PROUDHON
– LA SUISSE – LE POUJADISME
« Je
suis un homme de méditation non de révolution » Proudhon
« Leur
résolution était aussi ferme que celle des ouvriers. Non seulement
ils ne craignaient pas la guerre civile, mais certains d'entre eux
cherchaient directement à la provoquer ». (sur le Comité
d'Olten et la grève massive en 1918 en Suisse)
Dans
le seul texte de Marx, écrit directement en français – Misère de
la philosophie – texte véritablement fondateur du marxisme, où
Marx est très dur et met en pièces le « petit-bourgeois »
Proudhon, il est peu question de philosophie mais beaucoup
d'économie. Il est frappant de constater cent cinquante ans plus
tard que le marxisme, comme arme politique, naît de la délimitation
avec la petite bourgeoisie. Le « petit bourgeois »
Proudhon est sérieusement malmené et ne s'en relèvera pas
historiquement. Voici un pape de l'anarchisme qui est « balloté
constamment entre le Capital et le Travail » :
« Même
tiraillement opposé dans ses intérêts matériels et par conséquent
ses vues religieuses, scientifiques et artistiques, sa morale, enfin
son être tout entier. Il est la contradiction faite homme ».
Pourtant
la petite bourgeoisie a survécu au démontage du penseur anarchiste
anti-révolutionnaire.
Marx
a plus de respect par contre pour les « utopistes »1.
Ne pourrait-on pas trouver une plus grande proximité du mouvement
des gilets jaunes avec les utopistes. Tel ce Cabet, ancien député,
qui considérait que l’inégalité est la cause de tous les maux
qui frappent le corps social : « Plus de pauvres, ni de riches, ni
de domestiques ; plus d’exploiteurs ni d’exploités » ; son
programme : représentation du peuple souverain, élections
renouvelables, révocabilité des fonctionnaires, concentration de
l’industrie, droit au divorce, etc. Cela pour le bien de ce qu’il
nommait « la masse du Juste-milieu qui désire sincèrement le bien
général », celle qui s’interroge avant tout sur le pain à
acheter et le loyer à honorer. Si vous vous laissez abuser par le
matraquage du pouvoir et de ses nombreux serviteurs, vous pouvez
croire que les gilets jaunes sont violents, parce qu'il y a des
violences de rue. Ces violences de rue sont essentiellemet provoquées
par la police et la présence de la police. Il faut laisser de côté
le circonstanciel des manifestations pour bien voir que cette
jacquerie moderne ne vise ni à renverser le capitalisme ni imposer
des améliorations par la violence. Le mouvement, pour partie avec
Priscilla Ludosky, malgré qu'il charrie, surtout via le Web, des
tonnes de haine, laisse à croire qu'avec un système référendaire
et la bonne volonté du Conseil économique et social, une réforme
pacifique devrait finir par triompher. C'est une douce rêverie de
potaches sans réflexion politique, non pas non plus apolitique mais
dans l'impensable. Sous son aspect utopique et réactionnaire cette jacquerie restera un événement de référence et, bien que ce soit paradoxal pour l'observateur superficiel, riche en leçons politiques pour le prolétariat.
Cabet
était un gilet jaune à sa façon, il récusait la violence et
promettait l’instauration d’un régime communiste « par la
puissance de l’Opinion publique » : si un parti minoritaire se
targuait de l’imposer aux masses cela conduirait à la dictature.
En 1845, avec son périodique « La Fraternité » il
assurait que cet avenir est l’espoir politique de « tout ce qui
travaille et souffre », l’horizon des manœuvriers, des
terrassiers, des agriculteurs, des couturières et des petits
commerçants qui peinent tandis que les banquiers et les agioteurs
réalisent « des gains énormes ». Ce communisme était « la voix
du peuple revendiquant pour tous des droits et des devoirs égaux »,
pour « un juste salaire », la négation d’un « ordre
social mauvais » pour retrouver la liberté, l’égalité et la
fraternité. Ce communisme à l'eau de rose, naïve et impossible
refonte du capitalisme nous fait penser à la « mentalité
gilets jaunes ». Il y manque une case, comme on dit. Mais la
noton de peuple est bien la même chez nos gilets jaunes
d'aujourd'hui, on pense travailler pour le bien indistinct de toutes
les classes sociales, excepté évidemment les banquiers et les
riches. Il y avait en effet une grande fraternité parmi les
utopistes, comme j'ai pu constater cette même farternité sur les
ronds-points et dans les manifestations. Tout nouveau participant
était accueilli à bras ouverts, on ne lui demandait aucun cursus
politique ; c'est d'ailleurs le même comportement des
prolétaires lorsqu'ils sont en grève : « je me fiche des
idées politiques que tu peux avoir, l'essentiel est que tu luttes
conjointement avec nous ». C'est ce que ne peuvent pas
comprendre les bobos gauchistes, ces perpétuels apprentis khmers
rouges qui se sont tenus à l'écart d'un mouvement qui les rebutait
pour son refus des professionnels (dont eux) de l'encadrement et des
défilés simiesques. Jusqu'à aujourd'hui ils ont persisté à
proclamer qu'il fallait en expulser les « fachos ». Or
des « fachos », aussi bien dans ma carrière
professionnelle, que sur le tas en ce moment j'en ai cotoyé et ce
sont des êtres humains comme les autres, et bien plus humains
souvent que ce qu'en disent les élites bourgeoises – qui sont
elles les vrais totalitaires – et leurs petits gauchistes. Il n'y a
plus de fascisme depuis 1945 mais l'ombre du fascisme sert encore de
justification au pouvoir bourgeois. S'il y a eu des dérapages
racistes cela est resté infinitésimal par rapport à la conduite de
l'ensemble. Un vaste mouvement social comme celui-ci est un fleuve
qui peut charrier des impuretés mais cela n'altère ni sa force ni
sa poussée vers l'avant.
Mais
voilà qu'il bute désormais non sur la simple et brutale répression
mais sur cette impasse politique « utopique » du RIC,
cette fable qui est bien plutôt venue des milieux de l'extrême
droite, que je qualifie pas de fasciste ni non plus le RN. Dans son
contenu et comme projet ce référendum populaire est tout sauf
révolutionnaire, tout sauf crédible. Faute de se plier à une perspective de classe vraiment anticapitaliste, ce mouvement en oscillation permanente a cru pouvoir combler son vide politique par ce gadget. Insaisissable le mouvement est devenu une sorte de syndicalisme sans tête politique parce que ce même RIC finit par être ridicule pour une lutte centrée fondamentalement contre le paupérisme d'une large partie de la population, et, paradoxalement d'une classe ouvrière qu'on pensait ne plus pouvoir classer parmi les pauvres grâce "au fruit de son travail".
Nos gauchistes frileux attendaient une prise du pouvoir par les fachos, les soit disant « fachos » ont bien plutôt réussi à cadenasser les mouvement derrière un objectif politique, nul et non avenu, qu'il est même injurieux de qualifier d'utopique.
Nos gauchistes frileux attendaient une prise du pouvoir par les fachos, les soit disant « fachos » ont bien plutôt réussi à cadenasser les mouvement derrière un objectif politique, nul et non avenu, qu'il est même injurieux de qualifier d'utopique.
C'est
en réaction à l'apolitisme des Cabet et Cie, et comme expression du
prolétariat naissant que d'autres communistes, s'affichant
clairement comme politiques et au nom d'une classe précise, la
classe ouvrière, vont ranger au musée des illusions perdues le
mouvement utopiste.
Un
parti, la Ligue des communistes charge Karl Marx et Friedrich Engels
— deux Allemands n’ont pas 30 ans — de rédiger un programme
communiste qui est nommé non pas manifeste tout court mais
« Manifeste du parti communiste », écrit en 1847 juste
avant l'année 1848, année des révolutions en Europe. On sent comme
une irritation contre les fabulations utopistes « Il est grand
temps que les communistes exposent à la face du monde entier leurs
conceptions, leurs buts et leurs tendances » . Ce projet n'a déjà
au départ pas cette mentalité d'exclusive qui caratérisera le
stalinisme et le trotskisme, ni aucune prétention à l'invariance,
les communistes politiques existent en « plusieurs tendances ».
Résumé
d'un Manifeste destiné bien plus tard à devenir un des
principaux bréviaires de l'humanité et un sérieux concurrent à la
Bible du fait de sa concision (et dont je conseille la lecture
aux gilets jaunes):
L’histoire des sociétés est
celle de la lutte des classes ; la bourgeoisie a créé le
prolétariat ; elle a ainsi façonné l’arme qui la détruira un
jour de manière « inévitable » ; les ouvriers les plus résolus
doivent se constituer en parti et renverser la bourgeoise afin de
conquérir le pouvoir politique puis d’instaurer la société sans
classes. « Les communistes peuvent résumer leur théorie dans cette
formule unique : abolition de la propriété privée. » Ce
communisme entend en finir avec « l’exploitation de l’homme par
l’homme » non par une simple consultation populaire, un RIC made
in 19 ème siècle, mais par une révolution violente. Il ne s'agit
pas là d'un petit arrangement référendaire avec la Constitution
bourgeoise mais de mesure à rendre fou Luc Ferry et son pote
Castaner l’expropriation de la propriété foncière à l’abolition
du droit d’héritage, en passant par la centralisation du crédit
dans les mains d''un État « transitoire » à l’abolition
du travail des enfants. Cette société future permettra « le
développement de chacun », condition « du libre développement de
tous ». Le réformisme pacifique de Cabet se voyait donc supplanté,
en moins de 10 ans, par une théorie pratique, qui ne se nommait pas
encore marxisme (Marx a toujours rejeté avec horreur ce terme) et
qui ne plaisantait pas avec le seul moyen pour en finir véritablement
avec la société d'exploitation et de misère : une révolution
violente « l’acte par lequel une fraction de la population impose
sa volonté à l’autre au moyen de fusils, de baïonnettes, et des
canons. ».
MAIS
NOS GILETS JAUNES NE SONT-ILS PAS AU FOND PROUDHONIENS SANS LE
SAVOIR ?
« L’égalité
des personnes est la première condition du nivellement des fortunes,
laquelle ne résultera que de la mutualité, c'est-à-dire de la
liberté même ». Proudhon
Le mouvement des gilets jaunes présente cet aspect d'oscillation permanente de l'anarchisme comme de la petite bourgeoisie sans pouvoir se définir comme anarchiste ni comme petit bourgeois du fait que la majorité de ses animateurs comme du soutien populaire vient de toutes les couches du prolétariat. Il voudrait bien dialoguer mais il ne peut pas dialoguer avec un pouvoir qui lui ne cesse pas de bluffer et de tabasser, qui pour soit disant apaiser la situation de misère et remiser encore plus cette classe ouvrière à la périphérie ne trouve pas mieux que de jouer au dialogue avec les bureaucrates municipaux qui, eux aussi, à leur manière et au service de leurs mafias politiques respectives, servent de tampon entre la misère sociale et l'autisme de l'Etat bourgeois; ce qui fait qu'une poignée peut parfois porter une juste protestation quand la majorité des autres ne sont que des suce-boules ridicules du pouvoir. J'imagine assez bien la prestation ambiguë de Proudhon en tant que maire, par exemple, de Rocamadour.
Ouvrier, philosophe et économiste, on dirait sans doute « petit entrepreneur » aujourd'hui, Pierre-Joseph Proudhon est le premier en France à en référer à l' « anarchisme ». En 1840, l'année où Cabet se déclare communiste, il déclare que l'anarchisme sera « le plus haut degré de liberté et d’ordre auquel l’humanité puisse parvenir ». Marx va taxer les idées dites libertaires de « rêveries d’idéologues », blâmer les « docteurs en science sociale » anarchistes et qualifiera le Proudhon russe Bakounine, deuxième pape de l'anarchisme, de « Mahomet sans Coran » et les propositions de son Alliance de « bavardages vides de sens ».
Ouvrier, philosophe et économiste, on dirait sans doute « petit entrepreneur » aujourd'hui, Pierre-Joseph Proudhon est le premier en France à en référer à l' « anarchisme ». En 1840, l'année où Cabet se déclare communiste, il déclare que l'anarchisme sera « le plus haut degré de liberté et d’ordre auquel l’humanité puisse parvenir ». Marx va taxer les idées dites libertaires de « rêveries d’idéologues », blâmer les « docteurs en science sociale » anarchistes et qualifiera le Proudhon russe Bakounine, deuxième pape de l'anarchisme, de « Mahomet sans Coran » et les propositions de son Alliance de « bavardages vides de sens ».
Lorsqu'on
lit les propositions de Priscilla Ludosky on est complètement dans
l'esprit mutuelliste proudhonien.
Le
mutuellisme prône des relations économiques devant être le plus
égales possibles, les prix étant basés sur la quantité de travail
nécessaire à la production. Les propositions de Priscilla comme la
focalisation des gilest jaunes pour la plupart sur le RIC ne sont pas
ridicules ni tombées du ciel, elles correspondent à un éclatement
de la classe ouvrière,qui semble la ramener au début de sa
constitution en classe.
La
population ouvrière à l'époque des Cabet, Marx et Proudhon est
encore très hétérogène. Il est parfois difficile d’opérer une
distinction entre le travailleur salarié et l’entrepreneur ou
encore le capitaliste. Beaucoup d’ouvriers possèdent en effet
leurs propres moyens de production. Leur rémunération n’est donc
pas constituée du seul salaire mais aussi d’une partie des profits
et intérêts perçus en tant que propriétaires des moyens de
production. L’entrepreneur peut aussi être un maître ouvrier dans
le secteur artisanal employant transitoirement pour satisfaire les
commandes qui lui sont adressées d’autres ouvriers artisans ou
non. Par conséquent, il n’existe pas de distinction nette entre
l’ouvrier et l’entrepreneur ; l’ouvrier peut devenir
entrepreneur ou bien exercer simultanément les deux types
d’activité. Proudhon vise les entrepreneurs à la tête de grandes
unités productives, quand nos gilets jaunes visent les financiers.
L'héritage
de Proudhon est plus perpétré par une fraction de l'extrême droite
que par les anarchistes eux-mêmes.
Cercle
Proudhon
(ainsi baptisé d'après Pierre-Joseph
Proudhon)
est un groupe de réflexion issu du mouvement nationaliste
et monarchiste
(l'Action
française
présidée par Charles
Maurras).
L'ambition était de « convertir des syndicalistes
à la monarchie »1.
La première réunion se tient le 17 novembre 1911. Cette expérience
éphémère fut d'après l'historien Géraud Poumarède un « échec
patent »..
À
l'origine, « le Cercle a été fondé par des nationalistes, et
ne s'est dans un premier temps adressé qu'à eux ». Ses
réunions ne regroupaient qu'une vingtaine de personnes en moyenne,
essentiellement des monarchistes, et quelques « brebis
égarées »4,
puisque « les semaines passent et les syndicalistes attendus ne
s'annoncent pas »5.
Dès janvier 1912, les travaux sont publiés dans les cahiers
éponymes
au rythme d’un cahier par trimestre. Leur parution cesse à l’été
1914. Les principaux intervenants étaient Édouard
Berth,
ami de Georges
Sorel
(cependant Sorel était hostile à ce Cercle et redoutait qu'il rende
« les jeunes gens moins aptes à comprendre Proudhon ») ;
le jeune Camelot
du roi
Henri
Lagrange,
Georges
Valois
et Gilbert
Maire.
Dans
son livre L’Action
française et la religion catholique
(1913), Maurras explique comment et sur quelles bases s'est fondé, à
l'Action française, le Cercle Proudhon : « Les Français
qui se sont réunis pour fonder le Cercle Proudhon sont tous
nationalistes.
Le patron qu'ils ont choisi pour leur assemblée leur a fait
rencontrer d'autres Français, qui ne sont pas nationalistes, qui ne
sont pas royalistes,
et qui se joignent à eux pour participer à la vie du Cercle et à
la rédaction des Cahiers.
Le groupe initial comprend des hommes d'origines diverses, de
conditions différentes, qui n'ont point d'aspirations politiques
communes, et qui exposeront librement leurs vues dans les Cahiers.
Mais, républicains
fédéralistes,
nationalistes intégraux et syndicalistes,
ayant résolu le problème politique ou l'éloignant de leur pensée,
tous sont également passionnés par l'organisation de la Cité
française selon des principes empruntés à la tradition
française, qu'ils retrouvent dans l'œuvre proudhonienne
et dans les mouvements syndicalistes contemporains… ».
Les
nationalistes sionistes BHL et Sternhell qui n'en sont jamais à une
affabulation près considèrent que le cercle Proudhon est le père
de l'idéologie nationale-socialiste.
Cette
thèse de « préfascisme » est contestée par Alain
de Benoist
dans sa préface à la nouvelle
édition des Cahiers du Cercle Proudhon
et dans son texte Le
Cercle Proudhon, entre Édouard Berth et Georges Valois
qui souligne son dogmatisme notamment quand elle est appliquée à
des personnes comme Édouard
Berth
qui ont toujours condamné le fascisme. Elle est également contestée
par Stéphane
Giocanti
qui souligne que, comme l'Action française, le Cercle est
décentralisateur et fédéraliste, et insiste sur le rôle de la
raison et de l'empirisme ; il se trouve loin de
l'irrationalisme, du jeunisme, du populisme, de l'intégration des
masses dans la vie nationale qui caractériseront les ambitions du
fascisme, gonflé par les conséquences sociales de la guerre.
Fervent maurrassien Soral croit la révolution nationale venue |
LA
SEDUCTION SUISSE POUR LES GILETS JAUNES
5 millions
de suisses, et moi et moi ? Nous sommes tous un peu ignorants.
J'ai eu tendance à me moquer tout d'abord du RIC dans la référence
au régime politique de la Suisse ! Quoi ce pays des
coffre-forts et des cantons qui exploitent à bas prix les ouvriers
immigrés ? Au lieu de me demander d'où vient cette originalité
référendaire de ce petit pays ? Mais d'une très ancienne
tentative de révolution. La Suisse un bâtard de la vague
révolutionnaire du début du XX ème siècle, il fallait y penser !
Un historien suisse écrit ceci ! « Si l'analyse des
retombées de la grève massive a varié au cours des décennies
écoulées, les historiens s'accordent en général pour reconnaître
que c'est l'un des événements majeurs que la Suisse moderne ait
connu et son importance, tant sur la société que sur le
développement des assurances sociales et les rapports entre
partenaires sociaux, a été massive ».
A
l'époque de la Première Guerre mondiale, et comme conséquence de
celle-ci la Suisse connut plusieurs tentatives d'insurrection
parallèlement à celles qui se produisaient en Allemagne et en
Russie. Les révolutionnaires socialistes, appuyés par la présence
de 30 000 déserteurs et réfractaires à la guerre de
14-18 et ayant trouvé refuge en Suisse, s'engagèrent dans de
nombreux coups de force, dont la tentative de s'emparer des arsenaux
de
Zurich et Berne de bâtiments publics, d'usines électriques et de
banques les 6-7 novembre 1918. Le 6 novembre, les troupes
militaires furent mises en état d'alerte et repoussèrent les
actions révolutionnaires. Le 10 novembre, le Comité
d'Olten,
gouvernement révolutionnaire parallèle en marge des institutions,
organisait plusieurs grèves qui se généralisent sans qu'il ait à
proclamer la grève générale, exigeant la démission du Conseil
fédéral
et la dissolution du parlement, le droit de vote des femmes, le
travail obligatoire et la socialisation de l'armée. Le 11 novembre,
le Conseil
fédéral
donna mission à l'armée de rétablir l'ordre intérieur. Dans les
jours qui suivirent, l'armée dut faire face aux émeutes, sièges
décrétés dans les principales villes et aux combats de rue. Le 13
novembre, le Conseil
fédéral
ordonna l'expulsion vers l'Allemagne
de la légation des Soviets. Le Comité
d'Olten
capitula le 14 novembre et le lendemain la révolution fut stoppée,
permettant au travail de reprendre à travers le pays.
Malgré
l'échec de la grève en masse, celle-ci conduisit au renouvellement
anticipé du Conseil
national
en 1919 sur la base du système proportionnel qui venait ainsi
remplacer le système majoritaire prévalant jusqu'alors.
Toutefois,
les meneurs de la grève générale, 3 500 personnes, en
particulier les dirigeants du comité
d'Olten,
seront jugés et 147 d'entre eux seront condamnés. Robert
Grimm
verra son immunité parlementaire levée et sera condamné à 6 mois
de prison, période pendant laquelle il écrira son ouvrage Histoire
de la Suisse en termes de lutte
des classes.
En
1920, à la suite de l'échec de la révolution suisse, le Parti
socialiste refusa d'adhérer à la IIIe Internationale, ce qui
entraîna la scission du parti avec son aile gauche qui alla former
le parti communiste en 1921. Le Parti socialiste abandonna l'idée de
la révolution violente et se prononça pour la voie légale pour
poursuivre ses buts marxistes, c'est-à-dire la substitution de la
propriété privée par la propriété collective, la nationalisation
des grandes entreprises et des banques et la socialisation de tous
les moyens de production.
Des
décennies plus tard, et après avoir échappé à deux guerres
mondiales, mais avoir servi de no man's land aux échanges entre
impérialismes, la Suisse reste un pays pour le moins conservateur et
bourgeois, une société de repus repliée sur elle-même. Le pays du
secret bancaire, des montres de luxe, de Davos et des référendums
interdisant les minarets (bravo) n'est pas celui implique le plus ses
citoyens dans les processus de décision étatique, Leurs référendums
ont souvent accouché de votes catastrophiques. Des lobbies
viennent ternir l'étendard de la démocratie suisse. Le puissant
lobby ÉconomieSuisse
s'implique énergiquement pour faire
barrage aux lois et votations
qui pourraient aller contre les intérêts patronaux. La
participation aux votations est faible. Le système est lourd et
lent, et dupliqué dans les grands pays serait catastrophique.
Le
système référendaire suisse est donc disons grossièrement un bout
de cette révolution suisse de 1918 car toute révolution laisse des
traces. Nous vivons encore en France sous le Code Napoléon tout
comme en Russie demeure une bureaucratie stalinienne et en Chine un
« parti communiste » tout à fait capitaliste. Chacun est
libre d'emprunter où il le veut ses réfernces mais
la révolution est un tout, et ce n'est surtout pas en prenant un
élément du corpus révolutionnaire du passé qu'on peut prétendre
réformer le présent. Il faut rendre cependant à Martin ce qui est
à Martin. Les gilets jaunes ont encore un effort à faire pour être
révolutionnaires, et ce n'est pas parce qu'ils ont piqué à la
révolution de 1871 à Paris les critères d'éligibilité révocable
qu'ils sont devenus communistes !
Poujadisme
« sortez les sortants »
Loin
d'en référer aux leçons politiques fondamentales du mouvement
ouvrier – hélas pour elles et eux - la plupart des figures en vue
du mouvement des gilets jaunes ont montré une conscience politique
comparable au poujadisme des fifties. Je livre brut de décoffrage un
résumé repiqué sur le web et illustratif de ce que pourrait
devenir le mouvement s'il aboutissait à un « parti jaune »,
non pas le fascisme comme le radotent les stupides gauchistes mais un
énième parti bâtard de la république bourgeoise.
Ce
lundi 2 janvier 1956, l'irruption de ces trouble-fête au verbe haut
plus à l'aise derrière un comptoir que derrière un pupitre (à
l'exception de Le Pen lui-même qui, deviendra, sous l'étiquette du
CNI, le plus jeune rapporteur du budget de la Défense nationale, en
1958), n'est pas seulement un traumatisme pour une Assemblée où
règnent en maîtres hauts fonctionnaires, avocats ou médecins, et
parmi eux, combien d'anciens et futurs ministres ! C'est aussi un
désaveu pour les deux mouvements qui, depuis la naissance de la IV°
République, dix ans plus tôt, se partagent le pouvoir et les postes
: les socialistes de la SFIO et les démocrates chrétiens du MRP. Et
quelle humiliation pour les communistes qui, depuis l'échec du RPF
du général de Gaulle, aux élections législatives de 1951, se
croyaient redevenus les seuls dépositaires du vote populaire et de
la protestation !
Grève
de l'impôt
Poujade et le jeune Le Pen |
L'enfer
étant pavé de bonnes intentions c'est, paradoxalement, une amnistie
fiscale - celle décrétée par Antoine Pinay en 1952 - qui a
provoqué la jacquerie. Subitement désoeuvrés, les «polyvalents»,
comme on les appelle alors, ont en effet concentré leur zèle sur
une proie facile : le petit commerce confronté à l'éclosion des
premiers drugstores et autres Prisunic.
Les
contrôles pleuvent, les redressements et les faillites aussi. On se
plaint, on paye, on se suicide. Jusqu'à ce jour d'été de 1953 où,
dénonçant la «Gestapo
fiscale»,
Pierre Poujade, dit «Pierrot»,
prend la tête de 23 commerçants de Saint Céré menacés d'un
contrôle fiscal. Un pour tous, tous pour un : chacun fait de son
corps un rempart pour empêcher les agents dufisc d'accéder au
magasin de l'autre. Le soir, les fonctionnaires des impôts repartent
bredouilles, sous les quolibets.
L'échauffourée
de Saint Céré met le feu à la plaine : en quelques semaines,
soixante départements connaissent des incidents similaires. On
envoie les CRS ; rien n'y fait. La population s'interpose pour
protéger ses commerçants ! De Lille à Marseille et de Strasbourg à
Bordeaux, le nom de Poujade devient synonyme de résistance au fisc.
On le consulte comme un oracle, on requiert sa présence, on se masse
pour l'écouter.
Et
l'on découvre que l'orateur est exceptionnel, même si son art n'a
rien de spontané : avant d'entrer dans la Résistance, en 1943,
Poujade a abandonné ses études d'architecte pour militer au Parti
Populaire Français de Jacques Doriot, l'un des meilleurs tribuns de
sa génération, du Parti communiste jusque dans lesrangs de la
collaboration.
De
Doriot, Poujade a gardé le style d'imprécateur, parlant volontiers
en chemise, sans cravate - une curiosité, à l'époque ! -, les deux
mains agrippées à la tribune. Mais aussi un mépris sans fond pour
le système parlementaire.
Avec
l'accent rocailleux de son Lot natal, il dénonce de meetings en
meetings l'exploitation des «petits»
et des «bonnes
gens»
par les «soupiers»
de l'«État
vampire»,
la mise en coupe réglée de la «maison
France»
par des «éminences
apatrides»
qu'il faut «pendre
haut et court».
Défense
des petits contre les gros au nom de la liberté d'entreprendre mais
aussi de la lutte contre les «monopoles»
;antiparlementarisme forcené ; dénonciation du «totalitarisme
fiscal»
: voici le bréviaire du poujadisme qui n'a rien inventé mais tout
concentré, au moment «t»,
en un cocktail explosif !
C'est
alors que Poujade commet sa première erreur, qui décidera de tout :
il n'est pas lui-même candidat. Un homme va en profiter au-delà de
toute espérance : Jean-Marie Le Pen, qui vient d'adhérer au
mouvement et a d'emblée prévenu son chef que l'aventure ferait long
feu s'il ne le transformait pas en un véritable parti politique.
Le
trouble-fête Jean-Marie Le Pen
A
vingt sept ans,le Pen qui préside la Corpo de droit des étudiants
et s'est déjà taillé une célébrité au Quartier latin, s'impose,
en quelques semaines comme le seul politique du mouvement Poujade.
lu, le 2 janvier 1956 député de Paris, il prend rapidement
l'ascendant sur le groupe parlementaire.
Poujade,
d'abord fasciné par l'allant de son jeune disciple, ne met pas six
mois à se rendre compte que les absents ont toujours tort. Pour
garder la main sur ses députés, il organise l'exclusion de Le Pen.
C'est sa dernière victoire, et pour l'exclu, le début de la
célébrité.
Poujade
ne veut plus de lui ? Il se met en congé de l'Assemblée et rejoint
son régiment pour aller se battre en Algérie, puis regagne son
siège de député (désormais non-inscrit)pour animer, courant 1957,
une campagne en faveur de l'Algérie française sous l'égide de son
premier mouvement: le Front national des combattants. C'est au cours
de ces mois agités qu'il perd un oeil au cours d'une rixe avec les
communistes, en portant secours à son collègue Ahmed Djebbour,
français musulman, en grand danger d'être lynché.
Pendant
qu'à l'Assemblée, le mouvement Poujade tombe dans l'anonymat, Le
Pen, le fils de pêcheur, devient, pour la droite d'alors, une sorte
de Minou Drouet de la politique. Car contrairement à Poujade,cet
activiste qui aime la poudre et sentira bientôt le soufre est aussi
un mondain. Ses bagarres pour un oui ou pour un non le rendent
pittoresque, tout comme son sens de la formule, qui fait mouche dans
les dîners en ville. Pendant que Poujade se morfond à Saint Céré,
on voit Le Pen chez l'ex-empereur d'Annam, Bao Dai, comme chez le
marquis de Cuevas; ces dames s'encanaillent en reprenant avec lui des
refrains de marins, quand ce n'est pas l'intégralité de
l'Internationale,
et leurs maris apprécient l'étrange allant de cet enfant de nulle
part dont les parents ne figurent pas plus dans le Bottin mondain que
dans l'annuaire du téléphone et qui, entre un débat de nuit à
l'Assemblée et un engagement dans le Djebel, se fait photographier à
Alger avec Brigitte Bardot...
Survient
le 13 mai 1958, le retour de De Gaulle et, dans la foulée de la
proclamation de la V° République, la dissolution de l'Assemblée
élue en 1956. Seul député issu du mouvement Poujade réélu en
octobre 1958, Le Pen sera à son tour battu en 1962 et commencera une
traversée du désert de vingt-deux ans. Mais de Pierre Poujade, on
ne parlera plus qu'épisodiquement. Tout juste se souvient-on qu'il
soutint Jean Lecanuet à l'élection présidentielle de 1965,
François Mitterrand en 1981 et 1988. Et Jacques Chirac en 1995. Non
sans avoir milité, jusqu'à sa mort, en 2003, pour un biocarburant
alternatif à base de topinambours. Sa dernière machine de guerre
pour casser le monopole des «gros
Mais
c'était justement la nature du fascisme que de brouiller les
contradictions de classe et de faire « disparaître » la
bourgeoisie derrière « le peuple ». Quand on parle de poujadisme,
la question du fascisme est justement tout de suite liée.
Il
est intéressant ici de voir qu'une partie de l'extrême-gauche a
soutenu les « bonnets rouges » en raison de la proximité
des zadistes.... mais est restée muette face au mouvement des gilets
jaunes.
1Entre
1830 et 1848, la prise de conscience de la dureté de la condition
ouvrière entraîne un foisonnement de doctrines socialistes.
Celles-ci sont imprégnées aussi bien des traditions républicaines
et démocratiques que des idéaux de charité,
religieuse ou non. Le socialisme français accompagne le courant
républicaniste,
mais ne se confond pas avec lui et s'inscrit au contraire dans une
tendance plus globale d'aspiration à des réformes sociales, au
droit au
travail
et
au suffrage
universel.
Étienne
Cabet, essayiste chrétien, apparaît comme le chef de la
principale école de pensée « communiste »
en
France, la communauté des biens
matériels
étant
à ses yeux la seule application possible de l'enseignement de
Jésus-Christ :
dans son livre Voyage
en Icarie,
il décrit, dans la lignée de More
et
de Campanella,
une société idéale, fondée sur l'égalité et l'absence de
propriété privée. À la fin des années 1840, Cabet et ses
disciples passent de la théorie à la pratique en se lançant, aux
États-Unis,
dans l'aventure de diverses communautés « icariennes ».
D'autres théoriciens comme Richard
Lahautière, Théodore
Dézamy, Jean-Jacques
Pillot
ou
Albert
Laponneraye, qui se distinguent du communisme
chrétien
de
Cabet par une filiation plus marquée envers les traditions
révolutionnaires
et
la pensée de Babeuf,
prônent également la communauté des biens matériels. Lahautière
anime en 1840 à Belleville
un
« banquet communiste »
qui
contribue à populariser le terme en France75.
Les héritages intellectuels de Saint-Simon et de Fourier
influencent la plupart des théoriciens socialistes français, dont
Victor
Considerant, qui s'emploie à synthétiser la doctrine de
Fourier, Pierre
Leroux
qui,
influencé tout à la fois par Saint-Simon et Fourier, développe
une critique sociale mêlée d'utopisme et de mysticisme,
ou l'économiste Constantin
Pecqueur, dissident du saint-simonisme dont la pensée
s'imprègne par la suite de proudhonisme et de christianisme.
Lamennais
associe
des idées socialistes à un paternalisme évangélique et à la
vision messianique d'une société régénérée. Philippe
Buchez, autre représentant du courant du socialisme chrétien,
envisage de résoudre le problème de la misère des travailleurs
par l'association ouvrière : fondateur avec Bazard
de
la charbonnerie
française,
il entend faire une synthèse entre le socialisme, le christianisme
et la Révolution française, qu'il considère comme découlant
directement des principes chrétiens. Louis
Blanc, journaliste et écrivain très actif, s'inspire des
pensées socialistes qui l'ont précédé pour envisager des
solutions à la misère ouvrière. Dans son livre Organisation
du travail
(1839),
il prône une réorganisation du monde du travail au sein
d'« ateliers
sociaux »
annonçant
les principes de l'autogestion,
ainsi que l'évolution progressive de la société vers
l'égalitarisme :
dans sa conception, les aspirations sociales ne peuvent être
satisfaites que par le biais d'une intervention rationnelle de
l'État, qui seule garantirait le passage à une société plus
fraternelle. Le socialisme de Buchez ou de Blanc s'inscrit en partie
dans la lignée de Saint-Simon en ces auteurs admettent la
révolution industrielle, mais à condition qu'elle s'opère sous le
contrôle de l'État et au service du peuple.
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