1.
Les
illusions de l’alternance démocratique bourgeoise :
Les élections
démocratiques bourgeoises ne sont pas complètement un trucage et reflètent tout
de même l’opinion d’un peuple à un moment donné, opinion certes largement
conditionnée, manipulée, programmée et formatée par les sondages mécaniques.
Les factions bourgeoises ne sont pas en compétition pour rire, et travaillent
férocement à conquérir le pouvoir d’Etat, clé de la gloire et de l’enrichissement,
plus de nos jours pour la deuxième perversion. La détestation du PN Sarkozy l’a
finalement emporté, malgré une intense campagne de ragots, d’insultes
quotidiennes et d’attaques personnelles incessantes contre « flamby »,
ce petit chose apparatchik que tout le monde avait sous-estimé, y compris
moi-même. Je dois dire mon contentement de l’éviction du blaireau et que, si j’avais
été inscrits sur une liste électorale j’eusse été voter pour un bourgeois « normal ».
La disparition du paysage du blaireau laisse un vide sidéral, l’impression que
cet excité du pouvoir a tondu le gazon derrière son cul comme Attila. Il ne
restera rien de l’ère
franco-sarkozienne, sauf cette odeur putride de fin de campagne nauséabonde,
infectée par les relents de théories racistes, et ce mépris aristocratique des
chômeurs.
Comme ce ne sont
pas des classes qui votent mais des individus isolés dans « l’isoloir »,
les politologues découpent en catégories mais se permettent de nommer telle ou
telle classe pour la ridiculiser, surtout s’il s’agit de la classe ouvrière. La
classe ouvrière est elle-même clivée depuis si longtemps en secteur public,
secteur privé, immigrés et chômeurs. Le secteur public a remplacé les mines et
usines de jadis quand il s’agit de faire grève. L’immense majorité des PME est
composée d’ouvriers soumis, lâches ou obéissants impuissants à lutter à une
poignée. La plupart des immigrés sont plutôt fayots et arrivistes. Les chômeurs
sont lâchés par tous et confinés dans la honte de leur situation. Excepté pour
la partie nombreuse et sécurisée des fonctionnaires, il était évident que les
trois autres catégories de la classe ouvrière votassent pour la droite caviar
qui ne promettait pourtant que des heures supplémentaires et se foutait
royalement des chômeurs. Dans les élections et au quotidien en ce moment, la
classe ouvrière n’est rien que ces catégories corvéables par chaque faction
bourgeoise. La solidarité elle ne connait plus. La capacité de se mobiliser
au-dessus des catégories elle ignore. Mais il ne faudrait pas la décrire plus
bête qu’elle n’est.
Dans le marais
souverainiste de « Marianne », hebdo identifié désormais comme plus à
gauche que le Nobs ou L’Immonde, un gus se permet encore de considérer que les
18% de la fille Le Pen constituent un « vote de… classe ouvrière ».
Ah la classe ouvrière du cru considérée comme « raciste » rétrograde,
comme acquise aux thèses du FN. Simplisme quand tu nous tiens ! Chaque
classe est composée de différentes couches pourtant, plus cupides et hargneuses
entre elles que les composants de la classe prolétarienne ; les artisans,
paysans et commerçants votent traditionnellement à droite et à droite puante.
Que des « petits blancs » votent protestataire ne peut point cacher
que des électeurs immigrés de la première génération (civiquement français)
votent aussi FN… (contre l’invasion supposée ou crainte de concurrents sur le
marché rétréci du travail). Qu’une large partie de cette classe s’abstienne
depuis de nombreuses années n’est jamais pris en compte dans les statistiques
et estimations des politologues. Qu’une plus grande partie encore de la classe
prolétaire ait voté Hollande et pour sa partie bobo (fonctionnaires et
enseignants des mouvances syndicales et professorales) Mélenchon ne met pas fin
à cette théorie décennale d’une classe ouvrière en régression depuis l’implosion
du stalinisme ; mais au moins le stalinisme ne peut plus renaître de ses
cendres même avec les meilleures promesses de nationalisations ringardes.
Ce que révèle la
victoire de Hollande, même si une partie de la bourgeoisie gaulliste et
centriste y a contribué, révèle tout de même – et cela seul nous intéresse – un
vote dubitatif du prolétariat atomisé. Comme nous questionne quel parti
bourgeois rigolo va pouvoir se mettre en travers d’une prise de conscience qui
crapahute si lentement et si électoralement.
L’alternance est
aussi un abominable trucage, puisqu’elle signifie que cette masse veautante des
électeurs disposerait du droit de sanctionner un mauvais gestionnaire politique
tous les… 5 ans, sans pouvoir le corriger en cours de route, comme peut le rendre
possible le système de délégation éligible et révocable du prolétariat en
révolution (et après) alternance véritable, en quelque sorte immédiate du vote
de classe révolutionnaire des assemblées de prolétaires. L’alternance
démocratique qui s’est jouée ce coup-ci, surtout sur une question de
comportement, a eu pour bonus la prétention à remplacer l’austérité par « la
croissance » (des myriades de PME de petits patrons de merde, qui émargent
au moins à 9000 euros/mois). La croissance, qui signifierait travailler plus dans
un marché international ouvert à la production nationale franchouillarde, est
du pipeau de think tank hollandais, aussitôt repris par Obama et où l’heureux
élu français est allé jouer le petit Poucet aux côtés des Schtroumpfs du G8.
2.
Faibles
capacités du personnel politique de rechange :
Les prolétaires
qui ont massivement participés à ce premier round des élections françaises ont
raison de ne pas se faire d’illusions. Il n’y a d’ailleurs pas eu d’état de
grâce (ce sentiment benêt qui avait dominé quelques mois après 1981). Le temps
de l’incertitude s’est installé en France comme en Europe simultanément avec le
gâchis des élections grecques, qui renforcent l’incapacité d’un Etat déjà
faible historiquement, et sans classe ouvrière homogène (dont le gros des
troupes est constitué des fonctionnaires corrompus du PC et des syndicats).
Voilà nos pauvres financiers européens consternés, alors qu’ils exigent de plus
en plus pour un remboursement sans fin (et sans fond) des intérêts de la dette
aux Grecs qui ne paient pas d’impôts ! Hollande va-t-il s’inspirer du
cirque ridicule du gouvernement aléatoire grec qui multiplie les arrestations
spectaculaires de gros fraudeurs pour tenter de calmer les esprits quand ces
mêmes gros fraudeurs échappent de toute façon aux sanctions en se mettant en …
faillite personnelle ! La Grèce n’est pas la France. C’est un cas
particulier qui ne montre ni l’exemple pour la bourgeoisie ni pour le
prolétariat. La Grèce est un Etat jeune, créé en 1830 seulement : « Durant
les quatre siècles de domination ottomane, éviter de payer ses impôts était un
acte de résistance » (cf. le Nobs du 26 avril : Pourquoi les Grecs ne
paient pas d’impôts ?). Le cas grec sert et servira toujours plus de
repoussoir « égoïste » pour le public européen ; il suffit de
lire les multiples commentaires de lecteurs dans les presses française et
allemande, lecteurs qui ne sont pas spécialement des bourgeois manipulateurs ni
d’angéliques maximalistes ou gauchistes, les quolibets concernant un système
avachi – qui n’est pas responsable certes de la crise mondiale ni de tous les
hiatus européens – mais qui fonctionne de manière parasitaire, et où tout le
monde est complice (y inclus les salariés) ; défendre le cas grec en l’espèce
comme simplement victime de la cupidité incessante de la finance internationale,
de la part de révolutionnaires semi-professionnels, est non seulement
encourager le nationalisme grec (et celui des quolibets ci-dessus évoqués) mais
donner bien piètre exemple d’une société future dite communiste d’où toute
tricherie, politique de clans et arrangements mafieux devraient être bannis !
Effet boule de
neige de l’enfoncement dans la catastrophe grecque, plus l’Europe nordique
riche accroit sa pression plus l’Etat grec persiste dans son opacité et les
petits arrangements : « Complexe, opaque, inefficace, corrompue :
depuis son entrée dans l’Europe, la Grèce promet de réformer son administration
fiscale. Mais toutes les réformes se sont soldées par la création de nouvelles
lois et… une administration toujours plus byzantine. Cette opacité sert les
intérêts de la classe politique qui peut plus facilement intervenir pour
arranger les affaires de ses « clients » (ibid).
Or la fille de
Vidal-Naquet qui rédigeait cet article pour le Nobs ne connaissait pas encore
le résultat des élections de début mai. Patatras, montée des partis dits
extrêmes naturellement, face aux magouilles des gouvernements démocratiques
successifs le cul sur deux chaises, entre céder aux exigences des banquiers de
la mafia européenne et continuer à favoriser les principales couches parasitaires.
Sur le terrain électoral, même dans cent ans, il ne faut jamais s’attendre à ce
qu’un parti honnête, voire vraiment représentatif du prolétariat, soit « élu ».
D’une part le parti d’extrême droite, nationaliste et surtout anti-envahisseurs
(depuis les dépenses faramineuses des jeux olympiques, la Grèce a gardé un trop
grand nombre d’immigrés et est devenue une passoir pour l’immigration vers l’Europe
du nord), fait une entrée remarquée au parlement, ainsi que, d’autre part, le
parti Syriza (équivalent du micro-parti mélenchonien en France), parti de
rigolos, comme je l’ai déjà dit, nullement internationaliste mais arcbouté
comme la gauche bourgeoise française sur de prétendue solutions nationales
autarciques. Blanc bonnet et bonnet blanc sont à l’assemblée, et il faut donc
faire revoter le bon peuple pour départager ces gangs politiques.
La France n’est
pas encore dans cette situation cacophonique pourtant passionnante – la confirmation
de l’absurdité d’une austérité sans fin imposée par la mafia banquière et
étatique européenne et l’incapacité des politiques grecs à affamer complètement
leur population – à la veille des élections législatives. Mais pas loin. La
réduction de 30% des salaires ministériels ne sert-elle pas à la même politique
vertueusement byzantine que celle des gouvernements grecs ?
Les articles
concis de RI de ce mois de mai et l’édito de Marianne de Nicolas Domenach ont
assez clairement analysé la situation. Domenach se met le doigt dans l’œil en
supposant que la nouvelle oligarchie a pour objet de pourfendre « l’argent-roi »,
mais sa description de l’accession au pouvoir de cette « famille politique »
fait mouche :
« Comment
ne pas être inquiet quand on a été instruit par le passé de toutes les
concessions, qu’on a devant soi une équipe dont une des forces principales peut
se révéler une des faiblesses premières : ils sortent tous du même moule
ou presque. La Hollandie, c’est en grande partie l’énarchie ! Le chef en
personne, mais la plupart de ses ami(e)s, de ses compagnons d’aventure (sic),
des dirigeants du PS, sont passés par cette fabrique des élites. Ce fut un
avantage incontestable dans la tumultueuse et incertaine bataille de la
crédibilité : Martine Aubry, Laurent Fabius, Pierre Moscovici, Michel
Sapin, Marisol Touraine, sans oublier Ségolène Royal, ont une compétence
estampillée indispensable pour affronter les responsabilités, mais leur
formation comme leurs fréquentations en font une élite qui a une fâcheuse
tendance à se refermer sur ses certitudes mondialisées ( ?), sur son petit
monde des quartiers aisés et sur un convenable minimalisme réformiste (…) Un
ordre à réguler peut-être – ils sont socialistes – mais point à bouleverser. De
gauche comme de droite, ils se sont souvent succédé en ignorant tout aussi bien
l’aggravation des fractures inégalitaires françaises et mondiales que l’échec
radical du néolibéralisme » (cf. Marianne du 9 mai).
La nouvelle oligarchie-énarchie
au pouvoir n’est pas sûre de disposer d’une majorité parlementaire pour
gouverner. L’absence d’unité des partis composants la gauche dans ce deuxième
round critique de la compétition électorale n’est ni la faute aux personnes ni
une erreur comparée à la messe mitterrandienne de 1981. La bourgeoisie dans son
ensemble ne se fait pas plus d’illusions que les millions qui ont voté pour
Hollande le preux. Elle a besoin du délire réformiste radical creux, assaisonné
d’un discours national-autarcique impuissant, des Mélenchon et compagnie, d’autant
plus inintégrable au gouvernement qu’il ne tient pas debout une seconde, sauf
pour aviné cégétiste. Une opposition délirante vaut mieux que pas d’opposition
du tout. Et ce n’est pas le bling-bling déchu Sarkozy en villégiature au club
des riches à Marrakech qui va aider les prolétaires à protester contre la
reconduction de l’austérité. J’oserai même prolonger en disant qu’il faut à l’Etat
bourgeois maintenu une opposition remuante, le plus bruyante possible pour
couvrir le peu d’étendue de la promesse de croissance hollandaise…
La crise
mondiale, depuis ses tréfonds, ébranle la répartition classique des pouvoirs
multiples et complémentaires de la bourgeoisie. La France, comme l’Allemagne et
d’autres, vont connaître une fragmentation croissante de l’appareillage politique
bourgeois. Ce fractionnement ne sera pas forcément un affaiblissement mais au
contraire un moyen plus pertinent pour encadrer la révolte des diverses
couches, en particulier pour happer la mouvance massive des petits bourgeois « indignés »
et autres « anti-politiques ».
Les syndicats,
encensés par la nouvelle oligarchie, ne seront pourtant pas à l’aise non plus,
vu le souvenir lancinant de leurs constantes trahisons des intérêts de la
classe ouvrière internationale.
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