"La suppression de la propriété privée... suppose, enfin, un processus universel d’appropriation qui repose nécessairement sur l’union universelle du prolétariat : elle suppose « une union obligatoirement universelle à son tour, de par le caractère du prolétariat lui-même » et une « révolution qui (...) développera le caractère universel du prolétariat ».
Marx (L'idéologie allemande)

«Devant le déchaînement du mal, les hommes, ne sachant que devenir,
cessèrent de respecter la loi divine ou humaine. »

Thucydide

samedi 15 novembre 2025

LA FIN DE L'INNOCENTE QUESTION JUIVE ?

 

Lazare en manif avec Jaurès

 « Nous assistons à une dangereuse escalade du terrorisme juif en Judée-Samarie (le nom biblique de la Cisjordanie, utilisée par les partisans de la colonisation) », a réagi l’ancien général et chef du Parti travailliste, Yair Glan

« Quant à l'unité pratique de la religion, nous la voyons désormais soutenue par la bourgeoisie capitaliste qui a attaqué les croyances religieuses tant que celles-ci ont soutenu les partisans des régimes anciens et qui, désormais, appelle la foi à son secours pour consolider son pouvoir et défendre ses privilèges » Bernard Lazare


Terrorisme ou nazisme des juifs colons ? Bernard Lazare s'est-il trompé en prévoyant la disparition de l'antisémitisme toujours favorisé par l'arrogance juive ?

En France le discours écologique culpabilisateur a remplacé la religion, tout en accusant les pauvres d'acheter chinois . En Israel, la religion a été remplacée par le nationalisme juif et les pauvres palestiniens sont tous accusés d'être des terroristes. De simple religion cosmopolite, le judaïsme est devenu nationalisme juif, en tout cas utilisé pour justifier un terrorismeanti-arabe A côté de la destruction totale de Gaza, au quotidien, appuyés par l'armée de l'Etat juif les bandes armées des colons terrorisent la population palestinienne ; quand la doxa étatique en Europe se plaint d'un regain de l'antisémitisme. Exemple contre-indiqué :

« ...une attaque d’une ampleur exceptionnelle à Beit Lid et Deir Sharaf. Des dizaines de colons masqués y ont envahi les villages en plein milieu de la récolte, incendié des véhicules, agressé des habitants, saccagé une communauté bédouine et réduit en cendres quatre camions de l’usine laitière al-Juneidi. Lorsque des soldats ont finalement tenté de s’interposer, une partie des assaillants s’est retournée contre eux, endommageant un véhicule militaire. Les ONG rappellent que la quasi-totalité des attaques commises par des colons restent sans suite judiciaire. Plus de 90% des plaintes déposées par des Palestiniens n’aboutissent jamais, rappelle l’ONG israélienne Yesh Din. « Dans ces quelques cas, il semble qu’aucun progrès n’ait été réalisé, ce qui maintient l’impunité quasi totale pour le recours à la force illégale et le meurtre illégal de Palestiniens », écrivait ainsi en octobre dernier le Haut-Commissariat aux droits de l’homme dans un communiqué. Depuis deux ans, les violences en Cisjordanie ont causé la mort de plus de mille palestiniens, selon les données de l’ONU et d’organisations humanitaires, tandis qu’une trentaine d’Israéliens ont été tués dans des attaques palestiniennes ou lors de raids militaires. Désormais, ce ne sont plus seulement des familles palestiniennes isolées, mais des infrastructures économiques qui sont visées, comme les ateliers, les puits et les moulins à huile, dont la destruction menace directement la capacité des villageois à rester sur leurs terres ».

A l'heure où on nous apprend que Staline a longtemps caché les origines juives de Lénine, voire même concernant Hitler dont la seule certification scientifique a conclu qu'il avait une petite bite, la violence colonisatrice et impérialisre de l'Etat « hébreu » vient remettre en cause la martyrologie exclusive de la « question juive ». On nous assourdit avec une montée déplorable et insistante d'un antisémitisme pluriséculaire et continu. Or c'est faux. Ce que les médias laissent sous la table est qu'il s'agit en réalité de la confrontation d'un autre antisémitisme (que celui de l'époque de Bernard Lazare), belliciste, nationaliste contre un nationalisme juif impavide et se servant de la mémoire tragique de la shoah pour justifier ses crimes actuels. L'antisémitisme prêté aux nationalistes arabes (et à leurs souteneurs comme la clique LFI) n'est pas du même ordre que celui de Drumont, d'une part parce que les deux nationalismes opposés ne remettent pas en cause le capitalisme et d'autre part parce que les plus riches et manipulateurs ne sont plus ceux qu'on imaginait mais les Eats pétroliers arabes et la Chine.

Pour mesurer la différence avec l'histoire de l'antisémitisme de jadis, il m'a suffi de ressortir de la cave Bernard Lazare qui n'a rien à voir avec la résurrection d'un autre Lazare déterré par Jésus pas encore nommé Christ. Bernard Lazare est un grand oublié du combat pour l'émancipation et l'intégration des juifs. C'est assez scandaleux au moment où l'on gratifie du grade de général un mort, que le nom de ce brillant polémiste soit évité, c'est à dire celui du premier et plus ardent défenseur de l'innocence du capitaine Dreyfus. Un auteur de pamphlets dérangeants pour la société bourgeoise à la veille de 1914. Comme il est toujours dérangeant pour les milieux nationalistes juifs aujourd'hui, en Israël et en France (acteurs de cinéma, chanteurs, BHL, Arthur le pitre, etc.). Ses livres sont introuvables, non réédités ou certains en simples e-book. De son vivant il avait dû aller faire imprimer ses livres en Belgique pour les ramener et les vendre lui-même en France. Il est le premier dénonciateur de l'antisémite primaire Drumont. Il est l'ami de Charles Péguy, de Jaurès. C'est lui qui convainc ce

Jaurès et Lazare

même Jaurès (tiède) et Zola de l'innocece de Dreyfus. C'est un anarchiste socialiste, pas terroriste, toujours soucieux du sort de laclasse ouvrière. Il réalise le reportage sur le drame de Carmaux. Il rest profondément athée. Il
fait un bout de chemin avec Theodor Herzl, les deux hommes éprouvant l'un pour l'autre une grande estime. Mais il se sépare de Herzl, en désaccord avec le sionisme. On dit qu'il a fini nationaliste juif français, mourrant très jeune. Quoiqu'il en soit, j'ai toujours admiré cet auteur depuis des années. Voici des extraits de son livre souffreteux et plein de vérités encore troublantes. Il démontre bien l'hypocrisie de la bourgeoisie à l'encontre des juifs, de la même vase que son antiracisme théâtral de nos jours, la compromission des juifs riches et surtout le fait que l'antisémitisme est favorisé souvent...par les juifs eux-mêmes avec leur communautarisme historique et excluant, leur arrogance et une fierté...raciale.

LES PERES ET LES PERLES DE L'ANTISEMITISME

« (Drumont et Stoecker) Ils poursuivent bien encore, dans l'israélite, l'ennemi de Jésus, le meurtrier d'un dieu, mais ils visent surtout le financier et en cela ils s'unissent à ceux qui professent l'antisémitisme économique.

« Cet antisémitisme se manifesta dès les débuts de la finance et de l'industrialisme juif. Si on en trouve des traces dans Fourier et Proudhon, qui se bornèrent à constater l'action du juif intermédiaire, agioteur et improductif [ On trouve dans Karl Marx (Annales franco-allemandes, 1844 et dans Lassalle les mêmes appréciations sur le juif parasite que dans Fourier et Proudhon], il anima des hommes comme Toussenel et Capefigue ; il inspira des livres tels que « Les juifs rois de l'Epoque » et « Histoire des grandes opérations financières », et, plus tard, en Allemagne, les pamphlets d'Otto Glagau contre les banquiers et boursiers juifs.

J'ai déjà indiqué du reste les origines de cet antisémitisme éconmique, comment, d'une part, les capitalistes fonciers rendirent le juif responsable de la prépondérence fâcheuse pour eux du capitalisme industriel et financiers, comment, de l'autre, la bourgeoisie nantie de privilèges se retourna contre le jif jadis son allié, désormais son concurrent et, son concurrent étranger, car c'est en sa qualité d'étranger, de non assimilé, que l'Israélite a dû l'excès d'animosité qui lui a été témoigné, et ainsi l'antisémitisme économique est lié à l'antisémitisme ethnologique et nattional.

Cette dernière forme de l'antisémitisme est moderne, elle est née en Allemagne, et c'est aux allemands que les antisémites français en ont emprunté la théorie. C'est sous l'influence des doctrines hégéliennes que fut élaboréen en Allemagne cette doctrine des races, que Renan soutint en France. En 1840, et surtout en 1848, elle devient dominante, non seulement parce que la politique allemaande la mit à son servivce, mais parce qu'elle s'accorda avec le mouvement nationaliste et patriotique qui poussa les nations, et avec cette tendance à l'unité, qui caractérisa tous les peuples de l'Europe. Il faut, disait-on alors, que l'Etat soit national ; il faut que la nation soit une, et qu'elle comprenne tous les individus parlant la langue nationale et étant de même race. Plus encore, il importe que cet Etat national réduise les éléments hétérogènes ; c'est à dire les étrangers. Or, le juif n'est pas un aryen, concepts moraux, sociaux et intellectuels, il est irréductible, on doit donc l'éliminer, sinon il ruinera les peuples qui l'ont accueilli, et, parmi les antisémites nationalistes et ethnologues, quelques-uns affirment que déjà l'oeuvre est faite. (…)

W.Marr, dans un pamphlet qui eut un certain retentissement, même en France : « La victoire du judaïsme sur le Germanisme ». Marr y déclarait que l'Allemagne était la proie d'une race conquérante, celle des juifs, race possédant tout et voulant judaïser l'Allemagne, comme la France d'ailleurset il concluait en disant que la Germanie était perdue. IL mêlait même à son antisémitisme ethnologique un antisémitisme métaphysique, si je puis dire, que déjà Schopenhauer avait professé, antisémitisme constant à combattre l'optimisme de la religion juive, optimisme que Schopenhauer trouvait bas et dégradant et auquel il oposait les conceptions religieuses grecques et hindoues.

Mais Schopenhauer et Marr ne représentaient pas seuls l'antisémitisme philosophique. Toute la métaphysique allemande combattit « l'esprit juif » qu'elle considérait comme essentiellement différent de « l'esprit germanique », et qui figurait pour elle le passé en opposition avec les idées du présent. Tands que l'Esprit se réalise dans l'histoire du monde, tandis qu'il marche, les juifs restent à un stade inférieur. Telle est la pensée hégélienne, celle de Hegel et celle aussi de ses disciples de l'extrême gauche, de Feuerbach, 'Arnold Ruge et de Bruno Bauer. Max Stirner a développé ces idées avec beaucoup de précision. Pour lui, l'histoire universelle a parcouru jusqu'ici deux âges. Le premier, représenté par l'antiquité dans lequel nous avions à élaboreretà éliminer « l'état d'âme nègre » ; le deuxième, celui du « mongolisme », représenté par l'époque chrétienne. Dans le premier âge l'homme dépendait des choses, dans le second il estsubjugué par des idées en attendant qu'il les domine et qu'il libère son moi. Or, les juifs « ces enfants vieillottement sages de l'antiquité, n'ont pas dépassé « l'état d'âme nègre ». malgré toute la subtilité et toute la force de leur sagacité et de leur intelligence qui se rend maîtresse des choses avec un facile effort et les contraint à servir l'homme, ils ne peuvent découvrir l'esprit qui consiste à tenir les choses pour non avenues ».

Nous trouvons une autre forme de l'antisémitisme philosophique dans Dühring, une forme plus éthique que métaphysique. Dühring en plusieurs traités, pamphlets et livres, attaque l'esprit sémitique, et al conception sémite du divin et de la morale qu'il oppose à la conception des peuples du Nord, et poussant logiquement jusqu'au bout les conséquences de ses prémisses, suivant du reste la doctrine de Bruno Bauer, il attaque le christianisme qui est la dernière manifestation de l'esprit sémitique : « Le christianisme, dit-il, n'a surtout aucune morale pratique qui, non susceptible de double interprétation, serait utilisable et saine. Par conséquent, les epuples n'en auront fini avec l'esprit sémitique que llorsqu'ils auront cahassé de leur esprit ce deuxième aspect actuel de l'hébraïsme ».

Après Dühring, Nietzsche, à son tour, a combattu la morale juive et chrétienne qui selon lui est la « morale des esclaves », en opposition avec la « morale des maîtres ». les juifs et les chrétiens, par le sprophètes et par Jésus, ont fomenté « la révolte des esclaves dans la morale » ; ils ontfait prédominer des conceptions basses et nuisibles, qui consistent à déifier le faible, l'humble, le miésrable et à lui sacrifier le fort, l'orgueilleux et le puissant.

En France, quelques révolutionnaires athées, entre autres Gustave Tridon et Regnard, ont pratiqué cet antisémitisme antichrétien qui se ramène en dernière analyse à l'antisémitisme ethnologique de même que l'antisémitisme métaphysique proprement dit.

LES RACES SONT-ELLES INEGALES ?

« Depuis le dix-huitième siècle on a essayé de classer les hommes et de les distribuer dans certaines catégories déterminées, distinctes et séparées. Pour cela, on s'est basé sur des indices bien différents : sur la section des cheveux, section ovale (chez les nègres à chevelure laineuse) ou section ronde ; sur la forme du crâne, large ou allongé ; enfin sur la couleur de la peau. Cette dernieère classification a prévalu : désormais on distingue trois races humaines ; la race noire, la race jaune et la race blanche.

A ces races on attribue des aptitudes différentes et on les range par ordre de supériorité, la race noire au plus bas degré d'une échelle dont la race blanche occupe l'échelon supérieur. De même, pour expliquer mieux encore cette hiérarchie des races humaines, on repousse la doctrine religieuse du mongénisme, doctrine qui déclare que le genre humain descend d'un couple unique, et on lui oppose le polygénisme qui admet l'apparition simultanée de nombreux couples différents, conception plus logique, plus rationnelle et plus conforme à la réalité.

Cette classification a-t-elle des bases sérieuses et réelles ? (…) En aucune façon. Si l'onadmet le monogénisme, il est bien évident que les hommes descendant tous d'un couple commun, ont les mêmes propriétés, le même sang, la mêmeconstitution physique et psychique. Si au contraire on accepte le polygénisme, c'est à dire l'existence initiale d'un nombre indéfini et considérable de bandes hétérogènes peuplant le globe, il devient impossible de soutenir l'existence de races originairement supérieures ou inférieures, car le spremiers groupements sociaux se sont effectués par l'amalgame de ces bandes humaines hétérogènes dont nous ne saurions déterminer et encore moins classes les qualités et les vertus respectives. « Toutes les nationas, dit Gumplowicz, le splus primitives qui nous apparaissent aux premières lueuers des temps historiques, seront pour nous les produits d'un processus d'amalgamation (déjà déterminé aux tempts préhistoriques) entre des éléments ethniques hétérogènes » (La lutte des races, 1893). Donc, si on se place au point de vue de l'identité d'origine, la hiérarchie ethnologique est inadmissible, et l'on peut affirmer, avec Alexandre de Humbolt, qu'il « n'y a pas de souches ethniques qui soient plus nobles que les autres ».

La race est d'ailleurs une fiction. Il n'existe pas un groupe humain qui puisse se vanter d'avoir deux ancêtres initiaux et de descendre d'eux sans que j'amais l'apport primitif ait été adultéré par un mélange ; les races humaines ne sont points pures, c'est à dire, à proprement parler, qu'il n'y a pas de race.

(…) De même la théorie de l'inégalité des races repose sur un fait réel ; elle devrait se formuler : l'inégalité des peuples, car il est de toute évidence que la destinée des différents peuples n'a pas été semblable, mais cela ne veut pas dire que l'inégalité de ces peuples fut originelle. Cela veut dire simplement que certains peuples se trouvèrent dans des conditions géographiques, climatériques et historiques, plus favorables que celles dont jouirent d'autres peuples, qu'ils purent par conséquent se développer plus complètement, plusharmonieusement ; et non pas qu'ils eurent des dispôsitions meilleures, ni une cervelle plus heureusement conforrmée. La preuve en est que certaines nations appartenant à la race blanche, dite supérieure, ont fondé des civilisations de beaucoup inférieures aux civilisations des jaunes ou même des noirs. Il n'y a donc pas de peuples ni de races « originairement supérieurs », il ya des nations qui « dans certaines conditions » ont fondé des empires plus puissants et des civilisations durables. (…) [Nous savons que la civilisation si admirable de l'antique Egypte a été pour une bonne partie l'oeuvre des nègres, auxquels vinrent en aide des rouges, des sémites, des touraniens, et quelques-unes de cs peuplades blanches, représentées encore de nos jours par ces touaregs africains qui n'ont jamais fondé de société, ni rien de durable. Il existe encore en Afrique des ruines grandioses qui témoignent de l'existence d'une civilisation nègre fort développée àun moment de l'histoire.].

(…) Mais le peuple grec n'en fut pas moins un amalgame de races bien diverses, aryennesz, touraniennes et sémitiques, peut-être chamites, et c'est à d'autres causes qu'à la noblesse et à la pureté de son origine qu'il dut son génie. (…) Le nombre de Marranes, en espagne fut énorme. Dans presque toutes les familles espagnoles on trouve, à un point de généalogie, le juif ou le maure ; « les maisons les plus nobles sont pleines de juifs « , disait-on.

DES JUIFS AUSSI RACISTES...

(…) Antisémites et philosémites s'unissent pour défendre les mêmes doctrines, ils ne se séparent que lorsqu'il faut attribuer la supériorité. Si l'antisémite reproche au juif de faire partie d'une race étrangère et vile, le juif se dit d'une race élue et supérieure ; il attache à sa noblesse, à son antiquité la plus haute importance et maintenant encore, il est en proie à l'orgueil patriotique (sic). Bien qu'il ne soit plus un peuple, bien qu'il proteste contre ceux qui veulent voir en lui le représentant d'une nation campée parmi des nations étrangères, il n'en garde pas moins au fond de lui-même cette avniteuse persausion et, ainsi, il est semblable aux chauvins de tous les pays (re-sic en 2025). Comme eux, il se prétend d'origine pure, sans que son affirmation soit mieux étayée...

(…) Les juifs furent par excellence un peuple de propagandistes et, à partir de la construction du second Temple, à partir de la dispersion surtout, leur zèle fut considérable. Ils furent bien ceux dont l'Evangile dit qu'ils couraient « la terre et la mer pour faire un prosélyte », et Rabbi Eliézer pouvait à bon droit s'écrier : « pourquoi Dieu a-t-il disséminé Israël parmi les nations ? Pour recruter partout des prosélytes ». Les témoignages attestant cette ardeur prosélytique des juifs abondent et, durant les premiers siècles avant l'ère chrétienne, le judaïsme se propagea avec la même puissance qui caractérisa plus tard le christianisme et l'islamisme.

(…) Donc le juif a été incessamment transformé par les milieux différents dans lesquels il a séjourné.Il a changé parce que les langues diverses qu'il a parlées ont introduit en lui des notions différentes et opposées, il n'est pas resté tel qu'un peuple uni et homogène, au contraire, il est à présent le plus hétérogène de tous les peuples ; celui qui présente les variétés les plus grandes, et cette prétendue race dont amis et ennemis s'accordent à vanter la stabilité et la résistance nous présente les types les plus multiples et les plus opposés, puisqu'ils vont du juif blanc au juif noir, en passant par le juif jaune, sans parler encore des divisions secondaires, celles des juifs aux cheveux blonds ou rouges, et celle des juifs bruns, aux cheveux noirs.

ANTISEMITISME ET NATIONALISME

(…) Ce mot goï renferma toutes les colères, tous les mépris, toutes les haiunes d'Israël persécuté contre l'étranger, et cette cruauté du juif vis-à-vis du non-juif est une des choses qui montre le mieux combien l'idée de nationalité était vivace chez les enfants de Jacob. Ils croyaient, ils crurent toujours être un peuple. Le croient-ils encore aujourd'hui ? Parmi les juifs qui reçoivent l'éducation talmudique, et c'est encore la majorité des juifs, en Russie, en Pologne, en Galicie, en Hongrie, en Bohême, dans l'Orient, parmi ces juifs l'idée de nationalité est encore aussi vivante qu'au moyen-âge. Ils forment encore un peuple à part, peuple fixe, rigide, figé par les rites scrupuleusement suivis, par les coutumes constantes et par les maoeurs, hostile à toute nouveauté, à tout changement, rebelle aux efforts pour le détalmudiser (…) Chez les juifs occidentaux, chez les juifs de France, d'Angleterre, d'Italie, chez une grande partie des juifs allemands, cette aversion intolérante pour l'étranger a disparu. Le Talmud n'est plus lu par ces juifs, et la morale talmudique, du moins la morale nationale du Talmud, n'a plus de prise sur eux.

(…) Tout peuple semble vouloir élever autour de lui une muraille de Chine, on parle de conserver le patrimoine national, l'âme nationale, l'esprit national et le mot hôte reprend dans nos civilisations contemporaines le même sens qu'il acquit dans le droit romain : le sens d'hostis, d'ennemis. On limite de toutes les manières les droits économiques et les droits politiques de l'immigrant. On s'oppose aux immigrations, on expulse même les étrangers lorsque leur nombre devient trop considérable, on les regarde comme un danger pour la culture nationale, qu'ils modifient ; on ne se rend pas compte que c'est là une condition de vie pour cette culture même. C'est que nous vivons une période de changements, et que l'avenir ne s'ouvre pas bien nettement devant les peuples. Bien des hommes sont inquiets du futur ; ils sont attachés aux vieilles coutumes, ils voient dans toute transformation la mort de la société dont ils font partie, et, conservateurs opposés à cette trasformation, ils haïssent profondément tout ce qui est susceptible d'amener une modification, rtout ce qui est différent d'eux, c'est à dire l'étranger.

[Incontestablement Lazare avait raison pour son époque où le capitalisme était encore progressiste, et on croirait du Zemmour dans le texte, mais l'argument en défense naïve d'une immigration devenue massive et culturellement insupportable n'est bon que pour les irresponsables poltiques de la gauche contestataire , le monde entier est plongé dans un retour en arrière décadent par le retour du religieux exponentiel avec le voile ridicule ; en dépit du maintien de leurs rites les juifs n'envahissaient pas l'espace comme ces populations qui n'ont pas envie de s'intégrer, sans oublier le terrorisme planétaire qui s'appuie sur l'islam même si les bien-pensants veulent le démentir. Lazare serait déçu de ce que supporte désormais le monde ouvrier car il saluait les luttes ouvrières de son époque hors de toute aliénation religieuse]

(…) bien que souvent extrêmement chauvins, les juifs sont d'essence cosmopolite ; ils sont l'élément cosmopolite de la famille humaine, dit Schoeffle. Cela est fort juste, car ils possédèrent toujours au plus haut point cette extrême facilité d'adaptation, signe du cosmopolitisme. A leur arrivée dans la Terre promise, après soixante-dix ans passés en Babylonie, ils eurent oublié l'hébreu et rentrèrent à Jériusalem en parlant un jargon araméen ou chaldaïque ; au premier siècle avant et après l'ère chrétienne, la langue hellénique pénétra les juiveries. Dispersés, les juifs devinrent fatalement cosmopolites. Ils ne se rattachèrent plus en effet à aucune unité territoriale et n'eurent qu'une unité religieuse. Ils eurent bien une patrie, mais cette patrie, la plus belle de toutes, fut placée dans le futur. (…) Le juif a-t-il réellement des tendances à la Révolution ?

L'ESPRIT REVOLUTIONNAIRE DANS LE JUDAISME

(…) Communisme et révolution ne sont pas des termes inséparables, et si, de nos jours, nous n epouvons prononcer le premier de ces mots sans évoquer fatalement l'autre, cela tient aux conditions économiques qui nous régissent et à ce que nous regardons comme impossible la transformation des sociétés actuelles, basées sur la propriété individuelle, sans un déchirement violent. (…)

N'ayant aucun espoir de compensation future, le juif ne pouvait se résigner aux malheurs de la vie ; ce n'est que fort tard qu'il put se consoler de ses maux en songeant aux béatitudes célestes. Aux fléaux qui l'atteignaient, il ne répondait ni par le fatalisme du musulman, ni par la résignation du chrétien : il répondait par la révolte. Comme il était en possession d'un idéal concret, il voulait le réaliser ; et tout ce qui en retardait l'avènementprovoquait sa colère.Les peuples qui ont cru à l'au-delà, ceux qui se sont becés de chimères douces et consolantes, et se sont laissés endormir par le songe de l'éternité ; ceux qui ont possédé le dogme des récompenses et des châtiments, du paradis et de l'enfer, tous ces peuples ont accepté lapauvreté, la maladie, en courbant la tête. (…) La foi en l'immortabilité de l'âme est une consillère de résignation ; cela est si vrai, que l'on voit l'intransigeance judaïque s'apaiser à mesure que s'affirme en Israël le dogme de la pérennité. (…)

Donc, la conception que les juifs se firent de la vie et de la mort, fournit le premier élément à leur esprit révolutionnaire. Partant de cette idée que le bien, c'est à dire la justice, devait se réaliser non pas outre-tombe, puisque outre-tombe il y a le sommeil, jusqu'au jour de la résurrection du corps – mais pendant la vie, ils cherchèrent la justice et, ne la trouvant jamais, perpétuellement insatisfaits, ils s'agitèrent pour l'avoir.

(…) ils ne provoquent pas la révolution, ils y adhèrent, ils la suivent et ne la génèrent pas , et cependant ces groupements ouvriers, détachés de la foi ancienne, ayant abandonné toute religion, toute croyance même, n'étant plus juifs au sens religieux du mot, sont juifs au sens national. Ceux de Londres et des Etats-Unis qui ont abandonné leur pays d'origine, fuyant la Pologne et surtout la Russie où ils sont persécutés, se sont fédérés entre eux ; ils ont formé des groupes qui se font repréqsenter aux congrès ouvriers sous le nom de « groupe de langue juive »

(…) Donc le juif prend part à la révolution et il y prend part en tant que juif, c'est à dire tout en restant juif. Est-ce pour cela que les conservateurs chrétiens sont antisémites, et cette aptitude révolutionnaire des juifsest-elle une cause d'antisémitisme ? (…) Le juif a été certainement anticlérical ; il a poussé au Kulturkampf en Allemagne, il a approuvé les lois Ferry en France, et l'on a cru que son libéralisme venait de son antichristianisme, tandis que le contraire est vrai. A ce point de vue, il est juste de dire que les juifs libéraux ont déchristianisé, ou du moins qu'ils ont été les alliés de ceux qui poussèrent à la déchristianisation, et pour les antisémites, déchristianiser c'est dénationaliser. Il y a de la part des antisémites une confusion : ils confondent nation et Etat Le libéralisme anticlérical ne dénationalise pas, il tue le vieil Etat chrétien ».

L'ANTISEMITISME ECONOMIQUE

Lazare ne s'attaque à la réputation financière perverse des juifs qu'à la fin de son deuxième tome, et cette méthode ets bien la meilleure car, en définitive, le juif dans l'histoire a d'abord été un révolté et ce n'est qu'après l'avoir tant persécuté (religieusement) qu'on a renouvelé cette persécution sur leplan économique. Lazare en tant qu'anrachiste socialiste, et compagnon de Jaurès, défend lui à l'époque un peuple juif dispersé mais majoritairement prolétaire, et c'est une minorité qui est passée à la bourgeoisie. On reste toujours gêné par l'utilisation du terme générique juif par Lazare, sans insister pour la saga juive sur les différences de classes dans la dite communauté, en particulier lorsqu'il parle au singulier , ou au pluriel, de la nouvelle bourgeoisie juive au dix-neuvième.

Le monde industrialisé n'a pas vraiment mis fin aux siècles du petit usurier juif , confiné dans le commerce parasitaire, mais ouvert la voie à de grands capitalistes juifs.

« On sait mieux comment les juifs agirent depuis leur émancipation. En France, sous la Restauration et sous le Gouvernement de juillet , ils furent à la tête de la finance et de l'industrialisme, ils furent parmi les fondateurs des grandes compagnies, d'assurances, de chemins de fer, de canaux. En Allemagne, leur action fut énorme ; ils provoquèrent la promulgation de toutes les lois favorables au commerce de l'or, à l'exercice de l'usure, à la spéculation. CE furent eux qui profitèrent de l'abolition (en 1867) des anciennes lois restrictives du taux de l'intérêt ; ils poussèrent à la loi de juin 1870 qui affranchit les sociétés par actions de la surveillance de l'Etat ; après la guerre franco-allemande, ils furent encore les plus hardis spéculateurs ».

Après la crise de 1872, c'est pourquoi l'antisémtisme bondit chez les petits bourgeois dépouillés !

« Lorsqu'on eût constaté cette action incontestable du juif, on en conclut que le juif était le détenteur par excellence du capital. Ce fut une cause d'animosité de plus contre lui. Les juifs possèdent tout, déclara-t-on ; et juif, après avoir été l'équivalent de fourbe, de trompeur, d'usurier, devint le syno nyme de riche. Tout juif est possesseur, voilà la commune croyance. Il y a là une erreur profonde. L'immense majorité des juifs, près des sept huitièmes, sont d'une extrême pauvreté (…) Ils sont même parmi les prolétaires les plus déshérités.

Pourquoi cette prépondérance des juifs dans la finance et le commerce ? Lazare n'est pas vraiment d'un avis différent de Drumont (qui ne dit pas que des bêtises) :

« Quelques juifs se plaisent à dire qu'ils doivent leur suprématie économisque à leur supériorité intellectuelle [NB c'est toujours le cas en 2025 pour le nationalisme israélien] Cela n'est pas exact ou, du moins,il faudrait s'entendre sur cette supériorité. Dans cette société bourgeoise, fondée sur l'exploitation par le capital, où la force de l'or est dominante, où l'agio et la spéculation sous tout-puissants, le juif est certainement douémieux que ytout autre pour réussir (…) Il est froid et calculateur, énergique et souple, persévérant et patient, lucide et exact, et toutes ces qualités il les a héritées de ses ancêtres, les manieurs de ducats et les traficanats. S'il s'apllique au commerce, à la finance, il bénéficie de son éducation séculaire et atavique, qui ne l'a pas rendu plus ouvert comme sa vanité le déclare, mais plus apte à certaines fonctions ».

Tout ceci est en partie vrai, mais ne diffère pas de ce que disait Drumont, qu'on pense à la banque juive Goldmann&Sachs. Plus loin Lazare semble moins confus.

« Si on a toujours à l'esprit cette idée de la solidarité juive, et ce fait que les juifs sont une minorité organisée, ,on en concluera que l'antisémitisme est en partie une lutte entre les riches, un combat entre les détenteurs du capital. C'est en effet le chrétien riche, le capitaliste, le commerçant,,l'industriel, le financier qui sont léséspar les juifs, et non les prolétaires, qui ne subissent pas le patronat juif plus durement que le patronat catholique, au contraire, car là, c'est le nombre des patrons qui importe, et ce ne sont pas les juifs qui sont le nombre. Voilà ce qui explique pourquoi l'antisémitisme est une opinion bourgeoise, et pourquoi il est si peu répandu, sinon à l'état de vague préjugé, dans le peuple et dans la classe ouvrière [ce qui est vrai aujourd'hui mais pas à l'époque de la montée du nazisme]

(…) Le capital foncier, dans sa lutte contre le capital industriel, est devenu antisémite, parce que le juif est pour le propriétaire territoriel le représentant le plus typique du capitalisme commercial et industriel.

DEUX CATEGORIES OPPOSEES DES JUIFS ETERNELS...

Ainsi sont-ils aux deux pôles des sociétés contemporaines. D'un côté ils collaborent activement à cette cenralisation extrême des capitaux qui facilitera sans doute leur socialisation, de l'autre ils sont parmi les plus fervents adversaires du capital. Au juif draîneur d'or,produit de l'exil, du Talmudisme, des législations et des persécutions, s'oppose le juif révolutionnaire, fils de la tradition biblique et prophétique, cette tradition qui anima les anabaptistes libertaires allemands du seizième siècle et les puritains de Cromwell (…)

(…) les juifs ne sont pas encore assimilés, c'est à dire qu'ils croient encore à leur nationalité. Ils continuent, par la circoncition, par des règles prophylactiques spéciales, par des prescriptions alimentaires, à se différencier de ceux qui les entourent ; ils persistent en tant que juifs, non pas qu'ils ne soient pas susceptibles de patriotisme, - les juifs en certains pays ont contribué plus que personne à réaliser l'unité nationale, - mais ils résolvent le problème qui paraît insoluble de faire partie intégrante de deux nationalités ; s'ils sont français et s'ils sont allemands, ils sont aussi juifs, et si on leur sait un gré médiocre d'être allemands ou d'être français, on leur reproche vivement d'être juifs. On les considère dans tous les Etats comme les américains considèrent les chinois, ainsi qu'une tribu d'étrangers ayant conquis les mêmes privilèges que les autochtones, et ayant refusé de dsiparaître.

(…) Mais le particularisme et l'égoïsme national, si forts, si puissants qu'ils soient encore, présentent des signes de décadence. (…) les progrès de l'internationalisme amèneront la décadence de l'antisémitisme ».














jeudi 6 novembre 2025

La violence et le changement social en Amérique (1969)


par HOWARD ZINN (1969)

(partie 2chapitre 4)

(merci à Jean-Pierre Laffite pour sa traduction)





Vers le début des années 1980, alors que j'étais à New York, j'ai trouvé dans la grande poubelle de la bibliothèque de la big pomme, un ouvrage collectif sur la question de la violence, patronné par Howard Zinn. Howard Zinn (1922-2010) célèbre historien américain engagé sur plusieurs fronts de la contestation sociale et contre plusieurs guerres successives au cours de son existence, est toujours une référence pour son histoire populaire des Etats Unis et sa réhabilitation des minorités opprimées. Cet écrit de 1969 plein de finesse et de conscience humaine reste très actuel face à l'expansion des sectarismes, des communautarismes et l'empêchement de toute réflexion rationnellle par l'ensemble des rackets politiques, surtout ceux de la gauche nèo-stalinienne et wokiste. La violence est un sujet à la fois complexe, difficile et hétéroclite. La réflexion de Zinn souligne la responsabilité de l'Etat, mais n'oublie pas non plus la responsabilité individuelle de chacun où, les plus conscients peuvent agir comme Orwel qui, pendant la guerred'Espagne tirait en l'air pour ne pas avoir à tuer un soldat d'en face passant devant lui. Jeune ouvrier j'ai connu des collègues qui, mobilisés en Algérie avaient agi de la même manière. Nous savons, en tant que membres du prolétariat, que nous ne pouvons avoir le culte de la violence. Celle-ci est le plus souvent défensive, à une étape supérieure celle-ci ne vise pas la destruction des individus mais des instutions de l'Etat bourgeois. Mais il ne faut pas tout mélanger car comme il le dit si bien: "La violence dirigée contre la propriété ne devrait pas être mise sur le même plan que la violence faite aux gens".


C’est une idée fausse fondamentale que l’on se fait sur les États-Unis – que je vais discuter – et que l’on pourrait énoncer de la manière suivante : les États-Unis sont une nation particulièrement non-violente, car dotée d’un régime spécifique destiné à mettre en œuvre le changement social au moyen de la réforme parlementaire pacifique. Ma thèse est que cette idée se fonde sur deux défauts de la vision : l’un est le défaut consistant à ne pas reconnaître l’importance de la violence déclarée qui a caractérisé notre comportement vis-à-vis des nationalités et des races autres que la nôtre ; l’autre est le défaut à ne pas reconnaître la place de la violence – à la fois déclarée et dissimulée – dans le progrès social américain. Cette idée fausse entraîne un double principe : il y a, d’une part, une tendance nationale à rendre absolue la valeur du changement social aux dépens de la vie humaine quand la violence requise pour ce changement est dirigée contre d’autres nations ou d’autres races ; et, d’autre part, une tendance à rendre absolue la valeur de la paix aux dépens du changement social au sein du cadre national.

C’est avec ces deux affirmations que j’aimerais discuter de la violence et du changement social dans l’histoire des États-Unis, en ne prétendant pas faire davantage qu’une brève étude impressionniste. Et je désire suggérer un certain nombre de propositions sur la violence qui méritent peut-être réflexion.

Notre premier grand bouleversement social a été l’expulsion des Britanniques et de leur bureaucratie locale lors de l’établissement d’une nation indépendante. Une nouvelle classe privilégiée a été créée qui s’est fondée sur le renversement du gouvernement royal et de celui des propriétaires coloniaux, ainsi que sur la redistribution de la terre après la confiscation des domaines du roi, des propriétaires et des loyalistes. Cela s’est accompagné de changements : la diminution des conditions de propriété nécessaires à la participation politique dans les nouvelles constitutions étatiques ; l’abolition de la primogéniture et de la substitution héréditaire ; la séparation de l’Église anglicane et de l’État ; et la libération des esclaves dans les États du Nord. Cela a été accompli au moyen de sept années de guerre au cours de laquelle 25 000 hommes de l’Armée Continentale ont été tués, soit environ un homme sur huit de ceux qui y étaient enrôlés. Pour juger l’importance de cette violence, l’on devrait considérer que la même proportion de mortalité dans notre population actuelle s’élèverait à la mort de 1 500 000 personnes.

Le grand changement social suivant a été la pacification du continent et la création d’un marché commun, allant d’un océan à l’autre, large de 1 500 miles, à travers lequel, le travail, le capital, les matières premières et les produits finis, ont pu circuler librement. Cela a été une condition préalable vitale pour le développement du colosse industriel qui, au vingtième siècle, produirait la moitié des biens du monde avec six pour cent de la population mondiale. Et la création de ce marché commun a impliqué une série d’actes violents que nous avons comme par hasard évacués de notre mémoire.

Le premier de ces actes a été l’expulsion et l’extermination des Indiens qui, à l’époque de Christophe Colomb, étaient au nombre de 1 000 000 dans ce qui est maintenant le territoire des États-Unis, et qui sont environ 400 000 aujourd'hui. La violence est fréquente à l’intérieur des groupes, mais il semble qu’il est fait appel à elle plus facilement quand elle est dirigée contre des étrangers. L'étranger est soit physiquement bizarre, linguistiquement ou culturellement distinct, soit investi d'étrangeté en raison de la distance. Il devient une victime invisible, une sorte d’objet envers lequel l’inimitié peut être multipliée sans hésitation. Au début du XIX° siècle, un voyageur français a noté ce qui suit à propos du traitement des Indiens par les Américains :

« Dans le cœur de la société, si policée, si pudique, si sentencieusement morale et vertueuse, l’on rencontre une insensibilité complète, une sorte d’égoïsme froid et implacable quand il est question des indigènes américains… C’est le même instinct sans pitié qui anime la race européenne ici comme partout ailleurs. ».

Selon John Collier, Commissaire aux Affaires indiennes dans l’administration Roosevelt et l’une des principales autorités du monde en ce qui concerne les Indiens, il y avait 600 sociétés indiennes distinctes à l’époque où l’homme blanc est arrivé en Amérique du Nord, et il n’y avait pas un mile carré du continent qui soit inoccupé ou inutilisé. « Ces sociétés existaient en parfait équilibre écologique avec la forêt, la plaine, le désert, les eaux, et la vie animale ». La guerre entre elles était contrôlée, modérée, prudente ; leurs ambitions étaient petites.

C’est alors que l’homme blanc est arrivé, et non pas un seul et unique conquérant blanc, comme dans les territoires situés au sud du Rio Grande, mais différentes puissances : Espagnols, Hollandais, Français et Anglais, luttant les uns contre les autres et impliquant les Indiens dans leurs batailles. Les sociétés indiennes ont néanmoins été préservées et leur domination a été indirecte, en tant que politique calculée des puissances européennes concurrentes, puis codifiée par les nouveaux États-Unis comme loi fondamentale des relations indiennes.

Mais quand les Espagnols, les Hollandais, les Français et les Anglais, ont quitté le continent, c’est en tout cas ce que dit Collier, « il n’est resté qu’un empire en expansion, avec des préjugés de race et une faim de terres illimitée. Les politiques initiales à l’égard des sociétés indiennes et de l’indianité ont été inversées ; une politique tout d’abord implicite et sporadique, et ensuite explicite, soigneusement rationalisée et mise en œuvre de manière complexe, d’extermination des sociétés indiennes et de toute caractéristique indienne, de liquidation finale des Indiens, est devenue une politique officialisée, une loi et une pratique. ».

Le récit est difficile à lire sans broncher, car il s'agit de la face cachée des événements les plus chers de l'histoire américaine. Nous idéalisons les premiers aventuriers de la Virginie, mais ils se sont établis sur le territoire de la Confédération powhattan et ils ont anéanti ses membres dans une guerre sanglante. Nous sommes fiers des puritains, mais ce grand théologien puritain, Cotton Mather, un intellectuel de premier plan de la colonie, a dit lorsque la maladie a décimé les Indiens après l’accostage du Mayflower : « Les bois ont été presque débarrassés de ces créatures pernicieuses pour faire place à une meilleure croissance ». Lorsque les colons de la Nouvelle Angleterre ont brûlé les wigwams des Pequots et les ont massacrés quand ils s’enfuyaient, Cotton Mather a noté cela froidement : « L’on a supposé que pas moins de six cents âmes pequotes ont été envoyées en enfer ce jour-là ». Andrew Jackson, souvent présenté comme une sorte de précurseur du New Deal, a envoyé le général Winfield Scott pourchasser les Cherokees de Géorgie, menant quatorze mille d’entre eux vers l’ouest sur une “piste de larmes” dans laquelle quatre mille sont morts en chemin. Après la Guerre civile, les Indiens des Plaines ont été traqués, harcelés et tués, et ceux qui sont restés ont été entassés dans le Territoire Indien de l’Oklahoma, d’où finalement ils ont également été chassés.

L’Armée des États-Unis a écrasé les Indiens dans une série de guerres et de batailles : le massacre de Chivington en 1864 au Colorado, le massacre de Black Kettle commis par Custer en 1868 au Texas, la déportation des Cheyennes vers le sud en 1878, et le massacre de Wounded Knee en 1890. Il y a eu la guerre contre les Cheyennes et les Arapahos, ainsi que la guerre contre les Sioux, dans les années 1860. Dans les années 1870, sont survenues la guerre de la Red River, la guerre contre les Nez Percés, la guerre contre les Apaches, et d’autres guerres contre les Sioux.

Dans le récit de la violence, nous pourrions noter un phénomène qui est différent de la rapide destruction des corps ou de la lente destruction des esprits : il s’agit de l’élimination des moyens de la vie – la terre, les refuges, les vêtements, la nourriture. Dans le cas des Indiens des Plaines, cela a été accompli par le massacre de leur matière première la plus essentielle : le bison. Dans un premier temps, les chemins de fer ont séparé les grands troupeaux en deux parties ; ensuite, des chasseurs professionnels avec des fusils à répétition ont transformé les plaines en abattoir ; vers 1870, un million d’entre eux par an ont été tués. Vers 1875, le troupeau du sud était pratiquement exterminé, et dix années plus tard c’était le tour du troupeau du nord.

Collier dit : « C'est parmi les Indiens des Plaines que la politique d'anéantissement des sociétés, puis de la personnalité indienne individuelle, a été poussée à l'extrême ». Cette affirmation est importante parce qu’elle est une reconnaissance de la violence qui va au-delà de la violence physique : la destruction de la culture et de la personnalité. Cela sonne de manière familière à nos oreilles ces jours-ci parce que nous avons pris tardivement conscience que le lynchage n’a pas été la pire chose qui est arrivée aux nègres dans ce pays. Dans la comparaison qu’effectue Stanley Elkins des camps de concentration nazis avec les plantations esclavagistes américaines (dans son livre Slavery [Esclavage]), son souci n’est pas les coups de fouet et les raclées, mais les attaques portées à la psyché, la déformation du moi, la paralysie de l'identité. Et naturellement, cela n’a pas pris fin avec l’interdiction de l’esclavage parce que la violence exercée sur la personne du nègre continue dans les plantations du Sud, dans les villes du Sud, et dans les ghettos du Nord. Le jeune nègre emploie constamment le terme de “camp de concentration” ou de “prison” pour décrire le ghetto.

L’évacuation des Indiens a été une étape nécessaire dans le déblaiement forcé de cet espace national qui hébergera l’économie la plus productive de l’histoire mondiale. Morceau par morceau, a été assemblé ce qui constitue aujourd'hui les États-Unis : certaines acquisitions ont été faites grâce à une diplomatie intelligente, comme l’achat de la Louisiane et du territoire de l’Oregon ; d’autres ont été effectuées par la violence, comme la Floride orientale après une campagne de harcèlement menée par Andrew Jackson, ainsi que les États du Sud-ouest (du nouveau Mexique à la Californie) comme résultat de la guerre contre le Mexique. À l’époque de la Guerre civile, les États-Unis se sont étendus d’un océan à l’autre. Vers 1890, Frederick Jackson Turner a pu utiliser la découverte du Bureau du recensement selon laquelle la frontière avait disparu pour lancer une série de discussions relatives à sa signification. Le fait que Turner ait vu la frontière comme une influence bienveillante sur la démocratie américaine était un autre signe de la tendance nationale à tester notre bienveillance par la façon dont nous nous comportons les uns envers les autres, et non envers ceux – que ce soient les Indiens, les nègres, les Mexicains, ou les Espagnols – qui se trouvent au-delà de la frontière.

La Guerre civile, avec toutes ses complexités, fait fortement partie du même processus qui a été décrit plus haut, c'est-à-dire d’un violent effort couronné de succès de la part du gouvernement national pour maintenir son contrôle sur un vaste hinterland agraire dont les matières premières et les marchés étaient nécessaires pour faire exploser le développement qui aurait lieu à la fin du XIX° siècle. Le président Lincoln a dit sans détours que c’était le maintien du Sud dans l’Union qui était son principal souci, et non pas la question de l’esclavage. Mon objectif est de montrer que le développement constitutionnel et économique supposé pacifique de ce grand territoire que sont les États-Unis a exigé une guerre qui a coûté 600 000 vies. Sur une population de 33 000 000 habitants, environ 2 300 000 jeunes hommes sont partis au combat, et un sur quatre y est mort. Si l’on appliquait cela à notre population actuelle, ce serait comme si 3 5000 000 jeunes hommes étaient morts à la guerre. Edmund Wilson, dans son introduction cinglante à Patiotic Gore [Le carnage patriotique], élimine une partie du non-sens romantique qui entoure non seulement les centenaires de la Guerre civile, mais tous les traitements élogieux de la croissance territoriale américaine.

Au cours de la guerre, l’esclavage a été aboli. Que ce soit ou non la première cause de la guerre (et nous devons faire la distinction entre son aspect économique-politique et son aspect humain pour en discuter), son abolition a été l’un des grands changements dans l’histoire américaine, et elle a été une conséquence de l’explosion la plus concentrée de violence que cette nation ait jamais connue. Il est difficile de voir comment l'esclavage aurait pu être aboli à ce moment-là, sans une série de révoltes comme celles planifiées par John Brown, ou finalement sans une guerre dévastatrice menée, ironiquement, deux ans plus tard par le même gouvernement qui a condamné John Brown à mort pour avoir cherché un moyen moins coûteux d'émanciper l'esclave.

Si la position du nègre dans ce pays est un test pour la thèse selon laquelle nos institutions libres se sont développées sur la base d’un changement parlementaire pacifique, cette thèse ne pouvait guère être avancée avec sérieux. Le fait que cela puisse être avancé témoigne du rôle minime que joue le nègre dans la conscience nationale. Il est toujours une exception, à noter puis à mettre de côté, de sorte que l’état de la nation peut être évalué sans sa présence gênante. (Quand un sixième de la population de la nation était composée d’esclaves noirs, cela était connu sous le terme d'“institution particulière”). La violence exercée sur le nègre dans cette situation d’esclavage, au-delà de la violence physique, le privant de propriété, de femme et d’enfants, d’éducation, de culture africaine, de sa propre identité – le processus d’une totale aliénation –, n’a jamais été correctement prise en compte, même par nos scientifiques les plus humains, qui limitaient souvent leur souci à se demander combien de nègres étaient réellement fouettés par le propriétaire de la plantation. Et la violence faite à notre esprit dans la société contemporaine commence seulement à entrer dans notre conscience.

Avec l’indépendance sécurisée par rapport au contrôle européen, avec le continent unifié et pacifié (et ici, comme avec la Révolution américaine, il y a eu d'autres bonus : une banque nationale et des lois sur les droits de douane, les chemins de fer et la propriété, auxquelles le Sud ne s'opposait plus), le prochain grand changement a été l’industrialisation et l’urbanisation d’une nation agricole. Ceci ne peut être considéré comme un développement pacifique que si la violence se limite à des dommages physiques manifestes et intenses. Ceux qui travaillaient sur les chemins de fer, dans les mines, dans les fabriques et les usines, étaient soumis à une sorte de servitude qui leur détruisait à la fois le corps et l’esprit. Les horaires étaient longs, les salaires bas, et souvent il y avait un enfermement de type servage dans une ville-entreprise. George Fitzhugh, dans Cannibals All [Tous des cannibales], juste avant la Guerre civile, avait fustigé les Nordistes qui critiquaient l’esclavage alors qu’ils s’accrochaient à leur système industriel. « Vous, avec le contrôle du travail que votre capital vous donne, vous êtes un propriétaire d’esclaves – un maître, sans les obligations d’un maître. Ceux qui travaillent pour vous, qui sont à l’origine de vos revenus, sont des esclaves, sans les droits de esclaves. ».

La dépression des années 1870 et celle des années 1890 ont provoqué de grandes souffrances. Durant les trois premier mois de 1874, par exemple, environ 90 000 travailleurs sans logis, beaucoup d’entre eux étaient de femmes, étaient logés dans les postes de police de New York City, blottis les uns contre les autres sur des bancs. Ils étaient expulsés à l'aube, affamés, pour laisser la place à la fournée suivante. Le Mouvement des Grangers [Fermiers], le Parti du Billet vert et le Parti Populiste, sont nés en réponse à la détresse des agriculteurs au cours de ces années-là. Les dépressions se sont atténuées et les mouvements ont décliné, mais le problème est que le progrès industriel de la nation a été effectué avec un coût humain important de millions de personnes, un coût qui doit être pris en compte dans toute définition élargie de la violence. Le nouveau livre de Barrington Moore : Social Origins of Dictatorship and Democracy [Les origines sociales de la dictature et de la démocratie] illustre, ce sont ses mots, « les contributions de la violence au réformisme progressif » dans le chapitre dans lequel il discute du mouvement des enclosures en Angleterre, un autre pays avec un développement parlementaire prétendument pacifique.

Un autre changement social important dans l’histoire américaine a été le développement de ce que nous dénommons le “welfare state” [l’État- providence], l’établissement de niveaux de vie acceptables pour les deux tiers de la nation, en limitant la pauvreté et la détresse à ces parties de la population qui ne peuvent pas s’associer facilement (travailleurs agricoles et des services), qui manquent d’une base territoriale (ouvriers migrants) ou qui sont mis à part du reste de la population pour des raisons raciales. L’État-providence a commencé lentement au cours de l’Ère progressiste avec la législation de l’administration Wilson et il atteint son point culminant avec le New Deal [Nouvelle Donne]. Ce qui est souvent négligé, c’est le rôle joué par la violence d’un type patent lors de l’introduction de ce qui est appelé l’Âge de la Réforme, lequel a débuté avec le XX° siècle.

Le progressisme de Roosevelt-Taft-Wilson a suivi une période où ont eu lieu les plus violentes luttes du travail qu’un pays ait jamais vues : les grèves de chemins de fer de 1877, qui ont entraîné l’armée et les travailleurs dans des affrontements armés ; les événements de Haymarket de 1886 ; la grève de Homestead de 1892 ; la grève du textile à Lawrence en 1892 ; la grève de Pullman de 1894 ; la grève du charbon du Colorado de 1913-14, qui a culminé avec le massacre de Ludlow. C’était la période de Big Hill Haywood, de Mother Jones et des Industrial Workers of the World. Comme pour la période du New Deal, elle s’est accompagnée de grèves violentes, sur le tas et régulières ; le désordre, qui a été documenté lors des séances du Comité La Follette surprendra toute personne qui pense que ce sont les manœuvres politiciennes tranquilles et l’éloquence de FDR qui racontent l’histoire des réformes du New Deal.

Le changement le plus important des années récentes est la fin de la ségrégation de jure, bien quelle ne le soit pas de facto, dans le Sud, et l’éveil de la nation aux protestations des nègres pour la première fois depuis la Reconstruction. Quelles que soient les insuffisances et le manque d’application des différentes lois sur les droits civiques adoptées depuis 1957, aussi vides que soient de nombreuses déclarations passionnées sur l'égalité raciale émanant de la Maison Blanche, il semble tout à fait clair que dix années d’agitation dans la communauté noire, depuis le boycott de Montgomery de 1955 aux marches de Selma de 1965, ont eu beaucoup à voir avec ces petits gains.

Pour effectuer un aperçu rapide, la société américaine, je le crois, montre un consensus croissant au fil du temps. Mais ce que nous avons n’est pas un consensus complet depuis longtemps, mais une série de pas vers le consensus, chacun accompagné de violence qui détruit, exclut ou incorpore, un groupe dissident. La Révolution a établi un nouveau consensus fondé sur l’indépendance, en excluant les Britanniques et leurs partisans loyalistes. Ceux qui n’ont pas été satisfaits des nouvelles classes privilégiées (les rebelles de Shay dans le Massachusetts, la révolte du whisky en Pennsylvanie) ont été supprimés par la force des armes afin de créer un consensus apparemment pacifique avec la nouvelle Constitution. Ceux qui étaient laissé de côté par le nouvel arrangement – les Noirs – ont été réprimés avec tout l'attirail du système esclavagiste. Le travail organisé, après la période de 1877-1939 des grèves violentes, a été amené au consensus avec la législation du New Deal. Et récemment, les Noirs de la classe moyenne ont été pacifiés avec la promesse de leur incorporation dans la classe moyenne blanche, en laissant leurs frères (représentés par Stokely Carmichael et d’autres comme lui) en dehors du consensus.

De plus en plus d’éléments de la vie américaine ont été invités à entrer dans l’endogroupe dominant de la société américaine, généralement après une violence déclarée de différentes sortes ; chaque accroissement fortifie le groupe qui peut alors continuer, ou même accroître, la violence dirigée vers ceux qui sont extérieurs au consensus (des leaders noirs respectables seront de plus en plus bienvenus à la Maison Blanche tandis que la police aura de plus en plus l’habitude de briser les révoltes noires dans les villes et sur les campus universitaires). La création d’un consensus assuré chez soi semble créer la possibilité d’exercer des quantités de plus en plus grandes de violence à l’encontre de groupes externes à l’étranger. (Je n’ai pas parlé de l’accroissement rapide des moyens de violence et de l’utilisation de la violence par les États-Unis à l’étranger au cours de ce siècle, pour la bonne raison qu’il est trop bien connu ; je choisirais comme moments dramatiques importants le bombardement de Dresde, la bombe atomique d’Hiroshima, et les bombardements au napalm du Vietnam).

Notre développement constitutionnel pacifique tant vanté est, en d’autres termes, fondé sur un système qui maintient la paix au niveau national tandis qu’il la viole à deux autres niveaux de l’existence humaine. C'est-à-dire que le système permet de troubler la paix intérieure de millions d’Américains qui sont trop pauvres, ou trop de couleur, ou trop différents dans un sens ou un autre, pour être traités avec respect par le gouvernement et par la société. Et dans le domaine de la politique étrangère, il permet un absolutisme dans la prise de décision qui agit contre ce qu’à la fois Hobbes et Locke reconnaissaient comme étant une loi fondamentale de la nature humaine – la préservation de la vie.

Cela me ramène à ma thèse : à savoir que nous avons un double critère pour porter un jugement sur la violence à l’intérieur et à l’extérieur du groupe national-racial : nous accordons une valeur suprême à la paix au sein de la société qui nous a déjà intégrés et une valeur suprême à la violence dirigée vers ceux qui sont en dehors de la société. Un exemple frappant de cela, c’est la crainte générale avec laquelle le gouvernement et le public ont accueilli les propos militants d’auto-défense des nègres, ou tout écart par rapport la non-violence absolue, ainsi que la volonté générale du gouvernement et du public d’utiliser les moyens violents les plus effrayants en Asie.

Laissez-moi maintenant énoncer en conclusion ce que certains éléments d'une éthique unique de la violence pourraient être :

  1. Toutes les formes de douleur et de mauvais traitements – qu’elles soient manifestes, intenses et physiques, ou bien psychologiques, dissimulées et atténuées – devraient être placées sur la même échelle d’actions destructrices. Cela crée de grands problèmes pour peser certaines formes de violence par rapport à d’autres, mais il est préférable de résoudre les problèmes assez facilement en n’assignant pas de poids à des types de violence qui vont au-delà de la définition courante. Les ingrédients habituels, les éléments moléculaires de toutes les sortes de violence, ont besoin d’être isolés. (Par exemple, nous avons besoin de reconnaître l’identité de la violence à la fois dans le crime et dans sa punition).

  2. Il s’ensuit que nous payons le prix d’une paix sociale superficielle qui réprime et cache la violence souterraine. Le prix est non seulement la conservation de cette infra-violence, mais l’explosion finale en violence déclarée. Les compromis tant vantés de 1820 et de 1850 qui ont aplani la question de l’esclavage ont peut-être rendu inévitable la Guerre civile. La Dépression des années 1930 a été peut-être le prix à payer pour avoir passé sous silence les souffrances des années 1920. Les griefs mis de côté sont payés avec des intérêts composés.

  3. La violence officielle ne devrait pas bénéficier de privilèges particuliers par rapport à la violence privée. John Brown a été pendu pour avoir tenté, par un acte de violence de plutôt petite envergure, de libérer les esclaves nègres ; mais le gouvernement des États-Unis s’est attiré peu d’opprobre pour une guerre dans laquelle 600 000 humains ont été tués pour la même cause. Un meurtre commis par la police, bien qu’injustifié, est privilégié d'une manière dont l'acte de meurtre commis par un citoyen privé ne l'est pas.

  4. La violence commise par les autres devrait être pesée de manière égale à la violence commise par nous-mêmes ; nous avons été horrifiés quand Hitler a tué plusieurs milliers de personnes en faisant tomber des bombes sur Rotterdam, mais nous acceptons facilement le massacre de plus de 100 000 personnes dans le bombardement de Dresde. Nous considérons que l’assassinat par le Viet Cong d’un chef de village est plus terrible que le bombardement américain de la population d’un village. Pearl Harbor est infiniment plus condamné qu’Hiroshima. Nous sommes plus troublés par une pierre lancée par un nègre sur un policier blanc que par l’homicide d’un autre nègre par un policier. Nous serions choqués si les nègres décidaient de bombarder l’État de l’Alabama afin de se débarrasser de son régime d’oppression – mais, dans les affaires internationales, nous acceptons un tel raisonnement.

  5. Nous devrions partir du principe que toutes les victimes sont créées égales, que la violence faite à des hommes d’autres races ou ayant d’autres croyances religieuses ne bénéficie pas pour autant d’une dispense spéciale : un communiste mort est un homme mort, comme l’est un anti-communiste mort. George Orwell, dans Homage to Catalonia [Hommage à la Catalogne], a écrit qu'il s’était retenu de faire feu dans la Guerre civile espagnole alors qu'un soldat fasciste, passant en courant, avait du mal à garder son pantalon relevé. « Comment pouvez-vous tuer un homme », écrivait-il, « qui a du mal à maintenir son pantalon relevé ? ».

  6. La violence dirigée contre la propriété ne devrait pas être mise sur le même plan que la violence faite aux gens. Lorsque je vivais à Atlanta, un policier y a tiré sur et tué un adolescent noir qui s’enfuyait d’un magasin dans lequel un distributeur de friandises avait été volé de deux dollars. De telles scènes peuvent être multipliées par cent ; beaucoup de ceux qui ont été tués dans des émeutes urbaines au cours des années récentes ne faisaient rien d’autre que de piller des magasins.

  7. Nous devrions être constamment conscients de notre disposition à accepter la violence sur la base d’arguments symboliques : les animaux commettent des violences pour des buts immédiats et visibles, mais les humains peuvent être poussés à la violence par un mot, un slogan, un processus de conditionnement pavlovien dans lequel nous sommes si éloignés de ce que le symbole représente que nous ne pouvons pas réellement peser les coûts et les inconvénients humains de nos propresactes. Le terme de “négro”, d’“impérialiste” ou de “communiste”, a ôté, et continue encore à ôter, un jugement rationnel de l'esprit même d’intellectuels.

  8. Finalement, nous devrions tenir compte du critère de fécondité de Jeremy Bentham, dans son schéma utilitariste : à savoir que non seulement nous devrions mesurer les résultats immédiats de nos actions, mais que nous devrions aussi considérer les effets prolifératifs d'une action excessive dans la gestion de la violence manifeste et de l'inaction dans la tolérance de la violence souterraine. Dans les deux cas, l'intensité peut entraîner des conséquences inattendues et terribles.



mercredi 5 novembre 2025

C'EST QUOI LES DEPENSES IMPRODUCTIVES ? LES BUDGETS MILITAIRES !

 

caricature simpliste du capital

(pétrole, gouvernance du monde et richesse)


Mon cher ami de longue date, tu as beau être un vénérable professeur d'université dans une matière peu prisée par les français, en politique tu ne me parais pas, ou du moins de moins en moins éclairé ou éclairant. Aussi je tiens à te répondre ici plus précisément à la suite notre engueulade d'hier soir où tu m'as fait entendre nombre de conneries. Amicalement, JLR

Pour Marx les dépenses militaires sont improductives ! Et tu m'as raconté des conneries sur un possible développement de l'économie de guerre...comme sauveur d'un capitalisme en crise et pas seulement financière !

Le pétrole n'est pas partout la cause des guerres comme tu l'ergotais de façon simpliste :

 L'annexion de la Crimée par la Russie  n'a rien à voir avec le pétrole comme enjeu territorial ! en 2014 est venue rappeler aux pays d'Europe de l'Ouest et aux anciens pays du bloc soviétique que le nationalisme russe pouvait encore être un danger. Les budgets de la défense sont repartis à la hausse, du moins dans les pays qui se sentaient le plus concernés et une nouvelle accélération a été enregistrée à partir de 2022.

Sans surprise, parmi les trente-deux pays membres de l'OTAN, on voit que c'est la Pologne qui a le plus dépensé en matière de défense en 2024 en proportion de son PIB (4,12%), devant l'Estonie (3,43%) et la Lettonie (3,12%). L'Allemagne et la France étaient alors au coude-à-coude, avec respectivement 2,12% et 2,06% de leur PIB.

Il y a a une crise du pétrole et pas une simple concurrence, certes menée de façon agressive par Trump (cf.le faux prétexte du combat contre la drogue pour s'emparer des plus grandes réserves pétrolières du mone au Venezuela. Mais comme l'explique depuis longtemps ce texte du courant communiste international (et bravo à eux, les plus clairs sur l'analyse géopolitique internationale, et lire en note leur explication remarquable1) :

«  La crise du pétrole n’est elle-même en dernier ressort qu’un produit de la crise économique générale. La-bourgeoisie mondiale trouve dans cette crise un bouc-émissaire inattendu, mais particulièrement opportun pour précipiter une série de mesures "impopulaires" qu’elle devra prendre. Les classes dominantes savent que la "récession" prévue exigera des licenciements, du chômage, c’est-à-dire d’attenter à un des seuls avantages réels que le capital ait été capable d’offrir au prolétariat depuis la deuxième guerre : la sécurité de l’emploi. La politique des pays producteurs de pétrole du Proche-Orient fournit dans ces conditions une occasion trop tentante de rendre effective une part de ces mesures; tout en en faisant porter la responsabilité sur cet homme à tout faire des moments difficiles de la bourgeoisie : "l’étranger" (en l’occurrence les arabes). Si les choses sont bien faites, on peut même se payer le luxe d’une petite "union sacrée de toutes les classes" face à la difficulté. La manœuvre est trop intéressante pour ne pas la deviner derrière toutes les campagnes de propagande actuelles qui accompagnent un raz de marée totalement disproportionné de fermetures d’usines et d’élévation des prix (l’essence en particulier). La force mystificatrice de cette manœuvre doit être dénoncée.

Dans l’ambiance de panique que la bourgeoisie développe une intervention militaire américaine au Proche-Orient, afin de rétablir "l’ordre pétrolier", apparaîtrait aux yeux des populations occidentales plus justifiée que lors des précédents conflits. La bourgeoisie aux abois aura de plus en plus à utiliser ce genre de mystifications. Dans cette tâche elle pourra compter sur les partis de gauche et sur les rabatteurs de ceux-ci : les gauchistes.

C’est pour cela que dans la période qui vient les révolutionnaires devront redoubler d’efforts pour mettre en lumière les véritables causes de la crise actuelle. Ils devront dénoncer toutes les mystifications véhiculées par les partis du capital pour tenter de préparer le prolétariat à la guerre impérialiste; seule réponse possible du capital a la crise ».

LES BUDGETS MILITAIRES EN HAUSSE MENENT A LA CATASTROPHE

Ainsi que nous le rappelle l'Institut de Kiel pour l'économie mondiale (IfW Kiel), dans un rapport publié au début du mois de février, l'Allemagne nazie consacrait en 1939 près de 27% de son produit intérieur brut (PIB) aux dépenses militaires, tandis que le Royaume-Uni, après avoir trop négligé ce danger, faisait un gros effort de rattrapage à environ 15% de son PIB. Aujourd'hui, ce qui est demandé aux pays européens, c'est de monter autour de 3% de leur PIB. Les conséquences pour la population ne sont pas exactement les mêmes. L'énorme buget d'Hitler a affaibli rapidement l'Allemagne en guerre, e c'est ce qui arrivera à Poutine !

Pourquoi militariser l’économie européenne ne va pas sauver l'industrie française ? (slate)

Un marché non durable et moteur de guerres permanentes

Quand on a faim, on achète de la nourriture, on la mange, puis elle disparaît : il faut donc en produire à nouveau pour assouvir les faims suivantes. Et ainsi de suite. On a besoin de se déplacer pour travailler, voir sa famille ou partir en vacances. Pour cela, on prend les transports en commun ou un véhicule personnel. Cette utilisation continue des transports publics ou d’un véhicule privé les use. Au bout d’une certaine usure, il faut réparer ou remplacer ces véhicules. Ainsi qu’investir dans le développement et l’entretien des infrastructures de transport et la production des véhicules. C’est le cycle de vie d’un produit qui assure une certaine durabilité à un modèle économique répondant à des besoins et une demande présents dans la société. De son côté, l’investissement dans l’armement nourrit un cercle vicieux où la paix devient une menace pour les profits. Tant que les conflits – par exemple: guerre en Ukraine, génocide à Gaza, occupation du Congo oriental soutenue par le Rwanda (avec la bénédiction de l’UE) – font rage, les armes trouvent un “marché”. Mais si les États stockent sans les utiliser, le marché s’engorge et sature. Pour survivre, les fabricants ont besoin que ces armes brûlent sur les champs de bataille, générant de nouvelles commandes.
La militarisation de l’économie crée ainsi une incitation structurelle à la guerre, renforcée par le lobbying des industriels. Pire : les conflits servent même de vitrine commerciale. Certaines entreprises, comme celles fournissant Israël, n’hésitent pas à vanter des équipements «testés en conditions réelles», transformant les massacres en argument marketing. (1)

L’investissement dans l’armement nourrit un cercle vicieux où la paix devient une menace pour les profits. Les armes ont besoin d’un « marché ».

Les États-Unis représentent pleinement cette logique destructrice. Seul pays à avoir construit un énorme complexe militaro-industriel, donc un secteur industriel fort basé sur l’armement, ils enchaînent les guerres. Rien que depuis 2001 : Afghanistan (2001-2021), Irak (2003-2011,), Libye (2011), Syrie, Yémen, soutien à l’Ukraine et à la guerre génocidaire israéliennes contre les Palestiniens. Cette situation de guerre permanente alimente un secteur colossal : en 2024, les exportations d’armes américaines ont atteint 318,7 milliards de dollars, soit une hausse de 29 % en un an (Reuters, janvier 2025). Le département d’État lui-même justifie ces chiffres par la « reconstitution des stocks envoyés à l’Ukraine » et la préparation à de « futurs conflits majeurs ».(2)
Contrairement au discours officiel, militariser l’économie n’offre aucune protection – elle aggrave les risques de guerre. L’histoire européenne en témoigne : les vagues de réarmement, notamment en Allemagne au XXᵉ siècle, ont conduit à deux guerres mondiales et à un continent en ruines. Aujourd’hui, reproduire ce schéma reviendrait à sacrifier toujours plus de vies, à détruire des sociétés et des communautés pour nourrir une industrie prête à tout vampiriser et dont la survie dépend… de notre propre insécurité. Comme le résume l’économiste Michael Roberts, le keynésianisme militaire ne peut fonctionner qu’en situation de guerre.(3)

 L’illusion d’une relance par des dépenses militaires

L’économie européenne est dans une impasse. L’Allemagne, première puissance industrielle du continent, est en récession. « Les chaînes de valeur ou les capacités de production existantes dans nos industries traditionnelles – automobile, acier, aluminium ou produits chimiques – peuvent trouver de nouvelles opportunités dans la reconversion et l’approvisionnement d’une empreinte croissante de la base industrielle de défense [TDLR] », affirme la Commission européenne.(4) Mais l’espoir que la militarisation de l’économie remettra le Vieux Continent sur les rails de la croissance risque d’être de courte durée. En économie, pour comparer l’effet de différents types d’investissements, on utilise ce qu’on appelle l’effet multiplicateur. Ce terme désigne le phénomène par lequel une dépense initiale entraîne une série d’autres dépenses, investissements et activités économiques. Par exemple, lorsqu’on investit dans un parc éolien, l’énergie produite peut alimenter des usines, attirer des entreprises et créer de nouveaux emplois. Investir dans des chemins de fer facilite les échanges et le transport de marchandises, ce qui stimule l’activité économique. Financer la recherche et le développement (R&D) peut déboucher sur des innovations qui renforcent le développement industriel. Produire une excavatrice ou un bulldozer aide à construire des bâtiments, des routes ou des ponts. En comparaison, un tank ne produit ni énergie, ni innovation, ni transport, ni bâtiments. Il mobilise des ressources, mais sans effet d’entraînement durable dans l’économie.
Plusieurs études récentes menées se sont penchées sur les effets des dépenses militaires sur l’économie. Selon le Kiel Institute for the World Economy, l’un des principaux instituts de recherche économique en Allemagne, ces dépenses ont un effet réduit sur la croissance car elles sont déconnectées des besoins de la société, que ce soient les entreprises privées, l’Etat ou les consommateurs.  Comme l’a récemment rappelé l’économiste de l’Université Catholique de Louvain, Paul Van Rompuy, la banque d’investissement américaine Goldman Sachs a calculé quant à elle, que le multiplicateur des dépenses de défense de l’UE, dans le cadre du programme «Rearm Europe», n’était que de 0,5 après deux ans Pour l’institut GWS (Gesellschaft für Wirtschaftliche Strukturforschung), elles peuvent générer un certain dynamisme économique à court terme, au moment des achats d’armes, mais sans impact significatif à long terme. Le CEO d’ArcelorMittal Europe, Geert Van Poelvoorde, résume la situation avec lucidité : « Fournir de l’acier pour la défense n’est pas un problème. 1 000 chars, cela représente 30 000 tonnes, ce qui ne correspond qu’à trois jours de production dans une seule usine. Donc non, le renouveau de la défense ne signifie pas automatiquement le renouveau du secteur sidérurgique. [TDLR] ».

Ta reprise de la thèse du pétainiste Henri Coston (selon laquelle la finance gouverne le monde...donc les juifs)

Coston qui était un journalisteéditeur et essayiste français collaborationniste et antisémite, né à Paris (15e arrondissement) le 20 décembre 1910 et mort à Caen le 26 juillet 2001

Pendant l'entre-deux-guerres, il se fait connaître en tant que journaliste et militant d'extrême droiteantisémite et antimaçonCollaborationniste sous Pétain. En 1928, jeune journaliste fonde La Contre-Révolution, revue antisémiteanticommunisteantimaçonnique et opposée aux sociétés secrètes en général, mais qui ne connut que deux numéros. En 1930, il crée les Jeunesses anti-juives, puis le journal La Révolte ouvrière avec notamment Henry Charbonneau. t l'occupation allemande, il est condamné à la Libération. En 1955, il réédite son livre « Les financiers qui gouvernent le monde ». Et, en 1958 : « La franc-maçonnerie gouverne ». Ce plumitif facho reste une référence pour toutes les extrêmes droite et les péquenots sans culture politique, mais désormais, de façon opaque, aussi pour notre extrême gauche wokiste (= révisionniste)..

Cette idéologie qui affirme que « la finance gouverne le monde » est reprise par le couple de sociologues Pinço et Charlot, qui depuis longtemps s'en prennent aux riches et peuvent donc servir de bréviaire à la gauche bourgeoise devenue priritairement anti-riche avec ses supplétifs gauchistes ! Confirmant qu'elle n'est pas aussi élognée que çà...des théories fachos. Le livre de pinçons Charlot, salué par Le Monde - « La finance gouverne » est dans la même filiation imbécile.

Comme ce pauvre Mélenchon qui salue le nouveau maire multiethnique de New York, il s'agit de gomme le conflit des classes. Depuis dix ans, la bourgeoisie aurait connu des bouleversements liés notamment au pouvoir grandissant de la finance sur l’industrie, la politique et les médias. Avec de nouvelles fonctions sur les différentes formes de richesse, l’argent, la culture, les relations sociales et devenant le pouvoir principal.

Ce parti pris plus que simple constat peut apparaître proche de réalité si on décrypte le gouvernement Trump :

« Après une campagne démagogique contre les banquiers et les élites, Trump a nommé, dès son arrivée à la Maison-Blanche, les banquiers de Goldman Sachs aux plus hautes responsabilités : Gary Cohn, son vice PDG, est désormais directeur du Conseil économique national. Stephen Bannon a été promu haut conseiller et chef de la Stratégie. Steven Mnuchin occupe le poste capital de secrétaire au Trésor. La banque Goldman Sachs est encore représentée par Anthony Scaramucci comme conseiller du Président. C’est un ancien avocat de cette banque, Jay Clayton, qui va diriger l’autorité des marchés financiers.Une des plus grandes sociétés pétrolières et gazières du monde, ExxonMobil, est au cœur de la diplomatie américaine, avec Rex Tillerson, son ex-PDG, nommé ministre des Affaires étrangères. Voilà de quoi générer quelques juteux conflits d’intérêts. D’autant qu’ExxonMobil est la deuxième capitalisation boursière au monde. Un signal fort pour confirmer le déni du dérèglement climatique. Le pétrole et le charbon, la fracturation hydraulique, l’exploitation de sables et de schistes bitumineux : la catastrophe est assurée. Aussi n’est-on pas étonné de retrouver comme ministre de l’Environnement Myron Ebell, un lobbyiste financé par Texaco, Ford et Philip Morris.
Un investisseur milliardaire surnommé « le vautour » a été choisi comme Secrétaire au commerce ».

Ce constat peutêtre convaincant pour tout anticapiltaliste simpliste mais nommer « riches » n'est pas définir la classe bourgeoise qui contient aussi des pauvres ou moins pauvres acquis politiquement à cette classe dominante. Le populiste Trump vient servir à accréditer la nouvelle thèse (wokiste) selon laquelle le peuple n'aurait qu'à dénoncer et lutter contre les riches. Comme Macron, Trump est le VRP des diverses industries nationales. Trump, représentant de la plus grande puissance se démène comme un fou pour contrôler la manne pétriolière mondiale : le pétrole, nerf de la guerre, ce à cause de quoi Hitler a perdu la guerre. Mais on ne peut pas dire que la gouvernance capitaliste est seulement ou même prioritairement conduite par financiers et patrons du pétrole. D'autres intérêts nationaux sont en jeu, territoires, industries d'exportation, terres rares...Les partis politiques ne sont pas tous ficelés par les trusts et lalutte DES classes serait énormément simple contre les riches s'il n'y avait pas autant d'intermédiaires collaborateurs, syndicats, partis, journalistes, etc. La bourgeoisie ne se définit pas en soi omme richesse, vision figée et infantile, mais comme rapport social. Et l'explication donnée en 1848 par le Manifeste communiste reste toujours aussi lumineuse et...lucide:

« La bourgeoisie ne peut exister sans révolutionner constamment les instruments de production et donc les rapports de production, c'est-à-dire l'ensemble des rapports sociaux. Tous les rapports sociaux stables et figés, avec leur cortège de conceptions et d'idées traditionnelles et vénérables, se dissolvent ; les rapports nouvellement établis vieillissent avant d'avoir pu s'ossifier. Tout élément de hiérarchie sociale et de stabilité d'une caste s'en va en fumée, tout ce qui était sacré est profané, et les hommes sont enfin forcés d'envisager leur situation sociale. Leurs relations mutuelles d'un regard lucide".



1 « Cette "ère des massacres", inaugurée par la première guerre mondiale et contrastant avec un long 19° siècle nettement moins meurtrier, est attestée par l'importance relativement faible des dépenses militaires dans le produit mondial et sa quasi-constance tout au long de la phase ascendante du capitalisme, alors qu'elles augmentent fortement par la suite. De 2% du produit mondial en 1860, à 2,5 % en 1913, elles atteignent 7,2% en 1938 pour se situer aux environs de 8,4% dans les années 1960 et plafonner aux environs de 10% au moment du sommet de la guerre froide à la fin des années 1980. (Sources : Paul Baïroch pour le produit mondial et le SIPRI pour les dépenses militaires). L'armement a ceci de particulier que, contrairement à une machine ou à un bien de consommation, il ne peut être consommé de façon productive (il ne peut que rouiller ou détruire des forces de production). Il correspond donc à une stérilisation de capital. Aux +40 % correspondant à la croissance des dépenses improductives dans la période de décadence, il faut donc encore rajouter +6 % correspondant à l'augmentation relative des dépenses militaires... ce qui nous amène à un produit mondial surévalué de près de moitié. Voilà qui ramène les prétendues performances du capitalisme au 20° siècle à de plus justes proportions et qui contraste fortement avec cette ère de "progrès matériel, intellectuel et moral presque ininterrompu" du long 19° siècle.

 Par exemple, la part de la production d'armement -secteur improductif- dans le pro­duit intérieur mondial augmente fortement en décadence (1,77% en 1908, 2,5% en 1913, 8,3% en 1981 ([7])) et donc plus fortement encore dans la production industrielle mon­diale car la part de cette dernière dans le produit intérieur mondial baisse au cours de la décadence.

 C'est ce double mouvement de recherche d'une rentabilité croissante afin de redresser le taux de profit, ainsi que la nécessité de trouver de nouveaux marchés où écouler sa production, qui est à la racine du phénomène de mondialisation apparu dès les années 80. Cette mondialisation ne résulte pas, comme veulent nous le faire croire les gauchistes et autres altermondialistes, de la domination du (méchant) capital financier improductif sur le (bon) capital industriel productif, capital financier qu'il faudrait abolir selon la variante présentée par les gauchistes (qui appellent indûment le Lénine de L'impérialisme stade suprême du capitalisme à la rescousse pour se faire), ou réguler et taxer (taxe Tobin) selon la variante altermondialiste ou sociale-démocrate de gauche, etc.

La place et l'évolution de l'Asie de l'Est dans l'histoire du développement capitaliste | Courant Communiste International