ROSA LUXEMBURG
SYSTEMATIQUEMENT MISE EN MINORITE AU CONGRES DE MAGDEBOURG (1910)
… Bebel fait une
critique très âpre du parti national libéral, qui est le pire
ennemi du parti socialiste. « C'est le parti capitaliste, c'est
le parti qui a voté toutes les lois contre les socialistes, et c'est
avec ce parti que les socialistes badois recommandent de faire
alliance ».
« Le bloc badois,
dit Bebel, n'a rien fait pour la classe ouvrière. La situation des
ouvriers est restée toujours la même, toujours misérable. Il n'est
pas admissible qu'une minorité foule aux pieds les décisions des
trois congrès. Il se demande quelles mesures on doit prendre contre
une telle minorité, quand on pense que des socialistes de
l'Allemagne du Nord ont été exclus parce qu'ils n'ont pas participé
aux élections ? La révolte de ceux qui ont demandé
l'exclusion de ceux qui ont voté contre le budget badois, est donc
très compréhensible. Mais lui, Bebel, ne veut pas aller si loin, il
se contente de dire que, si le cas se répète, les coupables seront
expulsés du parti, sans aucune considération, il prie donc ceux qui
demandent l'exclusion de retirer leur réclamation. Mais une question
surgit : quelles sont les attributions du parti ? Et pour
dissiper toute équivoque, Bebel dit qu'il est décidé de présenter
comme résolution, la déclaration suivante : « Le Congrès
général du parti est la cour suprême du parti. Comme tel il a le
droit incontestable de décider, dès qu'il est convoqué, de toutes
les questions du parti, soit de principe, soit de tactique. Il n'y a
pas d'organisation ou de personne, qui puisse échapper à la
décision suprême du parti. Cette attitude autoritaire du Congrès
résulte de ce que la social-démocratie allemande est un
parti-unitaire, avec une organisation unitaire, avec un programme
commun et avec des fins communes.
Après avoir critiqué
les visites des socialistes à la Cour, il conseille à tous de
marcher unis, de ne regarder jamais en arrière, mais toujours en
avant, en avant !
La Discussion
On
décide qu'un orateur de chaque tendance parlera pour ou contre les
badois, et non pas pour ou contre la résolution du Comité directeur
du parti.
Le
président donne lecture d'une déclaration de la fraction socialiste
parlementaire du Wurtemberg, admise par 16 membres de la fraction
contre 1 :
« La
fraction socialiste de la Chambre des députés du Wurtemberg est
d'avis, qu'il est dans l'intérêt de l'influence efficace sur les
questions de politique de pays, qu'on laisse une liberté d'action
dans la question du refus ou du vote du budget, et prie instamment le
Congrès de modifier la résolution de Nuremberg dans le sens, que
les fractions socialistes aient la facilité de voter le budget,
lorsque cela s'impose pour des raisons supérieures ».
Les
orateurs pour et contre se succèdent à la tribune jusqu'au soir.
Parmi les orateurs contre, il faut mentionner Zubeil, qui critiqua la
résolution du comité directeur, disant qu'elle est insuffisante ;
il demanda l'exclusion des socialistes badois qui ont voté le
budget.
Après
avoir occupé la seconde journée, la question du budget prend encore
la troisième. Panzer s'élève contre le vote du budget par les
badois.
Maurer
reconnaît le ton conciliant de Bebel ; mais Bebel lui-même
s'est souvent trompé dans ses prophéties, comme tant d'autres. La
tactique ne peut pas rester immuable, les masses veulent des
résultats positifs pratiques. Tout progrès dans l'Allemagne du sud
fortifie la lutte des socialistes en Prusse.
Rosa
Luxemburg prétend que les socialistes du sud n'ont apporté aucun
argument en faveur du vote du budget. Elle raille avec ironie
l'indigence, l'insignifiance des prétendues réformes en Bade de la
condescendance des bourgeois et invoque, à ce sujet, l'opinion des
députés badois eux-mêmes. Elle provoque des exclamations indignées
quand elle rappelle que les Badois ont dû dénoncer les atteintes à
la liberté syndicale et politiques commises par les nationaux
libéraux, leurs alliés.
Et
en supposant même que les réformes eussent été réalisées, elles
ne justifient pas le vote du budget, que des bourgeois approuvent du
reste parfaitement. Si les ouvriers badois avaient pu se prono,cer en
toute liberté, dans cette question, ils auraient répudié leurs
élus.
En
ce moment, éclate un incident violent. Le président dit que
l'oratrice a épuisé son temps de parole, et Rosa Luxemburg le
conteste et reste à la tribune.
Les
révisionnsites crient : Assez !; les radicaux disent :
continuez ! Puis, c'est une avalanche de motions d'ordre. Mais
Rosa Luxemburg renonce à la parole.
Heilmann
dit que ni les badois ni Rosa Luxemburg n'ont apportés des arguments
nouveaux. Il s'agit d'une question de tactique et non de principe ;
car, si c'était une question de principe, c'est l'Internationale qui
devrait décider.
(…)
Dr
Karl Liebknecht reconnaît la différence qu'il y a entre les
conditions de L'Allemagne du Nord et l'Allemagne du Sud ; il
reconnaît aussi la valeur de l'action pratique des badois ;
mais toutes les victoires, tous les petits succès doivent être
jugés selon la grandeur de l'idéal socialiste. Les soi-disants
radicaux sont les vrais réformistes. L'essentiel est de ne pas
oublier que toute la force du parti est dans les masses. La source de
notre force, dit Liebknecht, n'est pas dans le parlement. La question
essentielle n'est pas, pour Liebknecht, la question du vote du
budget, mais la violation de la discipline du parti.
(…)
La
Congrès aborde ensuite la discussion du rapport présenté par
Noske, sur l'activité parlementaire de la fraction socialiste.
Noske
reconnaît que cette activité est presque nulle et qu'il n'a pas
grand'chose à rapporter.
(…)
PROTESTATION
CONTRE LA PRESENCE DU TSAR
Karl
Liebknecht propose au congrès de voter une motion contre la présence
du tzar en Allemagne.
Liebknecht dit que c'est un mensonge de prétendre que le tsar n'est pas responsable des atrocités qui se commettent en Russie. C'est lui notamment, qui fut le bailleur de fonds de l'organisation des cent noirs. C'est agalement lui qui fut parjure en déchirant la Constitution de la Finlande à laquelle il avait prêté serment de fidélité.
Liebknecht dit que c'est un mensonge de prétendre que le tsar n'est pas responsable des atrocités qui se commettent en Russie. C'est lui notamment, qui fut le bailleur de fonds de l'organisation des cent noirs. C'est agalement lui qui fut parjure en déchirant la Constitution de la Finlande à laquelle il avait prêté serment de fidélité.
Le
Parti socialiste ne doit pas permettre que le peuple allemand soit
souillé par la présence de ce criminel couronné. Il faut qu'une
résolution énergique de notre part povoque un tel mouvement de
répulsion, que le tsar rouge soit obligé de quitter l'Allemagne,
chassé par l'indignation publique.
Le
congrès adopte la résolution suivante, par acclamation :
« Le
congrès proteste contre l'infâme violation faite au peuple
finlandais par le tsarisme, et lui exprime sa fraternelle sympathie
dans sa lutte pour la liberté. Il lui garantit les secours et
l'assistance du prolétariat conscient d'Allemagne.
Le
congrès proteste avec énergie contre la présence en Allemagne du
tsar, complice de toutes les atrocités et de toutes les infâmies de
la contre-révolution russe, protecteur de Azeff et de la bande
d'agents provocateurs, auteur responsable de la persécution des
israélites, qui ne cesse de conspirer contre la liberté et
l'indépendance du peuple finlandais.
Il
est scandaleux qu'un pareil criminel couronné soit reçu par la
nation allemande, protégé par les employés et les soldats
allemands, entretnus par les contribuables allamands.
Le
congrès déclare que la présence du tsar en Allemagne atteint le
peuple dans son honneur et que celui-ci exprime au tsar rouge ses
sentiments de répulsion.
LE
SUFFRAGE UNIVERSEL EN PRUSSE
La congrès aborde la question du suffrage universel en Prusse. Rosa
Luxemburg dépose une motion en faveur de la grève générale,
signée par 60 délégués. Cette motion dit :
« Le congrès déclare être d'accord avec la décision du
récent congrès prussien, disant que la conquête du suffrage
universel ne peut se faire que par l'action énergique des masses
populaires, qui doivent recourir à tous les moyens et, s'il le faut,
à la grève générale. Le congrès déclare nécessaire de répandre
par la presse et les assemblées publiques l'idée de la grève
générale, comme pouvant être le moyen suprême de conquérir
l'égalité politique ».
Une autre résolution, d'ailleurs vite retirée, est présentée par
Locle et d'autres délégués qui réclament okus de liberté
d'opinion (sic!) à la Neue Zeit pour la propagande de la grève
générale.
Borgmann, le rapporteur de la question du suffrage universel, insiste
sur les luttes du prolétariat pour la conquête du droit de vote et
sur les avantages que ce droit offre au prolétariat ; il
demande au congrès de repousser ma deuxième partie de la résolution
Luxemburg, c'est à dire la partie où l'on recommande au parti de
faire une propagande inlassable pour la grève générale, car sur la
grève générale on en a assez parlé au congrès d'Iéna.
Rosa Luxemburg prend la parole pour soutenir sa résolution.
Elle dit que la résolution du comité directeur du parti ne fait que
justifier les revendications du suffrage universel, tandis que la
résolution présentée par elle complète l'autre, en tirant les
conséquences politiques actuelles.
Depuis le dernier congrès prussien, le parti a fait un grand pas en
avant. Déjà au congrès prussien, on a parlé d'être prêt à
employer tous les moyens, dont la grève générale, pour faire
aboutir le droit de vote. Toute la presse de province a discuté
vivement la question de la grève. Et cela devait arriver, car les
masses se rendent bien compte que seules les démonstrations ne
suffisent pas à renverser la réaction. Il faut dire à ces masses
qu'il reste encore un moyen, le plus efficae : la grève
générale.
Et puis, la lutte ne dépend pas seulement des socialistes. Il ne
faut pas oublier les réponses de la police aux démonstrations
ouvrières. Le jour des grandes démonstrations, la caserne d'un
régiment d'artillerie a été transformée en champ de bataille. Il
faut rassurer aux masses qu'elles ne sont pas désarmées en face des
provocations honteuses, qu'elles ont une arme précieuse : la
grève générale.
Les cercles dirigeants du parti et des syndicats ont une répulsion
pour la discussion publique de la question de la grève générale ;
ils ont peur qu'à la suite de ces discussions, la grève générale
n'éclate du jour au lendemain. On considère la discussion de la
grève générale comme une sorte de jeu dangereux ; mais cette
conception est tout à fait fausse. On ne peut provoquer
artificiellement une grève générale, en en parlant souvent ;
elle ne peut éclater que lorsque les conditions, la situation
politique, la réclament. La meilleure preuve que les discours ne
suffisent pas pour déclarer une grève générale, c'est l'histoire
même de la grève générale. Domela Nieuwenhuis et les
syndicalistes français ont toujours la grève générale sur leurs
lèvres ; ils la propagent comme le moyen suprême contre tous
les maux, et pensent pouvoir faire ainsi en 24 heures la révolution
sociale.
Aucun homme sensé ne se soucie de la propagande, quand les
conditions ne sont pas mûres. C'est maintenant, lorsque nous avons
des syndicats patronaux, la tactique du lock-out, les oppositions
violentes des classes, que nous voyons çà et là des grèves
générales éclater, non pas parce que les socialistes les propagent
mais par suite des conditions historiques. La grève générale est
un moyen excellent pour léveil de la conscience de classe et pour
l'éducation du prolétariat.
(…)
Eugène Ernst dit qu'il n'y a aucun doute sur l'emploi de la grève
générale, quand les conditions le demandent. Le comité l'a reconnu
comme un moyen de lutte. Mais la grève générale a une trop grande
importance pour qu'on puisse la déchaîner sans aucune préparation.
Il faut s'entendre avec les syndicats avant de prendre une pareille
résolution, car cela serait un acte peu courtois à leur égard.
« Précisément parce que nous avons toujours en vue
l'éventualité d'une grève générale, nous vous prions de
repousser la résolution de Rosa Luxemburg ».
Le président Klüss donne lecture d'une déclaration signée par
quelques délégués, qui demandent le rejet de la résolution de
Rosa Luxemburg, car le congrès ne peut prendre aucune décision
avant de s'entendre avec les syndicats, de qui dépend la réalisation
de la grève générale ; l'adoption immédiate de cette
résolution ne pourra que nuire aux deux organisations, politique et
syndicale.
Dissmann soutient la résolution de Luxemburg, en disant que la
protestation des chefs des syndicats est tout à fait inutile, car
Luxemburg, elle aussi, dans un journal du pari, a reconnu la
nécessité de la collaboration des syndicats pour l'exécution de la
grève générale.
Leinert combat la résolution pour la grève générale, car au
congrès de Mannheim, on a décidé que les mesures pour la grève
générale doivent être prises après un commun accord entre le
parti et la commission syndicale. Cette discussion lui semble tout à
fait inutile, devant la situation splendide qui s'annonce pour les
élections prochaines.
Heine n'est pas contre la discussion de la grève générale, sans
être d'accord avec la résolution de Luxemburg.
Clara Zetkin parle en faveur de la grève générale.
Severing : La grève générale doit être discutée entre le
parti et la Commission générale des syndicats, et toutes les
résolutions présentées avant cette entente doivent être
repoussées.
Liebknecht, un des signataires de la résolution présentée par
Luxemburg, parle en faveur de la propagande de la grève générale.
Bergmann prend le dernier la parole, pour dire que la deuxième
partie de la résolution lui paraît inacceptable.
Avant de procéder au vote, Clara Zetkin déclare que la deuxième
partie de la résolution Luxemburg est retirée.
On adopte la résolution du Comité directeur, ainsi que la première
partie de la motion de Rosa Luxemburg.
La
Coopération
Le rapporteur de la question coopérative, Fleissner (…) La
discussion est ouverte. Deux tendances sont en présence, l'une avec
Peus, Kalzenslein, Stol défend la thèse que la coopération est
unmoyen puissant d'émancipation de la classe ouvrière ;
l'autre, avec Wurm, déclare qu'il ne faut pas exagérer l'influence
de la coopération.
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