Le coup de la chaise roulante à la tribune personne
ne l’avait commis aussi crapuleusement que la mère Timochenko. Même si une
manifestante désabusée a glissé « la prison change les gens »,
personne ne se faisait d’illusion sur la place Maïdan. Voici notre select
ambiance d’un bon article du Figaro.
Le retour de
Timochenko, étoile ternie de la révolution
Pour beaucoup d'Ukrainiens,
l'image de l'égérie de la révolution orange, en 2004, reste liée à
L'étoile de la «révolution orange» a beaucoup
pâli dans le regard de ses compatriotes. Aussitôt libérée de sa prison
hospitalière de Kharkov, dans l'est du pays, Ioulia Timochenko,
53 ans, est apparue samedi soir à la tribune du Maïdan. Assise sur un
fauteuil roulant à cause d'une hernie discale, diminuée, l'ancienne première ministre
n'en a pas perdu de sa pugnacité oratoire. Mais la foule n'en a pas pour autant
chaviré. «Les hommes politiques ne valent pas une seule goutte de sang que vous
avez versé. Quand les snipers tiraient leurs balles, elles se sont fichées dans
le cœur de chacun d'entre nous. Et à chaque minute que des gens tombaient, je
me suis sentie coupable de ne pas être avec vous», a-t-elle lancé à l'adresse
des meneurs de barricades. Avant d'ajouter, dans un geste d'humilité: «Je
m'incline devant vous et vous demande pardon.»
Le discours a suscité une indifférence polie, à
l'exception de la seule consigne qu'elle ait lancée à la foule et qui a fait
mouche: «Vous n'avez pas le droit de quitter Maïdan avant que tout soit fini.»
Pour le reste, «elle a versé dans un pathos dont les gens, qui attendent des
choses concrètes, sont fatigués. Elle a cherché à les flatter, mais ce n'est
pas ce qu'ils attendent», estime Viktor, un professeur de philosophie
quinquagénaire. «Ioulia est allée en prison pour ses pêchés, et c'est normal»,
ajoute Bogdan, un jeune manifestant qui contrôle les accès à la place.
Corruption et sens des affaires
Depuis le début du mouvement, en novembre
dernier, plusieurs manifestants exigent le retrait de son portrait géant qui
trône sur le sapin artificiel érigé sur le Maïdan. D'autres - c'est également
le cas au sein des chancelleries européennes - lui reprochent d'avoir exacerbé
la crise en exigeant, sans relâche, du fond de sa cellule, la mise à mort
politique d'Ianoukovitch.
Ils se plaignent, enfin, d'avoir assisté à une
aggravation de la corruption durant son mandat de six ans à la tête du
gouvernement, ce qui lui a valu, en partie, sa défaite aux élections de 2010,
face à son ennemi aujourd'hui déchu. Ironie du sort, celle qui aspire à
incarner le désir d'intégration européenne de ses concitoyens a été condamnée à
sept ans de prison pour avoir, en 2009, signé, avec la Russie, un accord gazier
«outrepassant ses pouvoirs», selon l'acte d'accusation officiel. Moscou, et en
particulier Vladimir
Poutine, s'était toujours accommodé de cette dame, rebelle certes,
mais qui a toujours gardé le sens des affaires. Une fois réintégrée dans le jeu
politique ukrainien, Ioulia Timochenko pourrait reprendre le contrôle de sa
formation politique, Batkivtchina, qu'assure aujourd'hui Arseni Iatseniouk, et
ceci en prévision des élections présidentielles anticipées. Son charisme oratoire
suffira à la distinguer du pâlot Vitali Klitschko, ex-boxeur et leader de la
formation Oudar. Mais ce ne sera pas suffisant pour effacer son image, qu'elle
conserve, y compris chez ses anciens supporteurs, de «femme du passé».
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