Réunion
publique du CCI sur les étranges célébrations et commémorations
des 50 ans du mai 68
« Rester
jeune est devenu l'ambition du
croulant ».
Edgar
Morin (le penseur kleenex de 1963)
« Morin
ce versaillais de la culture » Guy Debord
« Nous
attendons les décisions des Etats-majors syndicaux et leur
calendrier »
Philippe
suiviste Poutou (sur BFM l'après-midi de la manif à marée basse).
Les
militants du CCI venus de province avaient retardé le début de leur
réunion publique car ils avaient été vendre leur journal à la
vague mélenchonienne compartimentée. Ils nous certifièrent que BFM avait menti en
ne montrant que des moments clairsemés de la manif parisienne, et
qu'il y avait grand monde notamment des non-grévistes venus en
solidarité. Mettons, manif pas terrible quand même avec la
déclaration minable ci-dessus du Poutou de service, et un aspect
carnaval étranger à la lutte de classe, compartimentée comme une suite de wagons, avec dans les wagons de tête en vedette apolitique
la sœur d'Amada Traoré et l'exposition du nationalisme palestinien
avec force fumigènes, et une suite de saucissons corporatifs
cloisonnés et filant tous vers la simple dissolution du cortège et
l'ardente contestation des chiffres sans que ni les cheminots ni les
lycéens floués ne puissent faire autre chose qu'attendre la suite
du calendrier des féodalités syndicales comme le leur enjoignit le
serviteur de base Poutou. Un vieux sympathisant du CCI émit l'idée
que la situation restait explosive et que cela pourrait déclencher
une grosse confrontation sociale s'il y avait des morts. Exagéré à
mon sens, vu l'étiolement du scénario de la syndicratie ; s'il
y avait deux ou trois morts hélas, le gouvernement trouverait quand
même moyen d'exprimer ses condoléances tout en inculpant ses
propres flics.
L'exposé
fût fidèle à la position historique du CCI depuis l'article de
l'époque écrit par Marc Chirik – Comprendre Mai – comprendre
mais pas désapprendre la signification majeure d'un réveil
international de la classe ouvrière comme classe capable de
paralyser la société bourgeoise et (peut-être) de faire la
révolution. Exposé bien construit qui rappela que mai 68 n'eût
rien à voir avec le cirque hédoniste, cette apologie démagogue de
la jeunesse en soi et baratin sur un mouvement éveilleur du
féminisme hystérique. Il fût noté surtout une qualité de
l'exposant qui prenait le soin de lever la tête vers la salle et de
tenir compte de ses réactions (cf. ma compagne) car, la fois
précédente ce fût une torture, un type, la mine triste sans jamais
un trait d'humour, nous lut un texte sans lever le nez une seule fois
ni même après la fin de sa lecture ; dans ce cas là autant
envoyer aux spectateurs le texte afin qu'ils le lisent eux-mêmes !
Et que la discussion commence impromptu.
Mai
68 peut donner lieu à mille interprétations, diverses, incongrues,
falsifiées, etc. On ne peut se contenter de le comprendre comme un
produit du début de la crise économique du capitalisme à la fin de
sa période de reconstruction et comme expression du réveil
international du prolétariat. C'est ce que je me proposai
initialement de démontrer, en ménageant mes effets provocateurs. Je
dis d'abord qu'il y avait deux responsables à la « surprise »
mai 68 : Johnny Hallyday et Georges Marchais. Cela provoqua
évidemment le rire de la salle. J'expliquais donc qu'on ne pouvait
simplement observer l'année 1968 mais les années 1960 en général,
et le cas particulier de la France. Qu'en juin 1963 un concert place
de la nation de yéyés avec Johnny Hallyday en vedette
américanophile rassemble près de 200.000 jeunes et que le concert
finisse en confrontations avec la police, confirme partiellement ce
que disait Morin et d'autres concernant ce qui allait devenir la
théorie du « soulèvement de la jeunesse » ; mais
que cette jeunesse (venue des banlieues de l'époque et plutôt
ouvrière) ait cassé du flic un an après la fin de la guerre
d'Algérie était à réfléchir1.
La période de la guerre coloniale signifiait bien qu'on était
encore en pleine contre révolution : prolétariat embrigadé et
milliers de jeunes gens envoyés se faire tuer par milliers là-bas
« chez les indigènes ». La lutte contre cette guerre
était restée minoritaire mais avait quand même provoqué des
failles dans les mastodontes staliniens dégageant déjà des bâtards
gauchistes. En 1961 la population ouvrière française n'avait pas
réagi face à l'assassinat des dizaines d'algériens en plein Paris
par la police de Papon, alors qu'au début mai 68 le tabassage de
passants lambdas par les CRS fût une des causes de l'émotion
populaire et ouvrière contre le régime en effet autoritaire et usé.
Plusieurs
camarades insisteront dans la discussion sur nombre d'événements
précurseurs autrement plus sérieux que le concert d'Hallyday,
grèves en France, en Belgique (1961-1963, émeutes à Caen début
68, etc.), et sur les prémices de nombre de luttes ouvrières bien
antérieures à la révolte étudiante, où, question de focale
journalistique et étatique, la fixation sur le microcosme
barricadier et folklorique du quartier latin laissa au second plan la
« grève généralisée » en une paire de jours. La guerre du Vietnam était également en toile de fond et ne fut pas en soi qu'une affaire d'étudiants, mais les diverses guerres de "libération nationale" furent le cadet des soucis de la plupart des grévistes et manifestants.
LA FAUTE
A MARCHAIS
Le second
personnage à avoir, mais lui vraiment, attisé l'incendie, est sans
conteste le bizarre et longtemps secrétaire-adjoint du PCF Georges
Marchais, laissant dans l'ombre un premier secrétaire pâlot
probablement mis de côté face à la gravité des événements. Ce
que je veux illustrer c'est le fait que mai 68 est, plus que la
dramatique répression de 1956 en Hongrie, le début de
l'effondrement du stalinisme, insistance qui ne se trouvait pas dans
l'exposé de cette réunion. Or, ce qui est frappant c'est que
l'épisode Marchais est absent de toutes les commémorations ;
sur les plateaux TV on invite Le Hyaric réac chef de l'Huma tenue à
bout de bras par un grand groupe capitaliste, la paire Roger Sylvain
et Michel Certano, deux bonzes CGT de Billancourt qui étaient à la
tête des bandes de cogneurs CGT qui venaient frapper les vendeurs de
journaux gauchistes et même nous les maximalistes. Le vieux caïd de
la LCR Krivine ne cesse de mener des conférences souvenirs en
compagnie des bons anciens amis de Marchais, alors que durant dix ans
après 68, les cortèges gauchistes criaient : « oui
Marchais, mieux qu'en 68 » et que Cohn-Bendit avait déclaré
que c'était « une ordure ».
C'est
donc Marchais que jette de l'huile sur le feu dès le 3 mai en Une du
journal stalinien L'Humanité, titré : « De faux
révolutionnaires à démasquer ». Je reproduis ici la citation
que je n'ai pas lu évidemment lors de la réunion publique, mais
cette énorme bévue politique de la part du principal caïd
stalinien mis au premier plan par Moscou nous fît rire par milliers
et cela à jamais l'avenir de ce parti bourgeois (je pense qu'on
devrait l'enseigner à Sciences-Po pour apprendre à comprendre que
la bêtise en politique n'est pas faite que de mensonges et peut
comporter des vérités mais qu'il faut savoir qui va les dire et
quand :
« Comme
toujours lorsque progresse l’union des forces ouvrières et
démocratiques, les groupuscules gauchistes s’agitent dans tous les
milieux. Ils sont particulièrement actifs parmi les étudiants; à
l’Université de Nanterre, par exemple, on trouve; les ‘maoïstes’,
les ‘Jeunesses communistes révolutionnaires’ qui groupent une
partie des trotskistes; le ‘Comité de liaison des étudiants
révolutionnaires’ lui aussi à majorité trotskiste; les
anarchistes; divers autres groupes plus ou moins folkloriques. Malgré
leurs contradictions, ces groupuscules - quelque centaines
d’étudiants- se sont unifiés dans ce qu’ils appellent ‘Le
Mouvement de 22 Mars : Nanterre’ dirigé par l’anarchiste
allemand
Cohn-Bendit2.
Non satisfait de l’agitation qu’ils mènent dans les milieux
étudiants - agitation qui va à l’encontre des intérêts de la
masse des étudiants et favorise les provocations fascistes - voilà
que ces pseudo-révolutionnaires émettent maintenant la prétention
de donner des leçons au mouvement ouvrier. De plus en plus on les
trouve aux portes des entreprises ou dans les centres de travailleurs
immigrés distribuant tracts et autre matériel de propagande. . Ces
faux révolutionnaires doivent être énergiquement démasqués car,
objectivement, ils servent les intérêts du pouvoir gaulliste et des
grands monopoles capitalistes. Un des maîtres à penser des
gauchistes est le philosophes allemand Herbert Marcuse qui vit aux
Etats-Unis. Ses thèses peuvent être résumées de la façon
suivante: les partis communistes ‘ ont fait faillite’, la
bourgeoisie a ‘intégré la classe ouvrière qui n’est plus
révolutionnaire’, la jeunesse surtout dans les universités ‘
est une force neuve, pleine de possibilité révolutionnaire’ elle
doit s’organiser ‘pour la lutte violente’ ».
Le texte
comporte des vérités indéniables sans les caractériser vraiment
qui concernent la petite bourgeoisie estudiantine et le premier
fabricant du « modernisme » négateur des classes
sociales, mais la maladresse de Marchais tient à ce qu'il n'a pas vu
venir la nature du mouvement, qu'il a bien compris que l'appareil
stalinien était débordé avec son syndicat CGT, et qu'il veut punir
et éteindre surtout de possibles rivaux. Peu d'historiens se sont
penchés sur la crise au sein de l'appareil suite à cette prise de
position qui ridiculise le PCF aux yeux de la plupart des lycéens et
étudiants mais aussi des ouvriers déjà en partie très éloignés
du « vote stalinien » (le PS surfera sur l'après-68 pour
le plumer). Un redressement s'impose pour corriger la bévue
« ouvriériste » de Marchais (le PCF est le premier inventeur des réunions "non-mixtes" ouvriers/intellectuels), et, paradoxe, c'est le plus
stalinien des staliniens, le principal agent de Moscou, le principal
polémiste « anti-trotskyste », Léo Figuères, maire de
Malakoff, à qui échoit la correction un mois et demi plus tard
quand même, à la mi-juin. Le titre est sobre : « A
propos des événements de ce mois de mai ». Le PCF n'a pas pu
s'opposer de front au mouvement de contestation de tout l'appareil
politique ni faire cesser rapidement les grèves. La correction de
Marchais intervient cependant alors que le mouvement des grèves a
reflué. On ne retrouve plus les qualificatifs de gauchistes, de
trotskistes ni d'anarchistes allemands (cf. A chacun son boche), ni
de fils à papa étudiants. Le texte invente certes un complot des
trois leaders étudiants, qui en réalité n'organisent rien du tout
et Cohn-Bendit encore moins puisqu'il a été refoulé en Allemagne.
On est déjà en campagne électorale parlementaire. Il s'agit
surtout de dénoncer le gaullisme, le Sac et l'extrême droite. C'est
le pouvoir gaulliste qui a « provoqué » ce « mois
de mai » inqualifiable :
« A
la vérité, le malheur pour la réalisation du dessein gaulliste de
mai 1968, c'est que ni le parti communiste ni la C.G.T. Ne lui ont
donné l'occasion qu'il recherchait depuis longtemps, d'isoler la
classe ouvrière et de la frapper de façon décisive. Le puissant
mouvement populaire en faveur des revendications ouvrières et de la
démocratie n'a pu être dévié de ses buts, malgré les
provocations de toute nature (sic) envers lesquelles le pouvoir a
fait preuve de la plus large complaisance.
Le régime encore en place a subi ces temps derniers des coups dont il ne se relèvera pas à terme. IL a vu se dresser contre lui l'ensemble des forces vives de la nation et au premier rang la classe ouvrière et le monde universitaire (re-sic) et intellectuel. Mais nous n'en avons jamais conclu comme d'autres, que la réaction française s'était évanouie, que l'Etat du grand capital s'était effondré et que De Gaulle n'était plus à même de faire appel au ban et de l'arrière ban des forces rétrogrades comme il le fait depuis le 30 mai. (…) Si les grandes grèves ouvrières qui se sont déroulées dans la discipline la plus totale et celles qui se poursuivent encore, ont eu le soutien populaire, les menées anarchistes, les violences préméditées des groupes organisés par Cohn-Bendit, Sauvageot et Geismar ont servi à alarmer une fraction de la population dans les campagnes et dans les villes. De Gaulle, à partir d'un moment, a voulu se servir de la situation ainsi créée et d'autre chose de plus sérieux qu'il espérait mais qui ne vint pas, pour jouer de nouveau à l'archange qui sauve le pays du désordre et de la subversion ».
Et dans cette succession de coquins staliniens il en reste un à qui va notre sympathie, la chèvre de Monsieur Pompidou, Georges Séguy qui déclare, hilare sur le perron présidentiel:"la grève généralisée? nous n'y sommes pour rien, nous n'avons pas appelé non plus à la grève générale".
Le régime encore en place a subi ces temps derniers des coups dont il ne se relèvera pas à terme. IL a vu se dresser contre lui l'ensemble des forces vives de la nation et au premier rang la classe ouvrière et le monde universitaire (re-sic) et intellectuel. Mais nous n'en avons jamais conclu comme d'autres, que la réaction française s'était évanouie, que l'Etat du grand capital s'était effondré et que De Gaulle n'était plus à même de faire appel au ban et de l'arrière ban des forces rétrogrades comme il le fait depuis le 30 mai. (…) Si les grandes grèves ouvrières qui se sont déroulées dans la discipline la plus totale et celles qui se poursuivent encore, ont eu le soutien populaire, les menées anarchistes, les violences préméditées des groupes organisés par Cohn-Bendit, Sauvageot et Geismar ont servi à alarmer une fraction de la population dans les campagnes et dans les villes. De Gaulle, à partir d'un moment, a voulu se servir de la situation ainsi créée et d'autre chose de plus sérieux qu'il espérait mais qui ne vint pas, pour jouer de nouveau à l'archange qui sauve le pays du désordre et de la subversion ».
Et dans cette succession de coquins staliniens il en reste un à qui va notre sympathie, la chèvre de Monsieur Pompidou, Georges Séguy qui déclare, hilare sur le perron présidentiel:"la grève généralisée? nous n'y sommes pour rien, nous n'avons pas appelé non plus à la grève générale".
PRIMAUTE
DES ETUDIANTS OU DES OUVRIERS ?
Une
partie de la discussion a été dédiée à la nature de la condition
estudiantine. Le CCI a écrit dernièrement qu'en 1968 les étudiants
étaient des petits bourgeois, donc que actuellement ils ne le
seraient plus. J'ai contesté cette idée. La situation de l'étudiant
est une situation « entre deux » où domine encore
rêverie, espoirs, idéalisme. En 68 pour une part des étudiants on
peut considérer que c'est une partie de la petite bourgeoisie qui
tombe dans le prolétariat, quand l'autre partie reste résolument
bourgeoise. Le fond de cette embellie de « la jeunesse »
c'est aussi et surtout l'accession aux dites études supérieures
d'une masse exponentielle de fils de prolétaires, qui, surtout en
sociologie à Nanterre vont prendre conscience de l'inutilité de ces
études, quand des milliers vont décrocher carrément à cause des
événements de mai, croyant que la révolution, sans doute, toute
proche, supprimerait les inégalités. La radicalisation estudiantine
n'a rien à voir avec la radicalisation no future des bobos
d'aujourd'hui qui nient toute classe d'appartenance. L'étudiant
révolutionnaire de 68 a sans arrêt les mots classe ouvrière dans
la bouche, même dans ses confusions politiques. Aujourd'hui on ne
parle que de « masses populaires ». Il y a surtout le
fait négligé tout au long de la discussion et que je rappelerai en
fin de discussion : le mimétisme envers la révolution russe
qui s'est emparé de tout le cirque gauchiste. En plein été on
verra des miltants de la LCR ou d'autres sectes avec des chapkas,
sans oublier les grands portraits mélangés de Guévara, Marx,
Lénine et Mao. Une furia d'histoire et de connaissance sérieuse de
l'histoire du mouvement ouvrier et du mouvement révolutionnaire
s'empare de cette génération. 50 ans après 1917 on y fait
référence, et nous 50 ans après 68 on a encore plutôt envie de
faire référence à... 1917 mais sans chapka et sans posters
ridicules. Le listage par plusieurs intervenants des grèves ou
actions ouvrières au cours de cette fin des années 1960 montre que
ce sont bien les ouvriers qui ont l'initiative plus que les étudiants
et que leurs actions ont plus de portée contre l'ordre social et que
ce sont ces luttes ouvrières, où le travail est mis en cause et la
perspective d'une autre vie, qui sera l'encre où les sociologues
tremperont leur plume et inventeront leurs idées.
MAI 68
UNE PARTICULARITE FRANCAISE ?
Mai 68 a
tendance à être interprété comme un cas d'exception français. Le
CCI s'inscrit depuis ses débuts en faux contre cette vision. Le mai
68 apparaît évidemment dans un cadre international en
bouleversement. Dans la discussion a été ressortie une vieille idée
abstraite du CCI, que la raison de l'apparition de cet événement
surprenant serait dû au fait que la classe ouvrière n'avait pas été
battue physiquement contrairement à celle en Allemagne ou en Italie.
Le camarade Galar et moi nous sommes opposés à cette conception. En
quoi la victoire du Front populaire (de préparation à la guerre)
aurait-il été moins « physique » que les fascismes en
Allemagne et en Italie ? En quoi la série 1848-1871-1968
ferait-elle du prolétariat en France le porteur d'une révolution
renouvelable ? La Commune de Paris de 1871 n'est pas
spécialement dans la mémoire de la plupart des ouvriers français,
par contre elle inspire les ouvriers russes et les bolcheviks 50 ans
plus tôt. J'ai esquissé plusieurs explications sur la situation des
pays vainqueurs et vaincus. Les désordres sociaux apparaissent en
général dans les pays vaincus. Les USA et la GB sont victorieux et
enrichis, pas de problème de prolétariat. L'Allemagne et l'Italie
ont été suffisamment humiliées par l'élimination de leurs
dictatures propres ; l'armée américaine encadre longtemps la
population allemande, en Italie la « défaite physique »
est relative, dès 1969 c'est un 68 italien qui éclate qui aurait pu
aussi bien avoir lieu sans le mai français. La France n'est ni pays
vainqueur ni pays vaincu mais dirigée par un régime autocratique
moins apte à faire face à une lutte de classe réveillée... où le
pouvoir méprise les syndicats comme son principal opposant le PCF.
Et je le répète la guerre d'Algérie a aussi épuisé l'économie
et démasqué en partie les nationalistes staliniens...
D'autres
questions seront évoquées, par un jeune élément membre du parti
des insoumis, déplorant l'ignorance politique des jeunes en général,
mais oubliant la sienne, et, malgré la dénonciation du syndicalisme
pourri et exécuteur de 68 par la plupart des intervenants se
demandait comment créer un syndicat dans sa boite. Un élément très
âgé fît un certain nombre de remarques intéressantes sur
l'importance primordiale, mais occultée, des actions ouvrières dans
les années 1950 et 1960. Plusieurs fois on revint sur les
comparaisons entre 36 et 683.
Un
camarade proche du CCI insista sur les attaques contre le secteur
tertiaire (transport, nationalisations, etc.) menées par l'Etat qui
vont conduire en effet, comme je l'avais rappelé, à une classe
ouvrière classique, sans réserve, sans crédit, sans bagnole, et où
la violence sera malheureusement sera la seule réponse possible
préalablement avant l'organisation d'assemblées, de comtés, de
conseils où la réflexion de classe ne peut que s'épanouir sans
avoir à obéir à des « Etats majors » syndicaux et
politicards. L'affaiblissement de la classe ouvrière depuis deux ou
trois décennies a aussi entraîné un affaiblissement des minorités
révolutionnaires maximalistes comme je l'ai fait remarquer, et
notamment la disparition du CCI en région parisienne4.
Enfin,
car je ne peux évoquer toutes les questions posées, il faut relever
celle de Galar : « 68 était-ce le début ou la fin de
quelque chose ? ». Je ne développerai pas ici, mais la
table de la réunion me laissa répondre et ne désapprouva pas :
c'est la fin d'une aliénation de la classe aux idéologies de la
contre révolution mais l'ouverture à des décennies d'expérience
avec des hauts et des bas, où l'on n'a pas encore la réponse à la
fin de l'histoire. Mais vaste débat qui se poursuit.
De même
la force d'un mouvement dépend de revendications unificatrices, ce
qui n'existe pas pour le bashing SNCF en ce moment ; en 17 c'est
la paix et la journée de 8 heures ; en 68 les 40 heures et le
salaire minimum.
Commencé
par surprise mai 68 est bouclé par l'institutionnalisation du
flicage syndical : un syndicat est nécessaire à partir de 50
ouvriers. La reconnaissance du pouvoir syndical dans l'entreprise a pour but de pacifier la lutte de classe comme en conviennent les managers eux-mêmes: "Nous passons lentement d'une culture de la séquestration, de la grève générale, à un syndicalisme de compromis, vers la recherche de l'accord" (Bernard Vivier, institut supérieur du travail).
Les 35% d'augmentation du SMIC sont rapidement bouffés par l'inflation contrairement aux vantardises des deux bonzes staliniens retraités de Renault et très âgés, preuve que les permanents ne se fatiguent pas trop. Les accords de Grenelle ne sont pas signés comme le remarquait (pour dédouaner les syndicrates?) un participant à la réunion, mais il n'y avait pas besoin de les signer les bonzes avait donné tout leur accord pour faire reprendre le travail avec ce contrat de dupes.
Les 35% d'augmentation du SMIC sont rapidement bouffés par l'inflation contrairement aux vantardises des deux bonzes staliniens retraités de Renault et très âgés, preuve que les permanents ne se fatiguent pas trop. Les accords de Grenelle ne sont pas signés comme le remarquait (pour dédouaner les syndicrates?) un participant à la réunion, mais il n'y avait pas besoin de les signer les bonzes avait donné tout leur accord pour faire reprendre le travail avec ce contrat de dupes.
NOTES
1Au
lendemain du concert où étaient présents 200.000 teenagers (bagarres avec la police, voitures renversées),
Morin publie un article qui consacre le terme yéyé, génération
yéyé classe d'âge ; il n'analyse aucunement les raisons
soudaines de s'amuser et de contester l'ordre établi, au niveau
d'abord du comportement vestimentaire et des goûts musicaux, comme
une réponse à la misère des années 1950 et à la guerre
coloniale enfin terminée et qui bridait la vie sociale. Cette
« irruption de la jeunesse »,
surtout ouvrière d'ailleurs (le rock et le twist sont d'abord des
danses « populaires ») dépasse les frontières, et
n'obéit pas à des « déterminations nationales ou
économiques particulières ». C'est un mensonge de dire
qu'elle homogénéise les classes sociales avec des goûts musicaux
communs. Les meilleurs chanteurs ou groupes de rock sont présentés
comme des « working class heroes », dont beaucoup
travaillaient en usine avant de jouer de la guitare. Des actualités
d'époque montrent des parties de manifestations d'ouvriers assez
ridicules avec la pencarte « Pompidou des sous » ;
un mouvement d'ampleur comme celui de mai ne peut être réduit ni
ridiculisé à cette focale « ouvriériste » d'ouvriers
présumés tout juste capables de réclamer « de sous »,
c'est toute l'organisation du travail qui est mise en cause et donc
une lutte pour une autre vie. Morin n'est qu'un pipole caméléon de
toutes les époques, capable des compromis avec les pires crapules
comme dernièrement avec Tariq Ramadan.
2Marchais
n'a donc pas dit l'anarchiste « juif allemand », ce sont
les gauchistes rieurs qui on aggravé son cas en ajoutant le mot
juif, car du côté de l'extrême droite il était notoire qu'on
râlait contre le fait que DCB était juif tout comme la plupart des
dirigeants de la jeune LCR. On ne savait pas encore que Marchais
était « tenu » par l'appareil pour sa collaboration au
STO, chose que j'ai eu l'occasion de reprocher à sa première femme
qui me répondit à l'époque : « mais monsieur nous
n'avions pas de travail en France et nous avions faim » ;
piètre argument, mon père aussi privé de travail, avait préféré
rejoindre le maquis et aider les juifs persécutés.
3J'ai
rappelé que le contrôle syndical et stalinien était bien moins
fort en 68 qu'en 36, à preuve les nombreuses séquestrations de
patrons qui n'auraient pas été possibles au temps du légalitaire
« front popu », mais qui sont typiques pourtant
d'oeillères anarco-syndicalistes, suivont Xavier Vigna qui étoffent
les différences
dans son interview à l'Obs :
« L'innovation
des grévistes par rapport à ceux de 36, c'est la séquestration
fréquente de membres de leurs directions. Les ouvriers de
Sud-Aviation à Nantes, la première usine française à être
occupée, le 14 mai, décident aussitôt de retenir dans l'usine le
directeur et cinq de ses collaborateurs, ceux-ci ne sortiront qu'au
bout de quinze jours ! Dès le lendemain, lorsque les
métallurgistes de l'usine Renault de Cléon débrayent à leur
tour, ils recourent aux mêmes moyens d'action. La séquestration se
diffuse et constitue, notamment dans l'agglomération rouennaise et
l'Aisne, le corollaire de l'occupation dans les tout premiers jours
du mouvement. Le 2 juin encore, au terme d'une poursuite en voiture,
des syndicalistes de l'équipementier automobile Ducellier enlèvent
quatre cadres pour les conduire dans des usines aux confins de la
Haute-Loire et du Puy-de-Dôme et les obliger à négocier (…)
Les occupations favorisent aussi une intense prise de parole et
encourageant les revendications (…) Mais les cahiers de
revendication, surtout s'ils sont rédigés à la faveur des
occupations, traduisent une colère ouvrière et des aspirations
bien plus vastes. Au-delà de l'âge du départ en retraite (quand
ils partent à 65 ans, ils n'ont guère le temps d'en profiter) les
ouvriers dénoncent les chronométrages, les cadences, les
conditions de travail ou le système de salaire. Ailleurs, c'est la
maîtrise et son rôle de garde-chiourme qui cristallise
l'hostilité. De fait, les ouvriers ouvrent en 68 la boite de
Pandore avec une dénonciation tantôt larvée, tantôt ouverte, à
la fois de la brutalité des relations sociales et de l'usine
rationalisée (…) la dimension politique de la contestation gagne
les usines où l'on peut discuter non seulement de la stratégie
gouvernementale ou des combines électorales mais aussi de la
nationalisation des entreprises, de l'organisation politique même,
voire d'une transformation de la Constitution et d'une refondation
démocratique. Ce processus de politisation, aussi réel qu'inégal,
est inséparable des circulations géographiques et sociales et des
échanges politiques qui en découlent. En effet, les usines
attirent les groupes d'étudiants désireux de connaître la
condition ouvrière et de prolonger la contestation en un mouvement
révolutionnaire. Ces rencontres et ces discussions, inaugurées dès
le 14 mai au soir à Sud-Aviation, sont importantes en région
parisienne et conduisent le 6 juin à Flins, où se trouve une usine
Renault, à une sorte de jonction entre étudiants et ouvriers,
contre l'intervention des forces de l'ordre. Inversement, des
travailleurs, dans la jeune génération notamment, se rendent dans
les universités pour porter témoignage des grèves, y prendre le
pouls de la contestation et échapper ainsi à la tutelle des
organisations syndicales, la CGT étant particulièrement opposée à
ces rencontres entre étudiants et ouvriers.
Cette
réflexion politique interroge d'ailleurs le principe même de la
représentation syndicale. Les syndicats jouent un rôle déterminant
dans les grèves : les délégués impulsent souvent le
mouvement, organisent la grève et l'occupation, distribuent les
rôles comme les bons d'essence. Cette mainmise syndicale s'explique
parfois par une désertion des ouvriers : certains fuient
l'usine parce qu'ils ne la supportent pas, même occupée, d'autres
prennent des vacances ; les ouvriers -paysans profitent parfois
de la grève pour travailler sur leurs exploitations. Mais quelques
ouvriers reprochent aux syndicats de rester dans le cadre
traditionnel – celui d'un mouvement revendicatif qui s'efface
devant le politique – de trop canaliser la colère, laissant ainsi
échapper une occasion révolutionnaire. Cette critique favorise la
naissance d'organisations ouvrières non syndicales, comités
d'action ou de base, qu'on retrouvera fréquemment par la suite ».
4RI/CCI
reste un produit de 68, tout en étant la filiation
d'Internationalisme de 1950, mais même si son influence comme
courant politique est moindre que par exemple dans les années 1980,
il reste
une référence. J'ai donné l'information suivante à la
RP concernant l'abandon par Macron d'une célébration officielle du
mai 68 (Cohn-Bendit a été lui choyé lui pour réaliser un film
puant qui est passé à la télé). Cohn Bendit flic !
Initialement, Kristin Ross, historienne et enseignante américaine
avait été contactée pour animer la fête officielle (source
Nouvel Obs) ; or il faut savoir que son ouvrage « Mai 68
et ses vies ultérieures » reprenait ma thèse dans mon livre
de 1988 (Mai 68 et la question de la révolution) qui n'est autre
que la thèse de classe du CCI. Mais la dame a viré de bord elle
s'est éprise d'amour pour les bourgeois bohèmes zadistes et a
opposé une fin de non recevoir aux émissaires de Macron dont la
question était : « L'éventuelle pénurie d'utopies qui
en a peut-être résulté ». La question était vraiment
putain, et ils n'ont pas osé non plus la poser au CCI actuel. Dont
acte.
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