malatesta, au courage des Vaillant et Caserio ? Une grande part
de l'anarchisme est aussi un courant du mouvement ouvrier
révolutionnaire en constitution. Mais pourquoi avoir menti sur
Ravachol, le faisant passer pour un bon précurseur de la
« propagande par le fait », alors qu'il ne fût qu'un
petit assassin minable qui tenta de se recycler en victime des
assassins bourgeois ? La voix off se contente après une
présentation héroïsante de signaler qu'il a « été rattrapé
par une affaire de droit commun », oui pas grand chose, il
avait assassiné une petite vielle pour lui piquer ses économies,
avant de jouer à la « propagande par le fait ». Pas très
honorable pour l'anarchisme historique, du moins sa version
économiste qui ne cautionna pas le terrorisme de petites frappes.
D'anarchisme
historique parlons-en. Oui l'anarchisme a longtemps fait partie de la
tradition révolutionnaire du peuple révolté, et ouvrier et paysan.
Oui il a précédé le marxisme dans la théorie révolutionnaire,
mais il l'a précédé comme expression de couches populaires et à
une époque où la classe ouvrière n'occupait pas une place majeure
dans la société. Cet anarchisme a un aspect théorique limité,
artisanal et idéaliste, il procède plutôt de l'esprit de secte. Il
croit que l'éveil révolutionnaire est possible comme enseignement
idéaliste, puis il hésite et se fourvoie pour partie dans le
terrorisme individuel, puis il rejette la ridicule « propagande
par la bombe ». Les deux films successifs tout au dithyrambe
d'une idéologie qui convient au milieu artistique et intermittent
moderniste et saltimbanque d'Etat, ne pose pas l'anarchisme dans ses
périodes d'expression légitime de la colère du peuple ou d'une
classe ouvrière artisanale, ni dans ses contradictions.
L'anarchisme
est encore révolutionnaire à la fin du XIXe siècle, et même très
révolutionnaire quand, après le massacre de Fourmies – 1500
mineurs enterrés au fonds du puits pour sauver le charbon – la
réponse qu'il oppose, avec les socialistes (pourquoi cet autre
courant du mouvement ouvrier est-il systématiquement squeezé?),
n'est pas celle des bombes mais de la lutte d'envergure pour les 8
heures, quand ses meilleurs théoriciens, les Malatesta et Kropotkine
se démarquent et du terrorisme et du sabotage (qui vient du mot
sabot, lequel servait à gripper les machines lors de la grève).
Sans s'en rendre compte, le réalisateur nous livre en première
partie un historique de l'anarchisme qui est plus une compilation de
personnalités rétives. Le handicapé Libertad est épatant comme
discoureur et pamphlétaire. Le cambrioleur pour les pauvres Marius
Jacob est admirable.
Beaucoup
de raccourcis et un constat de faillite, tous les cadors de
l'anarchisme se couchent dans l'Union sacrée. La guerre de 14
décrédibilise donc un anarchisme qui s'était toujours défini
comme un mouvement contre la guerre.
Cette
première partie est un peu étrange, et révélatrice de l'ignorance
de l'auteur du scénario. L'anarchisme est présenté comme seul au
monde révolutionnaire, pas de blanquistes ni de socialistes ni de
socialistes marxistes à l'horizon. Public Sénat raffole donc des
méthodes staliniennes de racontage de l'histoire passée ? Le
générique de fin nous bombarde de photos modernes qui défilent
avec le contenu confusionniste et révoltes en tout genre de la noria
anar moderne, le tout étranger à un réel mouvement révolutionnaire
bien qu'éclectique déjà au XIXe.
Le
deuxième film – Ni dieu ni maître (alors que le slogan est de
Blanqui! Tout sauf anarchiste) - sera plus affligeant, procédant à
la manière stalinienne de l'effacement. On commence par violer le
tempo du film précédent sans respecter la chronologie, mais avec la
même tonalité outrageusement dithyrambiquée : « Les
anarchistes vont conduire certaines des plus grandes révolutions du
XX e siècle » ! Et bla-bla-bla. Les courageux et
incorruptibles IWW américains sont annexés comme principale force
anarchiste, alors qu'on peut plutôt les caractériser comme un
véritable mouvement syndicaliste révolutionnaire de la classe
ouvrière, plutôt éloigné des conceptions paysannes de
l'anarchisme traditionnel, qui lui croyait à la révolution du
peuple, voire prioritairement de la paysannerie. C'est la perle que
Ramonet va tenter de nous refiler avec l'épisode mexicain.
Ce
n'est pas l'oppression de l'Etat néo-colonial mexicain qui inspire
la révolution de 1911 mais... l'anarchisme, d'autant que la
révolution mexicaine des Villa et Zapata est la première grande
révolution du XXe siècle ! Quoique sa conduite se fasse sous
l'égide d'un parti qui se dit libéral, mais nous assure un des
successifs petits profs commentateurs et aux mémères spé de
l'ultra-gauche comme Steiner, qui ergotent entre les images :
« … plutôt anarchiste dans son programme... qui insistait
sur le rôle moteur de la paysannerie révolutionnaire « terre
et liberté », et qui précisait curieusement :
« n'attendez pas que la classe ouvrière vous la donne (la
terre) ». On assiste ensuite à une curieuse interprétation de
la lutte fratricide entre factions mexicaines comme dûe au refus de
la classe ouvrière de Mexico de soutenir les paysans :
« ...Voyant arriver les troupes zapatistes avec la vierge en
tête de cortège, les ouvriers de la « Casa del obrero
mundial », les bataillons rouges, ayant perdu tout repère
servent la bourgeoisie. Cette guerre fratricide détruit la
révolution ». Sommaire l'explication sans aucune précision
sur les diverses factions ni sur les confusions des chefs paysans ni
sur l'état de cette classe ouvrière. L'essentiel reste de faire
passer les paysans comme seuls vrais révolutionnaires comme on nous
le resservira lors de la guerre d'Espagne un peu plus tard.
UN
BON LENINE ANARCHISTE...
La
mouvance anarchiste, diaspora toujours hyper dispersée, « n'a
pas le temps de tirer les leçons de la guerre mondiale » nous
dit la voix off ! Tiens tiens ! En plus ils ne
réfléchissent pas. Ah mais voilà la révolution russe de 1917 (on
a oublié en passant celle de 1905 parce que les anars n'y ont qu'un
rôle quasi nul). Les anarchistes trouvent les Conseils ouvriers
super. Il y a un certain Lénine, pas très connu, mais qui leur
apparaît comme un stratège : « ...directement inspiré
par les anarchistes avec son application de la théorie de
l'insurrection » !
Et
puis, et puis il y a la mythologie de la Makhnovitchina !
Intermède avec le faussaire Frank Mintz, spécialiste des mensonges
et fadaises sur la guerre d'Espagne. Il pose en langue ibérique à
la suite des petits profs amerloques, anglais et espagnols – tous
nanars en chaire – il raconte comme s'il avait été à cheval à
côté de l'aventurier Makhno qui « sauve » la révolution
avec ses armées de paysans échevelés. Tancrède a même trouvé un
quidam russe pour nous informer (en russe) que les anars sont les
premiers opposants à l'Etat bolchevique. Ah les braves, mais on
oublie de nous dire aussi les premiers auteurs d'attentats
terroristes, et ne sont-ils pas toujours naïfs ces braves anars ?:
« … ils se rendent compte que les bolcheviques ne sont pas
des révolutionnaires ». Aaaaah que les directeurs de Public
Sénat savourent !
Le
principal salaud le voilà : Trotsky. (Besancenot va-t-il le
défendre dans le débat promis à la fin?) : « Trotsky
décide de débarrasser la Russie des bandits anarchistes ».
Que c'est résumé simplement et sans argumenter inutilement... Quel
plaisir jouissif pervers pour les pachydermiques électeurs
staliniens en retraite devant l'enchaînement... parlementaire !
Il est vrai que les films de propagande du nouvel Etat prolétarien,
contre les « adversaires les plus dangereux »1,
n'y vont pas de main morte avec leurs navets de propagande simpliste
dans leur chasse à l'anarchisme bouc-émissaire dans l'enfermement
national et la situation de pays assiégé par les armées
capitalistes. On se choisit l'ennemi qu'on peut à l'arrière...
On
nous ressert une louche de la saga Makhno, assez superficielle pour
passer sur les enjeux gravissimes d'une nouvelle gestion
prolétarienne de la société après le capitalisme, où la
révolution est réduite à une cavalcade de guérilleros plutôt
ploucs et pillards. Et enfin la grande récup de Kronstadt présenté
comme LE bastion anarchiste anti-bolchevique garanti. Un faussaire
stalinien n'eût pas fait mieux. Ce mensonge supplémentaire vient au
contraire justifier l'ignoble répression de « l'Etat ouvrier »
car c'est assimiler les prolétaires de Kronstadt et les ouvriers en
grève réprimés à Pétrograde à de simples anarchistes du même
tonneau que les terroristes de 1918 qui avaient tiré sur les
ministres bolcheviques. Oui Kronstadt est le premier coup d'arrêt à
la révolution parce que l'Etat « bolchevique » se
retourne contre les prolétaires mais pas contre les anarchistes qui
ne représentent ni une force alternative ni le prolétariat.
Et
hop on saute dans le règne de Staline, ce qui évite de renseigner
sur les oppositions de gauche à l'intérieur du parti bolchevique –
des combattants du renforcement du capitalisme d'Etat (que Lénine
était le premier à avoir caractérisé ainsi depuis son siège de
Chef d'Etat... n'en déplaise aux petits producteurs libertaires de
la rive gauche qui tourne la mayonnaise pour la vanité nanar). Il
suffit à la voix off de décliner le faux pour qu'il paraisse vrai :
« Les anarchistes ont été les premiers à dénoncer le
capitalisme d'Etat ». C'est dit donc c'est vrai et les
bolcheviques étaient tous des salauds.
DES
AFFIRMATIONS PLATES COMME UNE LIMANDE
Les
raccourcis peuvent ensuite se succéder sans démonstrations comme
autant de preuves de la belle continuité du purisme sacrificiel
nanarchiste. En Allemagne ils sont les premiers à lutter contre le
nazisme naissant. Puis massacrés en Bavière. Là le scénariste
avait bu trop de bières. En Italie, les anarchistes sont
« réprimés » ; plat comme une limande ! Rien
sur le mouvement des Conseils à Turin en 1920 qui ne doit rien aux
anars ! Rien sur la formidable constitution du parti communiste
italien avec Bordiga, Gramsci et tous les autres, dont l'histoire et
les apports théoriques sont à des coudées au-dessus de la saga
romantique et neuneu de l'anarchisme de télévision.
Ah
enfin un pays où l'anarchiste est considéré comme plus dangereux
que le communiste en 1921 : les USA ! Et re-version des IWW
comme filière anarchiste quand ils restent une expression de la
classe ouvrière américaine plus proche des analyses d'un socialiste
révolutionnaire comme DE Leon que des élucubrations de la gentille
Emma Goldman.
Et
Sacco et Vanzetti hein ? C'est pas des vrais de vrais anars ?
Ignoblement condamnés à mort par la justice bourgeoise malgré un
immense mouvement de protestation dans le monde entier, sans compter
le mouvement communiste qui « se permet d'instrumentaliser
l'affaire »... hein hein ouais les staliniens pour criminaliser
le seul capitalisme à l'Ouest...
Hélas,
l'exécution féroce des pauvres prolétaires Sacco et Vanzetti signe
l'extinction d'un mouvement anarchiste d'ampleur, selon la voix off.
C'est si bête comme conclusion... quand on sait que c'est surtout la
féroce répression contre l'ardent courant syndicaliste
révolutionnaire des ouvriers non qualifiés des IWW qui affaiblit le
mouvement ouvrier américain à la veille de la terrible crise de
1929, dont il ne pourra pas tirer partie pour se redresser.
Voulez-vous
un autre raccourci plus oiseux ? Le voici : en France où
l'affaire des deux martyrs américains aurait eu le plus d'impact,
est créé un cercle Proudhon avec pour but de la part des amis de
Charles Maurras de récupérer l'anarchisme et d'attirer ses
éléments. Bof...
Un
autre ? Oui : « Les anarchistes sont les premiers à
attaquer le fascisme ». Un gros mensonge peut en cacher un
autre : « Van der Lubbe, qui était anarchiste, met le feu
au Reichstag ». C'est faux Van der Lubbe était un communiste
révolutionnaire et ce n'est pas lui qui a mis intégralement le feu
au Reichstag ; les nazis l'ont exécuté à la hache avec les
applaudissements des staliniens et des démocrates occidentaux2.
LA
REVOLUTION A CHEVAL ET DANS LES CHAMPS
Un
bémol ? 1926 : la plateforme d'Archinov, néo-bolchevique,
vient troubler le magma anarchiste dans ses fondements divers
néo-économistes, néo-terroristes, néo-éleveurs de chèvres.
Heureusement le père Noël Mintz est là pour recadrer :
« l'exemple reste la mackhnovitchina, c'était vraiment la
lutte de classe menée par des groupes armées » ! Il y eu
même une conférence de la crème anarchiste mondiale à
L'hay-Les-Roses, juste à côté de chez moi.
Voilou
maintenant la grande saga espagnole où « le socialisme naît
anarchiste » ; que la formule est belle mais fausse dans
son exclusivité. C'est pratiquement partout que le socialisme des
origines a été issu de l'anarchisme, comme aujourd'hui la plupart
des militants « organisés » ont été au moins un jour
anarchistes au lycée.
Le
mythe de la « révolution espagnole » permet tous les
petits trafics théoriques. Foin d'une description approfondie de
l'Espagne dans la situation internationale, ce qui évitera de
mentionner la complicité anarchiste gouvernementale, leur complicité
avec le parti staliniste puis leurs vaines jérémiades quant il a
poignardé les espoirs prolétariens en Espagne au profit de Moscou
la gâteuse.
Allons-zy !
« 1936 : grâce au soutien de la CNT, la gauche gagne les
élections ». « les anarchistes avaient négocié leur
participation au gouvernement dans des postes secondaires en échange
de l'engagement des partis à leur fournir des armes », dit un
des petits profs en gros plan ; « mais d'armes point »
ajoute-t-il, dépité.
On
nous ressert la formule débile du guerrier Durruti : « Durruti
et sa colonne font la guerre et la révolution ». Slogan qui
peut plaire à un vieux sénateur au passé gauchiste mais qui ne
passe pas dans la théorie marxiste : c'est l'une ou l'autre !
« Ils
font reculer le fascisme ». Peine perdue du scénariste rigolo
avec sa boucle d'oreille et sa tenue punk : le franquisme ne
recula jamais, Durruti et sa bande firent le planton sans bouger
pendant des mois face à Saragosse, sans batailler autrement que par
des insultes partant des deux camps.
On
passe rapidement sur les massacres du camp républicain avec
l'argutie stalinienne classique : « c'est les franquistes
qui massacraient les premiers ».
Sur
la socialisation des terres, le menteur professionnel Mintz vient en
rajouter une louche – je l'avais d'ailleurs remis en place
lorsqu'il était venu faire le malin à la médiathèque d'Arcueil –
il blablate sur les « expériences de communisme libertaire »3
- il blablate sur la suppression de l'argent et le salaire familial.
Toutes sortes de fadaises, très limitées et locales, avec
lesquelles le gouvernement bourgeois-républicain-stalinien laissait
les anarchistes jouer – pourvu qu'ils continuent à envoyer des
hommes au front – en attendant de leur mettre un coup de pied au
cul à partir de 1937.
Pic
du mensonge du produit bobo acheté par la chaîne Sénat, un des
profs a le culot de nous dire que l'excellent « Catalogne
libertaire » de Orwell montre bien le positif de cette
« révolution » ; culotté vraiment car Orwell
démontre juste le contraire, une collection de supercheries et de
saloperies de toutes les factions y compris les anars. Oui lisez
Orwell, et là c'est pas glorieux la « révolution
espagnole » !
Autre
sommet inégalé de la mystification antifasciste pérenne, et chez
tous les scénaristes de la rive gauche : la saga des brigades
internationales. « Bataillons internationalistes » nous
dit l'off, créatures de Staline oui, et poignard de la révolte
espagnole, qui sont dissous, sur ordre de Staline. Tancrède aime
mentir au service des recruteurs de chair à canon !
OU LA
TRAHISON N'EST QU'ERREUR
D'autres
relaient le faussaire Mintz dans le désordre du piquetage de tel ou
tel épisode de la terrible guerre4
– mais pas révolution enfin – d'Espagne. Alternant avec un
défilé d'images, qui, en langage cinématographique, donnent du
sens même faussé, avec l'affirmation que finalement les anars, au
niveau local, auraient régné et prouvé qu'une société « peut
vivre sans gouvernement »... quoique en laissant régner dans
les deux moitiés de l'Espagne meurtrie DEUX GOUVERNEMENTS avec des
armée soumises à LEURS objectifs, et donc sans véritable
transformation possible de la société.
Une
affabulation assez honteuse amenuise les crimes staliniens :
« c'est parce que le mouvement anarchiste s'est délité que le
PCE minoritaire a profité de cette dérive ». Or, si on veut
bien prendre le terme de délitement c'est dès le début que le
courant anarchiste se soumet à la bourgeoisie républicaine, ou
plutôt collabore parce qu'ils sont à des kilomètres de la
conscience politique des bolcheviques quant à la gestion de la
société en transition vers la transformation du monde et pas de la
seule Catalogne.
Face
à la répression (des inventeurs de la « guerre
révolutionnaire » - dixit impérialiste – des staliniens,
notre voix off anarchisante réconcilie Kronstadt et Barcelone :
« cette fois les anarchistes sont aux côtés des trotskystes
du Poum ». M. Off Tancrède ne fait pas dans la nuance !
Comment peut-il assimiler les prolétaires anarchistes et leurs
ministres traîtres, et faire passer le Poum pour trotskyste alors
que ce petit parti à idéologie nationale était renié par Trotsky,
et combattu par le petit groupe de Munis ? Une chose est sûre :
un parti structuré, même minoritaire, sera toujours plus fort
qu'une vaste chose molle.
On ne
comprend pas finalement le déroulé macabre de la guerre en Espagne,
maquillée par tous les historiens officiels en révolution, mais
tombe pourtant une remarque si juste hélas : « la
contre-révolution ce n'est pas d'abord le franquisme mais les
staliniens ». Alors pourquoi continuer à mentir sur la
création, la fonction et le lâchage des lamentables « brigades
internationalistes » ? Dites.
1939 :
« les libertaires sont les principales cibles de la
répression ». L'anarchisme comme nombril victimaire du monde
cela finit par friser le ridicule et copier le « mensonge
déconcertant » des oublis successifs de l'historiographie
stalinienne.
Le
film de Tancrède le frauduleux et ignorantin metteur en images se
clôt par la belle citation de Durruti : « nous
vaincrons ».
OU LA
REVOLUTION C'EST POSSEDER DES ARMES...
Non
ce n'était pas tout à fait fini. Bien que chassés au-delà des
Pyrénées : « les anarchistes reprennent le combat »,
« ils continuent de porter des armes »... « sur les
chars du Maréchal Leclerc, ils libèrent Paris ». Les vrais
antifascistes révolutionnaires c'était donc eux !
Et
68 ? Puff... n'a fait que reprendre leurs symboles.
UN
BREF ECHANGE DE SALON
On se
doutait bien que Besancenot n'allait pas faire le mariole. Il tient
trop à sa posture médiatique. On l'invite sur toutes les chaînes,
et là enchaîner sur une chaîne matée chaque jour par les pépères
en pantoufles sénatoriales, était une forme de consécration
supplémentaire. Il n'allait pas prendre la défense d'une théorie
trotskienne qui s'était plantée royalement en 1936 et qui a
constamment entretenue pieusement le mensonge d'une révolution
espagnole, ni dénoncer anarchistes et staliniens car on est en
veillée électorale. Ce fût affligeant quand même, même pas un
minimum de respect pour ce que fut, il y a fort longtemps, le courant
trotskyste.
« Chez
les libertaires ce qui est en question c'est l'angle mort du
marxisme. Il y a toujours eu dans l'histoire des fils noir et rouge.
Il faut établir des passerelles car il y a toujours autant de formes
d'anarchismes et de marxismes ».
Le
zozo écolo, petit savant de service, est venu vendre son book
anar-écolo avec coups de chapeau à Murray Bookchin, ancien
stalinien et ancien trotskien, pape de l'écolo-bobologie, idole des
anars à peu près intellos et à John Zerzan.
Tancrède
porte beau avec son jean déchiré et sa coupe punk, il répond
aimablement aux sourires de Besancenot. Besancenot ne veut
« blesser » ni le front de gauche ni le front anarchiste,
on ne sait jamais, des fois qu'au premier tour il y en ait qui
préfèrent les candidats du NPA à ceux de l'égocentrique
Mélenchon... On est entre soi rive gauche et contremaître à la
Poste. Olive va bien sûr nous sortir sous peu sa version – tissée
de fils noir et rouge – de la révolution d'Octobre. Tancrède
objecte à l'objection rigolarde de la journaliste raide de LCP
(« l'anarchisme est romantique ») : « l'anarchisme
a combattu le pouvoir, l'argent et la religion ». Il a bien
fait de rappeler qu'il y en a qui ont combattu la religion parce
qu'un certain marxisme est devenu à son tour une religion et
incapable de critiquer encore la religion...
La
starlette Besancenot a le mot de la fin : « il faut
prendre le pouvoir sans se laisser prendre par lui ». Belle
blague pour un type disposé à rester toute sa vie un figurant.
NOTES
1Du
point de vue du Cahier bleu et du génial « L'Etat et la
Révolution », écrits de « l'anarchiste Lénine »
pas encore en poste, donc la nécessité de la destruction de
l'Etat, les anars étaient en effet « dangereux » pour
la théorie marxiste bolchevique reniée de fait, sauf que les
braves anars (les théoriciens pas les agités du bonnet) croyaient
qu'on pouvait mettre la charrue avant les bœufs. Pas si vite
camarade anarchiste ! Et puis au fond vous n'avez jamais voulu
supprimer l'Etat comme l'ont confirmé vos représentants deux
décennies plus tard en Espagne ; et de nos jours cruels, vos
diverses crèches libérales-libertaires se moquent du pouvoir, lui
laissent pleine latitude et ne servent qu'au bal des rues
manifestatoires et à la contestation bobo-écolo.
2J'entends
cependant, à ma grande joie, une bonne formule, bien tournée et
qui justifie pleinement finalement Van der Lubbe face à ses divers
lâches détracteurs : « Van der Lubbe incendie un
Reichstag qui était devenu l'antichambre du fascisme ».
3On
apprendra par un petit savant à la fin de l'émission que le mot
libertaire a été inventé par Dejacques, pour contrer le mot
anarchisme qui ne prenait pas en compte la libération sexuelle et
la libération des femmes.
4Mintz
est honnête au moins une fois. Sur la mort de Durruti il explique
très bien comment ce fut un accident, un coup de fusil maladroit
par un de ses gardes du corps. Et il ajoute : « en pleine
guerre civile, apprendre que le principal héros n'avait pas été
abattu par l'ennemi mais avait été victime d'un stupide accident,
aurait fait mauvais effet, c'est pourquoi on a laissé croire à la
thèse de l'attentat ».
J'ai lu Orwell il y a moment déjà, mais il me semble quand même que vous manquez de nuance, au moins sur ce point.
RépondreSupprimerVous soulevez certains points intéressants et erreurs historiques grossières de ce documentaire. En revanche, votre propos est à mon sens caricatural sur certains points. Dans son "Hommage à la Catalogne", Orwell a une vision beaucoup plus nuancée de cette période. S'il est critique vis-à-vis de l'organisation militaire du mouvement ou sur les relations entre ses différentes composantes, il salue néanmoins le mouvement social, comme l'indique d'ailleurs le titre...
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