"La suppression de la propriété privée... suppose, enfin, un processus universel d’appropriation qui repose nécessairement sur l’union universelle du prolétariat : elle suppose « une union obligatoirement universelle à son tour, de par le caractère du prolétariat lui-même » et une « révolution qui (...) développera le caractère universel du prolétariat ».
Marx (L'idéologie allemande)

«Devant le déchaînement du mal, les hommes, ne sachant que devenir,
cessèrent de respecter la loi divine ou humaine. »

Thucydide

lundi 12 novembre 2007

AGITATION SECOURISTE POUR LES SANS-PAPIERS

ET CRIMINALISATION DU PROLETARIAT

La perspective d’une autre société succédant au capitalisme ne se réalisera pas par des appels à la raison, ni par la propagation d’une doctrine morale, ni par la seule proclamation d’un régime social nouveau. Pour se concrétiser cette perspective dépend d’une catastrophe planétaire relayée par le combat victorieux des opprimés contre leurs oppresseurs.

La catastrophe, au long terme, nous la vivons déjà, non du seul fait des guerres, des attentats, de la famine, mais par l’éjection de la production de millions de « bouches inutiles » : chômage massif dans les pays industrialisés plus ou moins déguisé sous des politiques hypocrites d’assistance, présentées comme telles pour gérer la misère au seuil de l’émeute, mais surtout phénomène migratoire généralisé à un niveau inconnu jusque là par l’humanité ? et que le capitalisme est incapable de résoudre, d’assimiler, d’intégrer, de réguler, d’ordonner, en un mot de digérer. Ce ne sont pas des pauvres hères qui frappent à la porte de l’Occident richissime, c’est le prolétariat comme un tout qui est devenu inflationniste et qui demande des comptes et qui tend à faire éclater la bien pensance. Ce prolétariat si nié comme tel, si méprisé par les hiérarques politiques de la bourgeoisie, tant enterré sous les décombres de mille mystifications, voilà qu’il ressurgit en haillons, sans chaussures et qu’il se faufile partout pour réclamer sa place au soleil même s’il ne peut toujours pas, pas encore, faire imploser le régime planétaire d’exploitation et de coercition. Voici que la Chine détergente fait reposer une partie de ses énormes bénéfices sur l'exploitation des enfants de prolétaires en bas âge. Voici que le néo-colonialisme humanitaire, ces nouveaux moines du capitalisme décadent, prétend "adopter" les enfants du prolétariat d'Afrique comme l'ont démystifié par devers eux les membres de la secte Arche de Zoé dans un rapt illégal plus ou moins patronné par le gouvernement et leur inspirateur le french doctor Kouchner. Le capitalisme décadent se caractérise décidément de plus en plus comme au temps de sa jeunesse industrielle au XIXe siècle par une horreur industrielle et le règne de l'inhumanité. Ni nouvelle jeunesse pourtant ni ouverture d'une ère séculaire de prospérité, le capitalisme ne court pas en arrière mais dans tous les sens vers la catastrophe planétaire.

Un ouvrage réalisé par une mouvance anarchiste – « Politiques migratoires, grandes et petites manœuvres » (édité en 2005) – nous a fortement intéressé, plus par les questions qu’il pose, mais interrogé sur son irréalisme de fond et l’absence de claire perspective politique qui le caractérise :

« A la croisée de logiques économiques et de l’affinement du « contrôle social », les politiques migratoires contemporaines nous concernent donc autrement que d’un point de vue altruiste : elles méritent une réponse politique sur ces deux terrains. L’exigence de liberté de circulation et d’installation (en n’entendant pas « liberté » comme un « droit » à négocier) nécessite une remise en cause claire de l’ordre libéral et de l’Etat-nation, qui, rappelons-le, ne sont pas des fatalités » (introduction).

Posées d’emblée, les libertés de circulation et d’installation font figure de revendications d’une virtuelle et invraisemblable liberté de sortir de la prison du capitalisme sans passer par sa destruction. On commence par affirmer quelque chose qui n’est pas tangible pour en démontrer la validité. On pose donc à l’envers le problème.

Grave carence, on ne trouve aucune explication préliminaire du rôle de la nation dans le développement de l’industrie capitaliste. De plus on plaque les pratiques actuelles du capitalisme décadent dès le milieu de XIXe siècle en tant que « restriction des mouvements de personnes ». Or cela est faux historiquement. L’Etat-nation ne restreint pas en soi le mouvement des populations au moment de son développement, il vise surtout à sédentariser les nouveaux esclaves salariés, quelle que soit leur origine nationale ou ethnique, à les fixer dans des unités de production. Par exemple, pour la mine, les patrons des charbonnages président à la constitution de cités avec jardinets ouvriers pour garder les exploités près du lieu de travail. Il n’est jamais dit que le capitalisme a encore besoin de sédentariser une grande partie des prolétaires à condition de rendre intenable et aléatoire la situation d’autres prolétaires. Opposer le prolétaire sédentaire au prolétaire postulant au droit de vivre, telle est bien le mode de vie sordide imposé par la bourgeoisie.

C’est seulement au début du XXe siècle, peu après la guerre de 1914, que des nations montantes comme les Etats-Unis ralentissent, mais ne suppriment jamais les mouvements d’immigration. Le mouvement de migration interne et externe est le propre de la classe ouvrière. Dès le XIXe siècle, socialistes et anarchistes pouvaient constater que le prolétariat n’a pas de patrie. Aucun pays capitaliste ne peut mettre fin à ce flux mondial, sous peine de péricliter. C’est un peu comme si on prenait pour argent comptant l’ânerie du Trotsky des années 1930 selon lequel les forces productives avaient cessé de croître. L’immigration massive ne cesse jamais. Parallèlement, le vieux capitalisme moderne n’a pas l’exclusivité de la barbarie de milliers de morts noyés au large des côtes européennes. La livraison des noirs d’Afrique au Nouveau monde et le massacre des Indiens avait déjà révélé la monstruosité de la conquête du monde capitaliste.

En raisonnant sur le passé à partir du présent, on peut enfoncer la porte ouverte que nous venons de signaler : « les Etats-nations (qui) privilégient leurs citoyens et leurs populations sédentaires au détriment des migrants, à qui sont réservés discriminations et exclusions » (p.15).

Outre que le qualificatif de citoyen passe à la trappe les classes sociales antagonistes, cela revient à dire que les peuples de travailleurs des pays riches seraient plus favorisés et non concernés par discriminations et exclusions. Il y a là un paradoxe avec l’affirmation centrale de l’ouvrage, et de ses rédacteurs divers, qui assure que « l’immigration est le laboratoire de mesures qui nous frappent tous et toutes dans notre quotidien » (texte de La mouette enragée, p.139), ou encore : « le sans-papiers figure aujourd’hui et pour les périodes à venir des conditions générales du salariat » (p.145). Pas vraiment, heureusement ! Ou alors il faudrait croire que la révolution possible serait issue d’une misère absolue, ce qui n’est jamais le cas car il n’y a jamais paupérisation absolue de toutes les classes opprimées, le système entretient systématiquement les divisions de tout ordre.

De deux choses l’une : ou on peut considérer que la précarité et l’incertitude du lendemain sont la propre de tous les prolétaires, « de souche » et immigrants, ou on aboutit à culpabiliser les autochtones en les rangeant dans une situation improbable de « privilégiés ».

Le phénomène de transhumance du monde du travail n’est pas simplement international, il est aussi national. Il existe aussi des immigrés autochtones de l’intérieur : tant de prolétaires ont dû, dans chaque pays, à chaque époque, abandonner région et famille pour trouver du travail dans les grandes agglomérations industrielles. Le capitalisme arrache le prolétaire à sa campagne, à sa région, à sa communauté originelle. Cette tendance initiale dans chaque nation a bien sûr pris une envergure internationale face au cadavre ambulant de la nation depuis la césure de 1914. Il n’est pas négatif en soi mais ferment d’évolution, et de sortie de l’aliénation agricole et villageoise. Le prolétariat mondial n’a jamais été constitué de prolétaires de souche mais de toutes les nationalités dans leur diversité culturelle et humaine.

Parallèlement, la bourgeoisie a constamment joué des rivalités entre prolétaires sédentarisés de force depuis le Moyen âge et nouveaux arrivants. Au début du XXe siècle, des grèves et des bagarres étaient courantes en milieu ouvrier, non par la théorie raciste intemporelle de la gauche caviar et de ses succédanés œufs de lump gauchiste, mais pour s’opposer à des concurrents qui faisaient baisser les salaires. L’hostilité et le long mépris persistant pour les femmes tenues à l’écart de la vie politique étaient du même ordre. Les femmes furent prolétarisées par devers les prolétaires masculins, enrégimentées en usine massivement dans les conditions de la guerre mondiale pour suppléer au fort taux de massacres masculins.

La fin des colonies n’a signifié ni développement de l’industrie dans les pays périphériques ni volonté d’éradiquer la pauvreté des zones féodales maintenues. Le maintien de la pauvreté dans les anciennes colonies, avec une jeune bourgeoisie qui s’arrogea par endroit à son tour le pillage des réserves naturelles, constitue depuis lors une réserve inépuisable de main d’œuvre, qui, devint cependant inflationniste. L’immense armée de réserve moderne est caractérisée implicitement comme « bouches inutiles ». Cette idée reçue qui exempte de toute responsabilité le capitalisme dans son maintien « involontaire » du « fléau » des inégalités et de la misère absolue, trouve son pendant et son appui dans la théorie gauchiste radotée depuis un demi-siècle, les minorités opprimées considérées comme avant-garde:

« Par le passé comme aujourd’hui, les migrants et les minorités ont souvent été à l’avant-garde des luttes contre les injustices. Au cœur de l’expérience migratoire, il y a la question sociale et les migrants représentent dans une certaine mesure un prolétariat mondial en mouvement. Dans ce sens, les migrations peuvent être interprétées comme une forme de « mouvement social pour la justice sociale mondiale » (Jordan & Düvell, 2003) (p.18).

La « justice sociale mondiale », voilà bien une baudruche typique des sociologues hermétiques à la lutte des classes, et sur lesquels s’appuient nos rédacteurs anarchistes, à défaut d’une vision claire de l’être du prolétariat mondial. Qu’entend-on par « luttes contre les injustices » ? S’il s’agit de grèves contre les abus du patronat ou la répression de l’Etat, on compte nombreux d’immigrés italiens, espagnols, etc., en tête des combats de la classe ouvrière, non plus comme « migrants » mais comme « résidents » dans la région ou l’usine où ils subissaient l’exploitation comme les autochtones nationaux. Les injustices sont nombreuses, diverses et ne relèvent pas toute du social, de la politique ou de l’exigence de « papiers en règle ». Il existe des injustices dans toutes les classes. Il est des injustices qui ne nous concernent pas, dans la compétition entre hiérarques bourgeois par exemple ou de la part d’un mauvais arbitre de match de football. Le mot injustice n’explique rien et ne peut pas être un mot d’ordre de ralliement pour une classe en lutte. Injustice par rapport à quoi ?

L’injustice ne commence-t-elle pas par le fait d’être obligé de travailler pour vivre avec un salaire misérable ?

Combattre « l’injustice » indifférenciée n’est-ce pas encore masquer ou illusionner sur la marche même du capitalisme ? Avec une utopique « complète libéralisation des flux de personnes » (p.21), si chaque migrant obtenait une carte d’identité nationale, cela résoudrait-il le problème du chômage, de l’exploitation au rabais ?

UNE CRITIQUE PARTIELLE QUI FINIT PAR ETRE COMPLICE

La libéralisation des flux de personnes apparaît ici comme une raillerie. La prison mondiale capitaliste crée au contraire chaque jour de nouvelles cellules, de nouveaux micro-Etats extrêmement policés, avec éventuellement le concept d’Euro-régions, pour masquer encore la continuité de l’Etat-nation sous un grand ensemble. Le « monde sans frontières » n’est pas du tout au programme du capitalisme, concède l’ouvrage (p.21) :

« Les économies de marché ont tout intérêt à entretenir des divisions sociales et géographiques à travers des différenciations genrées, raciales et territoriales de l’humanité. Les frontières, réelles ou imaginaires, sont essentielles à l’ordre économique mondial (…) La libre circulation n’existe que pour les élites mondiales » (p.22). Et aussi : « …seuls quelques migrants pourront bénéficier de mesures d’intégration, quand la plupart subiront des mesures d’éloignement » (p.26).

Malgré une longue description des diverses et contradictoires politiques migratoires des Etats les plus puissants depuis la guerre, l’ouvrage ne nous démontre pas en quoi la situation de l’immigré pourrait être le fer de lance de la « révolution sociale ».

Dans « l’effort de déterritorialisation de la production que représente la mondialisation », la prison capitaliste est vue simplement au niveau du cadre national et la classe ouvrière employée considérée comme principale prisonnière : « … les Etats-nations, les usines et les bureaux sont devenus des prisons sociales à l’intérieur desquelles des luttes ont été constamment menées pour les salaires, le temps de travail et les droits des travailleurs ».

Le reproche est implicite, mais il stigmatise tout de même un enfermement… corporatiste, d’où toute problématique de société mondiale semble absent, et aussi, c’est clair, que des luttes salariales autochtones n’est jamais sortie pas une révolution.

Autre conception floue, et aussi idée reçue : « le capital s’est déplacé vers les aires productives du Tiers-monde ». Le capital reste pourtant, avec son savoir-faire, essentiellement dans les grandes et anciennes métropoles de son apogée. S’il délocalise, c’est tout à fait partiellement. Les principales unités productives restent en son sein (ingénierie, matière grise, etc. cf. l’échec de l’implantation des informaticiens indous). Le flux de main d’œuvre reste de la périphérie vers le centre, comme les profits additionnels. Il n’y a pas délocalisation des centres du vieux capitalisme.

Pour conforter la théorie gauchiste de l’avant-garde immigrée, on va nous chercher dans les élucubrations du management (où et lesquelles ?) que « les migrations sont devenues synonymes d’une forme spécifique de lutte de classes en amont ». En amont les immigrés, en aval la classe ouvrière sédentaire ? Cette dernière est-elle vouée à plonger en arrière vers ceux qui sont en amont, et ceux en aval se déplaceraient donc pour rien, dans un mirifique espoir d’échapper à la pauvreté ?

La partie des prolétaires immigrés est certainement à l’amont de la misère, mais cette condition ne leur permet pas de rattraper le chemin parcouru pourtant avec ceux qui sont en aval. Pour la simple raison que ce combat pour se faire adopter, assimiler ou intégrer est par nature conservateur. Dans la lutte frénétique des places, en queue de Préfecture, il n’y a pas pire division des prolétaires apatrides face aux arrogants fonctionnaires d’Etat-nation, que la concurrence entre races ou nationalités différentes, et avec les assistantes sociales gauchistes qui gigotent autour quand cela les démangent.

Le capitalisme a un besoin frénétique de travailleurs sans papiers. Son rêve absolu ne peut pas déboucher sur tous les travailleurs transformés en esclaves sans papiers apeurés, au risque de s’effondrer immédiatement. Le capitalisme a besoin des économies parallèles ; Berlusconi avait affirmé l’utilité du « travail au noir ». Il en a besoin pour les activités non délocalisées au service du corps des maîtres : travail domestique, sexuel, travaux du bâtiment, des soins gériatriques. Le travail de proximité de type domestique n’est pas une spécialité importée du tiers-monde. Ces tâches, même exécutées par des autochtones ou des immigrés européens, ont toujours été peu ou prou maintenues en lisière des droits sociaux. Des intellectuels de gauche tiers-mondistes ou des vedettes au cœur altruiste emploient des femmes de ménage hors de toute réglementation ; elles sont taillables et corvéables à merci et le syndicat des concierges n’y peut rien.

L’utilisation du terme « déportation » appliqué aux expulsions d’immigrés, révèle un fond de gauche antifasciste certes, mais inopérant parce que ce concept appartenait à une pratique en temps de guerre mondiale (aussi stupide que le fameux CRS = SS). C’est un déni historique stupide que de mettre sur le même plan la déportation des juifs et l’expulsion d’immigrés, et cela ne peut que servir à alimenter l’idéologie néo-fasciste des intégristes musulmaniaques, accessoires dans la tragédie mondiale de la misère. Les puissances démocratiques sont odieuses mais ne sont pas fascistes ; elles sont en tout cas plus intelligentes et plus perverses que le fascisme disparu.

Après toute cette série d’idées reçues sur les migrations, sans analyse méthodique du phénomène de prolétarisation constant, les nouveaux « nomades » sont haussés au rang de quasi révolutionnaires anti-capitalistes : « Les (travailleurs) nomades transgressent constamment les frontières géographiques, culturelles et philosophiques, mettant à rude épreuve toute tentative de définition d’un ordre stable. Le capital se trouve dans un cercle vicieux qui le contraint à affronter les stratégies tantôt de la protestation (voice), tantôt celle de la migration (exit), et souvent les deux à la fois » (p.39). Qu’en termes pédants les choses sont dites ! Plus navrant, cette mouvance en appelle entre les lignes à un vrai capitalisme libéral, tolérant pour les prolétaires en transit. Ils agitent le chiffon de papier d’un capitalisme à visage humain, ce qui est bien la meilleure manière de faire croire à « l’étranger » qu’il y a encore des partisans du droit d’asile dans la nation excluante ou des bonnes pommes prêts à servir de porteurs d’eau aux passeurs.

ET ON DEBOUCHE DANS QUELLE PRATIQUE ?

Les anarchistes italiens, convoqués à la barre du tribunal révolutionnaire improvisé, se trompent eux aussi d’époque, et combattent à leur façon l’hitlérisme que signifieraient les expulsions. Il n’est question que de nouveaux « collabos » qui s’enrichissent des « rafles », de la « captivité » et des « déportations ». On égratigne au passage, fort justement, des organismes, dont la plupart du temps, les quelques cercles anarchistes de soutien aux sans-papiers ne sont que la queue ou l’aile contestataire ponctuelle : « Aux côtés des militaires et de la police travaillent des centaines d’organisations non-gouvernementales qui se gardent bien de dénoncer les causes des désastres dans lesquels elles interviennent. Il suffit de penser que l’ensemble des ONG représentent la septième puissance économique mondiale ».

On se félicite qu’il y ait « mille pratiques qui peuvent être réalisées contre les expulsions », avec comme point d’orgue à l’été 2005, le « camping antiraciste en Sicile » !

Il ne s’agit plus dès lors d’une « forme spécifique de lutte de classes » contrairement à ce que nous affirmait l’intro, mais de la protestation d’une petite bourgeoisie intellectuelle, flouée des agapes républicaines, contre le racisme présumé du capitalisme. Celui-ci n’est pas du tout raciste (au sens excluant) quand il s’agit de faire venir une main d’œuvre indifférenciée. Le principal scandale demeure en premier lieu l’exploitation sous toutes ses formes. Rejoignant le discours vertueux des Etats dits démocratiques, la palabre antiraciste vient là pour culpabiliser la classe ouvrière sédentaire présumée xénophobe pour son inquiétude face à l’arrivée d’autres prolétaires qui font baisser les salaires à leur tour involontairement, et surtout qui viennent au bout du compte gonfler les chiffres du chômage et des aides sociales.

Le capital ne pourra jamais précariser totalement l’ensemble de la classe ouvrière, il a besoin de travailleurs fixés, comme le disait d’ailleurs à un moment l’intro : « la mobilité du capital ne fonctionne que dans la mesure où les travailleurs sont contraints à l’immobilité ». Il y a une sous-estimation de cette tendance du capital à fixer les travailleurs exportés ou importés. En 1974, cette tendance s’est affirmée avec Giscard d’Estaing et la politique de regroupement familial. Jusque là, par exemple, les travailleurs algériens venaient seuls travailler deux ou trois ans pour amasser un pécule et retourner au pays en échange du remplacement par un cousin. Cela n’était pas suffisant pour les besoins gloutons du Capital. Il fût plus opérant, sans considérations humanitaires de faire venir femmes et enfants, pour s’assurer de l’immobilité territoriale de ces travailleurs et profiter de leur reproduction sexuelle, qui généra par contre l’effet pervers du chômage et de la révolte pour les deuxième et troisième générations. C’est pour cela que le système a, peu à peu, de manière opaque, patronné totalement le système de la non-régularisation pour rendre absolument dépendants et fragiles des travailleurs destinés à être jetés après usage et qu’avec l’actuel président de la République il n’est plus question que de faire venir des immigrés « célibataires ». Parallèlement, la confrérie musulmane manifeste un appui inconditionnel aux principaux Etats démocratiques en ce qu’elle conforte « communautairement » cette fragilité et cette précarité juridique face à une classe ouvrière multi-ethnique fixée, majoritairement athée et dont les enfants ont « les pieds dans la précarité économique et la tête dans l’univers culturel des classes moyennes » (Robert Castel, p.37)

A la même époque, les Etats-Unis, après la simili défaite au Vietnam, se sont fait les champions de l’aide à ceux qu’on nommait à l’époque « réfugiés ». La guerre avait non seulement donné un coup de fouet positif à l’économie US pour sortir du krach de 1974-75, mais aussi lui permit de tirer tout le parti économique et politique des migrants fuyant la dictature stalinienne appuyée par les gauchistes antiracistes du monde entier. L’exode vietnamien des boat-people, avec peut-être plus de gens qu’au large des côtes d’Afrique de nos jours, qui périrent en mer, concerna 1,5 millions de personnes sur une période de quinze années, dont 55% furent reçus aux Etats-Unis, 18% au Canada, 12% au Royaume-Uni et 1,5% en France.

Un bateau qui coulait avec femmes et enfants, cela faisait appel à la solidarité humaine bien consentie bien que tout bénéfice politiquement pour le bloc US contre le bloc « communiste » !

Il reste encore des millions de réfugiés parqués dans des camps dans le monde entier dont l’industrie capitaliste n’a pas besoin et dont même une révolution communiste dans plusieurs pays ne pourrait pas accueillir la misère.

Le capitalisme a généré une misère gigantesque du fait de son impéritie, du fait de sa nature destructrice, c’est pour cela qu’il est comique de voir des anarchistes se battre au souvenir et au nom de ce que fût, au beau temps du libre-échangisme, le droit d’asile. La bourgeoisie a beau jeu, dans chaque aire nationale, de stipendier les « envahisseurs », c’est un moyen, non raciste en soi, d’écluser la responsabilité de l’ensemble de son système et son incapacité en effet à « absorber toute la misère du monde », autrement dit à supprimer la misère du monde, pour déchirer le mensonge du politicard véreux Rocard.

L’irréalisme de nos bons samaritains anarchistes atteint son comble avec la question des Roms, qui sont certes maltraités mais craints en Europe de l’Est. Des communautés pauvres, non intégrées, sont propices à des actions hors la loi (larçins, banditisme, prostitution, mendicité) que les oboles sociales ne peuvent limiter. Au lieu de reconnaître ce fait comme inévitable (et même naturel pour quiconque est maintenu en lisière de la société), on le dénie en affirmant que ce n’est pas de leur faute ou que ce n’est pas vrai. Or, c’est un fait qui est même plutôt louable, les Roms représentent une tradition de vie antérieure au capitalisme où le travail n’était pas la valeur première et sacrée. Au XXe siècle personne n’a réussi à les intégrer. Hitler les a fait gazer, Staline les internait dans ses camps et France et Roumanie jouent une partie de ping-pong avec eux. Leur structure familiale et communautaire les empêche de se fondre non seulement dans la société civile mais aussi dans la classe ouvrière. Ils ne sont pas étranges ni asociaux par nature, on trouve cette tendance à maintenir les croyances traditionnelles dans les communautés juives, arméniennes, portugaises ou turques. On ne pourra jamais nier la spécificité culturelle de chaque peuple à moins d’exterminer l’humanité.

Historiquement les couches successives de migrants de l’Est et du Sud ne se solidarisent pas. Les premiers venus déjà assimilés restent plus hostiles que la moyenne de la population à l’arrivée des suivants supposés nuire à leur ancienne intégration. Les regroupements d’immigrés sont hélas des paniers de crabes où chacun en est réduit à essayer d’attraper le pompon de la « naturalisation » et où la démerde individuelle reprend le pas face aux bureaucrates de l’Etat.

Sans entrer dans les récriminations et les peurs des ouvriers roumains à l’encontre des tziganes, ni pour étayer les idées reçues nationales françaises, il faudrait que nos altruistes anarchistes se rendent compte que l’intégration (« citoyenne ») comme ils l’imaginent est désormais au-dessus des forces du capitalisme. Il faut noter au passage que les activistes de ce milieu de défense des sans-papiers n’ont aucune pénétration dans le milieu Rom, contrairement à celui des divers immigrés en général, tout au moins pour ces derniers pour aussi brèves et aléatoires que restent les campagnes de soutien…

Ils le reconnaissent eux-mêmes et n’ont à leur actif que quinze familles roms régularisées et relogées (pour combien de temps ?) à Fontenay sous Bois quand leur immense majorité reste et restera dans une situation désastreuse.

Il faut avoir le courage de reconnaître la spécificité particulière des tziganes, non pour les montrer du doigt, mais pour comprendre qu’ils sont à leur manière le témoignage d’un autre mode de vie ludique et non industrialiste qui préfigure, une fois éradiquée la misère économique, un vrai mode de vie libre et itinérant une fois le capitalisme supprimé. Sans véritable solution immédiate à leur errance dans un monde froid et hargneux.

FACE A LA CRIMINALISATION DE LA SOLIDARITE : UNE INTERVENTION POLITIQUE AMBIGUË

Si vous hébergez chez vous un sans-papier c’est comme si c’était un terroriste, la police peut à toute heure de la nuit fracturer votre porte sous prétexte qu’on vous soupçonne de pédophilie. Il y a de quoi avoir les crocs et envie de constituer un groupe armé ! Deux jeunes françaises, qui risquaient quatre années de prison en Angleterre, pour avoir passé (sans le savoir) deux prolétaires chinois dans le coffre de leur voiture, viennent d’être relaxées. Notre questionnement porte aussitôt sur cette Chine émergente, devant laquelle se prosternent tous nos bourgeois occidentaux, mais dont les prolétaires souhaitent s’enfuir au plus vite !

Dans la noria des organismes qui prétendent canaliser cette indignation ou qui croient lutter contre la misère du monde il est difficile de s’y retrouver. Jadis, on pouvait étiqueter telle ou telle chapelle gauchiste, incriminer un parti au profit d’une autre organisation. Le marais total gouverne un amas d’assocs gouvernementales et de petits groupes d’anarchistes plus ou moins fédérés au gré des appels de sites sur le web ou dans le carrefour de liaisons obscures et multiples où règne l’impuissance. Ce marais, produit de la décomposition du militantisme petit bourgeois et composé d’intellectuels déclassés garde pourtant une matrice : la vieille idéologie de gauche réformiste, antifasciste de salon et antiraciste pour la galerie. Cette mouvance n’est pas un parti structuré comme l’ancienne gauche caviar mais est régi par les mêmes auto-mystifications. Dans leurs réseaux, téléphoniques, amicaux ou internet, ils se tiennent tous par les couilles, prêts à se culpabiliser les uns les autres si untel ne fait pas montre d’un antiracisme franc du collier, ni d’un antifascisme éructant, ni n’est capable de chiffrer son activisme. Les flics font du chiffre et les activistes secouristes aussi ; c’est plus grave pour les seconds car cela rend opaque une vision politique lamentable en faveur d’un capitalisme propre ou plus humain.

Pour illustrer l’intervention dans le milieu des sans papiers du Nord de la France, on trouve par après dans ce livre la contribution de la Mouette enragée, liée à l’OCL (organisation communiste libertaire qui existe depuis le milieu des 70), concernant le scandale du centre de rétention de Sangatte.

Même s’ils succombent à l’activisme de la mouvance néo-gauchiste et à ses critères politiques confus jusqu’au fond de localisme régional, il faut savoir gré à ces quelques militants de nous informer très honnêtement au plus près du déroulement de quelques protestations et de formes de soutien aux travailleurs itinérants vers le soit disant « british dream ». On apprend que des officines de l’Etat se mêlaient déjà de l’affaire, Secours catholique, Croix-Rouge, et un certain Gérard d’Andréa, ancien membre des RG, bombardé responsable d’une Association de prévention pour une meilleure citoyenneté des jeunes (tout un programme de réinsertion !). Dans l’humanitaire, on se trouve toujours avec dans les pieds des groupes louches comme le DAL ou l’APEIS.

Dans toute cette affaire de Sangatte, le gouvernement français fût ridicule. La Mouette enragée fît cependant des critiques fort pertinentes sur la façon dont les « envoyés spéciaux » de l’Etat s’efforcèrent de couler le mouvement de protestation ; il y avait une tendance naturelle (répréhensible par la loi Sarkozy) dans des familles ouvrières de Calais et Boulogne à accueillir de jeunes réfugiés grelotant de froid dans les rues. Se situant aux côtés des prolétaires solidaires, donc hors-la-loi, la Mouette indignée écrivait dignement :

« Pour nous, les comités de soutien (ou quel que soit le nom qu’on leur donne) se substituant aux principaux acteurs de la lutte, relayant les mots d’ordre des partis politiques, se cantonnant à la spécificité des situations ne peuvent qu’étouffer les combats au lieu de les renforcer, de les gagner.(…) Il faut mettre en avant les points communs entre la situation des exploités de toutes sortes (chômeurs, précaires, salariés), faire la liaison entre les luttes et favoriser l’émergence de perspectives anticapitalistes ».

La « Mouette enragée » fait état d’une lutte commune avec d’autres groupes anglais anarchistes et trotskistes pour la fermeture de camps de rétention des deux côtés de la Manche. Ce cercle en appelait à la solidarité, à la liberté de circulation et d’installation et dénonçait en pleine période électorale la droite et la social-démocratie. La « gauche associative » diabolisa aussitôt une « initiative qui fait le jeu de Le Pen tout en mettant en danger les « réfugiés ». Dans le compte-rendu de leurs diverses actions, la Mouette nous informe sur une action complémentaire à celle des CRS, celle de la municipalité PCF de Calais, soutenue par toute la gauche caviar : les blockhaus où les migrants trouvaient refuge furent murés, ce qui rappelle en effet leurs basses œuvres à Vitry en 1980… La protestation est étouffée sous le bulldozer de la gauche étatique. En une journée, les Danièle Mitterrand, Bové et Cie accourent pour parader devant les caméras.

Les manifestations ou fête de la lutte sont systématiquement dévitalisées ou bridées par les apôtres de la gauche gouvernementale. Pour la Mouette enragée, qui n’en démord pas, « le sans-papiers » figure la condition générale qui sera faite désormais au prolétariat. Le constat est juste et percutant, mais partiel. Les enfants des prolétaires fixes ne doivent s’attendre à aucun cadeau et devront passer effectivement leur temps à une réflexion collective et à envisager une implication politique plus subversive que de brûler des voitures.

La Mouette échaudée tire un bilan d’ échec courageux :

« Par un refus délibéré d’intervenir en « soutien aux réfugiés », nous avons investi l’espace qui nous permettait, à nous qui avons des papiers, de lutter aux côtés des « réfugiés » et non pas en leur nom. (…) au final, c’est bien l’absence d’un mouvement porté par les sans-papiers sur le littoral et ailleurs qui nous renvoie les uns et les autres à notre impuissance commune face à l’Etat » (p.156). Est joint une note lucide sur les sans-papiers acculés à la misère dans les bois : « Leurs conditions d’existence matérielles et sanitaires les enferment dans des logiques de survie qui sont un frein réel à leur organisation ».

L’avant-dernier texte de l’ouvrage est lui-même dépité et conclut à l’impossibilité d’une véritable « intégration républicaine ».

QUE FAIRE ?

Ils y a les professionnels de l’observation aux côtés de la police. Sous le titre « au cœur de la machine à expulser », le journal de la gauche bobo, le Nouvel Obs y va de sa petite larme au mois d’octobre et nous peint sa vision des « clandestins » (avant, on disait « étrangers »). La « machine à expulser » est impersonnelle… les journalistes ne vont pas accuser leurs commanditaires.

Voyons… Tout le monde est dans la merde :

« Les policiers, eux, en ont assez d’entendre ce mot ignoble (« rafles »). Non, ils ne sont pas des fachos, simplement des fonctionnaires qui font leur boulot. Ils pensent aux petites chinoises, qu’ils ont vues, enchaînées à des machines à coudre, à Belleville, ils pensent aux milliers d’étrangers qui rêvent aux lumières de la France et se retrouvent à dormir à 10 dans 10 mètres carrés pour 500 euros par mois (…) Les policiers disposent d’une centaine de contacts, joignables jour et nuit, traducteurs, étudiants parlant kurde, chinois, soneke, tamoul… ». « Plus d’un quart des sans-papiers placés en rétention sont libérés pour vice de procédure », « en ce moment, à Paris, l’Algérie, la Chine, l’Egypte coopèrent bien. Mais certains pays comme l’Inde, la Tunisie, le Mali refusent quasi systématiquement de reconnaître leurs ressortissants. Rien ne sert d’ordonner un placement en rétention pour les migrants de ces pays-là. La police se demande même pourquoi continuer à les interpeller. » (…) Pour éviter l’expulsion, certains avalent des couteaux ou des clous… ».

Cela dégénère entre « primo-arrivants » : « Le 12 juillet, un touriste portugais a ouvert le feu et blessé un afghan. Des batailles rangées ont opposé routiers et clandestins à coups de crics et de boulons ». A Cherbourg, des réfugiés de longue date se muent en petits trafiquants… Ils vont les (nouveaux arrivants) les chercher au train, gèrent les flux dans le squat, prélèvent leur dîme en échange d’une place sous une tente. Ils organisent des petits groupes armés de cutters pour découper les bâches et les lancent à l’assaut en différents points du port ».

On peut faire confiance aux journalistes chargés de cette enquête, qui, au moins, ne tiennent pas un discours lyrique face à ce problème sans solution. Braves journalistes, amis des policiers. Ces mêmes policiers au cœur tendre qui tabassent sans vergogne une fois les caméras éteintes (c’est pourquoi Zetkine la photographe de leurs exactions vient d’être jugée au tribunal de Lille) et lâchent en rase campagne à 20km de Boulogne les migrants, sans leurs chaussures. On peut faire confiance à ces intellectuels de plume accrédités par des fonds du patronat (comme les syndicats « ouvriers »), en répercutant le cloaque des réfugiés sous le seul angle des petits trafics, ils criminalisent encore plus la situation des migrants et les font passer pour des étrangers… à la classe ouvrière. Salauds !

L’Etat ne peut que se réjouir de la description partielle et partiale des atrocités de cette cour des miracles qu’il favorise. C’est pour cela qu’il ne craint aucunement la réprobation universelle avec l’ignoble test ADN, qui vise surtout l’Afrique, auquel il est vrai Hitler n’avait pas eu le temps de penser. Il va dans le sens non de Le Pen mais de « l’opinion » puisqu’il la fabrique lui-même cette opinion.

Il y a ceux qui veulent agir. Mais pour agir il n’y a que deux moyens dérisoires: soit faire un travail d’assistante sociale et s’en donner les moyens au même niveau que les associations caritatives, et ce n’est plus une action politique ; soit parader devant les médias avec deux ou trois actions d’éclat, et une fois les lampions éteints, les migrants peuvent dans leur immense majorité rester dans leur misère itinérante, rejoindre les clochards, mourir de froid ou être étranglés par un policier dans un avion de renvoi. Les actions spontanées de solidarité de la population, si elles durent, sont immédiatement happées par les assocs pilotées par l’Etat, et chargées de gommer les problèmes politiques.

Sur tous les plans, le capitalisme rend les conditions de vie intolérables. Attentats quotidiens particulièrement sanglant en Irak, au Pakistan contre la population civile, cadavres de migrants régulièrement pêchés au large des côtes espagnoles, mais aussi suicides dans des entreprises ultra-modernes (on en compte au moins un par jour sur le lieu de travail en France…). Je ne vais pas ici étaler lyriquement la longue liste des atrocités ni des mesures anti-sociales. Les altermondialistes et leurs amis anarchistes excellent dans ce genre de chapelets. La question fondamentale de comment mettre fin au capitalisme et à la principale injustice, l’exploitation salariée, n’a pas non plus de réponse immédiate. Les donneurs de leçons militantes, marxistes ou anarchistes, sont empaillés, à la remorque des grèves syndicales et noyés dans le spectacle de la contestation savamment programmée.

La responsabilité d’un autre futur réside pourtant toujours dans le prolétariat. Les plus traditionnels des militants attendent vaguement une grève générale insurrectionnelle. On compte parmi eux nombre de syndicalistes ou de révoltés d’en bas. Les luttes salariales existent toujours mais ne font jamais des miracles. Il existe assez d’organismes financés par l’Etat bourgeois, pour les enfermer dans les corporations ou planifier des grèves de merde sans lendemain.

Il n’empêche que c’est dans ce cadre de communauté d’exploitation et non dans une conscience altruiste écologique et universelle que se trouvent encore les ferments d’une alternative à la domination capitaliste. La réflexion anticapitaliste ne peut trouver son assise qu’à partir de la défense du rôle révolutionnaire du prolétariat qui conditionne une action politique qui ne peut se situer au niveau parcellaire ou en glorifiant les plus fragiles et les plus paupérisés.

Ce n’est pas directement, ni par extension d’une somme de revendications que pourra jaillir une explosion révolutionnaire, pas plus que par la distribution de tracts d’indignation à tout va. Le temps au travail rythme une conscience commune des prolétaires sous le chantage au chômage, et tous souhaitent mettre fin à l’aliénation. Point de messie à l’horizon, ni de facilités pour ébranler les Etats.

La diversité des attaques de l’Etat contre la classe ouvrière, elle-même divisée en catégories, criminalisées à outrance avec les révoltes sporadiques émeutières, le krach boursier toujours latent, l’impossibilité d’aller à une nouvelle guerre mondiale, créent des conditions où « ils » ne perdent rien pour attendre.

Le prolétariat, des jeunes aux vieux et aux migrants est au cœur de la situation. Situation inadmissible avec des millions de migrants inintégrables, et une crise invraisemblable et insoluble des retraites posent un problème sous-évalué de fin de société qui dépasse les petits cerveaux gestionnaires du profit capitaliste. L’espèce humaine est en jeu.

Il n’est plus possible d’en rester au ras des petits problèmes quotidiens et mensuels, ni de courir après tout ce qui bouge dans l’espoir de sauver son âme. Il faut savoir attendre.

On trouve toujours un moment pour rire au plus profond du désarroi néanmoins. Apprendre que les 2700 membres d’une des principales institutions de l’hypocrisie régulatrice du capitalisme international, le FMI, risquent d’être licenciés, nous secoue franchement les côtes.

L’attitude « volontaire » de ceux qui sont convaincus de la faillite du système ne dépend pas d’une implication envers tout ce qui bouge ou souffre, mais d’une réflexion théorique sur les besoins radicaux des masses opprimées et sur quoi mettre à la place du capitalisme. Les masses attendent des minorités conscientes non pas qu’elles leur expliquent l’ignominie de leurs conditions de vie mais qu’elles leur proposent un programme de transformation crédible de la société mourante et qu’elles cessent de donner des coups de clairons alarmistes et impuissants. L’histoire tranchera sans tambour ni trompettes.

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