« Avant moi, la France était coupée en
deux. Maintenant elle sera pliée en quatre ». Coluche
« La
manière dont on conquiert le pouvoir n’est jamais indépendante de la manière
dont on l’exerce ». Alain Bergougnioux (Les socialistes, idées reçues
2010)
Nous pouvons
affirmer, sans grand risque de nous tromper, que le militant de l’UMP en France
est, après le militant PS et le militant gauchiste, l’être le plus
universellement méprisé. Si les raisons pour lesquelles on le méprise sont
souvent de fausses raisons qui relèvent de sa place sociale intermédiaire ou
gériatrique, les raisons pour lesquelles il est effectivement méprisable et
méprisé du point de vue de la critique révolutionnaire sont refoulées et
inavouées. Les tenants de la fausse démocratie participative savent pourtant
les reconnaître, et s’y reconnaître. Ils inversent ce vrai mépris en une
admiration complaisante. Ainsi l’impuissante presse démocratique (de Libération
au Figaro) s’est pâmée devant le prétendu « référendum pour revoter à
l’UMP », et les organisations bureaucratiques effectivement déclinantes
(du parti gouvernemental hollandais aux clans écologistes) se disputent
jalousement son ressourcement démocratique en opposition. Nous montrerons les
raisons de cet intérêt pour un parti de droite décomposé, et comment elles
participent positivement à la décomposition dominante du personnel politique
bourgeois, et nous emploierons cette contribution à les dénoncer une à
une : la guerre des chefs ne suit pas d’autre chemin que celui des partis
staliniens moribonds.
Pardonnez-moi ce pastiche de
l’excellente « Misère en milieu étudiant » des situationnistes, mais
par les mœurs bourgeoises invraisemblables qui courent, qui pourrait me
reprocher de « détourner » vers le parti de l’hilarité face à
la débâcle annoncée (et à retardement) de la faction de droite bourgeoise? Trucages
et autres tricheries du scrutin d’élection de la bande à Copé avec leur COCOE,
ont déclenché une vaste hilarité, pour ne pas dire pitié, sur la planète web
pour ces drôles de cocos. Même le psychiatre Jacques-Alain Miller, gendre et
fils peu spirituel de Lacan n’y comprend que pouic avec ses analyses cucul la
praline de la crise de cette aile bourgeoise avec ses gourous out, de l’has been
Sarkozy fossoyeur de sa propre bande d’unijambistes au corrézien Chirac gaga.
Plus scandaleux, personne
n’a évoqué la qualité des « militants » de l’UMP, ce parti
oligarchique néo-fasciste où l’activiste de base est plus méprisé que les
confrères de chez l’ennemi socialiste caviar. Roulés dans la farine du gang du
pitt bull Copé, le militancier a cru qu’on le ferait voter dans un référendum
sur le référendum pour voter manipulé une nouvelle fois dans la guerre des
chefs auto-désignés. Quoique je dusse avouer que le statut de militancier de
droite m’a toujours fait ricaner. Militant de gauche quand le parti
oligarchique d’obédience n’est pas au pouvoir, d’extrême gauche
islamo-démocratique en perpétuelle utopie, et même militant « facho »
déshérité je peux comprendre, ceux-là sont les éternels cocus du pouvoir
bourgeois, mais militancier des partis gouvernementaux traditionnels !
Pufff… Le militancier de droite n’est qu’un vulgaire électeur de base qui va
régulièrement applaudir des caïds parlementaires en chaire et en palabres
d’estrade et discuter niveau pinaillerie de bistrot. La décision
« démocratique » de ces spectateurs impuissants n’est que la
girouette des arrangements numériques frauduleux des appareils. Que le pitt
bull Copé magouille sans vergogne et à tour de bras avec son clan pour emporter
le pompon n’est pas plus choquant que les militanciers du PS qui vont
pétitionner dans les foyers Sonacotra pour gonfler les chiffres de leurs
tendances[1],
et les congrès de bagarres sordides de clan dans ce parti bourgeois. Les
trucages dans les partis oligarchiques ne sont que le pâle reflet des trucages
sondagiers et des élections à coup de pognon « républicain ». Les
karachigates et kadhafigates des Sarkozy, Copé et compagnie n’ont rien à envier
aux diamants de Giscard et aux fonds secrets de Mitterrand.
De quoi est donc composée
l’espèce des électeurs et militanciers UMP ? De prolétaires ?
Sûrement pas. Selon les enquêtes pour étudiants de Sciences Po la gâteuse, la
majorité des électeurs des partis gouvernementaux est composée des vieux des
plus de 65 balais quand leurs rivaux papy-boomers sont hollandistes-écolos et
quadras mitoyens enseignants et syndicalistes. Les vieux militanciers se
bougent le cul seulement le dimanche pour la foire électorale et s’imaginent
héros de la conservation du droit d’exploiter citoyennement en toute impunité.
La capacité des vieux cadres à voter même avec un déambulatoire peut
s’amenuiser avec la « dérive » conservatrice observée avec l’âge.
Les jeunes, souvent étudiants ou chômeurs, et les ouvriers sans diplômes
restent de dangereux terroristes potentiels qui restent résolument sous la
couette lors du dimanche électoral ringard. Plus on est riche, chef d’entre,
plus on est petit com, petit plouc, plus on est catho, xeno ou islamo, plus on
vote à droite. La dérive cacochyme envoie un certain nombre des chaises
roulantes du côté du FN, ce qui fausse le résultat, c’est toujours un cortège
soumis au parti gouvernemental de droite classiquement libérale et
néo-stalinienne (front national républicain) ; les grabataires citoyens
confortent la dite « dérive droitière » de la rive droite, dite ligne
Hortefeux-Buisson-Copé.
A ce stade de notre
raisonnement sur le règlement de comptes à UMP Corral, il nous faut expliquer
ici aux observateurs ignares de l’étranger que la France, pardon la bourgeoisie
française est restée historiquement la plus plouc du monde. Défaut congénital,
le capitalisme français est toujours resté marqué à la culotte par son
arriération, son retard dans l’industrialisation du vieux monde européen,
d’abord une paysannerie longuette à mourir, puis prolongée dans son
individualisme primitif par une masse de couches moyennes. Depuis Napoléon le
petit, la parvenue au pouvoir des partis oligarchiques n’a été qu’une série de
putsch de l’élite, violant allègrement la foule. Ce brouillon de Le Bon avait
tout anticipé sur la décadence des XXe et XXIe siècle : « Le mot
foule ne recouvre pas, chez Le Bon, un état sociologiquement ou numériquement
défini. Par foule, il entend les attroupements et meetings populaires occupant
la place publique mais également toute assemblée, collectivité ou réunion
regroupant, durant un laps de temps quelconque, un certain nombre d’individus
Ainsi les jurys et les cours d’assise, les conseils d’administration
peuvent-ils être assimilés à des foules psychologiques. Les assemblées
parlementaires ne font pas exception à la règle, elles possèdent les
caractéristiques générale des foules : influence prépondérante des
meneurs, soumission au prestige et à l’autorité, simplisme des idées,
versatilité, suggestibilité, etc. Le corps électoral peut également, dans
l’optique lebonienne, être amalgamé à une foule : une foule d’électeurs.
Feraient également foules – et foules pouvant devenir incontrôlables – les
militaires prompts à fomenter un coup d’Etat)[2],
les manifestants politiques (prompts à se métamorphoser en émeutiers), les
croyants (prompts à verser dans le fanatisme. Aujourd’hui, Le Bon pourrait
ajouter à cette liste les actionnaires, les supporters de football ou toute
autre manifestation sportive, les festivaliers, les participants à une skin
party, une rave ou un apéro géant, les usagers d’un transport en commun, les
membres d’une secte, un flot de touristes ou d’automobilistes, les rescapés
d’un séisme, les téléspectateurs (…) les internautes, les membres des réseaux
sociaux (…) Pour le publiciste moderne, toute foule est un marché potentiel, un
créneau – un public »[3].
La petite bourgeoisie
hétérogène a toujours été le talon d’Achille de la haute bourgeoisie en France.
Le gaullisme, transfiguré, sublimé, décati, amoindri, défiguré ou relooké en
reste le principal avatar moderne. Un certain Estrosi, calife de Nice et
fillionniste s’inquiétait déjà au mois d’août dernier des ressacs de la vague
présidentielle sur le navire UMP. La "guerre"Copé-Fillon qui faisait rage depuis plus d'une semaine estivale allait-elle déboucher
sur une explosion de l'UMP ? L'Histoire, cette cyclothymique, pouvait
faire mentir ce pronostic : depuis les années 70 et l'après-De Gaulle, les
conflits internes ont été nombreux dans la droite caviar, mais n'ont jamais conduit à la fin du
parti majoritaire de la droite gouvernementale historique (et hystérique) en
France.
LA GAULLISME
INCREVABLE ?
Rapide survol des tentatives
de désacralisation du gaullisme petit bourgeois. La grande bourgeoisie
française néo-féodale s’était encanaillée dans le pétainisme quand une aile croupion
et rabougrie de type petite bourgeoise, autour d’un général arriviste réfugié
en Angleterre, ralliant l’aristocratie stalinienne autant que petits
commerçants et artisans, lui sauvèrent la mise à la Libération. De Gaulle avait
su finalement calmer pendant une décennie la noria des rats politiques qui
infestent le règne de la bourgeoisie française depuis l’écrasement de la
Commune de 1871. Les rats ont fini par éjecter du navire le sauveur
charismatique d’un Etat modernisé. Avec les premiers tressaillements de la
crise économique dont mai 68 a été le coup de pied de l’âne, les rats sont
revenus avec le valet pro-américain Pompidou puis le féodal Giscard d’Estaing.
Tout le reste suivant n’est que querelles incessantes entre rats du pouvoir.
Dès la mort de Georges Pompidou, l'ancien Premier
ministre Jacques Chaban-Delmas annonce sa candidature à l'Elysée. Mais Valéry
Giscard-d'Estaing, alors ministre desFinances, a lui aussi des ambitions
présidentielles. Jacques Chirac torpille aussitôt les prétentions du chevaleresque maire de Bordeaux, médaillé
de la résistance, il lance "l'appel des43", un manifeste de quatre
ministres UDR et 39 députés de la majorité qui exige retrait de tous les
candidats, mais qui vise surtout à écarter le naïf Chaban-Delmas, dont la
campagne va petit à petit s'effondrer. Le nouveau parti de Chirac s’affirme comme
« parti paysan » autant que « parti de l’indépendance
nationale ».
A son élection en 1974, Giscard d'Estaing,
représentant du grand Capital est obligé de nommer le chef des paysans Jacques
Chirac Premier ministre, sous le prétexte officiel de lui avoir permis de
gagner en éliminant un gaulliste
historique de son propre clan. La collaboration tourne au vinaigre. En 1976,
Jacques Chirac claque la porte. Il ne dispose pas selon lui "des
moyens nécessaires". Plus qu’une rivalité entre ces deux rats du pouvoir,
c’est d’une compétition entre la France paysanne et un libéralisme américanisé
qui reste la toile de fond de la compétition personnalisée par les médias. Chirac
trahit effectivement son allié de la veille permettant l’élection de Mitterrand
le petit. Pour la prolongation de la petite histoire mythifiée on note que les deux
anciens présidents continuent de régler
leurs comptes par interviews et livres interposés. Je me permets ici
un long intermède révélateur de la plus longue haine entre deux rats du pouvoir
sous la Vème République.
LA RIVALITE DE DEUX CLANS DU CAPITAL MASQUEE SOUS
CELLE DE DEUX DE LEURS CHAMPIONS
Interrogé au sujet d’Omar
Bongo sur Europe 1,
l’ancien président de la République « Mémoires », tome 3) VGE,
l’air de rien, n’a pas hésité à balancer Jacques Chirac :
« Normalement on n’accepte pas des financements étrangers mais j’ai appris
que Jacques Chirac, mon concurrent, avait reçu des fonds d’Omar Bongo. Je lui
ai alors téléphoné pour obtenir des explications : “Ah, vous le savez”,
s’était-il simplement étonné». Dans ses « Mémoires », Giscard raconte
avoir téléphoné au QG de campagne gaulliste en se faisant passer pour un
militant RPR. Il demande alors pour qui le RPR appelle à voter. On lui
répond : « Il ne faut pas voter Giscard. Il faut voter
Mitterrand. » Il ne pardonnera jamais. Chirac promettait à qui voulait
l’entendre que ce Giscard avec son langage fleuri de chef paysan : « il
faut lui couler du béton dans les veines » (confession de Raymond Barre à
l’Express). Giscard ne démord pas de sa haine contre son successeur, en 2007
il écrit : « Chirac a « faim de pouvoir », il a
un « désir fanatique d’accéder à la présidence de la République », un
« caractère clanique » et « n’admet pas que le pouvoir puisse
être exercé par d’autres que les membres de son clan »[4].
L'opposition entre le président Valéry Giscard d'Estaing et son ancien Premier
ministre Jacques Chirac déchire la droite lors des élections
municipales de 1977, particulièrement au cours de ce que l'on a
appelé la « bataille
de Paris ». Cette année-là, pour la première fois depuis 1871, les
Parisiens élisent leur maire. Cette fonction avait été supprimée pour ne pas
donner à son détenteur un poids disproportionné dans la politique nationale,
étant donné l'importance de la capitale dans un pays centralisé
comme la France. Michel d'Ornano,
ministre de l'Industrie, se porte candidat, adoubé par le Président. Jacques Chirac, bien qu'élu en Corrèze, se
présente également au nom du RPR. Le combat électoral parisien entre les deux
composantes de la droite est féroce et éclipse les autres élections municipales
qui voient une progression de la gauche. Jacques Chirac l'emporte nettement au
second tour dans un capitale déjà inféodée aux couches moyennes. La virulence
de la campagne au sein de la droite laisse envisager une rupture
irrévocable : néanmoins, les élus des listes d'Ornano votent pour Jacques
Chirac au conseil municipal.
En devenant maire de Paris,
ce dernier s'empare d'un bastion renforçant sa stature nationale et servant ses
plus hautes ambitions politiques. Les élections
européennes de 1979 sont de nouveau l'occasion de révéler la ligne
de fracture à l'intérieur de la majorité. Le 6 décembre 1978, depuis l'hôpital Cochin où il a été admis à la suite d'un
accident de voiture, Jacques Chirac lance un appel aux accents nationalistes, implicitement très critique envers
le Président, baptisé « appel de Cochin ». Dans ce texte, rédigé par
son conseiller Pierre Juillet,
le président du RPR met en garde contre « l'asservissement » et
« l'effacement » de la France, et contre « le parti de
l'étranger ». En juin 1979, la liste UDF menée par Simone Veil (27,61 %) devance largement la
liste RPR conduite par Jacques Chirac (16,31 %). Prenant acte de
l'inefficacité voire de l'effet contre-productif de l'appel de Cochin, le maire
de Paris se sépare alors de ses conseillers et mentors Pierre Juillet et Marie-France Garaud.
Il s'entoure d'une nouvelle équipe, comprenant notamment Alain Juppé et Jean Tiberi. Jusqu'à l'élection présidentielle, le
RPR maintient une ligne hostile vis-à-vis du président sans pour autant se
désolidariser complètement de l'action de son gouvernement. La fin du septennat
de Valéry Giscard d'Estaing est marquée par plusieurs affaires qui contribuent
à entretenir un climat délétère, et dont personne n’a révélé qu’elle est
orchestrée par le clan gaulliste. Au cours de son mandat, trois hommes
politiques importants trouvent la mort brutalement. Le 24 décembre 1976, Jean de Broglie, ancien négociateur des accords d'Évian
et ancien secrétaire d'État, est abattu dans une rue de Paris. Le 30 octobre
1979, Robert Boulin, vétéran des gouvernements depuis De
Gaulle, ministre du Travail en exercice de plus en plus cité comme un Premier
ministre potentiel, est retrouvé inanimé dans un étang. Officiellement, il
s'est suicidé, ne supportant pas de voir son intégrité remise en question par
une transaction immobilière irrégulière, mais les circonstances exactes
entourant ce drame sont restées troubles
même si la famille du « suicidé » suspecte la bande à Pasqua. Le 1er
février 1980, l'ancien ministre Joseph Fontanet est assassiné, un crime resté lui
aussi non élucidé à ce jour. Ces événements feront dire au sénateur de droite Pierre Marcilhacy, dans Le Matin de Paris du 29
octobre 1980 : « On meurt beaucoup et beaucoup trop mystérieusement
sous la Ve République,
et je n'aime pas ça». Le 3 octobre 1980, l'attentat de la rue
Copernic, devant une synagogue de
Paris, coûte la vie à quatre personnes. Tout d'abord revendiqué par un
groupuscule d'extrême droite,
il suscite le défilé, quatre jours plus tard, de 200 000
manifestants à Paris, protestant contre la résurgence de l'antisémitisme. L'enquête déterminera plus tard que
l'attentat était en fait d'origine moyen-orientale. La première impression d'un
climat d'intolérance antisémite demeure néanmoins, d'autant plus que le Premier
ministre a employé une phrase très maladroite lorsqu'il s'est exprimé au sujet
de l'attentat, déplorant la mort de « Français innocents », semblant
implicitement signifier que les juifs tués ne l'étaient pas. Le clan
à Giscard traîne de toute manière une vieille réputation de lignée politique
pétainiste tout en restant inféodé à la bourgeoisie US. L'affaire impliquant le
plus directement l’arrogant Giscard est l'affaire des diamants.
Elle découle de l'intervention à Bangui
des parachutistes
de l'armée française le 21 septembre 1979, qui s'est conclue par la déposition
du président de la République
centrafricaine, Jean-Bedel Bokassa,
nécessitée par les frasques dispendieuses et sanglantes du dictateur et son rapprochement
avec la Libye de Khadafi. Le 10 octobre 1979, Le
Canard enchaîné publie un document prouvant que Bokassa a offert une
plaquette de diamants à Valéry Giscard d'Estaing,
alors ministre des Finances. L'authenticité du document demeure douteuse, et
l'évident désir de vengeance de Bokassa n'y est pas pour rien, il n'en demeure
pas moins que ce scandale révèle une complicité passée bien réelle entre les
deux hommes, et les liens troubles entre la présidence et les pays africains dans la zone d'influence française,
mais aussi la continuité de la « françafrique » maintenue par les
Mitterrand et Chirac, et Sarkozy et Hollande... Le président décide de répondre
par le mépris et le silence, mais cette affaire le suivra durant la campagne
présidentielle de 1981, et l'affiche collée par le Parti socialiste, sur
laquelle figure le président avec des diamants incrustés dans les yeux, signera
sa stigmatisation comme « ennemi des pauvres ». Son meilleur ennemi,
plutôt familier des bonnes blagues et des conversations bon enfant, n'aura
jamais ce genre de préoccupations. "Chirac, on peut lui rendre visite pour
discuter de tout, alors qu'il faut une bonne raison pour déranger
Giscard", rapporte un ministre. "Giscard reste brillant intellectuellement,
mais méchant, ajoute un autre. Chirac est plus fatigué, mais gentil avec tout
le monde. Quand vous êtes au restaurant avec lui, c'est l'émeute. Personne ne
viendrait serrer la main de Giscard ». Seule une femme a réussi à
les mettre d'accord : Rachida Dati. L'un comme l'autre ne sont pas avares de
gestes à l'endroit de l'ex-garde des Sceaux. Giscard met à sa disposition son
réseau économique et lui a suggéré de créer sa société de conseil. "Il en
a trouvé le nom", glisse la nouvelle eurodéputée. Chirac lui donne ses
avis sur Paris. "Il me considère comme un animal politique",
dit-elle. A un élu qui lui indiquait que Rachida Dati soignait ses relations
avec Valéry Giscard d'Estaing autant qu'avec son mari, Bernadette Chirac fit
cette remarque : "Que voulez-vous, les vieillards, ça les émoustille
!"Les 2 vieillards ne passeront pas à la postérité pour leurs écrits sans
intérêt, grandiloquents et vaniteux. Par contre ils seront plus tard de ceux
dont on subodorera qu'ils remplissent une case de l'histoire vacharde et
pipolisée, mais dont on aura oublié les tenants et aboutissants.
LA HAINE COMME CONSCIENCE DE CLASSE
Le même scénario de combat de chefs du même
marigo se reproduit en 1993 lorsque Mitterrand nomme Balladur premier ministre,
à la place du chef du RPR Chirac qui a préféré envoyer à Matignon son "ami
de 30 ans" Edouard Balladur. Mais en janvier1995, Edouard Balladur déclare
sa candidature à la présidentielle. S'ensuit une guerre entre chiraquiens et
balladuriens (parmi eux Nicolas Sarkozy, qui sera l'un des soutiens les plus
actifs du pontifiant libéral). Malgré un début de gâtisme, Chirac, comme lors
de sa trahison de Giscard, ne soutiendra pas « l’américain Sarkozy »
lors de son élection et ne cachera pas sa sympathie pour l’autre corrézien
Hollande. La fine fleur du gaullisme ne baissera pas la garde avec la mise en
scène du conflit entre le sémillant de Villepin, à l’allure empanachée le
temps d’un discours à l’ONU, lors de l’affaire Clearstream. La rivalité entre
les rats du pouvoir éclatera au grand jour en 2007 en prévision de la
compétition présidentielle de 2012. Le clan Sarkozy assure que Dominique de
Villepin a voulu détruire politiquement son rival quand on apprend que Nicolas
Sarkozy a promis de le "pendre à un croc de boucher". Sans
que l’affaire soit éclaircie, le noble gaulliste Villepin rendra les lames et
les larmes.
Chirac aura donc connu sa
traversée du désert, abandonné par la plupart des caciques dits encore
gaullistes. Les préférences du « corps électoral » masochiste se
traduisent à l’époque en rapports de forces électoraux toujours favorables à
Balladur. Les primaires sont sans appel: 59% du peuple de droite voit dans le
Premier ministre de Mitterrand le meilleur candidat, contre 18% pour Jacques
Chirac, 8% pour Charles Pasqua et 7% pour Valéry Giscard d'Estaing. Ce tiercé
gagnant est purement RPR. Dans une classique hypothèse de vote du premier tour
où il affronterait VGE et Rocard, Balladur frisait, avec 49% des suffrages,
l'élection immédiate. Dans le même cas de figure, Chirac ne réunissait
"que" 36% des votes. Au second tour, l'assurance tous risques par
rapport à la gauche s'appelle Balladur. Chirac, qui gagne facilement devant
Rocard, trébuche devant Delors: 26% des sympathisants de droite préfèrent le
patron de la Commission européenne au maire de Paris. Jacques Chirac apparaît
comme plus proche et plus « sympathique », peut-être en partie grâce
à l'influence (débattue) des Guignols de l'info qui lui prêtent un slogan de campagne
décalé : « Mangez des pommes ». Plus fondamentalement, le thème
de la fracture sociale, inspiré par Henri
Guaino (qui
deviendra ultérieurement la « plume » de l’américain Sarkozy), lui donne un angle d'attaque
contre le bilan du Premier ministre. Trop hautain ou plutôt trop libéral pro-US
l’image de Balladur s’effondre face à la France paysanne moyennisée[5].
DANS LA GAUCHE BOURGEOISE UN
SIMPLE COMBAT DE CHEFS ?
La gauche arrive au pouvoir
en France en général par défaut. Avec une classe ouvrière tardivement
constituée dans les années 1930 et longtemps encore minoritaire face à la
paysannerie et à son parti gaulliste, elle fait de cours séjour seulement dans
les moments graves, à la veille de la guerre mondiale, pendant la guerre
d’Algérie où elle est le bouche trou sécuritaire de la bourgeoisie.
Paradoxalement elle ne l’emporte pas juste après 1968 et ne revient au pouvoir
qu’accidentellement à cause de la crise économique plus que des diamants de
Bokassa. Elle est tolérée comme gestionnaire centraliste provisoire de l’Etat
face à la droite financière et gangstériste. L’usure historique de cette droite
néo-colonialiste et agraire est telle que la gauche bourgeoise pourra garder
alternativement le pouvoir 15 ans avec Mitterrand puis une paire d’années avec
l’ex-trotskien Jospin qui aura un gadget plus sérieux que le mariage des
homosexuels pour se différencier de la droite caviar : les 35 heures,
dernière concession du Capital à la menace ouvrière, plus trade-unioniste hélas
qu’insurrectionnaliste et organisée en parti.
Il n’y eût pas confrontation directe entre
Mitterrand et Defferre. En 1969, après le référendum perdu par le Général de
Gaulle, démissionnaire, Gaston Defferre, brillant politicien et as de la
magouille, était encore amer de sa tentative ratée de 1965, même s'il avait
considéré le score de François Mitterrand au deuxième tour – 45 % – très
honorable voire inespéré. Il avait d'ailleurs très largement soutenu le
candidat unique de la gauche va-t-en guerre qui, contrairement à Guy Mollet, ne
s'était jamais montré hostile à son égard. Mais quatre ans plus tard,
Mitterrand s'est quelque peu discrédité depuis Mai 68 et ne bénéficiait plus du
soutien de Mollet et des socialistes. La voie semble donc libre pour Defferre
qui, sans perdre un instant, se déclare candidat dès le lendemain du référendum
perdu par de Gaulle. Croyant profiter des déchirements socialistes, il annonce
dès le 15 mai qu'il constitue un tandem avec Pierre Mendès France et que ce
dernier, fort populaire dans l'électorat de gauche, sera son Premier ministre
en cas de victoire. Suscitant plus de questions que d'enthousiasme, cette idée
tombera à plat et témoigne que Defferre n'avait pas véritablement intégré la
dimension personnelle de l'élection présidentielle. “Le soir du dimanche 1er
juin, le verdict tombe, et il est accablant : « Cinq pour cent »
! Jamais, au XXe siècle, le deuxième principal parti de la gauche bourgeoise
n'était tombé si bas. Dès lors, Defferre assume cet échec et se résigne à la
stratégie de François Mitterrand qui, dès 1971 au congrès d'Epinay, prend le
contrôle du PS et impose sa stratégie d'alliance avec le parti stalinien encore
prégnant. Bien que réservé sur le plan politique par une entente cordiale et
gouvernementale avec le PCF, le maire de Marseille acceptera sa place de second
couteau de Mitterrand ; en 1974 puis en 1981 lors de la victoire de la
gauche après 23 ans d'opposition. Defferre sera récompensé de son retrait en
étant nominé ministre de l’Intérieur.
C’est tout autre chose avec Michel
Rocard, quand en novembre 1998, il avait provoqué l’indignation de ses camarades de l’oligarchie socialiste pour
avoir confié, dans un numéro spécial de "La Revue de droit public",
que : "Mon vrai problème, c’était que Mitterrand n’était pas un honnête
homme", oubliant que Mitterrand lui rendait la pareille ; alors qu’il
était le gourou chef du PSU, Rocard, gauchiste en paroles, n’avait jamais cessé
de débiner le futur dieu de la gauche caviar et bobo.
Au Parti socialiste, la position de François Mitterrand, premier secrétaire depuis 1971, avait
fragilisée par la double défaite de la gauche, à l'élection présidentielle en 1974, et aux élections législatives de 1978. Contesté en interne, en
particulier par Rocard, Mitterrand conservait cependant la maîtrise du parti, bien qu'il
puisse sembler, à bien des égards, être un « homme du passé », comme
lui avait cruellement dit Valéry Giscard d'Estaing lors du débat télévisé de la
présidentielle en 1974. Candidat battu en 1965 et en 1974, plusieurs fois
ministre important sous la IVe République, il n’était pas qualifié que
par Rocard de manipulateur « florentin »…
INTERMEDE COLUCHIEN :
un avatar de la petite bourgeoisie anarchiste
Coluche, déclare, le 30 octobre 1980, qu'il va se présenter à l'élection présidentielle.
Il n'est pas le premier humoriste à faire cette démarche. En 1965,
Pierre Dac avait annoncé sa candidature, ce qui
lui avait donné l'occasion de pasticher les discours des hommes politiques de
son temps, avant de se retirer, à la demande d'un conseiller du général de Gaulle. Accompagné par sa bande et en
particulier le cinéaste Romain Goupil
et le gauchiste parvenu Maurice Najman,
Coluche anime la précampagne, avec des slogans tels que : ou encore
« Tous ensemble pour leur foutre au cul avec Coluche. Le seul candidat qui
n'a aucune raison de vous mentir ! ». Coluche était soutenu par le
prince des ploucs Gérard Nicoud,
de la CIDUNATI (syndicat de commerçants et d'artisans),
par l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo, et des intellectuels
tels que Gilles Deleuze,
Pierre Bourdieu, Felix Guattari, Maurice Nadeau, et Jean-Pierre Faye. Il était crédité de 10 à
12,5 % d'intentions de vote en novembre à la grande surprise de l'intéressé. Les
intentions de vote culminent jusqu'à 16 %
d'après un sondage paru dans le Journal
du dimanche en décembre. Mais les candidats les plus importants,
hormis Georges Marchais ne sont pas encore entrés en compétition, et sa
candidature meuble en quelque sorte une précampagne morne. Cependant, les
autorités s'inquiètent du succès populaire de l'humoriste, particulièrement
cinglant envers Giscard d'Estaing, et plusieurs cas de censures à la radio et à
la télévision sont recensés. Ainsi, en décembre, un sketch de Coluche dans
l'émission de Stéphane Collaro,
le Collaro-Show, sur la chaîne
de télévision publique Antenne 2,
est déprogrammé, la direction menaçant d'annuler toute l'émission en cas de
refus. Plus aucun média ne l'invite, et plus tard, le présentateur du journal
télévisé de la chaîne, Patrick Poivre d'Arvor,
reconnaîtra effectivement qu'on lui donne pour consigne de ne pas parler de
Coluche. Ce dernier annonce en mars une grève de la faim pour protester contre
cette censure officieuse. L'Élysée envoie une circulaire aux maires pour les
dissuader de lui donner leurs signatures. Une cellule spéciale lui est
consacrée au ministère de l'Intérieur. Un groupe autonome de la police (le
mystérieux Honneur de la Police,
qui a déjà revendiqué l'assassinat de Pierre Goldman en 1979) lui adresse des menaces de
mort. Le meurtre de son régisseur, René Gorlin, l'inquiète sérieusement.
L’accident de Coluche reste toujours sujet à caution pour beaucoup de gens, vu
que d’autres « suicidés », les Boulin et Fontanet, représentaient un
moindre danger de décrédibilisation de la farce républicaine corrompue et
mafieuse. Mitterrand était également irrité par cette candidature provocatrice,
dont il pensait qu'elle peut lui casser sa « dynamique du premier
tour » sans report de voix au second tour. Coluche ne parvient pas non
plus à réunir les signatures de maires de gauche. Son étrange
conseiller-manipulateur Jacques Attali
essaie de le persuader de se retirer au profit de Mitterrand. Coluche ne cesse
de baisser dans les sondages, jusqu'à ce qu'il annonce son retrait le 7 avril
1981, en se déclarant pour Mitterrand, en raison d’autres menaces ?
DETRUIRE ROCARD
Depuis le congrès du Parti socialiste à Metz d'avril 1979, Michel Rocard avait manifesté son désir d'être
candidat à la prochaine élection présidentielle, tout en concédant qu'il se
retirerait si Mitterrand
était lui-même candidat. Au début de l'année 1980, les sondages indiquent que les
Français estiment que Rocard serait un meilleur candidat que « l’homme du
passé ». En avril 1980, un sondage publié dans l'hebdomadaire Le Point donne le
président sortant vainqueur au second tour avec 57 % des voix face au
premier, mais il ferait encore mieux face au second avec 61 %. En août
1980, une étude de l'IFOP
indique que Michel Rocard recueille 54 % d'avis favorables parmi les
sympathisants socialistes, tandis que François Mitterrand n'atteint que
37 %. À ce moment-là, Mitterrand, qui reste sur deux échecs en 1974 et
1978, reste très évasif sur son éventuelle participation à la prochaine
élection, tandis que Rocard, qui veut persuader qu'il est le seul à pouvoir
mener les socialistes à la victoire, se montre bien plus déterminé. L'objectif
implicite de Rocard, parodiant VGE, est de se faire passer pour le champion de
la modernité, et de faire passer François Mitterrand pour l'emblème d'un
certain « archaïsme politique », d'autant plus qu'ils ont quatorze
ans d'écart. Il explique que Mitterrand représente le courant socialiste qui
compte sur l'État pour transformer la société, alors que lui se revendique du
courant socialiste davantage méfiant vis-à-vis de la bureaucratie, partisan de
la décentralisation et d'une limitation du rôle de l'État. Il ne cesse de
parler de la nécessité de « parler plus vrai », tout en tenant un
discours abscons. Un antagonisme violent a commencé à se développer entre les
deux concurrents, en se nourrissant des rancunes personnelles et des
incompatibilités de caractère. Le 19 octobre 1980, Michel Rocard prononce une
allocution à la mairie de Conflans-Sainte-Honorine.
Maladroite et compliquée, prétendant se situer au-delà de la mêlée tout en
cherchant la légitimation du Parti socialiste, sans pour autant s’opposer
frontalement au premier secrétaire, sa déclaration rencontre peu d’échos
favorables. Le 8 novembre, François Mitterrand annonce qu'il « soumet sa
candidature aux votes du parti. Rocard est
obligé de se retirer. Après la victoire de 1981, Rocard sera salement « grillé »
à plusieurs reprises. Mitterrand le musèle en le prenant à l’intérieur du
gouvernement, comme ministre d’Etat mais seulement du plan, et en veillant
à ne pas lui laisser de contre-pouvoir. Rocard en premier-ministrable
« raisonnable » en 1984 ? Mitterrand promeut un jeune converti à la
modération et au profil encore plus technocratique et « expert » que
Rocard (Fabius), tout en gardant Rocard au gouvernement (ministre de
l’Agriculture), celui-ci ne pouvant trouver mieux que le prétexte de la
proportionnelle oligarchique (Mitterrand, plus habile politicien avait compris
la nécessité de mettre en selle le FN par le recours à la proportionnelle
représentative pour affaiblir la droite) pour se sortir de ce guêpier. Mitterrand
s’en sert comme Premier ministre et le pressure au maximum. Néanmoins, Rocard
reste populaire et il doit le « débarquer » sans raison en 1991, tout
en veillant, encore, à ne pas lui laisser prendre à sa main le parti. Rocard en
futur recours pour 1995 ? Mitterrand active alors Fabius en interne au PS,
Mélenchon sur la liste Rocard des Européennes et Tapie en externe aux mêmes
Européennes de 1994 pour le torpiller définitivement. Rocard n’a toujours pas
digéré même s’il évoque son traitement avec humour.
RETOUR SUR LE DEBACLE DE LA DROITE VERSION 2012
Après ce panégyrique des
haines personnelles publiques des politiciens qui voilent toujours des
orientations politiques et économiques de fond opposées, toujours dans le cadre
de la sauvegarde du Capital, où il apparaît que même à gauche ce n’est pas simplement
une querelle de personnes, nous revenons aux tristes sires de l’UMP en
implosion. Rocard représentait une orientation plus libérale mais sans
souplesse manœuvrière, une version gauche pataude à la Jospin.
Copé-Collé
Copé et Fillon s’en allaient en bateau, qui a coulé ?
Les deux. Et le barreur Sarko avec.
L'enquête du Nouvel Obs publié demain
fait déjà un tabac alors que les deux concurrents de l’ère sarkozienne dissoute
plongent dans les sondages. Le pitt bull
Copé, plus fou furieux que bonapartiste, qui s’était ridiculisé dans sa confronation pré-électorale avec Hollande,
qui tenait l'appareil, a fixé les règles et les modalités du vote avec pour
seul objectif de servir ses propres intérêts. Extraits.
[…] François Fillon a mesuré, un peu tard,
le poids du parti et les moyens dont disposait son adversaire, Jean-François
Copé. Il a compris qu'il avait eu tort d'accepter que ce dernier demeurât le
secrétaire général du parti. Il a reconstitué le film et s'aperçoit aujourd'hui
qu'au-delà des fraudes proprement dites, Copé a organisé la désorganisation,
créé sciemment les interminables files d'attente dans les trop rares bureaux de
vote et placé partout des hommes à lui. "Il a soigneusement pensé et
patiemment construit depuis des mois les conditions de cette élection et le
ralentissement du vote", observe un élu. Il a sans doute aussi orienté par
avance les soupçons de triche dans les Alpes-Maritimes. En mettant en garde
contre les fraudes et en citant - trois jours avant le vote - ses "amis
niçois", Copé n'a-t-il pas tout simplement préparé, pour ne pas dire
manipulé, l'opinion ?
Copé est hors mandat depuis le 16 mai
Tout a commencé le 16 mai, au lendemain de la
passation de pouvoirs, à l'Elysée, entre Nicolas Sarkozy et François Hollande.
D'après les statuts, Copé, à partir de ce jour, est hors mandat. La Cocoe
(commission de contrôle des opérations électorales) aurait donc dû se réunir
immédiatement. Les services compétents ont déjà préparé une note dans ce sens.
Mais Copé argue qu'il est plus urgent de s'occuper d'abord des élections
législatives. La note attendra. Copé n'est pas pressé. Pendant que François
Fillon était encore à Matignon, il a eu le temps, lui, de s'organiser. La
première réunion de la Cocoe n'aura finalement lieu que le 25 juin, soit plus
d'un mois après le délai statutaire.
Qu'a fait Copé pendant tout ce temps ? Les proches
de Fillon pensent aujourd'hui qu'il a mis ces semaines à profit pour faire
entrer de nouveaux adhérents […]
Faire diversion
Mercredi 18 juillet, la Cocoe présente au bureau
politique de l'UMP, l'instance politique où siègent les dirigeants et les parlementaires,
un projet de guide électoral. En clair, les règles à suivre pour cette élection
interne […] Au cours de cette même réunion du 18 juillet, Copé a mis sur la
table un autre dossier. Il propose que, le jour de l'élection pour la
présidence de l'UMP, une charte des valeurs soit également soumise au vote des
militants. Cela suppose un troisième bulletin qui s'ajoute à celui qui porte le
nom des candidats à la présidence et à celui pour les différentes motions.
Ce projet a pour but de faire diversion. Ce
jour-là, on aura donc moins de temps pour discuter de la mise à disposition des
fichiers. A chaud, personne ne comprend très bien l'intérêt de ce troisième
vote qui complique tout et risque d'introduire la confusion chez les votants.
C'était manifestement l'objectif recherché et finalement obtenu le jour de
l'élection avec des militants, fatigués d'attendre, qui oublient de signer le
troisième formulaire et à qui, dans certains bureaux de vote, on se garde bien
de rappeler cette obligation... Aujourd'hui, l'équipe Fillon a compris la
manoeuvre. Trop tard ». Mais cela ne lui porte pas vraiment tort, sauf que
les deux pugilistes coulent ensemble.
Depuis neuf jours, les deux camps s'accusaient
mutuellement de fraudes. Et le camp Fillon n'a eu de cesse de dénoncer le fait
que les copéistes gardent la direction du parti tout en faisant campagne. Les
fillonistes ont fait savoir mardi
soir qu'ils voulaient que l'impartialité soit assurée. Le butor Copé a d'emblée
mardi annoncé qu'il resterait en cas de revote "président jusqu'au
scrutin". Or les fillonistes ne veulent pas être « baisés »
une seconde fois, qui implique que M. Copé et son équipe seraient chargés d'organiser le
référendum et un éventuel second vote truqué. Dans une lettre à son rival,
François Fillon exigeait mardi soir qu'une "direction collégiale"
soit mise en place le temps de ce vote. Jean-François Copé a refusé
mercredi matin, comme il refuse tout avec morgue.
Lisons maintenant une analyse plus subtile de
Sciences Po :
En
1995, la rivalité Chirac-Balladur ne renvoyait pas simplement à une opposition
UDF-RPR;
en
2002, la compétition était plus lisible mais la cartographie réelle des
soutiens fournissait un tableau bien plus complexe dans la mesure où une partie
significative des parlementaires UDF et Démocratie libérale (DL) avait décidé
de soutenir, dès le premier tour, la candidature de Jacques Chirac. Les
électeurs eux-mêmes apparaissaient d’ailleurs largement troublés par cette
nouvelle structuration de l’offre politique. L’électorat de François Bayrou,
par exemple,
ne
regroupait que 40 % des sympathisants de l’UDF en 2002; il était, de plus,
composé pour moitié par des sympathisants d’autres partis de la droite modérée,
des écologistes ou même du Parti socialiste. Si l’on compare la géographie
électorale du vote Chirac entre 1995 et 2002, on constate des changements qui
font apparaître une résorption de la fracture Balladur-Chirac et une
«droitisation» de l’implantation chiraquienne : le président sortant
reconquiert, par
exemple,
les terres de l’Ouest et de l’Est qui avaient préféré son rival en 1995.
Parallèlement, la géographie électorale chiraquienne perd une forme de
spécificité puisque les zones de force du chiraquisme, directement liées à son
audience personnelle dans l’attitude à l’égard des immigré est plus
discriminante : 71 % des électeurs Chirac en 2002 approuvaient l’idée qu’il y a
« trop d’immigrés »,50 % des électeurs Bayrou partageaient cette opinion. Par
exemple, 11% des électeurs de l’UDF étaient tout à fait d’accord pour rétablir
la peine de mort quand 29 % des électeurs UMP le sont (Panel électoral français,
2002). Et cette différenciation en termes de valeurs s’inscrit pleinement dans
un ancrage social plus populaire –pour l’UMP–
ou
plus élitiste – pour l’UDF –, le niveau de diplôme et l’aisance matérielle
étant étroitement associés à un niveau plus élevé de tolérance culturelle.
La
structuration des électorats de l’UDF et de l’UMP, tels qu’ils se sont
cristallisés en 2002, s’inscrit dans la transformation des clivages que connaît
la France aujourd’hui. Unis dans ce qui définit traditionnellement la droite
(la confiance dans les entreprises plutôt que dans l’État, la croyance dans la
responsabilité des individus plutôt que l’égalité, la priorité donnée
à
l’ordre public et à la stabilité de la société plutôt qu’à la justice sociale),
ces électorats se différencient sur une seconde dimension, celle du libéralisme
culturel et de l’ouverture sur le monde. Et c’est précisément sur cette seconde
dimension que l’UDF (ancêtre du modem) pouvait se rapprocher de la gauche
modérée et représenter, en ce sens, une forme de centrisme. Mais cet espace politique
est restreint et déjà largement occupé parle Parti socialiste ».
LA
TRANSFORMATION DES CLIVAGES POLITIQUES
La
crise du capitalisme a deux implications majeures, la paupérisation de la
classe ouvrière et la perte de crédibilité des partis oligarchiques bourgeois.
En ce sens, Copé et Fillon (qui n’ont pas au fond un programme différent,
pressurer toujours plus les exploités, tout permettre à la police et à la
magistrature, dénoncer les immigrés) ne sont que des marionnettes ridicules et
impuissantes. Fillon symbolise un gaullisme bâtard très peu social, depuis plus
de dix ans c’est lui qui a mené l’attaque
contre les retraites, mais avec un langage plus réaliste. Copé n’est qu’un
apprenti dictateur qui voudrait bien alpaguer les électeurs FN, en gaulliste
populiste, mais qui a mis à nu les méthodes féroces de l’oligarchie. Leur
affrontement tétanise l’ensemble de la bourgeoise. On note le silence atterré
du gouvernement de Hollande et leurs fans du parti godillot. La gauche au
pouvoir est mal en point d’autant qu’elle n’a plus d’opposition crédible avec
le scandale du pitt bull et de Droopy. Sarko n’est même plus en embuscade
puisqu’il n’a même pas pu jouer le rôle du conciliateur ni du sphinx.
Hollande n’est pas Mitterrand,
contrairement à ce que l’on veut nous faire croire. Pour avoir la maîtrise manoeuvrière
de l’ancien Président, il faut un peu plus de « bouteille » ou de
maestria personnelle. La situation n’est pas comparable à 1981 où Mitterrand
avait su mettre en scène le FN pour affaiblir la droite. Le FN n’est toujours
pas un parti crédible pour la bourgeoisie. La bourgeoisie n’est pas en
situation d’effectuer un recentrage au centre avec les mous Borloo, Bayrou et
Cie. Son aile gaulliste traditionnelle derrière Fillon est plus affaiblie que
jamais. C’est la mort du néo-gaullisme qui se dessine. Les mesures sécuritaires
et la stigmatisation des immigrés ne seront pas plus efficaces que les potions
islamistes pour éviter de révéler les vraies causes de la crise capitaliste et
ses responsables réduits à des querelles de pipelettes et d’egos pitoyables. La
droite va perdre les municipales sans conforter une gauche gouvernementale
empêtrée dans ses discours angéliques quand les questions sociales allument
déjà des flammes dangereuses.
Sans doute va-t-on connaître ce qu’est une
véritable crise de l’ordre bourgeois.
[1] Cf. mon histoire des
trotskiens sur les pratiques des fans de Chevènement et les magouilles
électorales internes au PS.
[2] Lire dans Le Monde de ce jour l’édifiant et horrifiant rappel du massacre de la junte d’Argentine : « Les "vols de la mort" vont être jugés pour la première fois en Argentine ».99
[5] Lire, en alternance, les mémoires de Chirac et les
conversations de Balladur avec François Mitterrand. J’entends la voix onctueuse
de « l’étrangleur ottoman » (ainsi Mitterrand surnommait-il Balladur,
selon Chirac) puis, celle, plus impétueuse, du Corrézien d’adoption. Les deux
hommes sont de faux jumeaux. Tous deux sont sortis de l’ENA et de la cuisse de
Pompidou, tous deux ont été forgés par la contre-offensive visant Mai 68. Tous
deux ont enterré à leur façon le gaullisme et concilié avec l’impérialisme
américain, tous deux ont été fascinés par Mitterrand. Chirac avait conscience
de « faire figure de provincial un peu rustique à côté de ce grand
bourgeois de la capitale, aux allures distantes et pétries de bonnes
manières »... Le grand chef paysan face au noble aristo de la
finance ?L’un et l’autre, par exemple, se targuent d’avoir eu l’idée
d’organiser le « Grenelle », la grande réunion avec les syndicats
conçue pour éteindre le feu estudiantin de Mai 68. Le madré paysan
Chirac : « J’avais confiance. » Version du noble Balladur :
« Il n’y eut aucun pacte entre nous, ni, de ma part, aucun engagement
d’aucune sorte (...) J’eusse trouvé indigne de me prêter à un tel troc. Il ne
s’agissait pas de passer un “contrat” comme entre gens de mauvaise compagnie
(...) A Chirac, Mitterrand glisse en août 1994, alors que le chef du RPR est
abandonné de tous ou presque : « C’est votre tour. Vous allez être
élu. » Mitterrand lui fera passer « plusieurs messages
d’encouragement » à travers son conseiller Jacques Pilhan. Le même déclare
en décembre à Balladur : « De toute façon, ce sera un candidat de
droite qui sera élu, et cela reviendra vers vous. » Et il lui téléphone,
au lendemain de sa défaite en mars 1995 pour lui assurer : « Les
choses ne se sont pas bien passées pour vous. Vous le savez, je n’ai jamais cru
que Chirac dépasserait 20%. » (Cf. Le pouvoir ne se partage pas
d’Edouard Balladur, conversations avec François Mitterrand - éd. Fayard –
Et : Chaque pas doit être un but, Mémoires de
Jacques Chirac - éd. Nil.)
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