Le viol et le massacre à la barre de fer d’une jeune
étudiante indoue à la mi-décembre 2012 dans la mégapole New Delhi a suscité un
peu partout, amplifié par le simplisme de la presse mondiale, un sentiment
d’horreur et de réprobation. Comme si ce viol était unique, soudain,
inexplicable et typique des pays sous-développés « culturellement »,
et n’avait pour justice que la « vengeance populaire » bien saignante
et castratrice. Une dizaine d’années plus tôt, le 26 avril 1998, un homme de 35 ans avait été
brûlé vif par les habitants d’un village de Chennai, la capitale du Tamil Nadu.
Il était soupçonné d’appartenir à une bande qui répandait la terreur dans la
banlieue ouest de la métropole. Quelques jours auparavant, les membres du gang
avaient été arrêtés par la police puis relâchés, ce qui avait provoqué la
colère des hommes et des femmes de la localité. Ce groupe de trois hommes était
accusé de commettre des viols et d’injecter du sang infecté par le virus du
sida. Dans l’après-midi, la foule s’était emparée dudit coupable, puis le
lyncha avant de l’immoler après l’avoir arrosé de kérosène (genre de vindicte
populaire plus courante en Afrique). Les manifestants des couches moyennes de
New Delhi ont dû se contenter d’affiches appelant au meurtre des coupables
comme si la société capitaliste indienne pouvait se racheter de ses mœurs
ambigus sous le bric à brac hindouiste, et se laver dans le Gange de ses
relations tarifaires de castes et de classes, et des coups de bâtons policiers.
Partout dans la presse et dans les blogs rejaillirent les sempiternelles
questions : « pourquoi le viol ? », « en quoi est-il
un crime ? », « doit-on interdire la prostitution et les films
pornos ? » comme le brament les bourges féministes, « faut leur
couper les couilles », etc. Les appels à la vengeance ressortent le même
disque rayé des curetons : à bas les pulsions malsaines, foin des
« mentalités » de sous-développés, vive la justice impitoyable !
Vivement des mœurs régulées par une population mieux surveillée et
éduquée ! Le discours féministe a remplacé celui des curés et les
lesbiennes de l’élite peuvent expliquer aux moches frustrés et aux
pue-la-sueur que les femmes en général
peuvent vivre sans homme, et qu’au moins leurs coreligionnaires homosexuels ne
sont pas de la graine de violeur de femmes, pendant que le chœur des
anarchistes et des gauchistes brame en faveur du mariage des minorités
sexuelles et prie nuit et jour pour que l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ne
soit pas mis au monde par les parrains de la gauche caviar.
Tout le monde n’a pas besoin ou peu besoin de
sexe. Certains et certaines s’accommodent parfaitement bien d’une vie sans sexe
– ce ne sont pas les plus intéressants ni les plus conviviaux – mais les
besoins ne sont pas les mêmes pour tous. On est bien obligé d’en convenir.
LES SOURCES
VERITABLES DE LA MISERE SEXUELLE
A partir des écrits de Karl Marx, le fameux
Wilhem Reich mettait en parallèle le besoin alimentaire et le besoin de
satisfaction sexuelle. Il n’a jamais
existé un «besoin » automatique de procréation, ni une loi divine de maintien
de l’espèce pour ne forniquer que tous les neuf mois. Dans tous les cas
l’attirance de l’homme pour la femme (et « vice » vers çà) repose sur
la quête du plaisir. De même que l’on parle d’économie de l’alimentation il y a
lieu de parler « d’économie sexuelle ». L’économie sexuelle de l’individu
dépend de l’économie sexuelle et
hiérarchique de la société. Elle peut être « ordonnée » c'est-à-dire permettre
la satisfaction génitale ou «désordonnée » (névrotique). Le besoin sexuel ne peut
être écarté de la vie sociale comme interaction des rapports humains sensuels
plus souvent que sociaux. Les besoins sexuels comme les autres en général sont
faussés dans une société de compétition à mort. Reich est un original qui
poussera un peu loin le bouchon plus tard avec sa filandreuse théorie de
l’orgone et sa théorisation bizarre de la « capacité de travail » conçue comme
essentiellement de l’énergie sexuelle transformée. Non monsieur Reich tout ne
se ramène pas au cul ! Mais au départ, sur la base du marxisme vous étiez
dans le vrai. La société autoritaire (certes
pas très permissive en ce qui concerne les perversions généralisées par les
faux besoins capitalistes) règle le problème de la satisfaction des besoins
sexuels en fonction de certains intérêts économiques. Pour l’ordre bourgeois un
contrat est indispensable à l’ordre social et sexuel: le mariage monogame
permanent imposé et la famille patriarcale. La famille patriarcale est ainsi,
dans tous les pays (de l’Inde à l’Algérie) la fabrique d’idéologie la plus
importante, le mur de protection juridique et armé contre d’autres désirs
« bestiaux » qu’aucune religion n’a réussi à éradiquer. Problème
autrement pervers : la sphère de production de la morale appartient au
groupe des puissants, qui sont eux-mêmes hédonistes reconnus et maquereaux à
leurs heures. La peur de la punition sexuelle n’est plus alors suffisante pour
retenir le « retour du refoulé »…
Un problème de mentalité ?
L’Inde est-elle le pire pays pour les femmes ?
Les rapports de la Commission nationale des femmes
déjà en 1996 et 1997) témoignaient, suite à des enquêtes réalisées par
d’ex-prostituées assistées de chercheurs, du taux élevé d’abus sexuels chez les
jeunes filles indiennes. Une femme sur trois induite dans la prostitution aurait
expérimenté dans sa jeunesse un harcèlement sexuel de longue durée, un inceste
ou un viol . Un certain Christophe Jaffrelot – interrogé sur France-Inter -
spécialiste de l’Inde dénonce un problème de mentalité :
« Ce ne sont pas les lois qu’il faut changer, ce sont les mentalités. Ce
sont les appareils judiciaire et policier qu’il faut mettre en phase avec
l’esprit des lois. (…) La classe politique est presque victime ou
complice de la situation actuelle ». Un journal provincial
rapporte que Selon une étude publiée par la fondation Trust Law en juin
dernier, l'Inde serait le pire pays pour les femmes :
« Les difficultés pour ces dernières commencent avant la naissance,
puisque l’avortement de fœtus féminin, malgré son
interdiction, n’est pas rare. D’après un sondage
de TrustLaw, publié en 2011, le nombre de petites filles âgées de 0 à 6 ans
pour 1.000 garçons est passé de 976 en 1961 à 914 en 2011, le pire résultat
depuis l’Indépendance en 1947. Parmi celles qui survivent, beaucoup
seront négligées par leurs parents ou leur entourage et subiront des
maltraitances de toutes sortes ».
Comment une telle violence faite aux femmes est-elle
possible au pays du Kâmasûtra,
un traité classique de l'hindouisme qui dame largement le pion au bouddhisme
pudibond ? Dans lequel l'homosexualité féminine et masculine sont des
aspects jugés naturels de la vie sexuelle. Et quand on admire la pornographie antique des sculptures sur certains temples comme
celui de Khajuraho ? Dans les rues
de Delhi des hommes se promènent en se tenant par la main, et personne n'y
trouve rien à redire ni ne pense immédiatement qu'il s'agit d'un couple
"gay". Quand on pense aux moeurs occidentaux et moyen orientaux si puritains
par rapport à la sexualité brûlante indienne,
népalaise, thaïlandaise ou japonaise... Quoique que le comportement des hommes
face en particulier aux femmes touristes occidentales tienne du comportement
plouc, et que, à Calcutta, Bombay ou Delhi ou y trouve des maisons closes et un
quartier entier de Bombay, comme dans les bordels climatisés allemands, dans
lequel les prostituées sont au pas de la porte au nombre de 150.000. Sans
oublier – le fond toujours – un système de castes, officiellement interdit, qui
recoupent une hiérarchie extrême des classes sociales où la plus grande misère
(économique) côtoie la plus grande richesse…
Non l’Inde n’est pas le pire pays pour les femmes.
L’Egypte peut tout à fait arriver en tête pour le harcèlement et le viol des
femmes. L’Argentine en second pour le nombre de tuées dans le cadre du mariage.
Le Maroc en troisième pour l’interdiction des relations sexuelles hors mariage.
La bourgeoisie française peut occuper la marche à côté du podium avec sa
magnanimité pour les auteurs des « tournantes » et sa radinerie
immobilière qui empêche les jeunes de trouver en banlieue des lieux décents
pour avoir leurs relations sexuelles. Les podiums pour désigner les gagnants de
la misère sexuelle peuvent être aussi nombreux et diversifiés que ceux qui
honorent chaque type de compétition aux jeux olympiques. Mais ces podiums sont
peu honorables et ne méritent que les sifflets et les quolibets de la foule
humaine.
QU’EST-CE
QUE LA MISERE SEXUELLE ?
La notion est courante. Elle est même très méprisante.
Elle est d’ailleurs du même ordre que la misère tout court. C’est un mot des
puissants, despotes, rois, curés et grands bourgeois ont toujours compati à la
misère. La misère a longtemps été un phénomène dû au hasard. Le hasard fait si
bien les choses pour les puissants. Or, grâce à notre ami antique Spartacus,
aux jacqueries du Moyen Age et aux révolutions prolétariennes modernes du XIXe
siècle nous, les pelés, les miséreux et les malheureux nous avons compris, et
restons fermement persuadés que la misère a « des causes », qu’elle
ne tombe pas du ciel. La misère a ses « fauteurs ». Ces fauteurs de
misère sont les puissants et les structures étatiques complexes dont ils se
sont entourés pour nous la reprocher la misère. Pour nous l’attribuer. La
misère n’est donc pas en premier lieu un état de fait, elle est une
conséquence, un produit du type de société dans laquelle nous vivons et
mourrons. C’est la même chose pour ce qui concerne la misère sexuelle. Et, avec
Charles Fourier, nous assurons que l’avenir de la société n’est aucunement dans
les relations formalisées et figées du mariage et de l’élevage en batterie
républicaine.
La misère sexuelle n’est pas une « qualité »
de celui ou celle qui sont moches, trop pauvres, impuissants ou frigides, elle
est une conséquence d’un mode de vie imposé où la rotation et diversité des
rencontres ne sont réservées qu’à un petit nombre de « riches ». Aux
protestataires bourgeoises féministes et aux politiciens pervers qui appellent
au meurtre des violeurs comme dan un pays régi par la charia, il ne faut pas
craindre de leur jeter à la figure les conditions de vie épouvantables qui sont
réservées à la masse qui a du pain et des jeux mais à qui on dénie
« d’avoir du sexe », ou ce droit naturel à la libido. En Somalie, la
plupart des hommes doivent attendre l’âge de quarante ans, c'est-à-dire le
nombre d’années suffisantes pour pouvoir prétendre constituer une dot
suffisante pour épouser une femme. Avec le chômage endémique qui frappe de plus
en plus les pays à réserve de main d’œuvre bridée, les jeunes hommes en Egypte,
en Tunisie, etc., ne peuvent pas plus prétendre trouver « une nana »
que n’importe quel chômeur en France. A ces populations d’hommes frustrés de la
vraie vie, on fait la morale en leur jetant comme à des chiens en rut la
pornographie gratuite sur internet. Masturbez-vous mais ne violez pas nos
femmes !
Une autre explication s’ajoute immédiatement à
celle que je viens de décrire – qui a aussi pour cause la société bourgeoise
décadente. Les stéréotypes du colonialisme ont la vie dure concernant par exemple les nombreux viols d’enfants en
Afrique : l’idée selon laquelle les noirs auraient une sexualité débridée.
Cette fable est née dans l’esprit des pillards
colonisateurs, et a été trop longtemps érigée d’autorité en connaissance scientifique au XIXe siècle.
Constat pour l’Afrique d’aujourd’hui : 150
millions de filles et 73 millions de garçons de moins de18 ans ont subi des
rapports sexuels forcés ou d'autres formes de violence sexuelle impliquant le
contact physique. De toutes les formes de maltraitance d’enfant signalées en
Afrique un nombre important ont été les cas d'abus sexuel. Quelque part en
Afrique, 45% des enfants diagnostiqués comme ayant été abusées avaient été
abusés sexuellement. Dans une certaine communauté d'Afrique orientale, 49% des
filles sexuellement actives d’écoles primaire savaient été contraints à avoir
des relations sexuelles. Une telle situation désastreuse ne peut plus être mise
sur le dos de la société africaine traditionnelle. Dans la société
traditionnelle africaine, l’abus sexuel des enfants n’existait quasiment pas.
La société primitive avait créé un système où les enfants étaient protégés par
de multiples façons, allant de tabous rigoureux centré sur les relations et les
modes de vie et à un rôle prégnant des parents. Dans les sociétés traditionnelles,
les parents n'étaient pas seulement les principaux agents de socialisation pour
les enfants, mais ils étaient vigilants quand il y avait un risque que les
enfants ne soient pas protégés. Avec le pachyderme capitaliste qui détruit
toute vie au village, toute relation sociale et pousse les pères à émigrer, les
parents ont abdiqué leurs responsabilités à des amis, des enseignants, des
groupes religieux et dans certains cas, à des personnes qu'ils connaissaient
très peu, eux-mêmes sans plus de repères et paupérisés. Les mères envoient
leurs enfants faire les commissions de nuit ou à les confient à des étrangers,
peu scrupuleux dans des zones où règne les cartels de la drogue et les sergents
recruteurs pour les nombreux clans militaires et terroristes. Certains parents
vendent leurs enfants à ces sergents recruteurs ou à des maquerelles, pensant
ainsi leur préserver un avenir…
La misère sexuelle, qui suppose viol des femmes
et des enfants, joue en même temps le rôle de révélateur de la « crise sexuelle »
du capitalisme en Chine.
EN CHINE
LA MISERE SEXUELLE FAIT ECLATER LE MYTHE RELIGIEUX DU CHEF SUPREME
Ou la revanche de Confucius sur Mao. Dans le
Confucianisme classique comme au vu des critères modernes, une bonne vie se
caractérise par deux éléments : être bien nourri et être satisfait de sa vie
sexuelle. Après avoir résolu le
problème du pain, la Chine devrait donc mettre un terme à la répression
sexuelle de ses citoyens. Au moment où l'Occident faisait sa révolution
sexuelle, dans les années 1960, la Chine subissait de plein fouet une
révolution peu culturelle vouée à éradiquer "tous les éléments capitalistes"
de la société chinoise. Mao qui était un grand consommateur de femmes était
soucieux par contre de la chasteté de son peuple dont il pensait dissoudre la
libido par sa mystique politique stalinienne. Aujourd'hui, après des décennies de frustration, la libido chinoise a
resurgi avec l’excitation de la croissance économique et de l’accumulation
distributive. Les Chinois s'aperçoivent qu'au lieu d'aimer un totem
ventru, ils peuvent très bien s'aimer entre eux. Le résultat, c'est une
véritable explosion de l'énergie sexuelle, stimulée par l’ouverture vers
le « marché du mariage »,
lequel est un phénomène largement favorisé par la concentration des ressources
(argent, pouvoir et prestige) entre les mains de quelques-uns depuis une
vingtaine d'années, ainsi que par le déséquilibre hommes/femmes : aujourd'hui, il y a 120 hommes pour seulement
100 femmes en Chine. D'ici quinze ans, plusieurs dizaines de millions d'hommes
seront dans l'incapacité de trouver une femme, ce qui fait craindre une guerre
seule apte à légaliser les viols en masse. En attendant, le mariage est devenu
un véritable "marché" où les femmes sont en position de marchandise dominante.
La tentation pour elles d'utiliser le sexe ou le mariage pour s'élever
socialement va grandissante, comme le montre un sondage effectué par le site de
rencontres hongniang.com : 43% des jeunes Chinoi(se)s placent la situation
financière et l'environnement familial comme premier critère dans le choix d'un
partenaire, devant les qualités personnelles. Situation est d'autant plus grave que le sexe
reste un sujet tabou dans la société chinoise, ce qui pèse sur l'épanouissement
libidinal des individus. Des lois très répressives condamnent encore plusieurs
pratiques sexuelles, comme l'orgie, passible de trois ans et demi de prison.
Pourtant mariées près de 26% des femmes chinoises n'auraient jamais eu
d'orgasme (pour une moyenne mondiale de 10%), le nombre moyen de partenaires
sexuels au cours d'une vie est d'à peine 1,3 (contre 16 dans le monde), et,
poids du maoïsme castrateur, à peine 30% des jeunes seraient favorables aux
rapports avant le mariage. En général cependant les jeunes chinois sont prêts à
se jeter sur la moindre petite annonce (fausse) prétendument envoyée par une
jeune chinoise à la recherche de ce que les Occidentaux appellent "une
aventure d'un soir". Plus de 120
000 à consulteraient journellement ces sites. Le web est devenu le repère le plus frappant de la misère sexuelle de la
jeunesse chinoise car dans le même temps, le régime continue de punir
sévèrement la pornographie, en dépit de la liberté d'expression et de
publication proclamée par la Constitution. Autre problème : le déficit
d'éducation sexuelle des jeunes Chinois, qui pose des problèmes évidents. Selon
ZeNews India, près de 14% des jeunes n'ont pas
utilisé de contraceptif lors de leur première relation et sont assez
brut de coffrage. Ce qui
explique peut-être le taux élevé de contamination au VIH par voie sexuelle :
64%, selon le ministère de la santé. Nul doute, donc, que pour devenir un pays
avancé, la Chine devrait mettre un terme à la répression sexuelle qu'elle
exerce sur le peuple. En tout cas, elle conserve la solide tradition
stalinienne de taire les faits divers, en particulier les viols, ce qui lui
permet d’échapper au podium mondial de la maltraitance des femmes ; la
Chine communiste accouplée avec le capitalisme ne peut cacher que son profit
repose sur l’exploitation des enfants.
RECIT DU
VOYAGE D’UNE FEMME SEULE EN INDE
« Voyager seule en Inde, c’est d’abord accepter d’aller dans un pays où les
traditions sont omniprésentes et où la condition de la femme est loin d’être ce
qu’elle est chez nous. Dans la majeure partie du pays, la femme
est souvent reléguée aux tâches ménagères et autres travaux ingrats. Elle
se marie à l’adolescence, avec un inconnu, intègre une famille tout aussi
inconnue dès le mariage et rejoint le clan féminin de celle-ci. Elle devient,
comme les autres, à la merci des envies et des désirs des hommes de la maison.
Ces traditions évoluent lentement et on sent l’amorce d’un changement dans les
grandes villes comme à Mumbay ou Delhi mais nous sommes encore loin du libre
choix, même pour ceux qui partent étudier ou vivre à l’étranger et connaissent
une vie à l’occidentale.
Passé l’âge de l’enfance ou de l’adolescence, la
rencontre avec une indienne est quasi impossible sans la présence d’un père,
d’un frère ou d’un mari. Au Rajasthan, j’ai été invitée par un homme, rencontré
au hasard d’un thé, à un diner dans sa famille. Méfiante, j’ai voulu qu’il me
la présente en pleine journée pour voir si je ne tombais pas dans un
traquenard. Je suis arrivée au milieu du clan des femmes, elles étaient en
train de faire la cuisine. Nous avons passé un moment sympathique et plus que
rassurée, je dis Ok pour le diner. Le jour J arrivé, je n’ai diné qu’avec les
hommes, sans en être prévenue à l’avance. Les femmes étaient soit disant
végétariennes et donc n’avaient pas leur place autour du délicieux curry de
mouton. Ce fût un moment très déstabilisant, d’autant que je n’étais pas tombée
sur une famille d’une caste de bas niveau. Sans être ultra féministe, voir les
femmes ainsi traitées, quelle ne puisse pas profiter d’une invitée au même
titre que les hommes m’a dérangée voire révoltée. J’ai eu un sentiment identique
lors de Holi, la fête des couleurs. A l’âge adulte, seuls les hommes
participent. Le peu de femmes que vous voyez dans les rues, sont celles qui
regardent l’animation depuis le pas de leur porte. En même temps, les hommes sont tellement frustrés, que
cette fête est dangereuse pour elles.
Ne pas
tenter les hommes frustrés
Car oui, venons-en aux hommes. Comme la femme, un homme sait dès sa
naissance qu’il ne choisira pas sa future épouse et sait que les rapports
sexuels avec une indienne avant le mariage lui sont impossibles. La
frustration est donc omniprésente et elle se lit facilement dans les yeux des
hommes et dans leurs attitudes. Ils
voient les petites occidentales comme de la chair et des filles faciles. Même
s’il vous arrivera rarement quelque chose de grave, mieux vaut être sur ses
gardes. La vigilance reste la première des mises en garde vis-à-vis de ces
hommes. Des regards insistants, des mains aux fesses, des hommes qui se
grattent les couilles en vous regardant droit dans les yeux et sans aucune gêne,
sont des choses que vous vivrez forcément à un moment ou un autre en Inde.
C’est déstabilisant mais comme tout, on s’habitue et on ne fait plus attention.
Mes premiers conseils sont donc de se fondre dans la masse et ne pas tenter.
Toujours être habillée de façon à respecter les traditions et ne dévoiler aucun
bout de chair interdit : épaules et genoux couverts et toujours avoir une
écharpe ou une étole sur soi pour couvrir sa poitrine.
Difficile de marcher dans la rue sans se croire
dans un métro aux heures de pointe. Difficile de s’isoler et de ne pas subir la
misère, la saleté et toutes les impolitesses du pays : des crachats aux hommes
qui pissent devant vous, de ceux qui se curent le nez à ceux qui trainent des
pieds ou encore ceux qui tentent de vous arnaquer, les mendiants, il faut
supporter tout ce que nous entoure, nous agresse, nous déroute et qui pourtant
est de l’ordre de la normalité là-bas. Les villes sont grouillantes et souvent
un piège pour le voyageur solitaire novice et en même temps une fois qu’on a
vécu l’arnaque ou la fourberie une fois, on se durcit et on vit plus facilement
les autres épreuves du voyage en solo.
Delhi
fût l’une de mes plus mauvaises expériences en Inde. C’est la seule ville où je
suis sortie de mes gonds (et il faut y aller pour me pousser à bout). De celui
qui a essayé de m’arnaquer en me disant que le billet de train était acheté en
surbooking au chauffeur de taxi qui ne trouve pas ma guesthouse pour m’emmener
dans un hôtel où il touchera sa commission, en passant par le chauffeur de
rickshaw qui te fait visiter tous les magasins de la ville. Bref, il faut être
armé pour supporter les arnaques, la fourberie et la sournoiserie de l’Inde. Il
faut savoir se créer une bulle tout en étant sur ses gardes et ferme car
l’indien n’a peur de rien, n’a pas froid aux yeux. Il tente souvent le tout
pour le tout. Il ne faut pas hésiter à le renvoyer dans ses buts ».
Sexualité
et sociabilité en Inde du sud, de Frédéric Bourdier
La notion d’identité alternative :
« Par exemple, une femme qui s’adonne au
commerce du sexe sera perçue comme une prostituée dans un milieu social
restreint à ses collègues et clients, mais une fois retournée dans son quartier
elle redevient mère de son enfant, femme de son mari, membre de sa
belle-famille et rien dans son comportement ne la distingue des autres épouses.
La notion d’identité alternative exprime aussi la possibilité d’une échappatoire à une identité dominante qui
doit, en quelque sorte, préfigurer. En témoignent les attitudes des étudiants
issus des classes moyennes, des jeunes commerciaux et des jeunes femmes
employées dans les firmes des villes qui adoptent un comportement conventionnel
(vestimentaire, langagier, religieux) quand ils sont dans leurs familles mais
qui s’affichent à la mode occidentale et se font fort de revendiquer des mœurs
libertaires une fois hors de cet environnement familial immédiat. Ce phénomène
de recomposition identitaire est plus complexe qu’il n’y paraît car si le jeu
des perles de verre – une fois l’un, une fois l’autre – est bien réel, cela
n’indique pas toujours la part de dissimulation et de sincérité. La notion
d’identité alternative permet en fin de compte de saisir la différence entre
deux attitudes similaires mais dont l’une reflète une certaine manière d’être,
tandis que l’autre est une stratégie conventionnelle destinée à éviter le
chaperonnage public. Il peut s’agir par exemple dans le cas d’une femme
marchand seule dans la rue de dissimuler des signes qui pourraient être
interprétés comme révélateurs d’une personne immorale. Significativement,
plusieurs proverbes tamoules énoncent l’ambiguïté de rendre compte d’une
continuité identitaire et induisent l’idée d’une identité flexible. Un d’entre
eux stipule malicieusement que : « la femme karpu qui reste à la
maison n’a que les apparences de la femme au foyer, alors que celle qui sort
n’est pas toujours une prostituée ».
« On reste frappé par les tendances
divergentes associées à la sexualité. Les valeurs oscillent entre deux modèles
antithétiques : l’ascétisme et la sensualité. Les proverbes tamouls
reconnaissent la noblesse du désir sexuel en même temps qu’ils vantent la
continence ».
« Les représentations des sociétés indiennes
a-sexualisées, dont la sexualité se canalise et se retreint à un partenaire
unique, sont des représentations surfaites démenties par des contre-exemples
anthropologiques. Il s’agit tout au plus d’une image idéalisée, jamais
accomplie, peu différente finalement de celle à laquelle tend la vision
chrétienne, musulmane et toute autre religion révélée en général. On est en
droit de se demander s’il existe une spécificité hindoue – ou tamoule – de la
notion de fidélité : elle est comme dans la plupart des sociétés, une
valeur vers laquelle ont tend, constamment remise en question dans les
pratiques quotidiennes, et dont l’irrespect est plus ou moins toléré suivant
les circonstances. La première idée préconçue, fortement ancrée, venant à
l’esprit de celui qui porte un regard sur l’Inde, dénonce que la sexualité ne
peut exister en dehors de l’institution du mariage : seules des personnes
en marge de la société osent mettre à l’épreuve la sacro-sainte règle ».
« On est intrigué au début de l’acceptation
des prostituées dans le bidonville. On leur confie les enfants à garder, elles
vont et viennent librement, discutent et plaisantent avec les autres femmes de
tout âge. Tout le monde sait parfaitement qui elles sont et ce qu’elles font,
mais une sorte de complicité mutuelle, ou plus exactement d’adoption
consensuelle, s’établit. Les habitants issus d’un milieu pauvre se doutent des
circonstances sociofamiliales dramatiques qui ont poussé ces femmes à séjourner
en ces lieux et se gardent de jugements sévères, d’autant plus que le commerce
profite à tout le monde ».
« … on doit réfuter l’idée que l’homme a le
privilège de la quête du plaisir tandis que la femme reste contrainte d’assumer
la position d’un être passif et inanimé. Bien au contraire, nos discussions
patientes révèlent que l’insatisfaction sexuelle chez une femme constitue une
des causes fréquentes de séparation (ou de menace de séparation), et encore
plus de recherche de relation extramaritale. Chez les basses castes où le
divorce est plus socialement aisé, les femmes n’hésitent pas à quitter le foyer
quand y siège un mari impotent, un homme excessivement maladroit. Il est
absurde de penser, comme certaines études le font croire que la Femme indienne
sublime automatiquement sa sexualité et la reporte sur son amour maternel, dans
l’alimentation et dans la religion. Des témoignages récents, ainsi que des
travaux scientifiques aux résultats parus dans les revues féminines (Femina,
Debonair) osent parler des relations extramaritales qui sont à l’initiative de
la femme. En témoignent les réseaux d’épouses dont l’insatisfaction se mêle à
l’ennui et qui n’hésitent pas à payer les services sexuels de jeunes hommes
plus fringants que leur mari. Dans les villes du Tamil Nadu, existent des
pseudo-cliniques qui reçoivent de fausses malades. La première consultation se
restreint à la commande : la femme suggère le type d’homme qu’elle désire.
Celui-ci sera disponible quelques jours après (…) Pour les jeunes désoeuvrés et
les personnes esseulées, l’absence d’informations fiables et ouvertement
disponibles ainsi que les possibilités réduites de rencontre, font que la
pornographie devient une méthode d’initiation et d’apprentissage de la
sexualité, plus qu’un moyen de satisfaction de leur libido ».
LE DESIR
DE VENGEANCE VIOLENTE DE LA PETITE BOURGEOISIE
Dans un article de The Telegraph repris par Le
Courrier International du Monde, Manini Chatterjee fournit une analyse
pertinente des réactions au viol ignoble dans le bus de New Delhi, suivi de la
mort de l’étudiante, qui a ému le monde entier bien pensant, persuadé que
l’Inde est le seul pays arriéré et en retard sur le plan de la sexualité.
Après une affaire de viol, une partie de la
classe moyenne est descendue dans la rue pour réclamer les pires châtiments
pour les coupables. En oubliant ses propres responsabilités.
New Delhi est une ville dure, aussi
rude et extrême que son climat. Une ville où les plus riches et les plus
misérables coexistent, avec, entre ces deux extrêmes, une importante et
bouillonnante classe moyenne à laquelle nous appartenons, moi et tous les
manifestants qui sont aujourd’hui rassemblés [pour protester contre le viol en
réunion d’une jeune femme et l’agression de son ami le 16 décembre]. Mais cet
événement atroce a dépassé la mesure, même pour New Delhi. Cette agression a
déclenché quelque chose de fondamental en nous, elle a fait monter la peur et
la colère, le mécontentement et le désespoir, le sentiment d’isolement et le
désir de solidarité qui couvent inconsciemment et continuellement sous la
surface de cette métropole gigantesque et complexe. Il est donc naturel que la sauvagerie de ces
actes, perpétrés dans le sud [plus chic] de la capitale, et non dans un
bidonville parmi d’autres, sur un jeune couple qui rentrait à la maison après
avoir vu un film en anglais dans un cinéma multiplexe – et non sur des
villageois des Etats avoisinants, ait soulevé une profonde indignation au sein
de la classe moyenne et fait descendre dans la rue les habitants des quartiers
aisés de la ville. Ce sont des étudiants – surtout des étudiantes – des couches
les plus riches de la société de New Delhi qui ont pris la tête du mouvement.
Un événement très important, cathartique, semble se produire : une ville habituée
à vivre dans la violence, l’intimidation et l’intolérance se cherche une
nouvelle identité.
Nécessaire
introspection
Alors pourquoi, quant à moi, je
n’adhère plus à la mobilisation générale ? Pourquoi est-ce que je me sens plus
déprimée par l’avenir de ma ville qu’au moment où la nouvelle du viol est
tombée ? Pourquoi les manifestants suscitent-ils en moi plus de tristesse que
d’espoir ? Parce qu’eux-mêmes ont affiché une haine, une rage et une attitude
moralisatrice qui ne peuvent qu’aggraver – et non guérir – la blessure
psychique subie par la ville. Il est parfaitement compréhensible que les gens
réclament l’arrestation des coupables et un jugement rapide, qu’ils veuillent
que la justice soit rendue dans les plus brefs délais pour dissuader de
nouvelles agressions. Mais comment expliquer les répugnantes banderoles
brandies par les manifestants et réclamant la pendaison, la lapidation ou la
castration en public des violeurs, avec illustrations à l’appui ? Et les
slogans scandés contre la police et le gouvernement comme s’ils étaient les
seuls responsables des dérives de notre société et comme si nous-mêmes n’avions
rien à nous reprocher ?
C’est regrettable à dire, mais les
manifestations ont mis en lumière les aspects les plus sombres de notre classe
moyenne citadine : son désir de vengeance plutôt que de justice, son sentiment
de colère dépourvu de compassion, sa tendance à attaquer les autres sans jamais
se remettre en question. C’est cette mentalité du “chacun pour soi” qui fait de
New Delhi un endroit où il ne fait pas bon vivre, où les automobilistes roulent
délibérément dans les flaques d’eau pour éclabousser les piétons, où les
habitants des quartiers chics considèrent souvent les plombiers, les
électriciens et les marchands ambulants quasi comme des criminels, où les
serveuses et les employées des postes de péage sont régulièrement violées,
voire abattues, par des hommes et des femmes plus riches et plus puissants
qu’elles. New Delhi a besoin de transports plus performants et plus sûrs, de
forces de l’ordre plus vigilantes et d’une justice plus efficace. Mais ce dont
la ville a besoin avant tout, c’est de plus de compassion et de compréhension,
de plus de partage et de moins d’inégalité, de plus d’introspection et de moins
de mises à l’index.
EPILOGUE : LE VIOL N’EST PAS UNE
CONSEQUENCE DE LA MISERE SEXUELLE
Des chercheurs britanniques, ayant étudié des
sujets masculins frappés de misère sexuelle et affective hétérosexuelle , ont
déclaré que ceux ci étant tellement frustrés de n'avoir ni femmes ni sexe, ni
affection, vivent une sorte d’autisme total et sont plongés dans de graves
états dépressifs. De ce fait ils ne désirent nullement chercher à compenser leur manque affectifs et
sexuels par la consommation d' achats matériels ou par le viol. La plupart ont
même refusé des produits de substitution comme de l'alcool, ou bien des
médicaments chimiques.
Les hommes ne violent pas parce qu’ils sont dans
un état de misère sexuelle (sinon tous les célibataires de longue durée
seraient des violeurs), mais parce qu’ils se donnent le droit d’assouvir leurs
désirs sur le corps d’un autre – ils peuvent être d’ailleurs mariés ou séducteurs
sans problème. L’attitude du violeur est typique du « possédant » qui
veut toujours plus et surtout ce qu’il n’a pas. Le violeur considère que son
besoin est supérieur au bien être de celle qu’il viole, laquelle, comme victime
soumise par sa violence, n’existe pas. Mentalité oui, mais pas de tribu, ni
traditionnelle, mais typique de l’esprit du capitalisme, de la voyoucratie
capitaliste moderne.
Le sexe conçu comme partie basse de l’amour
suppose la gratuité pour les plus mal lotis comme pour les plus riches. Or la
société bourgeoise propose un compromis tarifé : les bordels. Comment s’étonner
alors que les riches violent plus que les pauvres. Car leur tirelire leur sera
abondée.
Le viol est un acte d'anéantissement, il exprime
la volonté de dominer l'autre et de le détruire, crient les féministes qui se
taisent sur l’origine de cette « volonté de dominer l’autre ».
La prostitution serait indispensable aux moches
et aux handicapés pour avoir des relations sexuelles. Faux, les "clients" proviennent de tous
milieux sociaux et ne sont pas de grands isolés. Les bourgeois sont aussi
aliénés sexuellement que les prolétaires.
A partir des écrits de Karl Marx, Reich, on l’a
vu, a mis le premier en parallèle le besoin alimentaire et le besoin de
satisfaction sexuelle. Il n’existe pas de «besoin » de procréation, de maintien
de l’espèce.» La société bourgeoise règle le problème de la satisfaction des
besoins sexuels en fonction de ses intérêts économiques pour la reproduction
des « proles », fils de prolétaires. Tout les plaisirs du monde restent à découvrir. Mais
ce sera pour d’autres générations.
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