(Pour les noms des correspondants de Bordiga se reporter à la somme biographique de Philippe Bourrinet: un siècle de Gauche communiste italienne). Et lire aussi sur le cas Ambrogi: http://maximalismarx.over-blog.com/2016/11/la-justification-sur-notre-point-de-vue-sur-la-fraction-1929.html
Les correspondances suivantes sont du plus haut intérêt pour comprendre le travail de construction de l'organisation révolutionnaire par nos ainés, plus précis et éclairant que le bla-bla externe des derniers résidus bordiguiens… sans parti. Comme quoi la police fasciste, elle, était mieux informée sur comment créer et développer une véritable organisation en "parti de classe" et pas en sectes comme les merdes trotskistes, néo-staliniennes (coordination communiste, PCF), écologistes et anarchistes. On notera l'humanité et la fraternité qui règnent dans la fraction italienne de l'Internationale en voie de dégénérescence stalinienne, une lumière exaltante du passé qui rend plus sombres et rédhibitoires nos petitesses et émiettements d'aujourd'hui.
Lettre de Bordiga à Ambrogi
Berlin, le 9 avril
1922
Très cher Ersilio,
Je suis ici depuis
quelques jours, car je suis venu pour la Conférence internationale à laquelle j’ai
assisté seul lors de la dernière journée.
Je déduis de ce
que Codevilla m’a dit que les décisions du Comité Exécutif n’ont pas été
communiquées là-bas de manière claire. En conséquence, je te fais connaître en
termes précis ce qui a été décidé, y compris du fait de la délibération du
Comité Central qui s’est réuni immédiatement après le Congrès.
Ton séjour là-bas
est provisoire, et ta charge permanente demeure celle de Berlin. Nous t’avons
invité à rester là-bas afin de ne pas laisser vacant le poste de notre
représentant durant une période importante.
Tu pourras revenir
à Berlin dès qu’un autre camarade sera arrivé. C’est Gramsci, qui doit être
déjà parti d’Italie, qui viendra te remplacer et qui arrivera là-bas au plus
tôt. Moi aussi j’irai … [un bout de phrase illisible]… pour une décision
définitive concernant les affaires italiennes.
Pour l’instant, je
vois que, en accord avec Umberto, vous avez fait venir ici le camarade C. J’ai
décidé que, dans l’attente d’une délibération définitive du Comité Exécutif, C.
restera ici et qu’il fera, jusqu’à ton arrivée, le travail que tu faisais
auparavant, et j’ai communiqué officiellement aux camarades d’ici qu’il est ton
remplaçant. Nous verrons par la suite s’il y a lieu qu’il reste après ta
venue.
J’ai traité avec
lui de diverses choses pratiques qui concernent votre tâche, et, à ton arrivée,
il te tiendra au courant de tout.
Je m’abstiens par
conséquent de m’étendre sur le sujet. Je te communique également que j’ai eu
une entrevue avec Rad. et Bac. au cours de laquelle nous avons défini
précisément ce qui précède pour ce qui concerne le voyage à Moscou, et, dans
l’attente de décisions officielles à propos de la tactique de notre parti,
nous avons eu un large échange d’idées en la matière.
Je repars d’ici
deux ou trois jours pour l’Italie. Avec les camarades qui sont ici, je te salue
cordialement.
Signé :
Amadeo Bordiga
P.S. : ce
serait bien que tu t’informes de manière détaillée sur le travail syndical à
mener ici. [Phrase illisible].
PROJET DE RÉORGANISATION DE L’EXÉCUTIF
Afin de mieux
s’acquitter de sa tâche, l’Exécutif se subdivise en un sous-secrétariat des commissions
permanentes, sous la dépendance desquelles des fonctionnaires sont rattachés.
Les sections sont
formées, non pas sur la base des nations ou des groupes de nations, mais sur la
base des questions ou des groupes de questions.
Leur travail
consiste à rassembler pour chaque pays (en imaginant au besoin les moyens les
plus appropriés) le plus grand nombre de données concernant la ou les questions
dont elles sont chargées, à contrôler à ce propos l’activité des partis, à
traiter le matériel recueilli, et à suggérer les meilleures propositions en vue
de l’action révolutionnaire du prolétariat.
Chaque membre des
sections devra recevoir la copie dûment traduite des rapports et des notes qui
parviendront de tous les pays, en ce qui concerne du moins ce qui constitue la
question traitée par sa section. Celle-ci élaborera ensuite des rapports
et des projets qui seront distribués en trois langues (français, anglais,
allemand) aux membres de l’Exécutif ; celui-ci sera appelé à en discuter
et à prendre des décisions définitives.
Dans chaque
section, pour autant que ce soit possible, il faudra prendre soin que le choix
des membres et des fonctionnaires soit effectué de manière à ce que les
différentes nationalités (latine, anglo-saxonne, allemande, slave) y soient
représentées et à ce que, pour les relations entre les membres du Bureau, la
traduction dans les deux sens soit possible pour le russe, le français,
l’anglais et l’allemand. Chaque section pourra, si c’est nécessaire, constituer
des sous-sections pour la distribution du travail. Chaque section s’occupera du
traitement de la correspondance et des dossiers relevant de sa compétence,
lesquels seront transmis, par l’intermédiaire du secrétariat général, au
Présidium ou un membre du Présidium, délégué par ce dernier, qui prendra
connaissance de tous les actes. De la même façon, toute la correspondance
arrive au secrétariat général lequel, après qu’elle a été [ ?], la
transmet aux sections compétentes.
Le Présidium est
chargé de l’exécution des délibérations… [illisible] …les actes du Présidium et
de l’Exécutif, comme également la correspondance, et toute sorte de document à
l’arrivée ou en partance. Ce bulletin sera transmis aux membres de l’Exécutif,
ainsi qu’aux Comités Centraux des Partis Communistes. En ce qui concerne la
publication, l’on fera une exception pour certaines questions relatives aux
sections VII et VIII qui seront présentées ci-après. En dehors de cette
exception, tout acte, lettre ou document, peur être examiné par tout membre de
l’Exécutif.
=====================
Des copies en
trois langues des rapports et des
documents les plus importants seront transmises dans un fichier spécial où
elles seront subdivisées et classées par nation. Seront transmises, également
en trois langues, par ce même fichier des copies des procès-verbaux, des
rapports et des délibérations, de l’Exécutif et du Présidium, en dehors des
exceptions susdites.
SECTION I
Cette section
étudiera les questions relatives à la politique et à l’économie mondiales,
particulièrement par rapport à la politique internationale
prolétarienne et à celle des États bourgeois. Elle rassemblera et traitera le
matériel relatif aux mouvements financiers, industriels et commerciaux, à la
production des États, à leurs exportations et leurs importations, avec un regard particulier sur
les marchés d’achat et de vente des produits et des matières premières, sur les
visées de conquêtes de nouveaux marchés, etc.
Elle en fera des
rapports périodiques et elle suggèrera par voie de conséquence les orientations
de la politique prolétarienne internationale.
Elle sera tout particulièrement assistée par les Bureaux de Berlin et de
Londres.
SECTION II
Cette section aura
le contrôle de l’activité des différentes sections de l’Internationale. Elle
recueillera le matériel relatif aux programmes, à l’activité et à la force, des
différents partis dans chaque État, de même que le matériel relatif aux
programmes... [illisible] … les différentes agitations dans leurs causes, dans
leur développement, dans leur solution, dans les éléments qui, directement ou
indirectement, ont fait sentir leur poids sur elles.
Elle comparera les
situations et les agitations des différents pays, etc., pour en déduire les
enseignements qu’elle concrétisera dans des rapports et des projets
SECTION III
L’on croit
nécessaire de créer des sections spéciales en vue de l’étude et des propositions
relatives à la situation en Russie, à la politique de l’État russe et des États
bourgeois à son égard, à l’activité du Parti Communiste Russe et des autres
partis communistes ainsi que du prolétariat international
en général vis-à-vis de l’État russe ; ces données constitueraient la mine
d’expériences la plus riche pour la révolution mondiale, ainsi que pour
l’intérêt particulier que l’Internationale porte à l’évolution de l’État russe
en tant que premier État prolétarien.
C'est de cette
section que dépendra le Comité International Communiste d’aide aux affamés
SECTION IV
De la même façon,
il sera créé une section spéciale en vue de l’étude et des propositions
relatives aux questions coloniales et orientales ; elle suivra la même
méthode de recueil et de traitement des données que les autres sections.
SECTION V
En raison de
l’intérêt particulier de la question qui découle des expériences de la Russie
soviétique, question qui a été insuffisamment étudiée jusqu’ici, et qui se
situe au premier plan d’une révolution et de la reconstruction sociale qui
s’ensuit, l’on constitue une section spéciale en vue de l’étude et des projets
relatifs à la question agraire et à l’orientation des Partis communistes à ce
propos.
SECTION VI
Si l’on suit les mêmes
méthodes de recueil et de traitement des données, cette section concerne…
[illisible] …un sous-secrétariat des femmes et des jeunes, qui doivent être
considérés comme faisant partie de cette section.
SECTION VII
Cette section est
d’un intérêt particulier étant donné qu’elle concerne le travail illégal des
sections et de l’Internationale. De nombreuses sections ont besoin de toute
l’aide et des prochaines initiatives de la part de l’Internationale. Il faut
contrôler scrupuleusement que ce travail
soit effectué par les Partis communistes. Il faut s’occuper des liaisons entre
les sections, et entre les sections et l’Internationale. Il faut contrôler
également que les sections prennent soin de manière interne de faire
communiquer les centres entre eux. Elles doivent avoir des organes de
recherche, du moins dans les principales institutions politiques et économiques
bourgeoises. Elles doivent créer des organes de sabotage en vue d’une guerre
éventuelle, etc. Il faut continuellement améliorer ce travail. L’importance
particulière de cette section suffit d’elle-même à caractériser la III°
Internationale.
SECTION VIII
Enfin, cette section concerne
l’administration des activités patrimoniales du Komintern, et la direction des
organes subsidiaires, selon les instructions données par l’Exécutif
=======================
NOTE
Les membres des
sections VII et VIII sont choisis directement par le Présidium parmi les membres
de [ ?] ; ils ne communiquent et ils ne délibèrent qu’avec celui-ci,
à l’exception des questions qui concernent les bureaux subsidiaires du
sous-secrétariat et qui sont de la compétence de l’Exécutif dans son ensemble.
Tout membre de
l’Exécutif peut faire partie de plusieurs sections. Avec la formation des
sections, les commissions existantes, qui ont des tâches analogues à celles des
sections, sont supprimées et elles remettent aux sections elles-mêmes le
matériel qu’elles ont rassemblé et le travail qu’elles ont effectué. L’on fera
en sorte que les éléments qui, dans les commissions, avaient spécialisé leur activité dans l’étude
de questions particulières, fassent partie des différentes sections.
Les secrétariats
anglo-américain, allemand, latin, des pays [ ?], ainsi que des États de
frontière, sont supprimés.
Lettre d’Ambrogi à Perrone
Moscou, le 7
septembre 1931
Très cher
Ottorino,
Le retard que j’ai
mis à vous écrire résulte de l’incertitude de la situation que je te résume
brièvement.
J’ai été reçu ici
très cordialement, malgré quelques difficultés qui, à mon avis, auraient pu
être évitées. Mais en première approche, il m’a semblé que les mêmes raisons
qui avaient déterminé mon départ en 1930 ne me permettraient pas de rester ici
actuellement. L’invitation à revenir m’aurait été faite en raison de ma
situation personnelle qui devenait de plus en plus dangereuse, ce en quoi je
dois être on ne peut plus reconnaissant : j’ai demandé néanmoins
l’autorisation de repartir dès que mes bagages seraient arrivés, et cette
autorisation m’a été promise. Il m’a été conseillé, toujours étant donné le
danger de ma situation, de laisser ici Liuba et Foresto, et j’ai fini par m’en
persuader. Les bagages qui ont été expédiés à petite vitesse jusqu’à la frontière
russe et de celle-ci ensuite à grande vitesse, ont subi un retard, et ils ont
été envoyés par-dessus le marché à petite vitesse à partir de la frontière
russe. Ce retard a permis au temps d’effectuer une clarification, à la suite de
laquelle je n’ai plus eu de raison d’insister pour mon départ. Il y a besoin
ici dans tous les domaines de gens pleins de bonne volonté, capables et
sûrs : j’assume sans discussion le premier et le troisième attribut, et
quant au deuxième, j’espère que l’expérience me confirmera que je ne dois pas
me considérer parmi les derniers. Et, indépendamment de l’estime que l’on me
déclare et de la solidarité personnelle, il faut aussi comprendre les motifs
qui, à juste titre, ne m’ont pas été présentés et qui, spécialement après ma
longue et infructueuse expérience à Berlin pour régulariser ma situation,
peuvent du moins en partie justifier le désir qui m’a été manifesté que je ne
m’expose pas à de nouveaux risques.
En ce qui concerne
le travail, l’on m’a accordé une certaine liberté de choix : mais le fait
que je ne possède pas la carte du Parti pour un travail qui aurait été à mon
goût m’a créé ou m’aurait presque certainement créé des difficultés par la
suite. L’on a résolu la question en me permettant un arrangement avec Ferruccio,
sans que je perde pour autant les contacts avec mes anciens compagnons de
travail : et cet arrangement me donne la possibilité d’effectuer un
travail très intéressant du point de vue purement politique et du point de vue
économique. J’aurais pu reprendre mon ancien travail ; mais celui que j’ai
choisi me place davantage au cœur de l’expérience russe. Et je partirai par
conséquent dans l’Oural.
Je suis convaincu que
vous approuverez mes actes qui sont strictement conformes à mon message chiffré
en provenance de Berlin et à ta réponse. Je vous prie de toute façon de m’en
donner confirmation. Il est superflu d’ajouter que, s’il n’y a plus de raison
de garder le secret sur ma résidence, il n’y a pas lieu de divulguer les
détails qui m’ont encouragé et qui ont rendu possible mon séjour ici, y compris
afin d’éviter que les officiels interviennent pour gêner nos rapports. Mon
séjour ici a surpris tout le monde : les grands conservent, du moins en
apparence, la réserve la plus absolue ; et, parmi les petits, l’on fait
courir les allusions les plus louches relatives au double jeu de l’hypocrite,
etc., et c’est pourquoi quelques petits que j’ai rencontrés par hasard tremblent
encore de la peur de s’être compromis à me saluer. Moi, je m’en fiche : et
du reste je n’approche habituellement que Trovatelli et la femme de
Verdaro : les autres amis sont tous absents d’ici.
Je vous exposerai
dans une autre lettre mes premières impressions sur la situation en
Russie : je veux seulement ajouter maintenant quelque chose sur nos
rapports et sur la question Verdaro.
Sur nos
rapports : la nouvelle la plus désagréable est que, du moins pour le
moment, est absolument exclue la possibilité d’une aide financière quelconque
de ma part étant donné les restrictions rigoureusement observées sur
l’exportation de devises. Quant à la correspondance et à la documentation en
général, vous vous servirez du chiffre uniquement dans des cas exceptionnels ou
si vous me donnez des informations, ainsi que je l’espère, sur des personnes ou
des choses de là-bas ; vous devez tout envoyer dans des lettres fermées et
si possible peu volumineuses, y compris les Bulletins et le journal qui
pourraient être imprimés, concernant la copie que vous m’envoyez, en papier fin
(et quant au chiffre : il est possible que je ne parvienne pas à expliquer
que le premier et le dernier chiffre du nombre indiquent toujours un nombre de
groupes de lettres, tandis que la deuxième – quand le nombre est de trois
chiffres – indique un nombre de lettres relatif au dernier groupe de lettres).
Ce serait mieux encore, mais je ne le crois pas indispensable, si vous faisiez
des lettres recommandées. Sauf instructions contraires de votre part, je me
servirai des adresses habituelles.
Le problème est
plus difficile en ce qui concerne la littérature, laquelle passe inévitablement
par le Glavlit. Je ne sais pas non plus s’il faut tenter des démarches
officielles qui seront presque certainement inutiles. Quoi qu’il en soit,
jusqu’à ce que je donne un avis différent, il faudra que vous commenciez par me
l’expédier sous enveloppe fermée. Ce qui m’intéresse habituellement de manière
spécifique, ce sont le bulletin russe et la revue française, les opuscules d’une
importance particulière, et ce que vous pensez être nécessaire au cas par cas.
Il s’agit évidemment d’une charge pour vous ; mais cela est indispensable
pour que je puisse reprendre ma collaboration, laquelle ne sera pas possible de
toute façon avant au moins un mois, c'est-à-dire avant mon installation dans
l’Oural où je compte faire un saut dans quelques jours pour m’y établir ensuite
définitivement à la fin du mois.
Quant à la
question de Verdaro : il s’agit d’un cas très difficile à résoudre étant
donné qu’en principe moi aussi je suis d’accord avec toi. Mais je considère que
même mon aide, bien que limitée, a échoué, et il semble qu’aurait échoué
également celle de Mario auquel, si vous m’envoyez son adresse, je pourrais
essayer de récrire. L’affaire se complique ensuite du fait du désir
compréhensible de lui et de sa compagne de se réunir. Il existe des
possibilités. L’on peut de toute façon espérer qu’il ne vienne pas à se
retrouver dépourvu du nécessaire pour vivre étant donné que ses exigences sont
très limitées. Sa compagne pourrait peut-être tirer quelques milliers de lires
de la maison : mais serait-il possible de les investir de manière
suffisamment rentable ? L’on ne peut pas attribuer une grande valeur à la
réponse de Verdaro à cette question : il serait intéressant de connaître
ton opinion et celle de camarades experts en la matière ; parce qu’il est
clair que, dans l’hypothèse où la famille d’Emilia serait disposée à débourser
une somme, il faudra d’abord se demander comment l’investir. Dans l’hypothèse
où l’une des questions exposées ci-dessus recevrait une réponse affirmative, je
suis cependant d’avis que Verdaro doit continuer à affronter les sacrifices qui
lui sont imposés par la situation là-bas. Mais s’il n’y a vraiment pas la moindre
possibilité, si les camarades ne sont pas à même de lui fournir l’aide minimale
suffisante ou, pire encore, si l’on ne considère pas nécessaire d’imposer
la solidarité nécessaire de la part des camarades qui, dans une plus ou moins
grande mesure, en ont la possibilité, il me semble exagéré d’exiger de lui le
renoncement à la seule porte de sortie quand celle-ci n’implique aucune
abdication. Si une telle solution est désagréable, il faut reconnaître que la
responsabilité en incombe non seulement à Verdaro, mais, au moins dans une
mesure égale, aux autres camarades : toujours est-il que Verdaro ne doit
pas, par paresse ou pour d’autres motifs, s’imputer à lui-même les difficultés
dans lesquelles il se trouve. Sauf que, la perspective de rentrer en Russie n’est
pas non plus aussi simple qu’il n’y paraît : quid de l’argent pour le
voyage et quid du temps nécessaire pour les démarches, certainement
interminables dans un cas comme le sien,
sans la certitude cependant que ces démarches aient une issue
favorable ? Le meilleur moyen serait certainement la venue d’Emilia,
laquelle pourrait peut-être, même plus facilement que Verdaro, trouver un
emploi, dactylographie, leçons ou autre : bref, il y a quand même quelques
possibilités ; si ce n’est pas le cas, cela ne fera qu’augmenter les
problèmes.
Je vous prie de
répondre tout de suite à cette lettre, sinon la vôtre sera certainement perdue,
à l’adresse suivante : Egisto Gentili – Grand Hôtel, chambre 410 – Place
de la Révolution. Vous attendrez ensuite
mon adresse dans l’Oural.
Saluts
communistes.
Ci-jointe une
lettre pour Farba.
L’adresse de
Landau est la suivante : Tempelhofer Ufer, 18, III (troisième étage), à
gauche, bei Rente, Berlin SW 61.
Le camarade
Müller, à l’adresse duquel vous envoyiez auparavant Prometeo et le bulletin
français, me prie, si ce n’est pas pour vous une charge excessive, de continuer
à les lui envoyer personnellement étant donné qu’il s’intéresse à notre
mouvement : il s’agit d’un camarade de bonne volonté, même s’il est assez
étrange.
Emilia vous salue,
mais elle n’écrit pas pour le moment dans l’attente de votre réponse et de
l’avis de Verdaro à la suite de cette lettre et de vos conclusions.
Lettre de Vercesi à Ambrogi
le 14 septembre 1932
Très cher Ersilio,
Je me suis réuni avec
les amis afin de discuter de ta lettre du 7 courant. Pour ce qui concerne ton
cas, nous sommes tombés d’accord pour considérer que la solution que tu nous
propose doit être acceptée. En effet, ta position particulière vis-à-vis des
autorités italiennes risquerait très probablement de compromettre toute
participation de ta part au mouvement. Nous comptons bien évidemment sur ton
attachement à la Fraction qui a été prouvé pour intervenir de manière assidue
et continue dans l’activité de cette dernière. Dès que nous serons en
possession de ton adresse, nous effectuerons pour toi le même service que nous
devrons organiser pour les camarades de là-bas.
Tu tiens compte
également du problème financier qui risque d’interrompre notre travail, et nous
te faisons confiance pour trouver le moyen qui te permettra de participer aux
dépenses que nous rencontrons.
Quoi de
neuf ? Une proposition de Gourov (l’on dit qu’il s’agit certainement de
Léon) en vue d’organiser une Conférence internationale sur la base des 4 premiers
Congrès, avec le codicille de l’acceptation préalable des mots d’ordre
démocratiques et du front unique entre les partis, et avec la condition
expresse de notre non-participation. Nous avons répondu par un autre document
dans lequel nous mettons en évidence l’énormité de l’affaire, et où nous
revendiquons naturellement le droit de défendre nos points de vue. Pendant ce
temps, nouvelles scissions. Treint a constitué un autre groupe et Rosmer a fait
paraître son propre périodique. D’autres éléments en France se préparent encore
à créer un autre groupe. L’on insiste de toutes parts en faveur de la
réalisation de ton projet. Nous te tiendrons évidemment au courant de la
tournure que les choses prendront ; nous agirons avec beaucoup de
prudence, sans pour cela laisser s’accomplir la manœuvre consistant à nous
isoler.
Nouvelles sombres
en provenance de là-bas. Famine et misère. Nous espérons avoir des indications précises,
et il semble que, sur la question Léon (Trotski, ndt), ils ont indiqué une position qui va
dans le sens de nos conclusions.
Notre bulletin en
français paraîtra ces jours-ci. Nous ne publions pas ta première attaque
dirigée contre le front unique afin de ne pas devoir ensuite sauter la
publication de la seconde attaque. Dès que nous serons en possession de la
seconde attaque, nous publierons la première.
Tout va bien pour
Müller.
Concernant
Virgilio. Nous avons discuté. Il faut exclure absolument son départ. Nous avons
un besoin urgent de lui, surtout que le contact immédiat avec toi a maintenant
échoué. Il faudra évidemment accélérer les démarches en vue de la venue de sa
compagne. Il sera possible de lui trouver une forme d’activité étant donné que,
comme le dit Virgilio, sa compagne est très active. Il n’est pas exclu que,
dans l’activité de Barba qui semble ne pas mal aller, l’on puisse trouver un
angle pour eux. En outre, pour une dactylo qui connaît le français, il
n'est pas impossible de trouver du travail, au moins pour compléter l’autre
activité, si celle-ci ne devait pas suffire. Virgilio écrit dans ce sens à sa
compagne. Ce que je te recommande, c’est d’accélérer les démarches afin que
l’on puisse remettre Virgilio en selle.
Un camarade qui
nous est proche, Calligaris, doit se trouver là-bas à l’adresse suivante :
Casella Postale 455 Sicilia Mosca (2). Il doit être dans un sanatorium. Vois
s’il est possible de le retrouver.
Nous écrirons à
Landau.
Nous attendons de
toi des informations systématiques sur la situation de là-bas.
Nous pouvons
t’expédier le bulletin russe directement à ta nouvelle adresse. Nous attendons
de la connaître pour t’envoyer le numéro que nous avons déjà.
Dans l’attente
d’une réponse rapide de ta part, reçois, avec les tiens, une embrassade
fraternelle.
Signé :
illisible
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