On étale des Unes sur des manifs d’islamistes
anti-américains. On bourre les Unes papier ou web pendant quinze jours sur les
deux guignols Copé et Fillon. On s’interroge sur le mystère du président normal
et le retour improbable de l’anormal. On compatit avec les ouvriers de Florange
bercés par les syndicats gouvernementaux et bernés par gouvernement et
patronat. Une centaine de femmes prolétaires brûlées vives à Dacca parce qu’enfermées
dans l’usine de leur patron, quelle importance ? "Il y avait plus
d'un millier d'ouvriers piégés dans l'usine", a déclaré aux médias locaux
une survivante de 42 ans. Le Bangladesh est un des principaux centres de
production textile en Asie, en raison de la modicité des salaires ouvriers et
d’une main-d’œuvre abondante. Au Bangladesh, les ouvriers du textile, dont
80 % sont des femmes, gagnent entre 3 000 taka (28 €) et 10 000 taka
par mois pour six vacations par semaine dans des usines bondées qui restent
souvent ouvertes jour et nuit. Le pays est devenu, derrière la Chine, le
deuxième exportateur au monde de vêtements, pour un total de 19 milliards
de dollars en 2011.
Il y eût plus de mortes encore en 1911 à New York
(cf. colonne de gauche de ce blog), et en octobre de cette année, un incendie
dans une usine de textile de Karachi (sud du Pakistan) avait fait 289 morts.
Alors excusez du peu.
Le drame du Bengladesh, pays aux 4000 usines de
vêtements, est premièrement remisé
aux entrefilets « faits divers ». Mardi 4 déc , Direct Matin est le
seul à parler de la révolte des ouvriers de Dacca suite à un nouveau crime
patronal. Le dernier bilan du sinistre, qui s'était déclenché samedi soir dans
une usine de vêtements destinés à l'exportation, s'établissait dimanche soir à
cent dix morts, voire plus, dont de nombreuses femmes. Près de 200 autres prolétaires
ont en outre été blessées. Les victimes sont mortes par asphyxie et
intoxication ou en sautant dans le vide, a déclaré la police secouriste. Deuxièmement, analysons la façon dont
la presse mondiale bourgeoise occulte les causes réelles du drame et excuse
déjà les responsables. Dès le début elle insinue que c’est la faute aux
consommateurs, de la même manière que la propagande éthique-pornographique
bourgeoise veut punir les clients des prostituées, mais pas s’occuper de la
misère sexuelle ni remettre en cause ses bordels de luxe. Vous achetez des
vêtements produits dans des conditions horribles dans le tiers-monde, c’est
votre faute par conséquent si cela entraîne des drames. Vous travaillez en
usine, donc vous êtes des pollueurs comme le déplorent les nobles khmers verts…
Excepté Direct Matin dans le métro parisien, plus
aucun organe de presse ne traite de l’incendie qui se produit immédiatement
après le premier : « Un nouvel
incendie s'est déclaré, lundi matin, à Dacca, dans un bâtiment abritant
plusieurs entreprises de confection, mais n'a pas fait de victimes. "La plupart des
ouvriers ont défoncé des grilles au dernier étage et ont réussi à se mettre en
lieu sûr dans un bâtiment voisin", a déclaré un commissaire de la police du district de Dacca, Nisharul
Arif. Dans ce bâtiment à la ventilation approximative et sans sortie de
secours, la cage de feu s'était refermée sur les ouvriers qui confectionnaient
du prêt-à-porter destiné à l'Occident (sic ? notez bien l’info appuyée !),
pour un salaire mensuel de 5 000 à 10 000 roupies (40 à 80 euros). Le pays
est devenu le deuxième exportateur au monde de vêtements, pour un total de 19
milliards de dollars en 2011 ».
Troisièmement, propaganda gauchiste humanitaire
immédiate pour excuser le patronat local et la bourgeoisie : "De nombreux
propriétaires d'usine s'arrangent avec la notion de conformité aux normes de
sécurité pour satisfaire les
acheteurs étrangers qui veulent maintenir une confection à prix
cassés", résume Phil Robertson, le directeur adjoint pour
l'Asie de l'organisation Human Right
Watch (HRW). "C'est
une preuve flagrante de l'échec du modèle de responsabilité sociale du secteur
privé", dénonce ce brave
hâbleur. Ces usines sont-elles interdites par l’Etat bourgeois ou y impose-t-il
des contrôles de sécurité ? Non, alors il est complice et machin Robertson
aussi.
Quelles seront les causes diverses, opaques,
intouchables ou délirantes qui seront invoquées pour mon quatrièmement ?
La Mondialisation ? Le Capitalisme ? Mon petit doigt ?
Cinquièmement, il s’est produit une manifestation
considérable de plusieurs milliers d’ouvriers. Voyons comment l’Huma
bourgeoise, financée par le grand patronat français du « Grand Capital »
(qui pleure encore Marchais et Aragon le gâteux). Simple entrefilet de l’huma
mélenchonesque, qui reprend le simple communiqué des agences de presse véreuse :
« Des milliers d’ouvriers du textile
au Bangladesh ont manifesté hier pour demander que cessent
leurs conditions de travail
« flirtant avec la mort »
après
le pire incendie qu’ait connu la profession
et
qui a fait 110 morts. Les rescapés de cet incendie, survenu samedi soir dans
l’usine Tazreen Fashion
à
la périphérie de Dacca, ont rejoint des milliers
de
collègues pour bloquer une autoroute et défiler jusqu’à la zone industrielle
d’Ashulia, où sont implantées
plus
de 500 usines de confection pour des marques occidentales. Selon la police, de
nombreuses usines travaillant notamment pour les marques Walmart,
H&M ou encore C&A sont
restées fermées hier
pour
éviter une éruption de violence ».Un laconisme digne d’un trouduc du
Figaro, on nous dépeint une simple manifestation avec des « collègues »,
et comme le gauchiste humanitaire ci-dessus, on glisse l’argumentaire
bobo-démago des « marques occidentales »…
Le Républicain lorrain ose sixièmement l’intox
« manif contre les usines occidentales » :
« Quelque 15 000 employés du textile ont
manifesté hier à Savar dans la banlieue de Dacca, la capitale du Bangladesh,
pour réclamer justice après la mort d’au moins 112 ouvriers, samedi dans
l’incendie d’une usine de confection de vêtements. Ces derniers travaillaient pour des firmes occidentales telles que le
groupe néerlandais C&A, le français Carrefour et le suédois Ikea.Les
rescapés ont rejoint des milliers de « collègues » pour bloquer une
autoroute et défiler jusqu’à la zone industrielle d’Ashulia, où sont implantées
plus de 500 usines de confection pour des marques occidentales. « Les ouvriers de plusieurs usines ont
quitté le travail et rejoint la manifestation. Ils veulent que les
propriétaires de Tazreen reçoivent une punition exemplaire », a déclaré le chef
de la police de Dacca, Habibur Rahman. (…)
De nombreuses usines textiles tournées vers l’exportation sont dotées
d’installations électriques défectueuses et de mesures de sécurité très
laxistes. Selon la Clean Clothes
Campaign, une association de défense des travailleurs du textile dont le siège
se trouve à Amsterdam, au moins 500 employés du secteur sont morts dans des
incendies au Bangladesh depuis 2006. Les
firmes étrangères « savent depuis des années que nombre des usines avec
lesquelles elles choisissent de travailler sont des pièges mortels », a dénoncé
Ineke Zeldenrust, porte-parole de l’association. « Le fait qu’elles n’agissent
pas s’apparente à de la négligence criminelle », a-t-elle estimé ». Et les
« autorités locales » elles jouent aussi du pipeau ? La « démocratie
parlementaire » avec pour « religion d’Etat » l’islam,
serait-elle aussi innocente pour la bourgeoisie occidentale et ses médias que
lorsque les dictateurs islamistes d’Egypte et deTunisie font tirer sur les
ouvriers ? Sans doute à cause des touristes « occidentaux » qui
ne vont plus là où sévit le folklore islamiste féodal…
Motus
bouche cousue sur la réaction de la classe ouvrière :
C’est le deuxième incendie, qui n’a
pas fait de victimes, qui a provoqué la violence de classe. Des manifestants
ont jeté des pierres sur des usines, endommagé des véhicules et bloqué une
autoroute du secteur. Quelque 200 usines de la zone industrielle étaient
fermées lundi par terreur bourgeoise de
l’extension du mouvement de protestation. Samedi, la plupart des victimes avaient
été piégées dans l’usine, qui n’avait pas d’issue de secours. Douze autres
personnes, qui avaient tenté de fuir les flammes en se jetant du haut de
bâtiment de sept étages ont succombé à leurs blessures. Les syndicats au
Bangladesh dénoncent depuis longtemps et pacifiquement les mauvaises conditions
de travail et le manque de mesures de sécurité (oui les syndicats ne sont bons
qu’à « dénoncer »). L’Etat démocratique « islamiste » s’en
lave les mains.
Il faut
aller sur le site Algérie 1 pour trouver un compte-rendu plus précis :
« Plusieurs milliers d’ouvriers
manifestaient lundi à Savar dans la banlieue de Dacca, la capitale du
Bangladesh, pour réclamer justice après la mort de 122 ouvriers, samedi dans
l’incendie d’une usine de confection de vêtements de cette zone industrielle. Des
manifestants ont jeté des pierres sur des usines, endommagé des véhicules et
bloqué une autoroute du secteur. Quelque 200 usines de la zone industrielle
étaient fermées lundi en raison du mouvement de protestation. L’incendie avait
éclaté en fin de journée samedi dans un bâtiment de sept étages appartenant à
la compagnie Tazreen Fashions. Selon le commandant Mohammad Mahbub, chef des
opérations de secours, 100 corps ont été retrouvés tôt dimanche matin dans les
décombres. Douze autres personnes, qui avaient tenté de fuir les flammes en se
jetant du haut du bâtiment, ont succombé à leurs blessures. Le gouvernement a
proclamé une journée de deuil national mardi, au cours de laquelle le drapeau
national sera mis en berne ».
Des ouvriers piégés dans leur usine
« La plupart des victimes ont été piégées
dans l’usine, qui n’avait pas assez d’issues de secours selon les sauveteurs. L’exportation
de vêtements rapporte environ 15 milliards d’euros chaque année au Bangladesh.
La production est surtout distribuée aux Etats-Unis et en Europe. Selon les
enquêteurs, un court-circuit aurait provoqué l’incendie, a déclaré le
commandant Mohammad Mahbub, directeur des opérations du département chargé des
incendies. Il a toutefois précisé que ce n’était pas le feu qui était à
l’origine des morts mais les mauvaises conditions de sécurité dans l’immeuble.
“Le bilan aurait été inférieur si l’immeuble avait présenté au moins une issue
de secours,” a ajouté M. Mahbub. Mohammad Ripu, un survivant, a déclaré lundi
qu’il avait tenté de quitter l’immeuble quand l’alarme d’incendie a été
arrêtée. “Les responsables nous ont dit
‘rien ne se passe, l’alarme ne fonctionne pas bien, retournez au travail’.
Quand nous avons voulu nous rendre vers l’issue de secours, elle était bloquée
de l’extérieur et là, c’était trop tard”, a-t-il déclaré. M. Ripu s’est
blessé superficiellement en sautant du premier étage. L’usine de Tazreen a
ouvert ses portes en 2009 et embauché 1.700 personnes pour fabriquer des polos,
des polaires et des t-shirts. Selon un audit rendu le 16 mai 2011 et réalisé
par un expert en “approvisionnement éthique” de la multinationale américaine
Wal-Mart, Tazreen présentait un taux de “risque élevé” en matière de sécurité ».
Les versions bourgeoisies
françaises n’induisaient aucun questionnement, aucune réflexion ;
la presse anglo-saxonne au contraire présente les faits sous un angle « de
classe ». Mais bon, pourquoi remettre en cause le système capitaliste, ses
gouvernements démocratiques et islamistes ?
Leçons de ce drame pour les prolétaires du monde
entier :
1) La
bourgeoisie et ses laquais journalistes se fichent des crimes patronaux sur les
lieux de travail, et pissent sur les tombes des victimes,
2) Les
prolétaires d’Occident sont présentés comme responsables de la misère et de la
surexploitation des pays du « sud » (= sous-développés, même si le
Bangladesh est plutôt au nord), ce qui nous fait franchement rire,
3) Les
gauchistes veulent faire croire que les accidents (y compris mortels) du
travail, c’est la faute au « privé », dédouanant la responsabilité de
l’Etat en vantant les nationalisations sous naphtaline,
4) La
bourgeoisie ayant peur de la violence de classe et de l’insurrection de vastes
zones industrielles dans ces pays éloignés du centre, minore la signification
du début d’extension de la colère ouvrière,
5) La
lutte ouvrière présentée comme étant dirigée seulement contre des « usines
occidentales », dédouane le patronat autochtone, sert à préserver le nationalisme local et à
laisser croire aux ouvriers européens que les prolétaires surexploités et sans
défense de cette zone restent soumis à l’Etat islamique,
6) La
course au profit permet tous les meurtres légaux sans vergogne, et comme en
1911, patrons criminels et ministres complices ne seront jamais inquiétés par
leur justice de classe,
7) La
presse occidentale est une putain du Capital, et moins respectable qu’une pute
professionnelle.
8) Face
aux centaines de victimes méprisées dans les usines asiatiques et aux multiples
suicides sur les lieux de travail de prolétaires détruits psychologiquement dans
les vieilles nations bourgeoises, une chose est sûre, il faudra bientôt piller
les armureries, et incendier les journaux du capital.
PS : Les entreprises telles que c&A,
Zara, H&M, Mango, etc... qui nous vendent des nouvelles collections avec design
attractifs tous les 6 mois, tout en restant low-cost, le font uniquement parce
qu'ils arrivent à se fournir via des intermédiaires faisant travailler ces
employés 12h par jour, n'investissant pas dans la sécurité et parfois faisant
appel a des mineures. Ils ont des règles Ethic & Compliance et ils
vomissent de la communication là-dessus. Mais il suffit par exemple de savoir
que chez la maison-mère de Zara, faire appel à un sous-traitant employant des
mineurs est synonyme d’arrêt du contrat, par contre faire appel à un
sous-traitant qui lui même sous-traite (et donc ce sous-sous-traitant n'a aucun
contact direct avec Zara, n'est pas audité par Zara et peut faire ce qu'il veut
et ne respecter aucune règle) n'est synonyme que d'une petite tape sur les
doigts. Boycotter les vêtements de ces intermédiaires aigrefins ne servirait à
rien, d’une part les prolétaires du Bangladesh ont besoin qu’on continue à
acheter pour pouvoir bouffer là-bas et d’autre part le prolétariat ne peut pas
lutter en tant que consommateur, ce qui est le terrain dérisoire et
interclassiste des bobos anars. Le seul soutien de classe, c’est quand on s’y
mettra tous les prolétaires par-delà les frontières, en s’asseyant sur les
drapeaux nationaux et en brisant les colifichets religieux.
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