Ni Ennhada, ni Ettakol ni l’UGTT ne représentent une
quelconque « révolution », ni une préservation d’une révolution de
jasmin qui serait encore trempée dans le vase moisi des illusions « libératrices »,
révolte populaire vite canalisée dans les élections truquées de l’Etat
bourgeois. A chaque flambée de violences, « la droite »
gouvernementale Ennahda et l'opposition « de gauche » s'accusent
mutuellement d'oeuvrer en faveur des forces
"contre-révolutionnaires". Autant dire que deux pingouins s’accusent
d’être des contre-pingouins !
Mardi, ce sont des militants proches du parti
islamiste qui ont perturbé la commémoration du soixantième anniversaire de la
mort du syndicaliste Farhat Hached. Pour l'UGTT, c'était la provocation de
trop. Les partis politiques de l'opposition ont également fait part de leur
indignation, à commencer par Nida Tunes, présenté comme l'alternative la plus
crédible à Ennahda. La dissolution des «ligues de la protection de
la révolution» est l'une des conditions posées par la centrale syndicale pour
annuler la grève générale du 13 décembre, ce que le gouvernement islamique ne
peut accepter.
Je ferai
quelques remarques préliminaires sur l’épouvantail agité par l’opposition
bourgeoise contre une soi-disant « ligue protectrice de la révolution »,
appelée à jouer le rôle du méchant comme le FN par chez nous. Par après la comédie du pouvoir bourgeois et de ses
cliques en Tunisie apparaîtra plus clairement.
L’UGTT dénonce des exactions des « nouveaux
gardiens de la révolution », son mégaphone bureaucratique est répercuté
par les médiocres du monde entier. Au départ, après le 14 janvier, les « ligues
de protection de la révolution », étaient des comités citoyens pour la protection des quartiers, des villages
et des villes contre les bandes armées de Ben Ali. Aujourd’hui, ces ligues
n’ont plus de raison d’être. Elles constituent des milices illégales du parti
au pouvoir. Ce sont des bandes armées qui interviennent aléatoirement d’une
manière musclée, pour empêcher les meetings d’autres partis opposants à
Ennahdha. Sur la page Facebook de la nouvelle ligue
gouvernementale, on peut trouver une liste des actions à mener: surveiller, par
exemple, les entrées et sorties d'étrangers dans les quartiers, ou infiltrer
les rangs des ennemis de la révolution pour découvrir leurs plans ! La
gauche bien pensante en France et ses gauchistes de base vont y voir bien sûr
une renaissance des bandes paramilitaires iraniennes.
NOUVEAUX GARDIENS (islamistes) DE LA
REVOLUTION (invisible)? Le corps
des Gardiens de la révolution en Iran est une organisation paramilitaire
de la République islamique d'Iran aux ordres
du chef de l'Etat iranien. Ce corps des étranges « gardiens de la
révolution » (étatico-religieuse) avait
été fondé par un décret du 5 mai 1979,
en tant que force soumise à l'autorité de l'ayatollah Khomeini. Ils sont devenus une force
armée à part entière pendant la Guerre
Iran-Irak où l’utilisation de vagues
humaines, constituées très souvent d’adolescents
inexpérimentés, contre l’armée irakienne causèrent des pertes deux fois supérieures
à celles subies par l’armée régulière.
Or le parallèle avec les fous de dieu iraniens
est fort peu d’actualité, non pas tellement parce que les chiites iraniens
seraient exemplaires (aucune alliance n’est possible avec des sunnites) ou un
exemple imité, mais pour deux raisons :
-
Le gouvernement islamiste tunisien doit son accession
au pouvoir au grand protecteur US, alors que la fausse « révolution
iranienne » n’avait été qu’un coup d’Etat de la petite bourgeoisie alliée
aux mollahs contre le grand Satan impérialiste ;
-
La crise économique est autrement plus grave qu’en 1979
et la classe ouvrière en Tunisie n’est pas embrigadée vers la guerre, ni
disposée à aller au sacrifice comme les mômes au temps de leur héros le
vieillard embaumé Khomeini.
LE POUVOIR BOURGEOIS
TUNISIEN AUX PRISES AVEC UNE CRISE SOCIALE
Ennhada c’est le parti islamiste au gouvernement ,
(l’équivalent de celui des « frères » en Egypte, qui se croit tout
permis) pareil à ce nouveau genre de parti de droite totalitaire qu’on trouve
également au pouvoir en Hongrie, qui vise à attaquer sans fard la classe
ouvrière et à laisser crever les masses déshéritées. Le Forum démocratique pour le travail mieux connu sous le nom de Ettakatol, est le parti oppositionnel social-démocrate tunisien fondé le
9 avril 1994 et affilié à la comique Internationale socialiste. Il n’est qu’un
simple croupion du Capital. Le véritable parti de la gauche bourgeoise est le
syndicat UGTT, vieux dinosaure du contrôle bourgeois sur les ouvriers depuis la
guerre. L’UGTT a toujours eu un rôle politique primordial dans la société
tunisienne, les dictateurs successifs s’attachant toujours à maintenir ce
syndicat collaborateur légèrement au-dessus des eaux boueuses de la corruption
totale de ses activistes professionnels. C’est une spécialité tunisienne que ce
syndicat-parti politique bâtard qui se suicide lui-même s’il est aux marches du
pouvoir. Suite à la fausse révolution tunisienne,
l'UGTT avait accepté le 17 janvier de participer à un « gouvernement d'union nationale »
conduit par le Premier ministre sortant Mohamed Ghannouchi. Ainsi, les trois
syndicalistes Houssine Dimassi, Abdeljelil Bédoui et Anouar Ben Gueddour
avaient été respectivement nommés ministre de la Formation et de l'Emploi,
ministre sans portefeuille et secrétaire d'État auprès du ministre du Transport
et de l'Équipement. 24 heures plus tard, ces derniers démissionnent face à la
colère de la population refusant la présence de ministres membres du Rassemblement constitutionnel
démocratique, aux postes clés. Les gauchistes tunisiens réclament l’épuration
de la direction de ce syndicat gouvernemental, pour prendre la place des bonzes
corrompus ?
Quatre régions de Tunisie dont Sidi
Bouzid, berceau du premier immolé de la révolte populaire contre l’ancienne
dictature, étaient en grève jeudi, alors qu'un bras de fer entre islamistes au
pouvoir et syndicalistes dits en opposition doit culminer avec un débrayage
national le 13 décembre alors que les gouvernants s’avèrent aussi incapables de
tempérer la crise économique que n’importe quel Etat européen du sud, crise
politico-sociale au demeurant. Outre Sidi Bouzid (centre-ouest), Kasserine observe le débrayage, tout comme
Gafsa, une région minière qui est le théâtre de conflits sociaux récurrents, et
Sfax (sud). Les affrontements y avaient été particulièrement intenses durant
l’explosion sociale qui avait débuté le 17 décembre 2010 à Sidi Bouzid avec
l'immolation d'un vendeur ambulant excédé par la misère et les brimades
policières. Les médias maghrébins et français dessinent une étrange toile de
fond concernant « l’instabilité sociale » en Tunisie, mais aussi en
Egypte, en esquivant ou en maquillant la dynamique propre à la classe ouvrière
(on a l’habitude en Occident depuis au moins 40 années de cet effacement de
tout rôle autonome du prolétariat). Pauvre prolétariat, pourtant plus important
en Tunisie et Egypte que dans les autres pays voisins. Le quotidien capitaliste
régenté par des Etats islamistes continue à être qualifié de « processus
révolutionnaire ». La lutte contre la misère des déshérités de la région
de Sidi Bouzid, qui avaient initialement déclenché le mouvement pour le
renversement du dictateur Ben Ali, est placée au second plan immédiatement par
un plan machiavélique du vieux syndicat gouvernemental UGTT pourri jusqu’à la moelle.
Il suffit de lire son historique sur Wikipédia pour mesurer combien il n’est
nullement un défenseur des prolétaires. Il faut se rappeler qu’il était aussi
complètement à la traîne des événements de janvier dernier.
Ces grèves en cours sont présentées désormais comme
visant à dénoncer une attaque mardi de militants islamistes pro-gouvernement
contre un siège de cette Union générale
tunisienne du travail (UGTT), à Tunis. L’attaque islamiste n’arrive-t-elle pas
à point nommé pour permettre au syndicat collabo de chapeauter un mouvement
social face que l’Etat islamiste et ses soudards sont et seront impuissants à
endiguer ? Cette attaque a lieu à peine quatre jours après la fin d'une
semaine de heurts entre policiers et manifestants à Siliana (sud-ouest de
Tunis) après qu'un appel à l'arrêt du travail ait entrainé la violence de
classe, où on compta près de 300 blessés dont certains éborgnés. Le jeu des
fractions bourgeoises, comme en Occident vise évidemment à dessaisir le
prolétariat de sa lutte. Et plus pervers encore, vise à enfumer la classe
ouvrière au niveau international en instillant que le « syndicat »
(comme tous les syndicats du monde inféodés à la démocratie bourgeoise
corrompue) manifesterait un « réveil de classe » ou de
« base » contre l’islamisme gouvernemental. Des centaines de
manifestants ont défilé à Sidi Bouzid et à Gafsa, scandant des slogans
anti-Ennahda, le parti islamiste qui dirige le gouvernement. Les syndicalistes
professionnels s’étaient introduits dans les cortèges avec leurs propres mots d’ordre
chauvins : « Démission du gouvernement », « Ennahda a vendu
la Tunisie », « Vive l'UGTT, la plus grande force dans le pays ».
L’UGTT a programmé ensuite le mode opératoire jumeau de la CGT de base :
ce n’était que des « actions régionales en prélude au débrayage national »
du 13 décembre – non pas pour soutenir la lutte sociale des ouvriers ni assumer
une insurrection – mais, dérisoire et pathétique… pour dénoncer l'attaque de
son siège ; quand les séides islamistes accusent en retour les gros bras
de l'UGTT d'avoir provoqué les heurts.
Il s’agit
dès lors de la substitution à la lutte de classe des querelles entre les deux
principales fractions du pouvoir en Tunisie, les deux plus gros partis
bourgeois du pays. Ces deux mafias veulent régler leurs comptes sur le dos de
la colère des masses paupérisées, lesquelles se fichent de l’absence de
compromis sur la future constitution qui ne permettra pas de résoudre les
difficultés économiques. Dans son histoire, l'UGTT collabo, qui revendique un
demi-million de membres, n'a appelé qu'à deux grèves nationales, l'une en 1978
dont la répression avait fait des dizaines de morts, et une autre, sommet d’opportunisme
minable, de deux heures, le 12 janvier 2011, deux jours avant la chute du
régime de Zine El Abidine Ben Ali. La grève nationale ne sera qu’une nouvelle
journée d’enterrement des énergies ouvrières dispersées, comme il y en a tant
en Grèce, en Espagne et ailleurs. Les prolétaires tunisiens n’ont aucune chance
de sortir de l’ornière tant qu’ils restent emprisonnés dans l’ornière des
solutions nationales qui n’en sont pas.
Et s’il leur
prenait l’envie de donner la main à leurs frères « de classe » en
Egypte ? Quel bel exemple ce serait pour le monde entier. Mais en Egypte,
c’est pour l’instant autre chose, un combat de fractions petites bourgeoises contre
un Etat d’islamistes impuissants qui voudraient eux aussi « codifier la
soumission » et organiser la misère. Et où la classe ouvrière n’apparaît
pas autant qu’en Tunisie, ou du moins l’aspect social d’une révolte populaire
qui ne peut pas s’arrêter aux épisodes d’une pseudo-révolution fleurie et
depuis longtemps fânée faute d’avoir exprimé des objectifs de classe prolétarienne,
mais qui a bégayé les mensonges du républicanisme bourgeois occidental.
PS : mon analyse vous paraît
loufoque ? Alors lisez ce que j’ai trouvé sur un site tunisien avec un
signataire anonyme :
« Y-a-t-il des forces occultes
qui sont en train de tirer les ficelles ? Ces événements, et ceux qui les ont
précédés à Siliana, ont-ils un quelconque lien avec le projet de loi
d’immunisation de la révolution, baptisé loi d’exclusion présenté par Ennahdha
et d’autres groupes parlementaires à l’assemblée nationale constituante ?
Autant d’interrogations qui restent à élucider. L’UGTT a pointé un doigt
accusateur vers les milices d’Ennahdha, incarnées, à ses yeux, par les ligues
de protection de la révolution, et les ont tenues pour responsables de ce
qu’ils ont qualifié "d’agression sauvage et programmée" contre son
siège et ses syndicalistes. Les représentants des dites ligues ont démenti être
à l’origine de tels débordements, et se défendent de toute transgression de la
loi ou incitation à la violence. La centrale syndicale ne veut rien entendre.
Ses dirigeants ont été d’emblée incisifs, et menaçants. Son SG, Hassine Abassi,
a carrément proclamé l’affrontement, signe d’une rupture annoncée entre le
pouvoir et l’illustre organisation syndicale. Ses adjoints ont opté le
lendemain pour le même ton d’inimitié envers Ennahdha, ses milices, et le
gouvernement. Les communiqués du bureau exécutif et de la commission
administrative ne sont pas en reste, réitérant les mêmes accusations, et tenant
le gouvernement pour responsable de "la propagation de la violence".
Et ce n’est pas tout, l’UGTT franchit le Rubicon et annonce une grève générale
nationale dans tout le pays pour le jeudi 13 décembre, chose qui n’est pas
arrivée en Tunisie depuis 34 ans, date des événements meurtriers du
jeudi noir du 26 janvier 1978 (…)
Comment éviter que cette tension ne
s’exacerbe davantage, et que le pays ne soit paralysé par une grève générale, qui plus est sera observée le jour même où
la Tunisie va accueillir le forum de l’avenir en présence de Hillary Clinton,
du ministre des Affaires étrangères canadien, et d’autres chefs de diplomatie
de différentes régions du monde. Quel signal va-t-on envoyer au reste du
monde, alors qu’on n’est pas arrivé à guérir des séquelles laissées par les
événements de l’ambassade des Etats-Unis et des autres épisodes intermittents
de violence ? ».
Bizarre, vous avez dit
bizarre ?
PS: et lire l'article de Révolution Internationale sur le film mystificateur, et le débat escamoté par le réalisateur et ses sponsors, aussi menteurs que Filiu le diplomate reconverti historien menteur.
PS: et lire l'article de Révolution Internationale sur le film mystificateur, et le débat escamoté par le réalisateur et ses sponsors, aussi menteurs que Filiu le diplomate reconverti historien menteur.
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