"La suppression de la propriété privée... suppose, enfin, un processus universel d’appropriation qui repose nécessairement sur l’union universelle du prolétariat : elle suppose « une union obligatoirement universelle à son tour, de par le caractère du prolétariat lui-même » et une « révolution qui (...) développera le caractère universel du prolétariat ».
Marx (L'idéologie allemande)

«Devant le déchaînement du mal, les hommes, ne sachant que devenir,
cessèrent de respecter la loi divine ou humaine. »

Thucydide

samedi 28 août 2021

GOUVERNER PAR LE CHAOS n'est pas une faiblesse de la bourgeoisie (première partie)





« Dans les pays comme la France, où les paysans forment bien plus de la moitié de la population, il est naturel que des écrivains qui prenaient fait et cause pour le prolétariat contre la bourgeoisie aient appliqué à leur critique du régime bourgeois des critères petits-bourgeois et paysans et qu'ils aient pris parti pour les ouvriers du point de vue de la petite bourgeoisie. Ainsi, se forma le socialisme petit-bourgeois ».

 Manifeste communiste



Deux sujets dominent l'actualité mondiale des médias depuis des semaines : la covid 19 et l'Afghanistan. Le plus frappant est qu'il n'est établi aucun lien ni problématique commune dans la façon de commenter ces deux sujets, qui restent traités indépendamment l'un de l'autre. D'une part une campagne mondiale thérapeutique et moraliste nous indique sur tous les tons qu'il faut au bon citoyen se faire vacciner « pour protéger autrui », « en gardant ses distances » et avec ce masque qui nous donne à tous des airs de macaques. De quoi donner raison aux nombreux complotistes et autres antivax... En tout cas une propagande clivée et déchaînée tout à fait significative de l'irresponsabilité de la classe bourgeoise, et du découpage en tranches de sa façon de « livrer l'information », alors qu'il y a tant de proximité entre mourir du covid et mourir étouffé à Kaboul, et entre les balles des dealers à Marseille et la livraison provenant du principal pays producteur d'opium, grâce aux conseils occidentaux...

Pourtant la vue de ces milliers de gens fuyant la barbarie islamo-nazie, s'entassant en particulier à l'aéroport de Kaboul, puis dans les avions en transit, aurait dû questionner tous nos braves journalistes collés à l'événement, quand après la comédie du fiasco américain, toutes les armées occidentales se barrent en vitesse pas seulement par peur des attentas des attentats ultimes mais aussi... du covid ! Sauve qui peut = plus de covid qui tienne ! Seul l'Express avait évoqué la question début juin : « En pleine troisième vague de Covid en Afghanistan et malgré les appels à la raison des autorités, les Afghans rompus aux temps difficiles après 40 ans de conflits continuent d'ignorer le virus. Par honte, par gêne. Jusqu'aux portes des hôpitaux. ».

Il est vrai que nous en sommes à la quatrième vague, en attendant la suite du feuilleton inquiétant et sans fin programmée. En toute discrétion les caïds généraux US avaient « déjà appelé leurs ressortissants à quitter le pays au plus vite, faisant valoir que certains d'entre eux se sont vus refuser l'accès aux hôpitaux par manque d'équipement »1

Il y aurait des hôpitaux donc dans cette terre aride d'Afghanistan, aussi connue par nos contemporains que la surface de la planète mars ? En tout cas il n'y a pas d'explication marxiste à l'absence d'une classe ouvrière dans ce pays de cocagne et à l'absence « d'envie de mourir pour la démocratie » ; de même aucun journaliste ne se risque à tenter d'expliquer comment il se fait qu'une armée de collabos afghans des occupants américains, composée de près de 300 000 soldats, se soient débandées face à des bandes de Tabibans-nazis de seulement 70 000 mobylettes. Les saltimbanques islamo-gauchistes ne nous ont pas ressorti non plus le conte de fée de la « libération nationale »... puisque ici comme ailleurs, il n'y a plus de libération nationale qui tienne debout ; partout il n'y a plus que ce monde binaire, démocrate d'un côté, terroriste de l'autre. En tout cas cauchemar bien orchestré, que les deux principales minorités révolutionnaires dans le monde (Battaglia et le CCI) sont incapables de décrypter du fait de leur monolithisme et absence de débat interne, sans doute par paranoïa vu le monde effarant que nous subissons. Ces deux groupuscules sont aussi agiles qu'un paralytique au demeurant. Le CCI met dix jours avant de prendre position sur la prise de Kaboul par les islamo-nazis, même chose au moment de l'éclosion du mouvement hétéroclite des gilets jaunes. Mettons qu'on assiste à une déclaration de guerre... ils attendront dix jours aussi pour voir comment tourne le vent ? Cette faconde opportuniste était étrangère aux minorités marxistes d'avant-guerre mondiale!

La bourgeoisie multiculturelle orchestre le chaos et la dissolution de la classe ouvrière, par la ghettoïsation et la paupérisation... antiraciste! L'antiracisme ayant écrasé l'internationalisme.

La théorie du chaos en politique, vieille conception déjà appréhendée par la police politique de Mussolini pendant la guerre et leur lutte contre les vrais communistes italiens2. La politique du chaos vise d'abord à faire comme si la division en classes n'existait plus. Elle réduit la politique à une «politique d'identités», où l'origine et l'appartenance comptent davantage que les programmes politiques3.

REGNER PAR LE CHAOS

J'ai déjà eu l'occasion antérieurement de souligner dans ce blog cette orientation, sibylline et masquée, de la classe capitaliste dans sa décadence. Je ne vais pas revenir sur la conception de Karl


Popper d'une société close qu'il a si bien décrite avant tout le monde et qui suppose des développements qui débordent cet article4. En lien avec la question du chaos, je rappelais un débat de théorie économique et politique, centré sur les perspectives d'avenir du capitalisme, qui se cristallisa dans la social démocratie autour des travaux de Tougan Baranowsky, Rosa Luxemburg et Lénine. Lénine s'éleva contre les interprétations de Rosa qui pensait inéluctable l'effondrement du capitalisme (pensée de l'actuel CCI), mettait l'accent sur le développement de la conscience de classe pour que les masses soient à même de prendre en charge la gestion d'une autre société qui allait leur revenir. Au contraire, Lénine, estimant que le capitalisme pouvait surmonter de façon indéfinie ses difficultés proprement économiques, insistait sur la nécessité de renverser l'Etat.
 La prévision n'existe pas en science, contrairement à ce que croit Robin Goodfellow, qui a voulu faire croire comme les staliniens que le marxisme serait scientifique. On peut considérer que Marx est meilleur dans la prédiction (sans dieu), qui est quelque chose qui va ou peut arriver et vis à vis de laquelle on fait une mise en garde. Marx doutait mais espérait comme nous l'effondrement de l'exploitation capitaliste à court terme pas dans des siècles, mais sans garantie d'infaillibilité de la prédiction5.

Avant d'éplucher les contradictions et analyses erronées du CCI sur l'Afghanistan, voici quelques éléments qui permettent d'appréhender la question de la gouvernance capitaliste par le chaos.

Dans sa prise de position le groupuscule oublie l'essentiel qui est au cœur de la stratégie du chaos. La crise économique et le chaos engendré ont précipité dans l'émigration une masse croissante de candidats au voyage au même moment où ils n'étaient plus aucunement nécessaires, dans les termes de la nécessité industrielle d'importation de main d'oeuvre dans la période du capitalisme florissant. 

Le Capital laisse faire parce que le chaos le sert. Mais le projet politique communiste maximaliste peut-il sans se renier (libération de l'humanité des superstitions) laisser croire que la société va éternellement supporter les arriérations religieuses et que les milliards d'habitants de la terre vont pouvoir se déplacer comme bon leur semble avec pour tout liant « la musique », voire ce qui en tient lieu, le Rap ?

Pour comprendre véritablement la stratégie de Trump (puis par après de Biden), il faut recourir à la théorie du chaos dont il est un adepte. Loin de sentir un désarroi devant le chaos, il le provoque. Il utilise celui-ci comme un outil efficace pour négocier, diriger une organisation, et ultimement comme moyen d'atteindre ses objectifs. Le chaos lui permet de déstabiliser ses adversaires et de rendre nerveux ses alliés. En créant le chaos, il demeure le maître du jeu.

Le jeu consiste à créer ici et là des polémiques et à regarder comment l'organisation réagit face au chaos qui en résulte. Cela lui permet d'évaluer les systèmes et les personnes. Il faut voir que le chaos n'est pas aléatoire. Il est ciblé et permet de déceler les points faibles d'une organisation ou d'individus.

En ce sens, les critiques des dernières semaines sur Trump reposent sur une base erronée. N'ayant pas une vision d'ensemble du plan de jeu du président ils sont incapables de bien comprendre ce qui se passe vraiment6.

Il y a vingt-cinq ans, le prix Nobel de chimie Ilya Prigogine, un des fondateurs des théories du chaos et de la complexité, expliquait déjà que plus il y a de variables en interaction dans un système, plus celui-ci devient imprévisible. Notre monde est beaucoup plus volatil et beaucoup plus imprévisible, parce que le nombre de variables en interaction a augmenté de façon exponentielle. Comme le dit un autre spécialiste de la théorie du chaos, Nassim Nicholas Taleb, nous sommes allés du « Médiocristan » à « l'Extrémistan », d'un monde où demain ressemblait à aujourd'hui vers un monde secoué en permanence de mouvements violents.

Dans un tel univers, un programme politique relève tout simplement de l'absurde. D'autant qu'il est devenu une source inépuisable d'espoirs déçus. Cette déception continuelle ne peut que pousser les électeurs vers les extrêmes, après avoir essayé la droite, puis la gauche, puis encore la droite, puis encore la gauche. On en a déjà vu les effets redoutables de la déception au Royaume-Uni puis aux Etats-Unis. On pourrait les voir aussi en France.

Cela ne veut pas dire que le temps du volontarisme est terminé, que les pays et les hommes politiques ne peuvent que se laisser ballotter par les flots de l'actualité comme des bouchons de liège sur la mer. Au contraire, le volontarisme n'est jamais aussi important que dans un monde complexe. Mais cela nécessite une révision profonde de ce qu'est la fonction d'un homme politique7.

Le futurologue et globe-trotter Bruno Marion s’intéresse de très près aux théories du chaos. « Il ne s’agit plus de connaître ou non le futur, mais de comprendre la complexité du système et d’en expliciter la logique le plus simplement possible », écrit sur son site celui qu’on surnomme « le moine futuriste ».D’après lui, la compréhension des théories du chaos permet justement de déchiffrer ce monde toujours plus rapide, connecté et en proie à des crises systémiques.

En quoi les théories du chaos permettent-elles d’éclairer le futur de l’humanité ?

Bruno Marion : Je suis intimement convaincu de deux choses. D’abord, que l’humanité vit une transition inédite, par son échelle et sa vitesse. Ensuite, qu’il nous manque les outils qui nous permettraient de comprendre ce qui nous arrive, et de reprendre la main dessus. La raison de cela, c’est que le monde est devenu chaotique, au sens scientifique du terme.

https://usbeketrica.com/fr/article/eclairer-le-futur-avec-les-theories-du-chaos

C’est-à-dire ?

Il faut bien comprendre ce qu’est le chaos, et en premier lieu lui ôter toute connotation négative. Le chaos, ce n’est pas le désordre, ce n’est ni bien, ni mal : c’est l’état d’un système. Un système c’est vous, moi, nous deux, une entreprise, l’ensemble de l’humanité.

l’état chaotique, alors ?

À partir d’un certain stade, qu’on appelle le tipping point (point de basculement en francais, ndlr), le système va sortir de l’équilibre. Dès lors, au lieu de rester sous contrôle, les choses s’auto-amplifient. Le thermostat est cassé : plus il fait chaud, plus il met le chauffage. Aujourd’hui, je pense qu’on est dans cette phase. Le monde est en proie à des phénomènes d’auto-amplification systémique. Comme au moment de la crise des subprimes en 2007 : une crise financière déclenche une crise économique, qui engendre ensuite une crise politique, etc. De la même manière, plus nous sommes nombreux sur un réseau social comme Facebook, et plus il est attractif.

Enfin, le dernier phénomène, c’est la vitesse. Aucune crise, aucune révolution, n’a touché autant de monde, aussi vite. Le passage à l’agriculture a pris des milliers d’années, celui à l’industrie des centaines d’années. La transition actuelle vers la société Internet ne prend que quelques dizaines d’années. C’est l’échelle d’une vie. Le système n’a plus le temps de s’adapter à ces changements.

« L’humanité est au seuil d’une évolution majeure. Nous allons évoluer vers un  nouveau niveau de conscience et de gouvernance »

En effet. Après la phase chaotique, deux choses peuvent se produire : ou bien l’effondrement du système, ou bien l’émergence d’un nouvel équilibre, plus complexe que le précédent8.


À suivre...


NOTES

1https://www.lexpress.fr/actualites/1/monde/en-pleine-3e-vague-les-afghans-preferent-ignorer-le-covid_2152724.html

2Cf. PU du dimanche 12 février 2017 : LA POLICE FASCISTE LA PLUS INTELLIGENTE DU MONDE . Commentaire du policier fasciste : « La guerre doit être transformée en révolution. Mais cela ne s’obtient pas avec le “partisianisme”, qui ne représente rien d’autre qu’une manœuvre de l’ennemi ayant pour but de créer le chaos politique dans les rangs du prolétariat. « À l’appel du centrisme pour rejoindre les bandes partisanes, l’on doit répondre par la présence dans les usines desquelles sortira la violence de classe qui détruira les ganglions vitaux de l’État capitaliste » (“Sur la guerre”)

3Quand Sadiq Khan, candidat travailliste à la mairie de Londres est devenu le premier maire musulman d'une grande capitale occidental. Tout un symbole de la nouvelle domination bourgeoise : https://www.lefigaro.fr/vox/politique/2016/05/06/31001-20160506ARTFIG00281-ce-que-revele-l-election-de-sadiq-khan-a-la-mairie-de-londres.php

4 Popper présente la société close comme une société « magique ou tribale » repliée sur elle-même. Elle est une société organique et immobile dans laquelle les individus participent à des activités identiques. Dans ces sociétés, les lois et réglementations sociales sont imposées. Ces sociétés contestent l’idée d’évolution et vise à arrêter le développement ou le progrès de la connaissance. Ce type de société cherche à se reproduire identique à elle-même. CF. https://www.cairn.info/revue-recherche-en-soins-infirmiers-2014-1-page-6.htm

5Cf. mon trentième livre qui ne trouve pas d'éditeurs depuis des mois ; ces charlots des Cahiers Spartacus ne se sont même pas fendus d'une réponse. Sans doute parce que j'utilise couramment les termes « islamo-gauchistes » ce qui dérange leur clientèle de gauchocrates et d'anars incultes.

EN FINIR AVEC LE MESSIANISME.

Table des matières :

Chapitre I : le communisme une nouvelle religion ?

  • un communisme chrétien ?

Chapitre II : Un long passé

  • Le socialisme utopique

  • La réponse de Roger Dangeville

  • Le communisme primitif ?

Chapitre III : Un présent compliqué

  • Religion et politique

  • Le juif errant

  • Tradition juive ?

  • Un complot judéo-bolchevique ?

  • La négation du progrès

  • Socialisme féodal

Chapitre IV : Un avenir incertain

  • Le déterminisme est-il un messianisme ?

  • Le marxisme est-il prométhéen ?

  • Il n'y a pas de messie suprême

  • Un marxisme déformé par Engels ?

Chapitre V : Retour en arrière

  • Misère de l'Ecole de Francfort

  • Missionnaires ou révolutionnaires ?

  • En finira-t-on jamais avec les religions ?

Chapitre VI : Regain de l'islam

  • L'irrationalisme islamique et ses accessoires gauchistes

  • Sornettes sur l'Etat faible

  • Le kantisme ou cantique antiraciste

  • Le racisme a toujours maille à partir avec la hiérarchie sociale

  • Le messianisme climatique

Chapitre VII : Le messianisme fasciste

  • Le nazisme mystique politiquement

  • Futures révolutions conservatrices ?

Chapitre VIII : Une laïcité arabe impossible

  • Des prévisions marxistes désuètes ?

  • Arrêts et progrès du marxisme (Rosa Luxemburg, 1903)

  • Prévision bordiguiste

Espace et temps de conclusion

dimanche 15 août 2021

Défaite ou lâcheté? Les vraies raisons de la débandade américaine

 


« Les Afghans doivent se battre pour eux-mêmes, se battre pour leur nation ».

Joe Biden

« Les massacres du Vietnam font accepter ceux de l'Afghanistan »

(Révolution ou guerre, article du CCI en 2006)



On peut sourire des analogies historiques que véhiculent les médias bourgeois. Il est de bon ton pour les médias européens de faire un parallèle facile (mais aussi mensonger) avec la fuite depuis Saïgon en 1975 où le monde entier avait été convié à reconnaître une « défaite US ». Prenons le plumitif suivant :

« Il y a quelques semaines, les Américains espéraient qu’une solution partiellement négociée serait possible avec les talibans. En réalité, la priorité unique est désormais d’évacuer quelque 10 000 citoyens américains et leurs collaborateurs et alliés afghans. La prise annoncée de Kaboul a des airs de chute de Saïgon, en 1975, quand le régime pro-Américain avait perdu face au Vietnam du Nord communiste. Mais cette chute est survenue deux ans après le retrait américain, tandis que la conquête des talibans n’a pris que quelques semaines ».

Or il ne s'agissait pas vraiment d'une défaite, comme s'en réjouissait l'extrême gauche du capital de l'époque, mais d'une réorientation stratégique, qui au fond, tout en laissant croire à une avancée de l'impérialisme russe, constituait la part d'une stratégie au long terme visant à l'épuiser par une course aux armements qui allait monter plus haut à peine quatre années plus tard (si je me souviens bien seul Révolution Internationale, avait seul contre tous affirmé que ce n'était ni une « libération nationale » ni une « défaite US »)1. En second lieu ou en premier, j'hésite, le mouvement anti-guerre du Vietnam avait fini par inquiéter la bourgeoisie américaine qui faisait face à des grèves sauvages qui pouvaient à terme ravir le combat prioritaire à la petite bourgeoisie estudiantine pacifiste.

Une invasion territoriale à l'époque de la décadence du capitalisme n'est pas un signe de puissance (qu'on se souvienne de l'invasion du Koweit par le petit Saddam Hussein). Le 24 décembre 1979, l'URSS envahissait l'Afghanistan, ou plutôt que le bloc stalinien y fût poussé.... Un événement longtemps vu à travers le prisme de la guerre froide. Gilles Kepel a expliqué qu'il ne s'agissait plus d'un même type de conflit impérialiste, et encore moins d'une « libération nationale ». Ce conflit a constitué la matrice du terrorisme islamiste contemporain, une espèce de bâtard d'une espèce d'impossibilité de confrontation directe entre les blocs impérialistes dominants.

Le « coup de Prague asiatique » de Brejnev est aussi stupide et inopérant à long terme que l'original européen. Kepel étrangement ne met pas comme première cause, la manipulation des services secrets américains :

« Ce que les Soviétiques n'avaient pas prévu, c'est qu'ils devraient se battre non seulement contre des groupes de résistance afghans, mais plus largement contre l'ensemble du monde musulman. Un jihad, une « guerre sainte », est en effet lancé contre l'Armée rouge impie, qui a envahi une terre d'Islam ».

L'impérialisme stalinien, qui disposait pourtant de réseaux complices en pays d'islam, est d'abord pris de court. Et là Kepel ajoute ce qui est premier selon moi dans la manœuvre :

« Mais les Américains et les Saoudiens, alliés de Washington, vont encourager les ulémas les juristes et théologiens « docteurs de la Loi » à proclamer ce jihad. C'est un moyen de mobiliser, face à l'URSS, des opposants dans tout le monde musulman et de donner une identité fédératrice aux groupes de résistance afghans ».

« Pour les États-Unis, il s'agit de donner l'estocade à l'ennemi soviétique. Washington s'entend avec les pays du monde musulman : pour chaque dollar dépensé par la CIA, les pays arabes avancent un pétrodollar. Au total, le jihad en Afghanistan n'aura coûté que 600 millions de dollars par an aux Américains - ce n'est pas cher payé pour faire tomber l'URSS ! Celle-ci va subir son Vietnam sans qu'une goutte de sang américain soit versée ».

« La guérilla afghane est ainsi ravitaillée en armes, essentiellement chinoises, payées par la CIA et l'Arabie saoudite. Ces armes transitent par le Pakistan. En retour, les camions qui rentrent à Karachi sont remplis d'opium afghan... Se développe ainsi une véritable économie mafieuse en Afghanistan et au Pakistan, qui dure encore ».

Comment la « révolution islamiste iranienne » a rendu service à l'impérialisme US ?

Cette même année 1979, comme pour la fin de la guerre du Vietnam, les Etats-Unis apparaissent comme une victime, avec la fameuse prise d'otages américains à Téhéran, laissant accroire que l'impérialisme US n'avait pas pris la mesure de la menace islamique, et face à un Iran qui va prétendre mobiliser tout le monde musulman contre le « grand Satan ». C'est oublier le coup géopolitique favorisé par l'invasion russe de l'Afghanistan. Sur cet échiquier politique les Etats-Unis se confirment comme le meilleur joueur impérialiste :

« Mais en aidant à financer le jihad afghan, les États-Unis réussissent à dévier le coup et à faire de l'URSS l'ennemi par excellence de l'islam radical. Et l'Iran échoue à réunir les forces musulmanes contre l'« impérialisme » américain. Finalement, le jihad en Afghanistan a marginalisé Téhéran. Mais on ne le savait pas encore ».

Le 15 février 1989 marque l'effondrement du bloc russe, donc une incontestable victoire des États-Unis, grâce à leurs soi-disant défaites au Vietnam et en Afghanistan. L'impérialisme russe ne va pas parader longtemps en Afghanistan, le régime collabo tombe en 1992 :

« Le pays sombre dans l'anarchie. Le régime procommuniste ne tombe qu'en 1992. Les différents partis afghans se battent entre eux. C'est dans ce contexte que les talibans conquièrent le pouvoir en 1996. Ceux-ci ont été formés dans les madrasas les écoles coraniques pakistanaises, après avoir fui l'Afghanistan en guerre dans les années 1980. Ils sont donc, eux aussi, le produit de la guerre d'Afghanistan ».

L'enfant bâtard de l'impossible nouvelle guerre mondiale a été le petit Afghan

Mais encore une fois le meilleur joueur d'échecs va se servir de l'Afghanistan comme bouc-émissaire de l'invention du terrorisme « international ».

Les raisons de cette guerre étaient rabâchées : éradiquer le foyer du terrorisme qui s'était attaqué aux États-Unis, détruisant les tours jumelles du World Trade Center à New York, le 11 septembre 2001. Les médias ont opéré de façon à développer un ressenti comme une attaque qui nous aurait tous concernés tout autant que les Américains. Suiviste et collabo, la bourgeoisie française a fait cause commune et, aussitôt, envoyé en Afghanistan des soldats français aux côtés des soldats américains. Dans un premier temps, les talibans se sont effondrés et dispersés. Sans façon et pour s'engager dans la guerre d'Irak, l'impérialisme US s'est désimpliqué, comme à l'heure actuelle, du territoire afghan, pour envoyer leurs troupes contre Saddam Hussein. Il n'était plus possible de rétablir la sécurité hors des grandes villes. Les populations rurales tombaient alors sous la coupe des petits chefs de guerre. Les talibans exclus des discussions politiques qui, à Bonn, avaient décidé du futur État afghan, ont recréé, dans les zones rurales délaissées, une infrastructure politico-militaire. Les collabos afghans, absorbés par la réalisation de leurs ambitions politiques, n'ont pas été fichu (comme ce jour 15 août 2021) d'encadrer une police et une administration compétente. Ils étaient d'ailleurs aussi corrompus que les actuels collabos US en fuite en avion, alors que les talibans sont venus à mobylette par milliers, en partie estimés par la population.


Même occupés par la guerre en Irak, l'impérialisme américain ne cesse pas son double jeu. Les services secrets pakistanais aident les talibans au lieu de les combattre et les États-Unis, alliés du Pakistan, financent involontairement leurs pires ennemis. Les forces de l'Otan ne sont pas assez nombreuses pour l'emporter et risquent l'enlisement et l'encerclement, comme les Russes avant elles. La population civile, bombardée et occupée, n'aime pas les Occidentaux, même lorsqu'elle déteste les talibans.


Une fuite américaine qui n'en est pas vraiment une


Des explications « économistes » qui ne tiennent pas la route émaillent les suppositions de spécialement pitres spécialistes comme celui-ci, qui se croit dans le secret des dieux :


«L'Afghanistan est un pays riche en ressources naturelles. La Russie lorgne sur les réserves de gaz du nord du pays ; la Chine s'intéresse au lithium, nécessaire aux technologies nouvelle génération et à l'industrie automobile, mais aussi à l'uranium, à l'or et à l'acier afghans ; les Etats européens, Allemagne en tête, ont eux aussi des vues sur les réserves de lithium du pays. ... Le capitalisme est toujours à l'affût pour planter ses griffes acérées jusque dans les contrées les plus préservées de la planète.»


C'est du pipeau pour islamo-gauchiste moyen ! Même la Chine s'en fiche de négocier quoi que ce soit avec les tarés talibans. On est dans le domaine de la stratégie géopolitique. Et le grand cirque médiatique. En février 2020, les États-Unis et les talibans signent un "accord de pacification" de l'Afghanistan qu'ils préparent depuis des années. En vertu de cet accord, les États-Unis et leurs alliés de l'OTAN acceptent de retirer toutes leurs troupes en échange d'un engagement des talibans à ne pas laisser Al-Qaida ou tout autre groupe extrémiste opérer dans les zones qu'ils contrôlent. Dans le cadre des pourparlers de l'année dernière, les talibans et le gouvernement afghan ont tous deux participé à la libération de prisonniers. Le Satan taliban d'aujourd'hui n'est plus tout à fait le crétin d'hier, sans compter que la population urbaine ne va pas se laisser humilier ni torturer comme par le malheureux passé, même si elle est encore victime des troubles négociations et chantages des clans impérialiste. Les probes et démocrates Etats-Unis ont présidés à la libération de près de 5 000 tueurs talibans dans les mois qui ont suivi l'accord. Ils avaient promis également de lever les sanctions contre les talibans et de collaborer avec les Nations unies pour lever leurs propres sanctions contre le groupe. Les promesses n'engagent que ceux qui y croient.

Après les attentats du 11 septembre 2001, les Etats-Unis avaient solennellement annoncé qu'ils feraient la guerre au terrorisme, qu'ils libèreraient l'Afghanistan de l'arriération des talibans puis qu'ils apporteraient la prospérité et la démocratie en Irak. Le résultat aujourd'hui est une fuite après une instabilité croissante et meurtrière. Phénomène nouveau, on voit que la situation tend à échapper au contrôle même de la principale puissance militaire de la planète.

Mais qu'est-ce qui lui échappe vraiment à nouveau en apparence ? Ou plutôt à quel moment de sa politique d'hégémonie correspond cette nouvelle tactique « victimaire » ? Qui est d'ailleurs un trait de continuité entre Trump et Biden : le repli national. Pas pour s'isoler et laisser le contrôle de la planète à d'autres ou à cette outre vide de «communauté internationale » et à cette Europe sans couilles.

En vingt ans de guerre locale, plus de 2 300 militaires américains ont été tués et plus de 20 000 blessés, ainsi que plus de 450 Britanniques et des centaines d'autres nationalités. Mais c'est le peuple afghan qui a subi le plus de pertes, certaines études suggérant que plus de 60 000 membres des forces de sécurité (les collabos) ont été tués. Près de 111 000 civils ont été tués ou blessés depuis que les Nations unies ont commencé à enregistrer systématiquement les pertes civiles en 2009.

L'axe du mal est-il en train de triompher d'une Amérique impuissante?

Encore les pleurnicheries médiatiques : « Le président des Etats-Unis assume son retrait du pays, malgré l’effondrement de l’armée régulière et du pouvoir en place face à la progression fulgurante des talibans, et alors que l’évacuation précipitée des derniers ressortissants rappelle la chute de Saïgon, en 1975. Zalmay Khalilzad, le négociateur américain en chef avec les talibans dans les pourparlers de paix à Doha, au Qatar, avait demandé au groupe extrémiste de ne pas entrer à Kaboul tant que les Etats-Unis n’auraient pas terminé d’évacuer. (…) On ne savait pas à quelle vitesse les évacuations pourraient être effectuées (…) L’Amérique sidérée par l’ampleur de sa défaite en Afghanistan (…) DÉCRYPTAGE - Le Pentagone a dû se résoudre à l’envoi de renforts à l’aéroport de Kaboul pour protéger les opérations d’évacuation, encore qualifiée de partielle, de son ambassade. (…) Ce n’est pas un abandon. Il ne s’agit pas d’une évacuation. Il ne s’agit pas d’un retrait total, a déclaré Ned Price, porte-parole du Département d’État. Il s’agit d’une réduction de la taille de notre empreinte civile.» Price a rejeté l’idée que les mesures prises jeudi envoyaient des signaux encourageants à des talibans déjà enhardis, ou démoralisants à des civils afghans paniqués. «Le message que nous envoyons au peuple afghan est celui d’un partenariat durable», a-t-il insisté.

Les Américains, qui ont encore à Kaboul plusieurs milliers de personnels, essentiellement dans leur ambassade fortifiée au centre de la ville, ont aussi promis de délivrer un certain nombre de visas spéciaux d’immigration à des Afghans. Piteux mensonges, les actualités nous montrent une foule de gens qui se bousculent vainement pour monter dans un avion. La bourgeoisie française via son porte-voix Macron assure que tout sera fait pour protéger le départ de nos ressortissants (qui ne sont que dix à l'ambassade ! Mais rien pour la masse des afghans qui ne veulent pas être violés, torturés et égorgés par les sadiques talibans ! Elle est belle la « communauté internationale » !

Au Etats-Unis la gauche est aussi pourrie que la droite militariste, puisque c'est un homme « de gauche » qui est président du massacre afghan, comme le note ce journaliste :

« L’étrange alignement de Biden avec la décision de Donald Trump, qui avait critiqué les guerres sans fin dans lesquelles les Administrations précédentes avaient engagé les États-Unis, ne lui a jusqu’à présent guère valu de critiques chez les démocrates, qui s’étaient pourtant insurgés contre la décision de Trump d’abandonner les forces kurdes dans le nord-est de la Syrie en octobre 2019 ».

L'axe du mal reste le capitalisme en son entier, dont l'impérialisme US est le principal tueur à gages avec les sous-fifres talibans. Les deux raisons de la « fuite » les voici :

  • l'Afghanistan qui a servi de tremplin pour faire tomber le bloc stalinien n'est plus un enjeu central, il reste utile pour recréer un « axe du mal » bien saignant avec le spectacle des égorgeurs talibans qui vont remplacer l'horrible Daesh dans la figuration du mal « anti-démocratique », ce bonheur que nous avons de vivre en pays en paix et soignés contre la covid ; accessoirement la « fuite » va servir à mettre encore en difficulté cette pauvre Europe hétéroclite avec la (véritable) fuite éperdue de milliers de pauvres gens ;

  • il avait fallu mettre fin à la guerre du Vietnam vu les milliers de cadavres de soldats américains ramenés au pays surtout vu les conséquences sur la paix sociale ; ce n'est plus le cas avec cette guerre en Afghanistan, pas autant de morts... vu la sophistication des moyens de tuer à distance... mais mais... il y a autant d'estropiés et de mutilés, qui ont rendu insupportable toute prolongation de cette boucherie par la population et surtout la classe ouvrière américaine2. C'est pour cela principalement que Biden a été élu, et son silence montre qu'il se fiche des commentaires désapprouvant la « fuite ».

L'évolution de la situation sur le terrain afghan et la réaction de l'opinion publique vont être passées au crible. Chaque impérialisme va bétonner son argumentaire et donner de l'épaisseur à ses réponses. Mais le danger d'un réveil volcanique de la classe ouvrière, non pas pour les salaires ou la préservation des retraites, face à l'ignominie et à la lâcheté des gestionnaires bourgeois, relèverait de l'utopie, quand cela relève du sensible à la mesure de la gravité du danger et de la barbarie du système en plein délire.


NOTES

1 « Les difficultés de Johnson sont exacerbées par l'émergence de la crise économique ouverte et le fait que le prolétariat n'est pas idéologiquement battu ; alors qu’il avait tenté une politique de "guns and butter" (des fusils et du beurre) – faire la guerre sans qu'il soit nécessaire de faire des sacrifices matériels à l'arrière – la guerre se révèle alors trop coûteuse pour soutenir cette politique. En réponse au retour de la crise ouverte aux Etats Unis, une vague grandissante de grèves sauvages se développe de 1968 à 1971, dans lesquelles s’impliquent souvent des vétérans du Vietnam mécontents et en colère. Ces grèves causent de sérieuses difficultés politiques à la classe dominante américaine. 1968 est en fait le signal de bouleversements aux Etats-Unis avec le développement simultané de désaccords internes au sein de la bourgeoisie et du mécontentement grandissant dans le pays. Deux semaines après que Johnson ait annoncé son retrait de la course aux présidentielles, le leader des droits civiques, le pasteur Martin Luther King, qui avait rejoint le mouvement anti-guerre en 1967 et dont on disait qu'il était prêt à renoncer à la protestation non-violente, est assassiné, ce qui provoque de violentes émeutes... ».

2Il ne s'agit pas d'une invention de ma part comme incurable naïf et utopiste militant ringard, mais de l'avis d'un journaliste du Figaro spécialiste de la géopolitique.

Ci-joint le lapsus révélateur de LCI et le souci de la bourgeoisie internationale de sauver ses "colons" et pas le pauvre afghan de base!



dimanche 25 juillet 2021

Grogne et agitation impuissante des bobos jouisseurs « démocratiques »

 


« Etre de gauche ou être de droite, c'est choisir une des innombrables manières qui s'offrent à l'homme d'être un imbécile ; toutes deux, en effet, sont des formes d'hémiplégie morale »

josé ortega y gasset


La contestation antivax reste le fait d'une minorité de bobos jouisseurs, défenseurs acharnés du mythe de la liberté bourgeoise. Les médias laisse cette engeance de petits bourgeois divers disputer la une de l'actualité aux mesures pour endiguer l'épidémie. De fait ces pauvres antivax apparaissent comme les plus arriérés, conchiant la science, charriant thèses complotistes comme arguments lamentables de démocrates vulgaires (dont j'ai moqué leur droit à aller au cinéma, comme à en être les figurants). Ils n'ont aucun avenir comme bouillie de commerçants hargneux avec Philippot, Bigard et Lalanne, avec les excitésq mélenchoniens comme avec les islamo-gauchistes de ce pauvre NPA1.

Pourquoi bénéficient-ils d'une propagande officielle aussi avenante et neutre ? Parce que Macron aurait peur qu'ils enclenchent un mouvement comparable à celui des gilets jaunes ? Pas du tout. Les gilets jaunes avaient le soutien de la population dans leur révolte contre la hausse de l'essence, une attaque contre le niveau de vie des plus pauvres. Les antivax font pitié avec leur revendication du mot creux « liberté », leur liberté de se distraire, leur liberté de chicaner avec des cuistreries individualistes, leur liberté de transmettre un virus qu'ils osent comparer à la grippe. La vaccination a plus à voir avec une nécessaire discipline sociale qu'à un imaginaire 1984 décrié par politiciens de droite comme par ces divers gauchistes irresponsables. Mais le social et la santé publique n'existent pas pour les bobos veulent « jouir sans entraves », même en se passant des élémentaires protections sanitaires. D'ailleurs si l'on suit leurs délires, les bébés sont aussi des bêtes de laboratoire, les otages d'une médecine du profit ; nous expliquer alors pourquoi la vaccination et les tests sont gratuits ?

Mais le débat n'est pas possible avec ce ramassis de petits bourgeois excités de ne pouvoir jouir de leur liberté individuelle... pour aller au spectacle, au tennis, au terrasse de Saint Germain, etc.

En période de guerre quand il s'agissait d'aller tous aux abris, ils ne faisaient pas les malins.

En vérité, sans qu'ils s'en rendent compte ils favorisent pleinement la campagne électorale de Macron. Même pour ceux qui doutent de l'efficacité au long terme du vaccin, le refus d'accepter celui-ci est pire que de se croiser les bras ou de ne penser qu'à s'amuser.

PERTE DE CONTROLE DE L'APPAREIL POLITIQUE ?

J'ai déjà dit tout le bien, même avec des désaccords, que je pensais du rapport du 24ème congrès du CCI, qui explique en partie le chaos actuel et la nature de la remise en cause des élites politiques (et syndicales). C'est un des rares groupes politiques actuels à avoir la tête sur les épaules. D'un point de vue superficiel on aurait pu y voir une confirmation des analyses classiques des vrais partis révolutionnaires, comme le KAPD d'Allemagne en 1920, comme le parti bolchevique en 1917, comme ces minorités apparues en 1968 prédisant une fin proche du capitalisme via la perte de considération de ses appareils de domination politique. Hélas non et le CCI nous invite à prendre en compte « une perte de contrôle de l'appareil politique » et « une progression de la décomposition », ce que je conteste et le prurit des antivax confirmera cette analyse.

Ce rapport écrit semble-t-il en 2020 tape pourtant dans le mille en montrant par avance que l'inspiration profonde de nos antivax irresponsables, confirmant leur ridicule, provient des comiques... Trump et Bolsonaro, et des assaillants du Capitole US pour une « vraie démocratie » :

« Cette dimension jouera un rôle déterminant dans l’extension de la crise du Covid-19. Le populisme et en particulier les dirigeants populistes comme Bolsonaro, Johnson ou Trump ont favorisé par leur politique « vandaliste » l’expansion et l’impact létal de la pandémie : ils ont banalisé le Covid-19 comme une simple grippe,  ont favorisé une mise en place incohérente d’une politique de limitation des contaminations, exprimant ouvertement leur scepticisme envers celle-ci, et ont saboté toute collaboration internationale. Ainsi Trump a ouvertement transgressé les mesures sanitaires préconisées, ouvertement accusé la Chine (le « virus chinois ») et a refusé toute coopération avec l’OMS ».

Le manque de cohérence du fait de l'existence de nations égoïstes peut-il être considéré comme une perte de contrôle des Etats ? Pour le CCI oui :

« Ce « vandalisme » exprime de manière emblématique la perte de contrôle par la bourgeoisie de son appareil politique : après s’être montrées incapables dans un premier temps de limiter l’expansion de la pandémie, les différentes bourgeoisies nationales ont échoué à coordonner leurs actions et à mettre en place un large système de « testing » et de « track and tracing » en vue de contrôler et de limiter  de nouvelles vagues de contagion du Covid-19. Enfin, le déploiement lent et chaotique de la campagne de vaccination soulignent une fois de plus les difficultés de l’État à gérer adéquatement la pandémie. La succession de mesures contradictoires et inefficaces a nourri un scepticisme et une méfiance croissants dans les populations envers les directives des gouvernements ».

Le nihilisme n'est pourtant pas nouveau même s'il faut noter un renforcement des peurs irrationnelles

« Les mouvements populistes s’opposent non seulement aux élites mais favorisent également la progression d’idéologies nihilistes et des sectarismes religieux les plus rétrogrades, déjà renforcés par l’approfondissement de la phase de décomposition. La crise du Covid-19 a provoqué une explosion sans précédent de visions complotistes et anti-scientifiques, qui nourrissent la contestation des politiques sanitaires des États. Les théories conspirationnistes foisonnent et répandent des conceptions totalement fantaisistes concernant le virus et la pandémie. Par ailleurs, les dirigeants populistes comme Bolsonaro ou Trump ont exprimé ouvertement leur mépris pour la science. L’extension exponentielle de la pensée irrationnelle et de la mise en doute de la rationalité scientifique au cours de la pandémie est une illustration frappante de l’accélération de la décomposition. Le rejet populiste des élites et les idéologies irrationnelles ont exacerbé une contestation de plus en plus violente sur un terrain purement bourgeois des mesures gouvernementales, telles les couvre-feux et les confinements ».

La faille du raisonnement du CCI pour justifier sa croyance en la perte de crédibilité de l'Etat, qui laisse à penser parfois qu'il est plutôt du côté des antivax est une nouvelle fois sa carence à tenir compte de la place et du jeu de la petite bourgeoisie, avec cette vision binaire, plate et insipide, bourgeoisie/prolétariat, qui de plus, le pousse à réviser toutes ses analyses 50 ans en arrière et à insinuer comme tout politologie gauchiste que l'extrême droite est dans le buisson :

« La crise du Covid-19 a en particulier marqué une accélération dans la perte de crédibilité des appareils étatiques. (...). Dès lors, si l’État est censé représenter l’ensemble de la société et maintenir sa cohésion, cela est de moins en moins vu ainsi par la société : face à l’incurie et l’irresponsabilité croissantes de la bourgeoisie, de plus en plus évidentes dans les pays centraux aussi, la tendance est de voir l’État comme une structure au service des élites corrompue, comme une force de répression aussi. En conséquence, il a de plus en plus de difficultés à imposer des règles : dans de nombreux pays d’Europe, comme par exemple en Italie, en France ou en Pologne, et également aux États-Unis, des manifestations se sont produites contre les mesures gouvernementales de fermeture de commerces ou de confinement. Partout, en particulier parmi les jeunes, apparaissent des campagnes sur les médias sociaux pour s’opposer à ces règles, comme le hashtag « I don't want to play the game anymore » (je n’accepte plus de jouer le jeu) en Hollande.

L’incapacité des États à affronter la situation est à la fois symbolisée et affectée par l’impact du « vandalisme » populiste. La perturbation du jeu politique de la bourgeoisie dans les pays industrialisés se manifeste de manière saillante dès le début du 21e siècle avec des mouvements et partis populistes, souvent proches de l’extrême droite »2.

LES FAIBLESSES DE LA MASSE FAVORISENT LA DOMINATION ETATIQUE3

Ce groupe qui s'obstine à voir de la décomposition partout puisque son concept de décadence est devenu lieu commun et pas spécialement vecteur de révolution « prolétarienne », cherche un affaiblissement de la bourgeoise – ce qui est louable dans le messianisme « de classe » - là où il n'est pas. Il ne voit pas la nature hybride et passagère du populisme et imagine que les mouvements chaotiques des couches petites bourgeoises seraient un problème pour l'Etat et même le signe de sa perte de contrôle du jeu politique parce que les bureaucraties des partis sont moquées et ignorées lors de ces diverses jacqueries. Avec l'aide d'un philosophe iconoclaste,  hors du champ politique traditionnel et parfois assez proche des analyses des petits minorités maximalistes des années 20 et 30, nous montrerons que l'Etat reste encore très fort et intelligent. En tout cas bien que cette pagaille agitationnelle des couches petitement moyennes.

« La masse, en voulant agir par elle-même, se révolte donc contre son propre destin. Or, c'est ce qu'elle fait aujourd'hui ; je puis donc parler de révolte des masses (…) Quand la masse agit par elle-même, elle ne le fait que d'une seule manière – elle n'en connait point d'autre. Elle lynche. Ce n'est pas par un pur hasard que la loi de Lynch est américaine : l'Amérique est en quelque sorte le paradis des masses ».

« Aujourd'hui, l'Etat est devenu une machine formidable, qui fonctionne prodigieusement, avec une merveilleuse efficacité, par la quantité et la précision de ses moyens. Etablie au milieu de la société, il suffit de toucher un ressort pour que ses énormes leviers agissent et opèrent d'une façon foudroyante sur un tronçon quelconque du corps social. (…) Il est intéressant, il est révélateur de considérer l'attitude de l'homme-masse face à l'Etat. Il le voit, l'admire, sit qu'il est là, assurant sa vie mais qu'il n'a pas conscience que c'est une réalisation humaine, inventée par certains hommes et soutenue par certaines vertus, certains principes qui existèrent parmi les hommes et qui peuvent s'évaporer demain. D'autre part, l'homme-masse voit dans l'Etat un pouvoir anonyme, et comme il se sent lui-même anonyme, - vulgaire – il croit que l'Etat lui appartient. Imaginez que survienne dans la vie publique d'un pays quelque difficulté, conflit ou problème : l'homme-masse tendra à exiger que l'Etat l'assume immédiatement et se charge directement de le résoudre avec ses moyens gigantesques et invincibles ». « Voilà le plus grand danger qui menace aujourd'hui la civilisation : l'étatisation de la vie, l' »interventionnisme » de l'Etat, l'absorption de toute spontanéité sociale par l'Etat ; c'est à dire l'annulation de la spontanéité historique qui, en définitive, soutient, nourrit et entraîne les destins humains ».

Encore une fois, même si les antivax pourraient se revendiquer de cette analyse de Ortega Y Gasset, en croyant s'approprier le risque de « l'interventionnisme de l'Etat » comme mesure dictatoriale (un 1984 bis), ce n'est pas le propos de Ortega Y Gasset ; les antivax hétéroclite sont du même acabit que cet homme-masse anonyme qui veut que l'Etat « assume immédiatement la fin du confinement » sans plus assurer aucune protection de la population ! Les antivax croient qu'ils sont l'Etat. Ce qui est typique de la petite bourgeoisie comme ne le voient ni le CCI ni José Ortega Y Gasset. De plus, théoriser l'intronisation d'une société carcérale (pour le temps d'un sauvetage sanitaire) est se ficher du monde ; depuis belle lurette l'Etat, avec son système informatique, ses drônes, ses flics et ses syndicats, surveille autrement plus sérieusement toute la société, que par ce confinement temporaire et bordélique.

Dans des pages sublimes Ortega Y Gasset démontre comment l'Etat en est venu à exploiter le peuple et a recouru à l'immigration pour se renforcer (il y a eu bien plus de migrants italiens arrivistes que de militants en faveur de la lutte de classe). Puis il démontre comment le fascisme n'a fait que copier la démocratie bourgeoise :

« ...on éprouve un certain trouble en entandant Mussolini déclamer avec une suffisance sans égale comme une découverte prodigieuse faite aujourd'hui en Italie, cette formule : « Tout pour l'Etat, rien en dehors de l'Etat, rien contre l'Etat ». Cela seul suffirait à nous faire découvrir dans le fascisme un mouvement typique d'hommes-masse. Mussolini trouva tout fait un Etat admirablement construit – non par lui, mais précisément par les forces et les idées qu'il combat : par la démocratie libérale. Il se borne à en user sans mesure ».

« L'étatisme est la forme supérieure que prennent la violence et l'action directe constituée en normes. Derrière l'Etat, machine anonyme et par son entremise, ce sont les masses qui agissent par elles-mêmes (…) On trouve un des phénomènes les plus alarmants de ces trente dernières années (Ortega Y Gasset, écrit cela en 1930!) : l'énorme augmentation dans tous les pays des forces de la police ».

Ortega Y Gasset ne se relisait pas, parce que s'il souligne dans ce chapitre l'énorme augmentation des forces de la police bourgeoise (sic en particulier en Italie et en Allemagne, et pour cause...), ce qui signifie imposer l'ordre même par la terreur ; au chapitre suivant, à la question « qui commande dans le monde ? », il vouloir nous démontrer que c'est l'opinion, après nous avoir dit que c'était l'Etat, et en fin de compte en ne voyant comme perspective qu'un retour à la confiance en l'élite. Cependant son explication du « pouvoir de l'opinion » nous intéresse au plus haut point pour comprendre où est la force de l'Etat contemporain, et cesser de le voir « en perte de contrôle sur la société ». Il l'a déjà affirmé dans le chapitre antérieur, quitte à nous démoraliser : « Mais par la (sa) révolution, la bourgeoisie s'empara du pouvoir public et appliqua à l'Etat ses indéniables vertus. En un peu plus d'une génération, elle créa un Etat puissant qui en finit avec les révolutions. En effet, depuis 1848, c'est à dire dès que commence la seconde génération des gouvernements bourgeois, il n'y a pas en Europe de vraies révolutions. Non pas que les motifs aient manqué ; mais il n'y avait plus de moyens de les réaliser. Le pouvoir public se plaça au niveau du pouvoir social. Adieu pour toujours, Révolutions!En Europe, le contraire seul est maintenant possible : le coup d'Etat ».

En temps normal l'Etat ne commande pas par la force

« En vérité, on ne commande pas avec les janissaires4. Talleyrand le disait à Napoléon : « Avec les Baïonnettes, Sire, ont peut tout faire sauf s'asseoir dessus ». Or, commander, ce n'est pas faire le geste de s'emparer du pouvoir, c'est au contraire en pratiquer sereinement l'exercice. En un mot, commander c'est s'asseoir. Trône, chaise curule, banc ministériel, fauteuil présidentiel. A l'encontre de ce que suppose une optique naïve et feuilletonesque, le fait de commander n'est pas tant une question de poings... que de sièges. L'Etat est en somme, l'état de l'opinion : une situation d'équilibre, de statique.

Ce qui se produit, c'est que souvent l'opinion publique n'existe pas. Une société, divisée en groupes dissidents dont al force d'opinion s'annule réciproquement, ne permet pas qu'un commandement se constitue. En somme la nature a horreur du vide, ce vide que laisse la force absente de l'opinion publique se remplit avec la force brute. Cette dernière se présent donc, en fin de compte, comme une substitution de la première ».


Macron pourra remercier les antivax, ils lui auront permis de s'asseoir une seconde fois dans le fauteuil présidentiel.



NOTES

1Le NPA offre un résumé had hoc de la guimauve bourgeoise insipide qui nouq rappelle au mieux le programme commun de l'antique union de la gauche des Marchais et Mitterrand : « Macron a refusé toute politique sanitaire démocratique, pédagogique, transparente et égalitaire. Au contraire, il a opté pour une politique répressive, opaque, inconstante, brutale, culpabilisante et discriminante, au service de la production capitaliste. La population n’a jamais été bien soignée, vaccinée, épaulée, considérée et encore moins associée aux décisions et incluse dans leur mise en œuvre. Pour le pouvoir, les questions sanitaires ne méritent pas d’être traitées comme un objectif en soi, mais seulement comme un moyen pour maintenir l'usine France en marche. Et pour cela, il faut cogner. (…) C'est un projet de société. Mais cette lutte ne peut se mener au nom de l’individualisme ou de lectures confusionnistes, voire conspirationnistes. Elle doit se faire au nom de la défense des libertés publiques et au nom d'une politique sanitaire et sociale ambitieuse et égalitaire, pour une société démocratique ». Triste et minable à pleurer.

2Ils épinglent au passage leur ancienne fraction expulsée (blog Révolution ou guerre) encore plus simpliste: « Ces observations vont à l’encontre de la thèse que la bourgeoisie, à travers ces mesures, réalise une mobilisation et une soumission de la population en vue d’une marche vers une guerre généralisée.

3Et pas n'importe quelle masse, même si des prolétaires sont présents à titre libertaire individuel, ils ne sont pas des représentants de la principale classe exploitée mais des ouvriers... embourgeoisés, pour ne pas utiliser un mot plus cruel et grossier.

4Les janissaires sont les soldats d'élite de l'armée ottomane. Leur nom français est une déformation du turc Yeniçeri qui signifie « nouvelle milice ».