GRAND CHEF PARANOIAQUE uh uh !
LE STALINISME CONTé AUX ENFANTS : BONNES PAGES D’UN STALINIEN PUR JUS (devinez qui ?)
« …Autre impulsion, autre ressort : l’autocritique. Staline fut un des promoteurs et défenseurs acharnés (à toute occasion, mais plus particulièrement à une conférence du parti en 1921), de la « soupape de l’auto-critique ». Le militant et le parti , en fractions et en bloc, ont le devoir d’user de ce droit, de cette arme, qu’est l’autocritique. Ils doivent mettre en lumière les fautes, les erreurs, être implacables pour les insuffisances, les faiblesses. Ils en deviennent responsables s’ils ne le font pas. Il faut savoir se doubler d’un surveillant, être son propre contrôleur. Que chacun grandisse de toute sa responsabilité. C’est seulement dans le socialisme que prend son sens la parole du Réformateur mensongère dans sa bouche, concernant l’interprétation des Livres : que chacun soit son Pape !
Un jour, qui vint avec une vitesse foudroyante, Lénine ne fut plus là.
Il mourut le 21 janvier 1924, à cinquante quatre ans. Cela parut incroyable à tous les hommes qui jusque là l’entouraient étroitement (La mort nous force à croire à l’incroyable). Ils ne pouvaient se figurer qu’ils fussent abandonnés par celui qui incarnait toute la Révolution russe – celui qui l’avait portée dans sa tête, l’avait préparée, l’avait faite, l’avait sauvée. Lénine, un des plus grands conquérants de l’histoire, et, de haut et de loin le plus pur ; l’homme qui a, jusqu’ici, le plus fait pour les hommes.
« Quand le Parti fut orphelin de Lénine, quand il se demandait : que ferons-nous sans chef génial ?, la voix calme de Staline s’éleva pour dire qu’on triompherait des difficultés » (Kaganovitch).
Quelques jours après cette disparition de Lénine (qui amena un afflux massif d’adhésions d’ouvriers au Parti, comme si ces ouvriers, remarque et souligne Radek, « essayaient de compenser, par l’apport d’une multitude de cerveaux, le cerveau de génie qui avait cessé de créer »), Staline, dans une grande cérémonie, adressa au grand spectre familier du maître, au nom du Parti, un adieu qui prit les formes d’un serment : « Lénine en nous quittant, nous a laissé le devoir de tenir haut et garder pur le noble titre de membre du Parti communiste. Nous te jurons, camarade Lénine, d’accomplir avec honneur ta volonté ! ».
Depuis les premiers pas du pouvoir soviétique, Staline doublait Lénine, et il continua à le doubler quand il ne fut plus là.
Cela fut surtout parce que Lénine s’était depuis longtemps dédoublé lui-même dans le Parti. Il l’avait forgé lui-même, solidement, amplement, en détail, avec tous ses puissants points d’appui, son irrésistible mise en marche et en avait fait une machine productrice de direction. Dire que Lénine était irremplaçable était erroné, malgré la dimension surnaturelle de Lénine, à cause de la forme même du parti. Quand Lénine ne fut plus, la fonction fit sortir l’homme. C’est exactement le contre-pied de la transmission animale du pouvoir dynastique – qui a disloqué l’histoire pendant deux mille ans.
Alors apparut et se marqua l’ascension de Staline, l’accroissement considérable de son autorité, déjà considérable. Il fit de plus en plus figure de chef. Mais qu’on ne se trompe pas sur le sens de cet ascendant grandissant qu’exerça Staline, qu’on ne se lance pas à la légère dans les variations bien connues du thème du « pouvoir personnel » et de « la dictature ».
Il ne peut pas y avoir de dictature personnelle dans l’Internationale communiste et en URSS. Il ne peut pas y en avoir parce que le communisme et le régime se développent dans des cadres de doctrine extrêmement précis, dont les plus grands sont les serviteurs, et que le propre de la dictature, du pouvoir personnel, est d’imposer sa propre loi, son propre caprice, à l’encontre de la loi.
Il peut y avoir des interprétations diverses du marxisme surtout dans la réaction aux événements, et, à ce point de vue, une interprétation particulière, et même une tendance, peut prédominer à un moment donné, à la tête de l’Etat et de l’Internationale. Cette interprétation, cette tendance sont-elles bonnes ? La mise au point se fait toute seule et les directives s’avèrent justes ou fausses au contact des exigences logiques et de la suite des faits. Ce serait donc une illusion grossière de croire à une autorité, à une souveraineté individuelle, s’imposant dans ces grands organismes par des moyens artificiels comme des coups de force ou des intrigues (Le despote qui lorsque quelqu’un le gêne, fait signe au bourreau, comme les Califes des Mille et une nuits, ou aux assassins comme Mussolini).
Par des machinations, des tromperies, des corruptions, ou bien des opérations policières et des crimes, ou en faisant entrer des sbires dans des vestibules, des sections de soldats dans des salles de délibération, en allant tuer ses ennemis au lit, la nuit (et deux à la fois), on peut devenir et se maintenir roi, empereur, ou duce ou chancelier, - mais on ne peut pas avec ces moyens là devenir Secrétaire du Parti communiste.
Un homme comme Staline a été violemment combattu, et a violemment riposté. (Il a surtout, du reste, pris l’offensive). Oui ; mais toute cette rude discussion à rebondissement fut une lutte crûment éclairée, qui s’est déployé au vu et au su de tous, et dont tous les points ont été ressassés d’une façon retentissante. Grand procès public devant le jury et le peuple, non machination de palais.
En réalité, dans l’organisme socialiste, chacun prend normalement sa place, selon ce que chacun apporte de solide et de valable. C’est une sélection qui se fait toute seule par la force des choses. On domine dans la mesure où l’on comprend et où l’on concrétise l’irrésistible marxisme. « C’est tout simplement, dit Kroumine, par sa supériorité comme théoricien et par sa supériorité comme praticien, que Staline est devenu notre chef ». Il est le chef pour la même cause qui fait qu’il réussit : c’est parce qu’il a raison.
IL est vrai qu’il n’y a encore qu’un seul pays où les choses peuvent se passer ainsi – mais en juger différemment, c’est ne rien comprendre au régime soviétique. J’ai dit une fois à Staline : « Savez-vous qu’on vous considère en France comme un tyran qui n’en fait qu’à sa tête, et un tyran sanguinaire, par-dessus le marché ? » Il s’est jeté en arrière sur sa chaise, en proie à son gros et bon rire d’ouvrier travailleur.
Le dirigeant qui dispose, dans des plans qu’il superpose à l’Etat tout entier, du sort des populations diverses, est le même qui se considère comme « tenu de rendre des comptes » au premier camarade venu, et se déclare à chaque instant prêt à le faire.
Seule l’attitude exceptionnelle de Trotski, dont le rôle public avait été considérable à côté de Lénine, et qui avait tendance à se placer au-dessus du Comité Central, fit poser la question de « la direction » au XIVe congrès. A la personnalité débordante de Trotski, Staline opposa la communauté de la règle. IL déclara : « On ne peut pas diriger le Parti sans un collège. Il est absurde d’y renoncer. Après la disparition d’Ilitch, il est stupide d’en parler. Le travail en commun, la direction collective, l’unité du parti, l’unité dans les organes du comité central, avec comme condition, la subordination de la minorité à la majorité, voilà ce dont nous avons besoin aujourd’hui ».
Il n’y a pas très longtemps, Staline disait à un visiteur étranger, désireux comme tous les touristes intellectuels d’URSS d’examiner à la loupe cette question du pouvoir personnel dans l’Etat ouvrier et paysan (en clignant des yeux du côté de Staline) : « Non, on ne doit pas décider individuellement. Les décisions individuelles sont toujours ou presque toujours unilatérales. Dans tout collège, dans toute collectivité, il ya des personnes de l’avis desquelles il faut tenir compte. Dans tout collège, dans toute collectivité, il y a aussi des hommes qui pourront exprimer des opinions erronées. L’expérience de trois révolutions nous montre que sur cent décisions individuelles qui n’ont pas été vérifiées, corrigées collectivement , quatre vingt dix sont unilatérales (…) Il faut même élargir singulièrement encore cette conception du travail collectif pour la considérer telle qu’elle est : N’oublions pas l’énergie et l’esprit de suite avec lesquels Staline exige la coopération non seulement des représentants des masses, mais des masses elles-mêmes, à l’histoire soviétique en action…. »
Vous avez deviné : Henri Barbusse, « Staline, un monde nouveau vu à travers un homme », copyright Flammarion, 1935. (Pour l’URSS, exclusivité pour les Gosizdats de Moscou, Kharkov, Minsk, Tiflis, Bakou et Erivan). Printed in France. En récompense pour cet excellent cirage de pompe le pouvoir russe écoulait les livres de Barbusse par millions et lui filait des petites nanas pour le consoler des « seins flasques et tombant » de sa vieille épouse.
Manuel je te rends l’appareil ! Ah Ah Hi Hi Oh Oh Oh ! Hé oui, des vestiges staliniens existent encore. J’en ai rencontré dernièrement à Paris et en pays ch’ti. Faut les garder précieusement au chaud comme dernières momies du siècle passé, au moins ils ne sont pas à la mode eux !
C'est suffisamment rare pour être signalé : on peut écouter, à l'adresse suivante, une conférence audio de François Bochet sur la vie et l'œuvre de Bordiga:
RépondreSupprimerhttp://www.dantealighierilimoges.fr/culture/12-conferences/24-vie-et-uvre-damadeo-bordiga
Bonne continuation.
Un lecteur.
PS. je n'ai pas, pour le moment, les moyens de me procurer votre livre sur le maximalisme ; mais le cœur y est !
Si vous pouviez mettre en ligne quelques textes de Laugier (que vous m'avez fait découvrir), surtout ceux dirigés contre SouB, ce serait vraiment sympa. A bientôt.