Présentation : A
ma connaissance le fameux II ème Congrès du POSDR (parti ouvrier
social-démocrate de Russie) n'a jamais été traduit officiellement
en français jusqu'à ce jour. Il y a une vingtaine d'années, nous
en avions réalisé la traduction suivante, le camarade Bernard et
moi, pour le bulletin interne du CCI en France. Bonne lecture pour
les néophytes ignorantins ou la plupart des vieux machins
francophones qui s'imaginent une variante de réunionite
stalinienne ou l'invariance pieuse à la con des derniers
bordiguiens. Vous allez être estomaqué de la façon, argumentée,
au plus près des meilleurs textes marxistes, dont Martynov, mieux
que Rosa (x), mouche Lénine sur sa dérive concernant l'importation
« extérieure » de la conscience aux ouvriers. Les débats
sont riches, passionnants, jamais on n'en eût de tels depuis. Et ils
nous interpellent encore aujourd'hui à plus d'un siècle de
distance ! (désolé pour les nombreuses coquilles, mais j'ai dû passer un temps énorme à récupérer le texte abîmé par les années et conservé sur disquette souple).
ORDRE DU JOUR DU IIème
CONGRES du POSDR (1903)
(37 séances)
1. Constitution du congrès. Election
du Bureau. Etablissement de la tenue du congrès et ODJ. Rapport du
comité d'organisation et élection d'une commission de créance.
2. Place du Bund dans le POSDR.
3. Le programme du parti.
4. L'organe central du parti.
5. Rapports des délégués.
6. Organisation du parti.
7. Organisations territoriale et
nationale.
8. Groupes particuliers dans le parti.
9. La question nationale.
10. Lutte économique et mouvement
syndical.
11. Célébration du 1er mai.
12. Le congrès international
socialiste à Amsterdam en 1904.
13. Manifestations et insurrections.
14. Terreur.
15. Problèmes internes du travail du
parti:
(a) organisation de la propagande
(b) organisation de l'agitation
(c) organisation des publications du
parti
(d) organisation et travail dans la
paysannerie
(e) organisation du travail dans les
forces armées
(f) organisation du travail parmi les
étudiants
(g) organisation du travail parmi les
sectes
16. Attitude du POSDR envers les
"Socialistes-Révolutionnaires.
17. Attitude du POSDR envers les
tendances libérales russes.
18. Election du Comité Central et de
l'équipe éditoriale de l'Organce Central.
19. Election du conseil du parti.
20. Procédure de publication des
résolutions du Congrès et de ses minutes, et aussi pour conférer
leurs devoirs aux fonctionnaires et institutions élus par le
congrès.
TENUE DU CONGRES
1. Le congrès se tiendra en deux
sessions par jour: de 9 heures du matin à 13 heures et de 15 heures
à 19 heures.
2. Aucun orateur ne pourra parler plus
de dix minutes; les rapporteurs seront tenus à une demi-heure (avec
des dérogations à cette règle possibles dans les cas
exceptionnels); et les personnes introduisant des propositions
raisonnables et des résolutions seront autorisées à ne pas excéder
20 minutes.
3. Personne ne sera autorisé à parler
plus de trois fois sur chaque question: cette limitation n'inclut
pas le discours du rapporteur qui ouvre la discussion.
4. Sur les questions relatives à la
procédure en session, pas plus de deux orateurs ne seront autorisés
"pour" et deux "contre" la motion.
5. Les minutes du Congrès seront
compilées par les secrétaires avec l'aide du Bureau. Chaque session
commencera par confirmer les minutes de la session précédente.
Chaque orateur donne au Bureau, pas plus de deux heures après la fin
d'une session, un sommaire de chacune de ses contributions.
6. Le vote se fait sur toutes les
questions excepté sur l'élection des fonctionnaires.
7. Dans toutes les divisions
(sections), sans exception, ne prennent part au vote que les membres
en possession du vote décisionnel; ceux qui ont deux mandats ont
deux votes.
8. Une motion est considérée adoptée
si une majorité absolue de voix se dégage en sa faveur. Quand il
n'y a pas de majorité absolue, un second vote a lieu, afin qu'une
majorité relative tranche. En cas exceptionnels le congrès peut en
référer à une commission.
9. Toutes les résolutions, à part
celles relatives à des questions de forme, doivent parvenir écrites
au Bureau.
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BUREAU DU CONGRES ET COMMISSIONS
Président : G.V.Plekhanov.
Vice-président : Lénine et
Pavlovitch.
Secrétaire du Bureau : Fomin.
Commission de créance : Deutsch,
Koltsov, Lénine, Sablina, Yudin.
Commission de programme : Akselrod,
Yegorov, Lénine, Martynov, Plekhanov, Starover, Yudin.
Commission d'organisation : Lénine,
Martov, Glebov, Yegorov, Popov.
Commission pour examiner les textes des
contributions des délégués: Fomin, Zassoulichn Popov.
Commission pour considérer l'accord
proposé avec le parti social-démocrate de Pologne et de Lituanie :
Fomin, Martov, Yegorov, Plekhanov, Rusov.
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Le congrès discute du troisième sujet
à l'ordre du jour : Le Programme du POSDR.
Martinov : Je propose que nous prenions
parmi les différents projets de programme celui qui a été composé
par Iskra et Zarya. Considérant la forme actuelle de la discussion,
nous devrions d'abord considérer, "en bloc" (en français
dans le texte), la section sur le programme général qui repose sur
les principes, et qui en est le dépositaire. Quand nous discuterons
de la section des "principes", une discussion générale
devrait être suivie par une discussion sur les points séparés dans
cette section, et, pour conclure, nous devrions prendre des
amendements sur les points séparés de cette section des
"principes".
Martov : Avant d'élire la commission
pour le programme nous devrions faire une analyse générale du
programme, et ensuite soumettre des amendements quand le projet sera
discuté en commission.
Le congrès décide de prendre le
programme de l'Iskra-Zarya comme base pour la discussion, et commence
à discuter de sa section générale.
Martynov : La section du projet de
programme de l'Iskra traite des principes par un trait qui les
distingue de tous les autres programmes social-démocrate d'Europe.
Dans tous ces programmes il est dit, d'une façon ou d'une autre, en
stricte conformité avec les principes du Marxisme, que le
développement de la société capitaliste crée nécessairement non
seulement les conditions matérielles mais aussi les conditions
spirituelles pour la réalisation du socialisme, c'est à dire,
contribue au développement de la conscience de classe du
prolétariat, intensifiant la lutte du prolétariat contre tout le
système capitaliste.
Cette proposition n'est nulle part dans
le projet de programme de l'Iskra.
Dans la partie sur les "principes"
du programme Guesdiste, qui est très précisément rédigé, il est
affirmé d'une façon générale seulement : "Considérant que
la forme collective, dont les éléments matériels et intellectuels
sont constitués par le développement même de la classe
capitaliste, etc" (en français dans le texte).
Dans le programme autrichien de
Hainfeld nous lisons : "Alors qu'au même moment sont créées
les pré-conditions spirituelles et matérielles pour la forme de la
propriété commune...", "le porteur de ce développement
(historiquement nécessaire) ne peut être que la classe consciente
le prolétariat, organisé en parti politique" (en allemand dans
le texte).
Dans le programme d'Erfurt nous lisons
: "Elle (c'est à dire la révolution sociale) ne peut être que
le travail de la classe ouvrière...La lutte de la classe ouvrière
contre l'exploitation capitaliste est inévitablement une lutte
politique. La classe ouvrière ne peut négocier sa lutte économique
et développer son organisation économique sans droits politiques.
Elle ne peut pousser les moyens de production à la propriété
sociale sans avoir conquis préalablement le pouvoir politique."
Dans ce paragraphe le contenu du
concept "lutte de la classe ouvrière contre l'exploitation
capitaliste" est défini. Il inclut à la fois la lutte
trade-unioniste, qui requiert une lutte pour certains droits
politiques, et la lutte pour l'émancipation économique, qui
requiert la conquête du pouvoir politique. Il signifie ainsi la
lutte pour le socialisme.
Dans le paragraphe suivant il est
statué que la tâche du parti social-démocrate est précisément de
développer cette tendance inévitable du prolétariat à combattre
pour le socialisme. "A organiser cette lutte de la classe
ouvrière, à l'unifier, à la rendre consciente et à expliquer son
but nécessairement ultime - c'est la tâche du parti
social-démocrate. La base de l'activité du parti est là, par
conséquent, l'objectif de la lutte inévitablement politique du
prolétariat".
Finalement, dans le plus récent
programme (de Vienne) du parti social-démocrate autrichien nous
lisons : "Au moment même où le prolétariat devient conscient
qu'il doit contribuer à ce développement et le hâter, que la
transformation des moyens de production en propriété sociale de
tout le peuple doit être le but, et la conquêt du pouvoir politique
les moyens, de son combat pour l'émancipation de la classe
ouvrière".
Ainsi nous voyons que dans tous les
programmes social-démocrates la mention est faite des pré-conditions
spirituelles pour le socialisme, de l'inévitable tendance de la
classe ouvrière à lutter pour le socialisme.
Il n'y a pas une telle proposition dans
le projet de programme de l'Iskra.
A la place où, selon le sens du
programme, les pré-conditions spirituelles du socialisme, le rôle
actif du prolétariat, auraient dû être mentionnés, tout ce qui
est dit est : "Le nombre et la cohésion des prolétaires
s'accroissent et leur lutte contre les exploiteurs s'intensifie."
Mais il est clair que "la lutte
des prolétaires contre leurs exploiteurs" ne recouvre pas le
concept de "lutte de la classe ouvrière contre l'exploitation
capitaliste". Tandis que cette dernière expression, utilisée
dans le programme d'Erfurt, embrasse tout le contenu de la lutte de
classe du prolétariat, l'expression précédente ne signifie,
plutôt, que la forme élémentaire de cette lutte - la lutte
syndicaliste. Le projet de programme statue plus que, par lui-même,
le prolétariat s'engage inévitablement dans la lutte syndicaliste
contre les capitalistes. Cette interprétation de ce passage est tout
ce qui fonde que rien n'est dit nulle part dans le projet concernant
le développement de la conscience de classe du prolétariat comme
étant une conséquence inévitable du développement de la société
capitaliste.
Comment pouvons-nous prendre en compte
le fait que dans le projet de programme de l'Iskra nous ne trouvons
aucune mention d'une proposition de principe, qui est mise en avant,
d'une façon ou d'une autre, dans tous les programmes
social-démocrates ?
Sans aucun doute nous voyons ici
l'influence du récent combat contre le soi-disant économisme, et en
particulier l'influence d'un argument de base théorique qui a été
avancé pendant le combat du camarade Lénine, l'auteur du pamphlet
"Que Faire?".
Observons et voyons quelle valeur
scientifique possède cette thèse.
Le camarade Lénine écrit : "Le
développement spontané du mouvement de la classe ouvrière le
conduit au début à se soumettre à l'idéologie bourgeoise...pour
le mouvement spontané de la classe ouvrière c'est le syndicalisme
(...) et les moyens syndicalistes de l'idéologie d'asservissement
des ouvriers à la bourgeoisie....L'histoire de tous les pays montre
que par ses seules forces la classe ouvrière n'est capable que de
développer une conscience syndicaliste, c'est à dire, la conviction
de la nécessité de s'unir en syndicats, de négocier une lutte
contre les patrons, d'obtenir du gouvernement diverses lois dont les
ouvriers ont besoin", etc.
Voilà le modeste, ou plutôt le rôle
négatif que le camarade Lénine assigne au prolétariat dans
l'élaboration de sa propre idéologie socialiste. Selon cette
vision, "il ne peut pas être question d'une idéologie
indépendante entrainant la masse des ouvriers dans le processus de
leur mouvement..." "La conscience social-démocrate ne peut
être introduite que de l'extérieur... La théorie du socialisme a
surgi des théories philosophique, historique et économique qui ont
été élaborées par des représentants éduqués des classes
possédantes, les intellectuels. De par leur statut social les
fondateurs du socialisme scientifique moderne, Marx et Engels,
appartiennent à l'intelligentsia bourgeoise..."
Si cela est vrai, si le prolétariat
tend spontanément vers l'idéologie bourgeoise, si le socialisme se
développe hors du prolétariat, alors l'extension du socialisme
parmi les ouvriers doit prendre la forme d'une lutte entre
l'idéologie du prolétariat et ses propres tendances spontanées, et
le camarade Lénine tire cette conclusion : "Notre tâche, la
tâche d'un social-démocrate, consiste dans la lutte contre la
spontanéité, afin de détourner le mouvement de la classe ouvrière
de cette tendance syndicaliste spontanée à aller sous l'aile de la
bourgeoisie..."
Le camarade Lénine voit un antagonisme
entre l'idéologie du prolétariat et la mission du prolétariat.
J'observe un antagonisme entre la thèse de Lénine et celle qui a
été exprimée en maintes occasions par Marx et Engels. Ecoutez ce
que Marx dit "Le pouvoir de la philosophie" : "Dans la
mesure où l'histoire va de l'avant, et avec elle que la lutte du
prolétariat en assume clairement l'ébauche, ils (les socialistes)
n'ont pas besoin de chercher la science dans leur esprit ; ils n'ont
qu'à prendre note de ce qui se déroule sous leurs yeux et à en
devenir les porte-paroles."
Engels, dans "Socialisme utopique
et socialisme scientifique" parle même plus clairement : "Le
socialisme moderne n'est rien que le réflexe en pensée de ce
conflit actuel ( entre les forces productives et le mode de
production), sa réflexion idéale d'abord dans l'esprit de la classe
qui en souffre directement - la classe ouvrière...Le socialisme
scientifique (est) l'expression théorique du mouvement prolétarien."
Dans le "18 brumaire" Marx
met en avant une proposition générale concernant le rapport entre
les idéologues de toute classe et la classe elle-même. "Ce que
font les représentants (démocrates) de la petite-bourgeoisie est le
fait que dans leur esprit ils ne vont pas au-delà des limites
atteintes par cette dernière au cours de sa vie, ils ne vont pas
au-delà par conséquent des mêmes tâches et solutions d'intérêt
matériel et de la position sociale pratiquement par cette dernière.
C'est en général le rapport des représentants politiques et
littéraires d'une classe à la classe qu'ils représentent."
Voilà ce que disaient Marx et Engels.
Mais le camarade Lénine nous assure que c'est "l'histoire de
tous les pays qui le montre", etc.
Nous devons supposer, alors, que l'une
des deux choses est vraie. D'un côté l'expérience de tous les pays
va à l'encontre des mots que j'ai cité de Marx, ou le camarade
Lénine a échoué à jeter la lumière sur cette expérience du
point de vue de Marx. Je penche pour cette dernière vision. Ce que
l'histoire de tous les pays me dit c'est que le socialisme moderne
s'est élevé comme un produit du mouvement du prolétariat, et que
"le développement spontané du mouvement de la classe ouvrière
le conduit à être subordonné" non pas à l'idéologie
bourgeoise mais au socialisme moderne scientifique. Afin de trouver
confirmation de cette vision de l'histoire il est avant tout
nécessaire de ne pas l'interpréter naïvement, ni de supposer que
le prolétariat développerait son idéologie comme une toile
d'araignée sur son propre dos.
Tout en polémiquant contre la vision
de Proudhon selon qui les siècles précédant avaient été
déterminés par la providence pour l'accomplissement de l'idée
d'égalité, Marx néammoins ne trouvait pas possible de déclarer
que cette idée était issue de la tête de Minerve : le rôle
créatif de la génération présente, dans ce sens, est exprimé
dans leur transformation des résultats achevés par les générations
antérieures. "Les économistes", dit-il, "savent très
bien que la chose réelle qui était pour l'un un produit fini, était
pour l'autre matière première pour la nouvelle production". La
même idée est exprimée par Engels dans son "Ludwig Feuerbach"
: "Dans tous les domaines idéologiques la tradition représente
une grande force conservatrice. Mais les transformations que ce
matériel soutend surgissent des rapports sociaux, c'est à dire,
depuis les rapports économiques des personnes qui exécutent ces
transformations. Et là c'est suffisant."
Et ainsi, nous, les Marxistes, nous
affirmons que le prolétariat a élaboré de façon indépendante sa
propre idéologie socialiste ; mais par cela nous voulons dire que
le prolétariat a transformé indépendamment l'idéologie empruntée
par lui à ce qui l'environne, en accord avec ses propres intérêts
de classe.
En devenant se distinguant comme classe
particulière, séparé de la masse de la "démocratie", le
prolétariat transforme au même moment la lutte initiale de la
"démocratie" contre le système féodal en une nouvelle
lutte, celle de la classe ouvrière contre le système bourgeois.
Quand nous traçons l'histoire de la
montée du socialisme moderne nous pouvons aisément percevoir
comment le prolétariat convertit la lutte économique et politique,
les idées sociales et la perspective mondiale philosophique de la
"démocratie" au début du 19ème siècle dans les éléments
correspondant du mouvement socialiste moderne.
Pendant la Grande Revolution, la lutte
éconmique de la "démocratie" a été une lutte du pauvre
consommateur contre les privilèges, le monopole, l'usure et les
barrières commerciales. Avec la séparation du prolétariat de la
masse "démocratique", cette forme de lutte économique a
été transformée en lutte du travail contre le capital. En
Angleterre, le prmier quart du 19ème siècle a été rempli par la
lutte du prolétariat pour la liberté de faire grève,, qui a été
gagnée au moins en 1825. Alors vint la période de la formation des
premirs "syndicats nationaux" (1825-1850). En France en
1831 la révolte des tisserands lyonnais s'enflamma, et en Allemagne
en 1844 les tisserands de Silésie.
En parallèle avec cela, le prolétariat
européen, qui avait antérieurement fonctionné comme arrière-garde
de la bourgeoisie dans sa lutte politique contre l'aristocratie, en
venait par expérience à la perception du besoin d'une lutte
politique indépendante, dirigée contre toutes les classes
dominantes. En Angleterre la réforme du Parlement en 1831, qui
donnait à la bourgeoisie la prédominance sur les propriétaires
terriens, fût gagnée avec l'aide du prolétariat, qui menaçait de
refuser de payer leurs impôts.
Trompé par cette réforme et ulcéré
par la loi sur les pauvres de 1834, le prolétariat rompit avec la
moyenne bourgeoisie et, allié aux Radicaux, lança la lutte
politique pour la Charte. C'était le premier pas dans le
développement de la conscience politique du prolétariat, et il
allait être bientôt suivi par un second. L'expérience postérieure
montra au prolétariat combien la petite-bourgeoisie était inepte
pour la lutte révolutionnaire décisive et combien étaient
différents leurs intérêts économiques (le prolétariat
revendiquait les 10 heures par jour, la petite-bourgeoisie
revendiquait l'abrogation des lois sur le blé). Aussi, en 1843, une
scission eût lieu dans le mouvement Chartiste, entre le prolétariat
et la petite-bourgeoisie. Le prolétariat fît son second pas en
avant et s'érigea en tant que parti politique indépendant, avec le
mot d'ordre - "le pouvoir politique est notre moyen, la joie
sociale notre fin".
La même chose se produisit en France.
Dans la Révolution de Juillet le prolétariat avait encore aidé la
bourgeoisie à obtenir le meilleur sur les propriétaires terriens.
Leur trahison par la grande bourgeoisie flanqua au prolétariat une
leçon, et le stimula à former une alliance avec la
petite-bourgeoisie radicale. Dans la révolte à Paris en 1832, dans
les révoltes à Lyon et Paris en 1834 et dans la révolte de 1839 le
prolétariat se plaça en avant comme une force révolutionnaire, et
ses chefs politiques étaient semi-radicaux, des sociétés
semi-socialistes (Société des droits de l'homme, Société des
Saisons). Mais cette alliance ne pouvait pas durer, par ailleurs. Les
hauts et les bas de la Révolution de Février, et spécialement la
révolte de juillet, ouvrirent les yeux du prolétariat à la vérité
concernant la petite bourgeoisie. Le 10 décembre la Montagne fît sa
dernière tentative pour agir indépendamment du prolétariat. Ce
même jour les votes en faveur de Raspail et contre Ledru-Rollin
furent, comme Marx l'a dit, "le premier acte par lequel le
prolétariat, en tant que parti politique indépendant, se détacha
du parti démocratique".
Cela était le processus initial du
développement de la conscience politique du prolétariat. Alors que
le prolétariat européen était en train de se séparer de la
"démocratie" en tant que classe distincte, oeuvrant aux
formes de sa propre lutte de classe économique et politique, ses
parties avancées étaient en train de transformer les idées du
socialisme bourgeois qu'ils avaient apprises en la nouvelle idée du
communisme prolétarien révolutionnaire. Le socialisme comme
problème, était, évidemment, apparu avant l'éruption de la force
révolutionnaire du prolétariat, qui était capable de résoudre ce
problème. L'extension rapide du socialisme comme idée était la
conséquence inévitable de la contradiction entre la démocratie que
la Grande Révolution avait promise et ce qui avait été produit.
Mais jusqu'au prolétariat, le vrai porteur du socialisme, arrivé
sur la scène de l'histoire, le socialisme était et était rattaché,
d'un côté aux utopistes et de l'autre à la petite-bourgeoisie.
Maintenant, cependant, avec les années 1830, le prolétariat levait
la tête partout, et nous pouvons voir clairement comment, sous sa
pression et avec sa participation les idées de socialisme
commençèrent rapidement à changer de contenu. L'élaboration de
cette transformation fût le fait de sociétés secrètes françaises,
auxquelles des sociétés allemandes similaires étaient affiliées:
Association pour la défense de la presse patriote et le Deutscher
Bund zur Vertheidigung der Pressfreiheit firent place à la Société
des Droits de l'Homme et au Bund der GeÂchten. Ils furent succédés
par La Société des Saisons et le Bund der Gerechten. Cette série
culmina dans la Ligue Communiste qui publia le Manifeste Communiste
de Marx et Engels. Ces sociétés, qui étaient d'abord purement
radicales, se remplirent graduellement de membres des rangs des
artisans prolétarisés. En conséquence, leur caractère changea.
D'une forme exclusivement conspiratrice ces sociétés furent
transformées en sociétés pour la propagande ouverte, et les idées
du radicalisme bourgeois et du socialisme petit-bourgeois qui avaient
prédominées chez elle furent remplacées par les idées de la
révolution sociale prolétarienne. Dans le Bund der GeÂchteten ces
deux conceptions du monde étaient encore en conflit, dans les
personnes de Venedey et Schuster: dans le Bund der Gerechten l'idée
de révolution sociale obtint, au moins, l'expression claire dans les
termes de Weitling. Encore sous l'impression que lui avait fait
Weitling, Marx disait : "le prolétariat allemand est le
théoricien du prolétariat européen, tout comme le prolétariat
anglais est son économiste et le prolétariat français son
politicien."
Ainsi, l'histoire de la première
partie du 19ème siècle montre graphiquement comme le prolétariat
accédant par l'expérience à une conscience de ses intérêts de
classe, a transformé toutes les vieilles formes du mouvement
démocratique en de nouvelles formes de mouvement de classe
d'ouvriers. A l'époque où le Manifeste Communiste est apparu, les
éléments du mouvement socialiste moderne - la lutte du travail
contre le capital, la lutte politique du prolétariat sous son propre
drapeau, et l'idée d'une révolution sociale - étaient déjà
présents ; mais ces éléments qui sont apparus des différentes
parties du prolétariat, n'ont jamais été unis. La lutte économique
du prolétariat était isolée de la lutte sociale ; les syndicats en
Angleterre, par exemple, portaient un regard réprobateur sur le
mouvement chartiste. A leur tour les mouvements politiques du
prolétariat ne s'unissaient cependant pas clairement avec l'idée
d'une révolution sociale. Les idéaux sociaux des Chartistes et des
soi-disant sociaux-démocrates en France étaient extrêmement vagues
et confus. Les premiers rêvaient d'une nationalisation partielle de
la terre, du développement des fermes à petite échelle, de l'aide
de l'Etat aux associations de producteurs. Les autres fermentaient
des notions peu claires à propos du "droit au travail" et
"l'organisation du travail". Ils rêvaient d'accéder au
socialisme côte à côte avec le système bourgeois et non sur ses
ruines. Finalement, ces prolétaires qui n'avaient pas conscience de
la nécessité d'une révolution sociale (les Weitlingiens) étaient
incapables de lier cela à leur conscience de la nécessité d'une
lutte politique. Ainsi, bien que les principaiux éléments du
mouvement socialiste moderne étaient présents, ils n'avaient pas
été coordonnés, etdu fait que cette tâche n'ait pas été
accomplie, le prolétariat ne pût finalement se libérer de
l'influence bourgeoise, ne pût marcher d'un pas ferme vers une
émancipation complète.
De façon à couronner l'édifice du
socialisme il était nécessaire d'unir ces éléments en un tout
harmonieux et de donner au mouvement une base théorique. Ce grand
travail fût accompli par les fondateurs du socialisme scientifique,
Marx et Engels. Tout comme pour les éléments économiques
politiques et sociaux du mouvement prolétarien, il y avait beaucoup
de transformations aux formes correspondantes du mouvement radical
démocratique, de même la plus haute superstructure idéologique du
mouvement prolétarien, la théorie du socialisme scientifique, a été
le résultat d'un travail de relecture des théories des philosophes
bourgeois et des érudits. Mais, bien que l'élaboration des formes
sus-mentionnées ait été le produit prédominant de l'expérience
et de la pensée de plusieurs partis du prolétariat, la création de
la théorie du socialisme scientifique présupposait un tel
entrainement scientifique que seuls pouvaient posséder des
intellectuels professionnels, des hommes issus des classes
possédantes. Tels furent les créateurs du socialisme scientifique
Marx et Engels. Cependant nous ne concédons pas que leur travail
créatif soit dû à l'intelligentsia bourgeoise. De façon à
accomplir la révolution dans une pensée sociale, ils devaient
d'abord abandonner le point de vue du radicalisme bourgeois et
prendre celui du prolétariat - et non pas quelque prolétariat
abstrait, mais le prolétariat authentique de leur époque. En
d'autres termes, ils étaient obligés en premier lieu de se mettre
du côté du mouvement du prolétariat de façon idéologique et
morale, qui avait déjà été formé par l'histoire. Leur grand
travail révolutionnaire n'a pas été et n'aurait pas pu être le
fruit d'une pensée plus ou moins liée à l'étude. Engels a dit
dans Ludwig Feuerbach : "Quand il est question de faire des
recherches sur les forces motrices qui, consciemment ou
inconsciemment, se trouvent derrière les motivations des hommes dans
leur action historique... ainsi, il n'est pas question tant des
motivations d'individus bien qu'éminents que celles qui font bouger
les masses, des peuples entiers, ou encore des classes entières de
personnes, dans chaque peuple..."
Les biographies de Marx et d'Engels en
portent clairement le témoignage. Elles nous montrent comment le
mouvement révolutionnaire du prolétariat arracha Marx et Engels des
rangs des démocrates bourgeois et leur donna une nouvelle direction
dans leur pensée théorique. En 1843, ils étaient encore en grande
partie des radicaux bourgeois avec une vision idéaliste du
communisme en tant qu'abstraction dogmatique. Marx écrivit qu'à
cette époque à Ruge : "je ne suis pas favorable à élever
une quelconque bannière dogmatique... le communisme, en particulier,
est une abstraction dogmatique... Nous voulons influencer nos
contemporains, particulièrement nos contemporains allemands... En
premier lieu, la religion, et à ses côtés la politique, sont les
sujets qui forment le principal intérêt de l'Allemagne aujourd'hui.
Nous devons les prendre, sous quelque forme qu'ils existent, comme
notre point de départ et non pas les confronter avec quelque système
pré-établi tel que, par exemple, Le Voyage en Icarie."
C'était la façon dont Marx et Engels
raisonnaient à l'époque. Ils avaient besoin avant toute chose de
trouver une force révolutionnaire qui renverserait le vieux système
politique allemand. Mais déjà à l'époque la seule classe
révolutionnaire était le prolétariat, et cela ils le découvrirent
aussitôt qu'ils traversèrent la frontière de leur propre pays. Il
était naturel que Marx dans sa quête révolutionnaire aille établir
le contact avec le mouvement du prolétariat français, et Engels
avec le mouvement anglais, avec le Chartisme. Engels participa même
au mouvement chartiste, contribuant au Northern Star. Le résultat de
ce contact fût qu'un profond et rapide changement prit place dans
ses idées. Ainsi, déjà en 1845, ils publièrent La Sainte Famille,
cette oeuvre dans laquelle ils posèrent les fondements du
matérialisme économique et dans laquelle, à côté de cela, le
point de vue prolétarien est clairement observable.
Ainsi l'histoire nous donne le droit de
dire : premièrement, tout le socialisme moderne est le produit de la
classe ouvrière, bien que les matériaux qui le constitue aient été
précédemment créés par les démocrates bourgeois ; et
deuxièmement, dans l'élaboration du socialisme moderne, les partis
de la classe ouvrière qui différaient dans leur niveau de
conscience sont arrivés en pratique, cherchant à tâtons, à des
tâches séparées et des solutions que leur idéologues
découvrirent, synthétisèrent et fondèrent théoriquement. Ces
propositions sont d'une importance énorme. Elles contredisent les
thèses placées en avant par le camarade Lénine dans son pamphlet
Que Faire? Mais elles sont dérivées des fondements du marxisme, et
elles sont formulées d'une façon ou d'une autre dans les programmes
social-démocrates. Nous devrions de même leur donner une claire
expression dans notre programme. A cet effet je propose que le
passage que je cite du projet de programme soit remplacé par le
suivant : "Le nombre, la cohésion et la conscience des
prolétaires doivent augmenter et la lutte de masse des ouvriers
contre l'exploitation doit s'intensifier."
Je ne parlerai pas maintenant à propos
de mes autres amendements correspondants mais moins importants de
cette question du programme ayant affaire avec les principes. Ici je
noterai seulement que l'idée fondamentale que j'ai développée
jusqu'ici est partagée par tous les camarades qui appartiennent à
la même organisation que moi. Nous ne sommes cependant pas tous
d'accord en ce qui concerne les conclusions à tirer de ces idées.
Ainsi je ne parlerai que pour moi-même à partir de maintenant.
J'ai déjà dit que l'écart que j'ai
montré du doigt dans le programme de l'Iskra est une réflexion sur
la lutte récente contre la "spontanéité", l'"économisme"
et l'"amateurisme". Maintenant je veux demander si cette
considération pratique peut servir de justification pour un hiatus
théorique comme celui-ci dans le programme ? Certainement pas. La
formulation marxiste correcte de la question, que je propose, n'ouvre
en aucune façon la porte à l'adoration de la spontanéité, de
l'économisme ou de l'amateurisme.
Cela n'ouvre pas la porte au culte de
la spontanéité. Quand nous disons que le socialisme moderne est en
gros l'expression la plus complète et consciente de la tendance
spontanée de la lutte de classe du prolétariat nous ne réduisons
pas le rôle actif de la conscience et de la théorie dans notre
mouvement mais, au contraire, nous l'élevons au plus haut niveau.
C'est parce que nous sommes convaincus que le développement du
prolétariat procède en accord avec les lois spontanées de la
nature vers la réalisation de nos principes théoriques que nous
soutenons ces principes fermement et résolument et que nous rejetons
tout compromis théorique mettant en avant des considérations
pratiques passagères. Il est étrange que j'ai à prouver aux
éditeurs de l'Iskra ce que Beltov nous a prouvé. Il est étrange
que je doive démontrer que le maximum de liberté, d'activité et
d'initiative individuelle se trouvent là où il y a le maximum de
nécessité. Afin de sauvegarder le mouvement du culte des modes
momentanées de certaines couches du prolétariat ou de
l'intelligentsia, la social-démocratie ne possède qu'un moyen :
elle détermine son activité dans le sens des tendances générales
de la lutte de la classe ouvrière toute entière.
Il ne semble pas que la formulation de
la question que j'ai proposée, qui est normale dans le mouvement
social-démocratique international, ouvre la porte à "l'économisme".
Je sais et je l'ai déjà dit que toute forme particulière de la
lutte de classe du prolétariat, prise en elle-même, séparée des
autres formes de la lutte de classe du prolétariat, est incapable de
libérer le prolétariat des influences bourgeoises. C'est pourquoi
les partis bourgeois et les idéologues de la bourgeoisie essaient si
durement de dissimuler le lien nécessaire entre la révolution
sociale et la lutte politique et économique du prolétariat. Mais je
n'affirme pas, évidemment, que le socialisme moderne s'exprime dans
toute forme isolée de la lutte de classe du prolétariat, comme avec
la lutte syndicale, prise dans son isolement. Au contraire, je dis
que le socialisme scientifique est la synthèse et l'expression
théoriquede toutes les formes de base de la lutte de classe du
prolétariat. Cette formulation nous engage, naturellement, à
résoudre la lutte contre toute tentative de borner le contenu et de
réduire l'étendue du mouvement inévitable historiquement de tout
le prolétariat.
Finalement, la formule que je propose,
il me semble, ne peut pas servir de couverture au fédéralisme et à
l'amateurisme local. Si le socialisme moderne synthétise les
différentes formes du mouvement du prolétariat et ne reflète que
sa tendance historique générale, alors il est évident que dès le
départ l'organisation du parti social-démocratique doit être
suffisamment centralisé pour assurer que les intérêts communs du
mouvement social-démocratique dans son ensemble ait priorité sur
les intérêts locaux en son sein. Ainsi, aucune considération
pratique n'a fourni le terrain aux compilateurs du programme pour
s'abstenir d'inclure la formulation généralement acceptée de la
matière en question. Ils ont eu, cependant, évidemment une opinion
différente : ils pensaient évidemment que la formulation
généralement acceptée n'offrait pas une sauvegarde adéquate
contre la spontanéité, l'économisme et l'amateurisme. Par
conséquent ils nous ont donné leur propre formulation peu claire,
qui peut être facilement interprétée dans le sens de la
proposition défendue dans le pamphlet "Que Faire?", dans
le sens d'un antagonisme entre la Social-Démocratie et le
développement spontané du mouvement de la classe ouvrière.
Qu'est-ce qui a été achevé en pratique par cette théorie du
pamphlet de Lénine ? Elle offre certainement une arme très
tranchante à utiliser contre les erreurs tactiques et les omissions
mentionnées. Mais elle ouvre aussi la porte à d'autres dangereuses
erreurs tactiques; elle ouvre une profonde fissure entre les éléments
menant le mouvement et les masses de la classe ouvrière, entre
l'activité d'un parti exclusif et la large lutte de la classe
ouvrière.
Nous ne devons pas parler en termes
hypothétiques concernant ces erreurs, depuis qu'elles se sont déjà
révélées à une échelle suffisante, spécialement pendant l'année
ou l'année et demie de l'éruption révolutionnaire en Russie qui
avait commencé avec les événements de Mars.
Alors qu'antérieurement une trop
faible attention avait été portée au développement théorique des
éléments conduisant le mouvement, depuis lors nous avons commencé
à négliger excessivement les moyens pour développer la conscience
de larges cercles d'ouvriers. La littérature populaire et
l'indépendance politique de couches comparativement étendues
d'ouvriers ont été tenus en mépris, comme phénomènes qui
auraient pour effet de vulgariser notre mouvement.
Alors qu'antérieurement le mouvement
souffrait d'étroitesse "économique", il doit souffrir
maintenant de dilution politique. Le renforcement de l'agitation
politique et son élargissement au contenu ont été, naturellement,
un très grand pas en avant. Mais, d'abord, par malchance, dans notre
agitation politique nous avons commencé à forcer trop sur ce qui
unit le prolétariat avec les autres éléments oppositionnels dans
la société, et trop peu sur ce qui le distingue comme classe la
plus révolutionnaire. Deuxièmement, notre agitation politique a,
par malchance, commencé à être séparée de notre agitation
sociale et économique. En lisant les proclamations et tracts
produits au cours de cette période par le Comité de Kiev, et
spécialement ceux produits par le "syndicat révolutionnaire du
Sud" d'Odessa, il est souvent difficile de définir, ce qu'il y
a en eux de spécifiquement social-démocratique, alors qu'ils
pourraient tout juste avoir été produits par des radicaux
politiques. Dans ces publications il y a évidemment quelque chose
d'important dont il n'est pas donné une expression suffiusante. Cela
était dû à cette grande défection où à cette même période les
rapports provenaient de différentes parties de la Russie où les
ouvriers des cercles de discussion perdaient l'intérêt dans les
questions purement socialistes telles que, par exemple, la question
de la plus-value, de la journée de travail, etc. On l'avait écrit
dans l'Arbeiterstimme, et nous avons des lettres à ce sujet de
Saratov et d'autres lieux.
Alors qu'antérieurement notre
mouvement a souffert du désordre et de l'amateurisme, dans cette
période, par contraste, il fût introduit, et accueilli avec
sympathie, un plan d'organisation jacobin conspirateur, qui est
essentiellement applicable non pas à un parti de classe du
prolétariat, mais pour un parti radical se fondant lui-même sur une
variété d'éléments révolutionnaires.
Sans aucun doute, dans la période en
question le mouvement social-démocratique fera, tout entier, un très
grand pas en avant comparé à celui que nous avons fait avant. Mais
le mouvement social-démocratique a été pris aussi inconsciemment
dans cette période par la croissance spontanée des forces
révolutionnaires en Russie, et ainsi le pamphlet de Lénine reflète
plus ou moins l'approche du moment particulier, qui aura besoin de se
consacrer non à critiquer mais à construire une théorie et à
souligner des perspectives positives.
Par chance, la vie elle-même contribue
déjà aux corrections à nos critiques. Le parti Osvobojénié
rapidement formé et les forces socialistes révolutionnaires nous
ont contraint à rompre les relations avec eux pas seulement
théoriquement mais tout autant en pratique. D'un autre côté, la
largeur, la vague montante du mouvement révolutionnaire des masses
de la classe ouvrière nous force une fois encore à essayer de
renforcer nos liens avec ces masses. Et je dois admettre que l'Iskra
a répondu avec une grande sensibilité à ces revendications de la
vie, et que durant l'année passée elle s'est débarassée de
plusieurs défections dont elle avait souffert pendant la période de
la lutte contre l'économisme. Mais laissez-nous espérer que ce
processus sera pris en charge de façon consistance jusqu'à la fin
et qu'il sera consolidé dans une voie de principe.
Notre mouvemenbt a finalement émergé
de son enfance. Il commence à se débarasser de ses mauvais côtés
et de la tendance à faire des sauts. Pour cette raison je considère
que notre programme de principe, aussi, ne devrait pas seulement mais
peut être rendu libres des traces des extrêmismes passés. Il doit
nous fournir une fondation durable pour toutes nos futures tactiques,
et aussi qu'il doit être formulé aussi objectivement que les
programmes des partis social-démocratiques d'Europe avancée.
Martov : Je suis stupéfié que toutes
les considérations mises en avant par le camarade Martynov ne
débouchent que sur rien de plus qu'une proposition d'insérer le
mot "conscience" et de remplacer le mot "exploiteurs"
par "exploitation". Je ne vois pas le lien entre un passage
du livre de Lénine et l'absence du terme "conscience". Je
n'ai rien contre le fait d'insérer ce mot. L'argument du camarade
Martynov contre la phrase de Lénine est basé sur la confusion entre
deux questions, qui sont situées à des niveaux différents. Les
citations fournies par le camarade Martynov nous montrent qu'il en
est ainsi. Par exemple, que dit Marx dans Le dix-huit Brumaire ? Il
définit le rapport entre l'idéologie d'une classe particulière et
la classe elle-même. Mais Marx ne dit rien sur le processus qui
culmine dans l'élaboration par la classe ouvrière de cette
conception du monde qui exprime les conditions de l'existence
historique de la classe ouvrière.
Gorin : Nous connaissons deux sérieuses
conceptions du processus historique : le matérialisme et
l'idéalisme. Une combinaison des deux, sous forme éclectique, doit
être considérée comme vulgaire. Nous devons aussi considérer
comme vulgaire à la fois l'idéalisme et le matérialisme eux-mêmes
considérés à l'état brut, de simples significations. Parmi nous,
l'idéalisme vulgaire est représenté par la doctrine des
Socialistes-Révolutionnaires, et le matérialisme vulgaire par
l'économisme. Selon cette dernière conception, aucune idée, aucun
individu, aucune conscience ne possède de signification. Le groupe
Rabotcheye Dielo constitue un quatrième type - éclectique, mais
approximativement proche de l'économisme. Le camarade Martynov -
expérimenté dans les discussions sur l'économisme - se déclare
hostile à cette conception, mais il ne fait que donner quelque chose
comme une expression plus élégante de ce quatrième type. Je ne
vais pas essayer de trouver pourquoi il a dû citer Marx, Engels,
Kautsky et d'autres, sans cesse, en plusieurs langues (parmi
lesquelles je crains qu'il n'ait pas relevé l'espagnol), quoique,
voyez-vous, le facteur des idées ait été négligé. Ce ne sont que
les termes économiques qui ont été utilisés : "exploiteurs",
"exploitation", et il n'y avait pas de termes concernant
quelque chose de différent. Pour boucher le trou, le camarade
Martynov propose le mot "conscience". Alors il va pour le
camarade Lénine sur le terrain où ce dernier attribue l'origine
spontanée de l'idéologie indépendante du prolétariat. Il voit
comme fausse la proposition du camarade Lénine selon laquelle
l'élément conscient n'est introduit que par les intellectuels, et
démontre qu'au contraire, les théories des intellectuels sont
élaborées sous l'influence du prolétariat. Par conséquent il
cherche à montrer que ces théories sont spontanées à l'origine.
C'est un fait actuel, la question est simplement que ces théories ne
tombent pas du ciel mais représentent une certaine induction d'un
processus objectif. Je ne suis pas en train de dire ici comment je
considère correcte la proposition du camarade Lénine. Cette
question est trop complexe et a été trop peu analysée. Mais, en
général, je pense que le vrai déroulement du processus a été
défini. Le camarade Martynov lui-même ne soutient pas cette vision
concernant l'indépendance du prolétariat, et il dit que le
prolétariat, laissé à lui-même, tombe sous l'influence de la
bourgeoisie. Par conséquent il masque involontairement que le
prolétariat est incapable, sans influence des intellectuels, de
s'élever au-dessus d'une opposition purement instinctive.
Lieber : Camarades, je suggère que le
but de la question à l'ordre du jour ne consiste pas en quelques
modifications du projet de programme mais appelle aussi quelques
explications. Nous ne sommes pas tous suffisamment compétents pour
élaborer un programme, mais touts nous avons, naturellement besoin
d'avoir une conception claire et uniforme de ce que chaque point du
programme signifie. C'est par une requête en faveur d'une telle
explication que je m'adresse à vous. Dans le 3ème paragraphe de la
3ème page il est affirmé que "les social-démocrates des
différents pays doivent assumer différentes tâches immédiate, à
la fois parce que ce mode de production (capitaliste) ne s'est pas
développé partout au même degré et parce que son développement
dans les différents pays est en train de mûrir sous une variété
de circonstances socio-politiques". Voici la question, est-ce
que la situation sociale et politique est la même dans toutes les
parties d'un pays, par exemple la Russie, où une partie, la Pologne
nommément, a développé par le passé une voie différente, et
aussi, est-ce que cette question peut être appliquée uniformément
à tout le pays ? Plus loin, dans le même paragraphe, où il est
mentionné les survivances des systèmes pré-capitalistes, de telles
survivances comme vestiges du servage sont citées. Mais, par
exemple, le prolétariat Juif doit combattre contre les survivances
du système intermédiaire, etc. Ces survivances marquent d'une
empreinte aigüe toute la lutte du prolétariat Juif. Ici aussi peut
se poser la question, est-ce que la description générale de la
Russie qui est donnée dans le paragraphe peut être prise comme
applicable à toutes les parties du pays ? C'est la question à
laquelle j'aimerais avoir une réponse.
Lyadov : Je prends la parole en réponse
au camarade Lieber. Il demande une explication sur le point du
programme qui parle de la nécessité d'une organisation spéciale de
social-démocrates dans chaque pays différent. Je considère, en
accord avec ce point, que le prolétariat Juif a le droit d'avoir une
organisation indépendante, d'autant que les rapports mutuels entre
les classes parmi les Juifs sont tout à fait différents de ce
qu'ils sont dans le reste de la Russie. Je pense que nous ne pouvons
pas être d'accord avec le camarade Lieber. Le système polituqe
Russe est l'expression de tout le complexe de conditions économiques
dans les différentes parties de la Russie. L'interrelation entre les
classes parmi les Juifs est un des détails qui complète toute la
physionomie de classe en Russie. Je pense que le prolétariat vivant
partout en Russie souffre de la même manière des survivances des
rapports pré-capitalistes, qui sont défendus par un et le même
gouvernement. Tout le prolétariat a un ennemi commun, et ainsi la
lutte contre cet ennemi doit être animée comme une lutte commune.
Comme pour la prétendue lutte spéciale du prolétariat Juif contre
une prétendue forme spéciale d'exploitation, je dois dire que
littéralement cette même forme d'exploitation existe partout où
nous trouvons la forme domestique d'industrie, le mode de production
basé sur le travail manuel. La forme spéciale d'exploitation qui,
selon le camarade Lieber, serait une particularité affectant
seulement le prolétariat Juif, existe littéralement sous une forme
identique dans les aires de Moscou, Vladimir et Pavlovo.
Après cela, le congrès procède à
l'élection d'une commission de discussion du programme. Sont élus à
cette commission :Plekhanov, Lénine, Akselrod, Starovern, Yudin,
Martynov et Yegorov.
La session est close.
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NEUVIEME SESSION
(Présents : 42 délégués avec voix
décisive et
8 personnes avec voix consultative)
Après avoir lu et approuvées les
minutes de la quatrième session, le congrès continue sa discussion
générale sur le programme.
Gorin : Je n'ai pas l'intention de
critiquer le projet de programme qui nous a été présenté. Il
donne une bonne formulation aux principes de la Social-Démocratie.
Mais j'ai relevé des inexactitudes. Il est souhaitable que notre
programme puisse se distinguer pas seulement par sa consistance de
principe mais aussi par une rédaction valable, afin aussi pour ne
pas prêter le flanc à la critique de légèreté. Dans le troisième
paragraphe, je suggère que, au lieu des mots : "Sur la base des
rapports de production capitalistes", nous mettions : "Sur
la base de la prédominance des rapports de production capitalistes".
Cette formulation sera plus appropriée comme description de la
société bourgeoise d'aujourd'hui, dans laquelle la petite
production a été maintenue. Dans le quatrième paragraphe, après
les mots : "entreprises à grande échelle", j'aimerais
ajouter : "et la croissance simultanée en quantité du capital
social, qui rétrécit continuellement la sphère dans laquelle ce
dernier peut être investi". "Le poids économique des
grandes entreprises", pris en lui-même, est une cause
nécessaire mais pas suffisante pour l'élimination des petits
producteurs. Cela se produit de fait alors que la croissance
simultanée de capital contraint les sphères où ce capital a été
investi antérieurement, le forçant à envahir ces sphères qui sont
occupées par la production à petite échelle.
Au quatrième paragraphe j'aimerais
ajouter à la fin : "aux côtés de la la tendance directe vers
ce qui cause la baisse constante des moyens de reproduction de la
marchandise du force-de-travaiL". Après tout, la croissance du
niveau d'exploitation dépend d'abord et avant tout de
l'appauvrissement des moyens de subsistance des ouvriers.
En plus de cela, allant dans la même
direction, il y a l'influence produite par la chute de la demande de
force de travail, par rapport aux marchandises. Je suis d'accord avec
la loi sur le relatif déclin de la demande de force de travail,
reconnue dans ce paragraphe, pour autant que cela implique la
croissance de l'armée industrielle de réserve comparée à "l'armée
des champs", et pour autant que cette croissance est dépendante
du fait que la force de travail comme telle est recrutée au moment
de la production absolue, c'est à dire, quand les forces productives
de la société sont tendues à l'extrême, et puis qu'une partie de
cette force est mise en réserve quand la production chute au niveau
déterminé par la demande sociale. Je propose de remettre mes
amendements à la commission spéciale.
Martynov : Les camarades Martov et
Gorin m'ont répondu. Le camarade Martov soutient la proposition que
j'ai critiquée et le camarade Gorin a critiqué les propositions que
j'ai mises en avant. Laissez-moi commencer par les objections du
camarade Martov à ce que j'ai dit. D'abord, il déclare que j'ai
volontairement interprété le passage du programme que j'ai cité
dans le sens de la thèse proposée par le camarade Lénine dans le
pamphlet Que Faire? IL dit que l'expression citée par moi devrait
être comprise dans le sens large de lutte de classe du prolétariat,
et pas dans le seul sens de la lutte syndicale, spécialement
d'autant que, dans le programme, le mécontentement contre l'ordre
existant est même attribué à l'ensemble du peuple travailleur. Je
répondrai à cela. En premier lieu, l'insatisfaction de la petite
bourgeoisie avec l'ordre existant peut n'avoir rien en commun avec la
conscience de classe du prolétariat. En second lieu, mon
interprétation n'est pas soutenue que part le passage que j'ai cité
mais aussi par quelques autres passages dans le programme, sur
lesquels je ne reviendrai pas maintenant.
Puis, le camarade Martov essaya de
défendre la thèse du camarade Lénine. Il a essayé de se servir du
passage que j'ai cité du dix-huit Brumaire dans l'esprit du camarade
Lénine. IL a montré, sur la base des mots de Marx, que les
intellectuels d'une classe particulière, peuvent, de par leur
origine sociale, appartenir à une classe différente. Je ne discute
pas cela, naturellement. Mais pourquoi le camarade Martov ne nous
explique-t-il pas maintenant, si on prend la vision du camarade
Lénine, qu'il est possible d'être d'accord avec la seconde partie
de la phrase de Marx : "une classe sociale est conduite
pratiquement aux mêmes conclusions que celles auxquelles les
intellectuels sont conduit théoriquement"?
Puis le camarade Martov nous a dit que
dans le pampphlet du camarade Lénine la question est considérée
sur un plan différent de celui du programme. Chez ce dernier ce qui
est expliqué est la tendance de la classe ouvrière, dans la forme
interne du processus par lequel cette tendance est élaborée.
Reconnaître que la classe ouvrière a une tendance inévitable vers
le socialisme ne signifie pas dénier que cette tendance se réalise
à travers l'influence de l'intelligentsia sur les masses de la
classe ouvrière. Je suis d'accord avec çà. Mais je clame que le
camarade Lénine décrit faussement le processus par lequel la
tendance de la classe ouvrière vers le socialisme est élaborée.
Afin de défendre la théorie du camarade Lénine, la camarade Martov
doit d'abord la corriger. Il dit : dans les masses du prolétariat
existent des tendances contradictoires vers le socialisme et vers
l'idéologie bourgeoise, et l'intelligentsia bourgeoise effectue un
choix artificiel entre ces tendances. J'affirme que même sous cette
forme corrigée la thèse de Lénine est fausse. Dans le mouvement
ouvrier en général il n'y a pas de tendance à l'idéologie
bourgeoise. Il supporte l'empreinte bourgeoise pour autant qu'il ne
s'est pas libéré de l'atmosphère bourgeoise dans laquelle il a
grandi et s'est développé. Le camarade Lénine assure que le
mouvement spontané de la classe ouvrière n'est pas celui qui rompt
avec l'idéologie bourgeoise mais celui qui se soumet à l'idéologie
bourgeoise.
Plekhanov : Je veux attirer l'attention
de tous et du camarade Martynov en particulier, sur le fait qu'il a
transposé l'argument sur un terrain sur lequel il est inefficace
d'argumenter, un terrain sur lequel la controverse ne justifie pas
l'effort improductif dépensé. L'observation qu'il a dirigée contre
le programme vise une phrase de l'une des oeuvres de l'un des
rédacteurs du projet de programme. Même si nous admettions que la
phrase était malheureuse, cela ne ferait que démontrer que toutes
nos autres idées sont excellentes. La méthode du camarade Martynov
me rappelle la phrase d'un censeur qui déclarait : "Donnez-moi
le Notre Père, permettez-moi d'en extraire une seule phrase et je
vous prouve qu'il faudrait en pendre l'auteur." Tous les
reproches dirigés contre cette phrase malencontreuse, et pas par le
seul camarade Martynov mais par beaucoup d'autres, reposent sur une
incompréhension. Le camarade Martynov cite les mots d'Engels : "Le
socialisme scientifique est l'expression théorique du mouvement
prolétarien." Le camarade Lénine lui aussi est d'accord avec
Engels et s'il n'était pas d'accord avec lui, alors il faudrait
effectivement le pendre. Mais les mots d'Engels ne formulent qu'une
thèse générale. La question qui se pose est de savoir qui le
premier en formule une traduction théorique ? Lénine n'a pas écrit
un traité de philosophie de l'histoire mais un article polémique
contre les "économistes" qui disaient : "Nous devons
attendre de voir où la classe ouvrière arrivera par elle-même sans
l'aide du "bacille révolutionnaire". Ce dernier se voyait
interdire d'adresser le moindre mot aux travailleurs puisu'il est un
"bacille révolutionnaire" et qu'il possède la conscience
théorique. Mais si vous écartez le "bacille" il ne reste
plus qu'une masse privée de conscience et à laquelle la conscience
doit être apportée de l'extérieur. Si vous aviez voulu être
justes avec Lénine et si vous aviez lu son ouvrage en entier vous
auriez vu que c'est précisément ce qu'il dit. Ainsi, parlant de la
lutte syndicale, il développe cette même idée qu'une large
conscience socialiste ne peut être introduite que de l'extérieur
des limites de la lutte directe pour l'amélioration des conditions
de vente de la force de travail.
Akimov : Je remets à la commission
quelques corrections du projet de programme, et ce que je veux faire
maintenant c'est expliquer les considérations générales qui m'ont
guidées pour les mettre chacune en avant.
Je suis pleinement d'accord avec le
camarade Martynov que la question dans le projet à propos de
laquelle il a parlé reflète tout à fait les visions distinctes de
Lénine sur l'idéologie anti-socialiste du prolétariat comme telle,
et les conclusions qu'il en tire.
Je considère comme érronée la vision
du camarade Plekhanov que la référence au petit livre de Lénine
n'était pas fondée. On ne peut pas, a-t-il dit, critiquer un
programme sur la base d'une phrase dans un livre par un des
rédacteurs du programme. La phrase du camarade Lénine que Martynov
a critiqué n'est pas une phrase isolée, elle expose l'idée
fondamentale de Que Faire? , et cette idée, il me semble, trouve son
expression dans le projet de programme. C'est une idée qui ne
coïncide pas du tout avec ce que Plekhanov a écrit dans ses
commentaires. Et je suis sûr que Plekhanov n'est pas d'accord avec
Lénine. (Rires) Et je pense que le camarade Lénine lui-même ne
refusera pas de confirmer c'est sa vision , et non pas un passage
isolé, une phrase accidentelle. Voici, par exemple, un autre extrait
du pamphlet Que Faire ? Notez cette affirmation que la théorie du
socialisme scientifique "apparait tout à fait indépendamment
du mouvement de la classe ouvrière". Non, naturellement, ce ne
sont pas les grévistes qui ont élaboré la théorie du socialisme
scientifique. (Rires)
Je ne suis pas d'accord avec le
camarade Martynov qu'une ou deux corrections sont nécessaires dans
le paragraphe du projet qui est mentionné. Il me semble qu'une idée
fausse parcourt de façon consistance et concentrée la section des
"principes" du projet, du début à la fin. Les conditions
historiques sous lesquelles ce programme est apparu ont profondément
marqué le document. C'était une période de puissante poussée du
radicalisme politique dans toutes les régions de la société russe.
Cela se reflétait dans le fait que les formes spécifiquement
prolétariennes de la lutte poussaient de façon souterraine, le rôle
d'autres couches de la population opprimée était surestimée dans
notre parti, et les vraies méthodes de la lutte portèrent au devant
non pas la classe elle-même mais son organisation, le parti, dans
lequel, en conséquence, les traits de classe du parti et le
caractère de masse de son activité étaient masqués et cachés.
Dans une discussion générale je ne
peux pas mentionner toutes les corrections que j'ai l'intention de
suggérer. J'en évoquerai quelques-unes, en les commentant à la
lumière de ce que j'ai dit.
Le projet se demande si a lieu ou pas
une aggravation absolue de la position de la classe ouvrière au fur
et à mesure que le capitalisme se développe. Cette question est
liée avec la question des méthodes de travail du parti. Dans les
écrits de l'Europe de l'Ouest il a été dit que la "théorie
de la paupérisation" allait à contre-courant des méthodes
existantes d'agitation. Notre programme devrait donner une réponse
tout à fait définitive à cette question, et par conséquent
fournir au parti un principe d'orientation dans sa conduite de la
lutte politique et économique du prolétariat. Dans le projet cette
question est traitée évasivement, et, fondamentalement, dans le
sens que le combat pour améliorer la position du prolétariat est
une question d'intérêt secondaire pour le Parti et n'a d'intérêt
que pour alimenter la conjoncture dans laquelle elle opére. Ainsi,
dans ce point du programme apparait une tendance à séparer notre
Parti et ses intérêts du prolétariat et des intérêts du
prolétariat.
Cela apparait encore plus clairement
dans le paragrap^he sur les tâches du Parti. Ici les concepts
"Parti" et "prolétariat" sont complètement
séparaés et opposés, le premier étant présenté comme un
personnage collectif actif te le second comme un milieu passif sur
lequel le Parti exerce son influence, parce que dans les propositions
du projet le nom "Parti" apparait toujours comme le sujet
et le nom "prolétariat" comme l'objet. (Rires)
De la même manière, le paragraphe sur
la conquête du pouvoir politique a été formulé dans le même
sens, comparé avace les programmes de tous les autres partis
social-démocrates, comme ce peut être interprété, et comme cela
est interprété actuellement par Plekhanov, pour signifier que le
rôle l'organisation dirigeante est de reléguer à l'arrière la
classe, conduisant à séparer la première de la dernière. Par
conséquent, la formulation de nos tâches politiques est exactement
la même que celle de la Narodnaya Volya.
Le point sur la couche
non-prolétarienne de la population, s'il devait être effectif,
transformerait notre Parti non en Parti du prolétariat mais en parti
de toutes les couches opprimées et exploitées, c'est à dire, un
parti qui ne serait ni révolutionnaire ni socialiste.
Par conséquent, toutes mes corrections
ont pour but de remanier le véritable esprit du programme. Plusieurs
d'entre elles sont sans importance si on les prend isolément, mais
prises ensemble, si elles sont adoptées, apporteront de substantiels
changements.
Martov : Je suis tout à fait incapable
de comprendre où Akimov pourrait avoir perçu dans notre programme
une tendance à minimiser l'importance du mouvement ouvrier. Est-ce
que ce projet n'a pas été blâmé, au contraire, pour traiter trop
peu dans sa section théorique des tâches détaillées pour le
moment politique particulier en Russie, s'occupant principalement des
tâches générales du mouvement mondial du prolétariat ? C'est une
notion bizarre que de voir dans les affirmations des autres sections
concernant le peuple travailleur une tendance à tirer dans le sens
des Socialistes-Révolutionnaires. Ces derniers ont dit, au
contraire, qu'ils accepteraient bien cet article de notre programme
si, au lieu de : "le point de vue du prolétariat", nous
avions écrit : "le point de vue du socialisme". Le
caractère de classe du parti s'exprime assez clairement ici. Les
mots "de la classe ouvrière" sont simplement utilisés
afin d'empêcher la répétition du mot "prolétariat" deux
fois dans la même phrase. Je ne sais pas ce qu'Akimov veut dire
quand il dit que le programme reflète une attitude méprisante vis à
vis de la lutte économique des ouvriers. Est-ce parce qu'il souhaite
qu'au lieu de parler de la lutte pour le but économique commun de
tout le mouvement ouvrier, la révolution sociale, nous parlions des
tâches partiellesdes différents groupes du prolétariat ? Le
passage qui a trait avec la soi-disante "théorie de la
paupérisation" affirme les limites dans lesquelles il est
concevable d'améliorer la position de la classe ouvrière sous le
système capitaliste. Il montre que la tâche de cette lutte pour
l'amélioration matérielle immédiate est de contrer les tendances à
la dégradation du développement capitaliste, et la section du
programme qui énumère les réformes d'usine fournit la meilleure
réponse au reproche que nous ignorerions la lutte pour les
améliorations immédiates.
Où Akimov a-t-il trouvé cette
évidence que nous placerions des espoirs excessifs dans d'autres
mouvements sociaux ? Ceux-ci ne sont mentionnés qu'à la fin du
projet, où il est dit que nous devons soutenir tout mouvement
oppositionnel et révolutionnaire contre la domination tsariste.
Est-ce que le camarade Akimov est opposé à cela, peut-être ? S'il
pense que l'Iskra a renoncé maintenant à la tâche d'agitation
parmi toutes les couches de la population, alors il se trompe. Nous
espérons, au contraire, que, avec le rétablissement du Parti, nous
serons capable d'élargir la sphère de son influence ; et je ne
désespére pas que les temps viendront où le camarade Akimov
lui-même sera affecté par le Parti à la prise en charge de la
propagande parmi ces fameux "maréchaux de la noblesse" au
compte desquels l'Iskra était sujette à un reproche particulier.
Karsky : J'échoue complètement à
comprendre comment le prolétariat par lui-même, la classe ouvrière
dans sa lutte au jour le jour, dans la lutte pour ses intérêts
immédiats, pourrait avoir réussi à créer le système
philosophique harmonieux du socialisme scientifique, embrassant toute
une philosophie du développement social. J'échoue complètement à
comprendre comment une telle tâche pourrait être accopli par une
section de la société dont le champ de vision est limité, enfermée
dans certaines bornes, et n'embrassant pas toute la variété du
phénomène social. C'est la position de la masse de la classe
ouvrière, qui ne peut, par ses propres forces, sur la base de la
familiarité avec sa propre position, créer la théorie du
socialisme scientifique. Cette théorie ne pouvait être créée, à
un certain stade du développement du capitalisme, que par un génie
qui avait étudié et élucidé pour lui-même les lois gouvernant ce
développement. Une telle révolution dans la philosophie sociale ne
pouvait être accomplie que par quelqu'un qui partait du point de vue
du prolétariat et qui au même moment était capable de construire
son édifice sur une étude historique des conditions du capitalisme
moderne. Dans ce sens, naturellement, la théorie du socialisme a été
apportée à la classe ouvrière de l'extérieur. Et il est étrange
d'entendre objecter contre cette vision. Mais il apparait que ceux
qui sont en désaccord avec nous sont sous l'influence d'une certaine
idée concernant "la spontanéité" et "les étapes".
Naturellement, quiconque défend "la spontanéité" défend
aussi l'idée d'élaboration spontanée de la théorie du socialisme,
et vice versa.
Nous trouvons toujours une autre
question en lien avec celle-ci, nommément, l'opposition du Parti à
la classe ouvrière. Le camarade Akimov considère que le Parti ne
doit pas se placer en avant de la classe ouvrière. Cette façon de
poser la question me semble à la fois incorrecte et hors de propos.
Hors de la classe ouvrière émerge une force consciente, militante,
le Parti, qui est le porteur et le promoteur des idéaux socialistes
et, comme tel, le Parti ne peut que se tenir plus haut que "la
classe ouvrière", puisque la partie consciente de cette classe
est le leader de la partie inconsciente ou consciente de façon
inadéquate.
Je considère l'objection du camarade
Akimov sur le troisième point, concernant la "théorie de la
paupérisation" comme extrêmement significative. Cette théorie
doit occuper une position centrale dans notre conception du monde
socialiste.
Martynov : Le camarade Karsky dit que
mon idée de la relation entre la classe ouvrière et l'idéologie
socialiste était que la classe ouvrière par elle-même parviendrait
à la théorie du socialisme scientifique. Je n'ai jamais rien dit de
la sorte. J'ai seulement dit que différentes couches du prolétariat
ont oeuvré indépendamment aux formes de la lutte de classe
économique et politique et transformé les idées du socialisme
bourgeois en idées communistes. Ce travail a été accompli,
naturellement, pas par les ouvriers, mais par Marx et Engels et a
consisté dans la transformation des théories philosophiques et
sociales du passé dans la théorie du socialisme scientifique. Mais
Marx et Engels ont été capables d'accomplir ce travail théorique
seulement après avoir rompu avec le radicalisme et adopté le point
de vue du prolétariat - en d'autres termes, en rejoignant le
mouvement de cette classe.
Jusqu'à ce point nous sommes d'accord
avec les vues du camarades Akimov. Mais nous en tirons des
conclusions différentes. Je ne déni ni la théorie de la
paupérisation ni la dictature du prolétariat. Je pense qu'on doit
insister là-dessus. Plus loin, en faisant référence à moi, le
camarade Akimov dit que la période qui a suivi la période de
l'économisme a été marquée par une insuffisance majeure, à
savoir le radicalisme politique. Nous ne sommes pas du tout dans le
même esprit dans la façon dont nous voyons cette période. Le
mouvement, il me semble, a fait alors un pas en avant, et l'a fait
précisément parce qu'il a assumé une forme politique. Mais au même
moment de grandes brêches sont apparues dans le mouvement :
l'agitation politique était, en pratique, pauvrement reliée au
socialisme ; trop d'insistance sur ce qui unissait nos uintérêts
politiques avec ceux de l'opposition bourgeoise, et et peu sur ce qui
nous distinguait d'elle.
Lange : propose que le programme soit
voté "en bloc" et sa rédaction finale confiée à une
commission.
Trotsky : propose que la liste des
orateurs soit close.
Akimov : s'oppose catégoriquement à
l'idée que le programme soit voté "en bloc".Si cela était
fait le programme serait privé de toute signification. Il serait
probable que chacun des délégués trouverait quelque point dans le
projet de programme avec lequel ils ne seraient pas d'accord. En
votant pour le programme comme un tout ils considèreraient que ce
point particulier ne les engage pas.
Martov : se fait l'avocat du vote du
programme en bloc après que des corrections aient été faites et
qu'il ait été procédé au vote point par point.
Akimov : s'oppose à la fermeture de la
liste des orateurs sur une question aussi importante que celle du
programme.
Martov : ne voit aucun inconvénient à
clore la liste des inscrits. Quand le programme reviendra de la
commission la discussion recommencera, point par point.
Martynov : demande, en tant que
rapporteur, à être autorisé à conclure son discours.
Martov : Le rapport du camarade
Martynov traite seulement d'un amendement, et maintenant, alors que
nous tenons une discussion générale, un discours de conclusion de
sa part serait une plaisanterie. Il vaut mieux laisser le rapporteur
faire son discours de conclusion à la fin du débat sur le
programme.
Martynov : le discours de conclusion ne
dépend pas du contenu du rapport, et les ordres du jour du congrès
ne le limitent pas.
Bouckère : est contre la fermeture de
la liste des inscrits. Lénine et Plekhanov sont sur la liste, et des
délégués voudront probablement répondre à ce qu'ils diront.
Trotsky : je n'ai pas voulu parler
d'une fermeture complète du débat. Lorsque le programme reviendra
de la commission, le débat sera résumé, mais il aura alors un
caractère plus planifié.
La proposition de Trotsky est adoptée
et celle de Lange rejetée.
Plekhanov : La position du camarade
Akimov sur la théorie de la paupérisation doit conduire logiquement
et inévitablement à l'opportunisme. Selon la position du camarade
Akimov, si je l'ai correctement compris (interruption d'Akimov :
c'est çà, tu ne m'as pas compris"), la position de la classe
ouvrière dans la société bourgeoise ne doit ni s'aggraver
absolument ni s'aggraver relativement. Le camarade Akimov considère
que même dans la société actuelle il est possible d'améliorer la
position matérielle de tout le prolétariat, et que ces
améliorations graduelles des conditions d'existence matérielle de
la classe ouvrière pourraient conduire au socialisme.
De ces affirmations du camarade Akimov
il s'ensuit logiquement le rejet de la "dépendance croissante
du travail salarié au capital", de la "croissance du
niveau d'exploitation". De tout ceci il découle logiquement le
rejet de la croissance de l'inégalité sociale, de l'insécurité de
l'existence, du chômage, etc. Actuellement, si le capitalisme
moderne, l'existence de l'institution de la propriété privée, ne
conduit pas à une détérioration relative, ou même absolue de la
position des masses ouvrières, s'il ne conduit pas, d'un côté à
la concentration du capital en plusieurs mains, et, de l'autre, à la
prolétarisation des masses à une échelle toujours plus large,
alors nous devons demander pourquoi un esprit de mécontentement, une
humeur révolutionnaire, pourraient grandir dans la classe ouvrière,
pourquoi la contradiction entre les classes devrait s'intensifier?
Rejeter la théorie de la paupériation équivaut à accepter la
théorie de l'opportunisme. Les économistes bourgeois écrivant dans
l'esprit de Bastiat, tel que Giffen ou Leroy-Beaulieu et leurs élèves
dans la lutte contre le socialisme révolutionnaire, argumentent
d'abord et avant tout, dans le même sens que le camarade Akimov,
c'est à dire, ils rejettent la théorie de la paupérisation dans la
position des masses ouvrières, etc. Les écrivains bourgeois ont
correctement compris l'importance de leur théorie. De l'autre côté,
rejeter cette théorie a conduit Bernstein et ses partisants au
Bernsteinisme et au Jauréisme, c'est à dire, à l'opportunisme.
Vraiment, si la position de la classe ouvrière s'améliore
graduellement, si une telle amélioration est du possible pour des
masses de plus en plus étendues, alors, naturellement, les
socialistes réformistes ont toutes les chances et tous les droits
d'apparaitre comme de vrais porte-paroles et défenseurs des intérêts
du prolétariat, et la social-démocratie révolutionnaire doit
ranger sa tribune sous la bannière de l'opportunisme. Mais non,
camarade Akimov, nous n'allons pas nous ranger sous cette bannière,
la détérioration qui se développe constamment, à la fois relative
et absolue, de la position des masses toujours plus larges du
prolétariat, nous oblige à nous rallier sous la bannière de la
social-démocratie révolutionnaire. Nous nous tenons et continuerons
à nous tenir sous cette bannière.
Gorin : L'économisme comme tel a
disparu de la scène. Mais il subsiste une tendance qui pourrait être
appelée un rapport fédéraliste à l'économisme. Cette tendance
est incapable de comprendre notre point de vue. Ses partisans ont
compris l'affirmation qui a été faite que la social-démocratie
s'élève indépendamment du mouvement de la classe ouvrière comme
une assertion que nous aurions faite dans un sens métaphysique
absolu, et par conséquent ils nous blâment. Ce que nous avons dit
est lié à un fait, et n'exprime pas une quelconque philosophie
sociale ou conception de l'histoire. Nous avons simplement dit que la
social-démocratie russe était d'abord avant tout purement une
doctrine importée, qui a antidaté la montée du mouvement ouvrier
en Russie. Mais la social-démocratie russe n'est pas tombée du
ciel. S'étant élevée comme doctrine populiste auprès d'autres
doctrines révolutionnaires russes, elle a assumée sa forme
social-démocrate sous la pression du mouvement ouvrier occidental et
du socialisme scientifique occidental., et ce n'est que plus tard que
la social-démocratie russe s'est rattachée pratiquement avec le
mouvement ouvrier russe.
Il est important de se dissocier de la
forme vulgaire de matérialisme qui fait dépendre de l'idéologie
des révolutionnaires de circonstances externes comme signifiant leur
dépendance à l'idéologie spontanée du prolétariat. Si ce ne sont
pas des révolutionnaires vulgaires que nous avons à l'esprit, leur
idéologie a été élaborée selon d'autres modèles. Je m'explique.
L'homme moyen peut être assimilé à une personne à courte vue qui
ne voit qu'un cercle étroit autour d'elle et juge le reste de
l'espace par analogie avec son petit milieu environnant. Un homme
doté d'un esprit exceptionnel à une longue vue, et voit toute chose
dans l'espace plus ou moins également clairement. C'est pourquoi les
hommes de génie peuvent rompre avec l'idéologie de leur propre
classe et se placer du point de vue humain-universel, simplemnt
influencés par les faits objectifs et les découvertes de la
science. Les vrais intellectuels du prolétariat occupent une
position médiane entre de tels hommes exceptionnels et la masse de
l'humanité. Ils sont à une échelle considérable objectifs, mais
éventuellement ce à quoi ils oeuvrent est une idéologie
prolétarienne, pour autant que comme tels, à un certain niveau, ils
se rapprochent économiquement du prolétariat. Le prolétariat "en
masse" n'est pas capable de faire cela. Quelle serait la
situation si le prolétariat était livré à lui-même ? Ce serait
comme dans la situation qui existait à l'ère de la révolution
bourgeoise. Les révolutionnaires bourgeois ne possédaient de
théorie scientifique. Et cependant, le système bourgeois est
apparu. Même sans intellectuels le prolétariat travaillerait,
évidemment, pour la révolution sociale, mais seulement dans un sens
instinctif.
Les entreprises à grande échelle se
développent. Dans son combat pour surmonter les crises la
bourgeoisie de toutes les branches fusionne en un simple syndicat,
avec le monopole des prix pour les marchandises produites. L'échange
et les rapports marchands entre capitalistes disparaissent. D'un
autre côté, le syndicat des capitalistes confronte le syndicat de
tous les ouvriers. La proportion entre les salaires et la plus value
s'étend toujours et encore. La force de travail cesse d'être une
marchandise. On comprend que le syndicat des capitalistes peut être
remplacés par le syndicat des ouvriers. Le prolétariat pourrait
rendre effectif le socialisme instinctivement, mais il n'aurait
aucune théorie du socialisme. Le processus serait lent et plus
douloureux que lorsqu'il est épaulé par les intellectuels
révolutionnaires qui mettent en avant un but défini et prévoient
ce vers quoi nous allons.
Lieber : Je suis aussi en désaccord
avec l'idée exprimée par le camarade Lénine qui a été discutée
ici. Je considère que, parmi les facteurs objectifs sous l'influence
de quoi l'idéologie de l'intelligentsia social-démocrate - composée
de personnes d'origine bourgeoise - est formée, le camarade Lénine
sousestime l'influence de la psychologie prolétarienne. Mais comme
je ne peut pas trouver trace de l'influence du camarade Lénine dans
le projet qui nous a été présenté, je ne vais pas poursuivre sur
ce sujet.
J'en viens à considérer deux endroits
dans le projet où, il me semble, la ligne de démarcation n'est pas
assez bien tracée entre notre point de vue sur le prolétariat et
celui des "Socialistes-Révolutionnaires". Dans un passag
il est dit que les social-démocrates doivent révéler au
prolétariat "la contradiction entre les intérêts des
exploiteurs et ceux des exploités". Dans la société
capitaliste ce n'est pas que le prolétariat qui est exploité : ce
qui distingue le prolétariat des autres couches exploitées c'est le
caractère spécifique de l'exploitation dont il est le sujet. De
plus, à la fin du même paragraphe il est dit : "Le Parti de la
classe ouvrière, le parti social-démocrate, appellent dans ses
rangs toutes les sections de la population ouvrière et exploitée,
pour autant qu'elle se situe du point de vue du prolétariat".
IL me semble que cette thèse peut donner lieu à des
incompréhensions. Est-ce que des parties non-prolétariennes de la
population, comme toutes les parties, peuvent actuellement aller vers
le point de vue du prolétariat ? Je pense qu'elles ne pourront
jamais. Naturellement, dans son combat pour son programme minimum le
mouvement social-démocrate peut attirer la sympathie d'autres
parties de la population, qui voient en lui le défenseur le plus
résolu de la démocratie ; mais ce n'est que le prolétariat qui
peut et veut combattre pour le programme maximum, pour le socialisme,
et ce ne sont que des individus isolés des autres parties qui
peuvent résolument venir sur le point de vue du prolétariat.
Lénine : D'abord, je tiens à
mentionner la façon extrêmement caractéristique avec laquelle le
camarade Lieber confond un maréchal de la noblesse avec une partie
du peuple travailleur et exploité. Cette confusion a été marquée
dans tous les débats. Des épisodes isolés de notre controverse
sont partout confondus les règles de nos principes de base. On ne
peut écarter, comme le fait le camarade Lieber, la possibilité
qu'une section (une ou l'autre) de la population travailleuse et
exploitée vienne aux côtés du prolétariat. Il faut te rappeler
qu'en 1852, concernant la révolte des paysans français, Marx
écrivit (dans Le Dix-huit Brumaire) que la paysannerie agit parfois
comme représentante du passé et quelquefois comme représentative
du futur ; il est possible d'en référer nous seulement au préjudice
du paysan, mais aussi à son jugement. Tu devrais aussi te rappeler
que Marx disait que les Communards avaient tout à fait raison en
déclarant que la cause de la Commune était tout autant la cause de
la paysannerie. Je le répète, on ne peut pas douter que, sous
certaines conditions, il n'y a pas d'impossibilité pour une section
ou une autre du peuple travailleur de venir aux côtés du
prolétariat. Ce qui importe est de définir correctement quelles en
sont les conditions. Et la condition qui nous concerne est tout à
fait précisément exprimée dans ces mots : "rejoindre le point
de vue du prolétariat". Ce sont ces mots qui nous démarquent
nous social-démocrates de façon déterminée de toutes tendances
prétendues socialistes en général et des soi-disant
Socialistes-Révolutionnaires en particulier.
J'en viens au passage contesté dans
mon pamphlet Que Faire ? qui a sucité ici tant de controverses. Il
semble d'ailleurs que toutes ces controverses ont si bien éclairé
la question qu'il ne me reste que peu de choses à ajouter. Il est
évident qu'on a confondu ici un épisode le la lutte contre
l'économisme avec une présentation principielle d'une question
théorique majeure, c'est à dire, la formation d'une idéologie.
Par conséquent, cet épisode a été présenté d'une façon
absolument fausse.
En soutien à cette dernière
affirmation je peux en référer, primordialement, aux camarades
Akimov et Martynov, qui ont parlé ici. Ils ont clarifié que c'était
vraiment un épisode dans la lutte contre l'économisme. Ils ont
exprimé des vues qui ont été déjà, et tout à fait honnêtement,
décrites comme opportunistes. Ils ont tant fait pour "rejeter"
la théorie de la paupérisation, pour "contester" la
dictature du prolétariat, et même pour défendre la
Erfüllungstheorie, comme l'a appelée le camarade Akimov. Pour
parler vrai, je ne sais pas ce que çà signifie. Ce pourrait être
ce que le camarade Akimov veut dire par AushËhlungstheorie - la
"théorie par le vide" du capitalisme, c'est à dire une
des plus populaires notions courantes de la théorie Bernsteinienne.
Dans sa défense des vieilles bases de l'économisme, le camarade
Akimov met en avant l'argument incroyablement bizarre que le mot
"prolétariat" ne figure même pas une fois dans notre
programme en tant que sujet. Tout au plus, s'exclame le camarade
Akimov, ils laissent apparaître le prolétariat au niveau génitif.
Et ainsi il apparait que le sujet est le cas le plus honorable, alors
que le génitif prend la seconde place dans l'échelle d'honneur. Il
reste à transmettre cette idée - par une commission spéciale,
peut-être - au camarade Riazanov, afin qu'il puisse compléter sa
première étude du travail sur les lettres de l'alphabet par une
seconde, un traité sur les espèces...
En ce qui concerne les références
directes à mon pamphlet Que Faire ? il ne m'est pas bien difficile
de montrer à quel point elles sont isolées de leur contexte. On dit
que Lénine ne mentionne pas les conflits de tendances, mais qu'il
affirme catégoriquement que le mouvement de la classe ouvrière
"tend" toujours à succomber à l'idéologie bourgeoise.
Vraiment ? N'ai-je donc pas dit que le mouvement ouvrier était
entrainé vers l'idéologie bourgeoise avec le concours bienveillant
des Schulze-Delitzsch et de ses semblables ? Et que veut dire ici
"ses semblables"? Personne d'autre que les économistes,
personne d'autre que des gens qui affirmaient alors, par exemple, que
la démocratie bourgeoise en Russie n'était qu'un fantôme.
Aujourd'hui il est facile de bavarder à peu de frais sur le
libéralisme et le radicalisme bourgeois quand les exemples sont
apparents pour quiconque. Mais était-ce le cas auparavant ?
Lénine, dit-on, ne prend pas
aucunement en compte le fait que les ouvriers, aussi, participent à
la formation de l'idéologie. Vraiment ? Mais n'ai-je pas répété
maintes et maintes fois que le manque d'ouvriers pleinement
conscients, de dirigeants ouvriers, d'ouvriers révolutionnaires
constituait précisément le plus grand défaut de notre mouvement ?
N'ai-je pas dit que la formation de ces ouvriers révolutionnaires
devait devenir notre objectif immédiat ? Est-ce qu'il n'est pas fait
mention de l'importance du développement du mouvement professionnel
et de la création d'une littérature professionnelle spécifique ?
N'y a-til pas une lutte acharnée à mener ici conre toute tentative
d'abaissser le niveau de conscience des masses, ou des ouvriers
moyens ?
Pour conclure. Nous savons tous
maintenant que les économistes ont tordu le bâton dans un sens.
Pour redresser le bâton il a été nécessaire de le tordre dans
l'autre sens, et c'est ce que j'ai fait. Je suis convaincu que le
mouvement social-démocrate russe saura toujours redresser
vigoureusement un bâton tordu par l'opportunisme sous toutes ses
formes, et que notre bâton sera toujours, par conséquent, le plus
droit et le plus propre à l'action.
Trotsky : Les idées les plus
principielles concernant le projet de programme présenté par
l'Iskra et Zarya ont été exprimées par les camarades Martynov et
Akimov. Mais en ce qui concerne le premier il a déjà été dit que
la portée de son adresse était disproportionnée avec ses
conclusions finales. Avec les mots de Shchedrin, il nous a promis un
bon carnage, mais, au lieu de cela nous avons mangé un siskin (?).
La portée du propos du camarade Akimov était aussi très large,
mais malheureusement cela n'était pas en lien avec le projet de
programme. Ce n'est que sur un point que le camarade Akimov, d'une
façon tout à fait claire et principelle, fait ressortir son
opposition au projet en discussion. C'est sur la dictature du
prolétariat. Ce qui est faux dans le projet, selon lui, c'est qu'il
déplace de façon incorrecte le centre de gravité de la lutte au
jour le jour à la dictature révolutionnaire, de la classe au
parti... Qu'est-ce que cela signifie ? Le projet en discussion inclut
un programme minimum, qui n'est pas plus petit, en termes de réformes
demandées, que le programme minimum revendiqué par les autres
partis social-démocrates. Mais les révolutionnaires
social-démocrates, en combattant pour les réformes, sont les
porteurs de leur réforme fondamentale - une réforme de l'esprit du
prolétariat, se préparant pour la dictature révolutionnaire. Nous
n'insisterons jamais avec assez de vigueur sur l'élément de la
dictature prolétarienne, car les réformes elles-mêmes ne sont pas
une création politique libre du prolétariat, mais des concessions
faites au prolétariat par les classes dominantes, et faites
uniquement sous la menace de la révolution sociale. Le camarade
Akimov essaie de placer au même niveau le projet en discussion avec
la position programmatique des Socialistes-Révolutionnaires. Cette
charge peut être retournée contre lui au centuple. Ce sont les
Socialistes-Révolutionnaires qui "changent le centre de
gravité" de la révolution sociale, qu'ils décrivent comme un
"fantastique saut", de la lutte au jour le jour qu'ils
conçoivent comme une "ascension planifiée" vers le
royaume du socialisme. Je pourrais fournir au camarade Akimov des
citations valables pour son information. Il a peur de la dictature du
prolétariat comme d'une action de Jacobin. Il oublie que cette
dictature ne deviendra possible que lorsque le parti social-démocrate
et la classe ouvrière - l'opposition de l'un à l'autre le préoccupe
trop - seront devenu si proches qu'ils s'identifieront l'un à
l'autre. La dictature du prolétariat ne sera pas une "prise du
pouvoir" conspirative mais la règle politique de la classe
ouvrière organisée, constituant la majorité de la nation. En
rejetant cette dictature le camarade Akimov tombe dans le
social-réformisme ordinaire.
Plekhanov : Le camarade Lieber se
demandait s'il est possible pour toute couche sociale de se joindre
en tant que telle aux côtés du prolétariat. Il mettait cela en
avant comme une objection à ce que souligne notre programme. Mais le
programme ne traite pas de cette question. Il en parle au
conditionnel : nous, le Parti du prolétariat, invitons dans nos
rangs toute autre couche de la population travailleuse pour autant
qu'ils viennent sur notre point de vue. Le camarade Lieber pense que
nous nous exprimons là avec une insuffisante précision. Mais le
Manifeste Communiste dit la même chose : tout autre couche ne
devient révolutionnaire que pour autant qu'elle rejoint le point de
vue du prolétariat. Le camarade Lieber voudrait être plus orthodoxe
que Marx lui-même. Cela arrive aux individus, mais le Parti traite
traite avec le moins d'égards possible cela. Nous nous exprimons
assez précisément pour démarquer notre vision de celle des
Socialistes-Révolutionnaires, par exemple. Ces derniers veulent
enrôler les paysans à leur côté, sans leur apporter le point de
vue du prolétariat. Cela constitue la principale ligne de
démarcation entre nous et les Socialistes-Révolutionnaires.
En ce qui concerne le camarade Akimov
c'est ce que je relève. Il affirme que tout notre projet est pénétré
de l'esprit de la phrase de Lénine tant de fois citée ici. Mais
seul peut parler ainsi celui qui n'a pas compris ni cette phrase de
Lénine ni notre projet. Actuellement, quelle est l'idée qui soutend
notre programme ? Ce qui le soutend est l'idée fondamentale de la
théorie historique de Marx, l'idée que le développement des forces
productives détermine le développement des rapports de production,
lesquels à leur tour déterminent tout le développement de la
société. Qu'est-ce que la phrase de Lénine a à voir avec çà ?
Tout le discours du camarade Akimov m'a étonné. Napoléon avait la
manie de forcer ses maréchaux à rompre avec leurs épouses:
certains lui cédaient bien qu'ils aimaient leurs femmes. Le camarade
Akimov ressemble à Napoléon sous cet aspect - il veut - à tout
prix - me faire divorcer avec Lénine. Mais je montrerai plus de
caractère que les maréchaux de Napoléon. Je ne divorcerai pas avec
Lénine et j'espère qu'il n'a pas l'intention de divorcer avec moi
(Le camarade Lénine en riant secoue la tête).
Tournons-nous finalement vers le
camarade Martynov. Il dit : le socialisme est l'oeuvre de tout le
prolétariat, incluant sa section consciente, c'est à dire,
explique-t-il, tous ceux qui sont venus à ses côtés. Si le
camarade Martynov veut dire cela, je ne vois pas de raison de ne pas
divorcer avec lui, et bien plus que de me séparer de Lénine. Avec
cette formule le prolétariat est fait pour inclure aussi le bacille
bien connu - et par conséquent il n'y a rien pour argumenter à ce
propos. Il nous reste à demander au camarade Akimov de nous
expliquer, au moins, dans quel cas nous devrions parler du
prolétariat en général, et du bacille en particulier.
La session est terminée.
TRENTE-DEUXIEME SESSION
(Présents : 43 délégués avec 51
mandats, et 12 personnes avec voix consultative)
Le sujet de discussion suivant était
les statuts organisationnels du Parti. La résolution servant
d'introduction est lue : "Les statuts généraux du Parti lient
toutes les sections du Parti, à l'exception des points qui sont
stipulés dans des appendices spéciaux aux régles et définissant
le rapport des sections aux Parti."
Posadovsky propose une formulation
différente qui est adoptée (voir les Statuts du Parti).
Lieber : Je ne parlerai pas du fond de
la question. La résolution ne peut pas être adoptée dans la mesure
où il n'est pas possible d'adopter des points généraux sans savoir
quelles exceptions seront adoptées par la suite.
Martov : Je ne comprend pas ce que veut
dire le Camarade Lieber. Quand nous aurons voté la résolution, nous
procéderons à la discussion de chaque point des statuts séparément,
et nous les discuterons sur la base du seul principe que nous avons
déjà adopté. Notre position de principe à été décidée et je
pense qu'il serait plus commode pour le Bund de considérer d'abord
l'ensemble des statuts du Parti, parce qu'il sera alors en mesure
d'expliquer sa propre position de principe. Je rappellerais au
camarade Lieber que notre principe organisationnel n'est pas la large
autonomie mais la stricte centralisation.
Goldblatt : Les arguments de Martov
sont faux, à la fois dans le contenu et dans la forme. Pour la
forme, nous avons le droit de demander que nos statuts soient
discutés au point 6 de l'ordre du jour, comme cela a déjà été
décidé et pour ce qui est du contenu, il est important pour nous
que la position du Bund soit claire et bien définie. On nous demande
de diviser les statuts du Bund en sections et de faire correspondre
ces sections séparées avec les points séparés des statuts
généraux du Parti. Mais nous ne pouvons pas le faire dans la mesure
où, dans nos statuts, il y a des points que l'on ne peut faire
coïncider avec aucun point des statuts généraux du Parti. Si cette
proposition est adoptée, alors nous devrons nous abstenir de
participer à la discussion des statuts généraux du Parti jusqu'à
ce que nos statuts aient été discutés.
Martov (point d'ordre) : Au nom de qui
parle le Camarade Goldblatt ? Que devons-nous comprendre par "nous"
?
Akimov : Il me semble impossible qu'une
telle question puisse être posée. Nous n'avons pas à faire à
telle ou telle corporation mais à des délégués dont chacun, bien
sûr, parle pour lui-même.
Martov : Si le Bund est d'accord avec
Akimov, alors au nom de quel "nous" Goldblatt parle-t-il ?
Lieber : Cette interrogation ne devrait
pas avoir sa place ici. Si le congrès le veut, alors, bien sûr,
nous répondrons à cette question.
Plekhanov : La réponse de Lieber ne me
satisfait pas. Si l'on ne peut pas poser de questions, cela revient à
dire que l'hypothèse est juste. Qui donc est le "nous" au
nom de qui parle le Bund ? Nous sommes anxieux de savoir cela parce
que nous accordons une attention particulière à la délégation du
Bund.
Le congrès demande au Bund de faire
une déclaration sur cette question.
Lieber : Je continue à trouver tout
cet incident déplacé. Mais, dans la mesure où on nous demande une
réponse, nous en la donnerons. Nous demandons, et nous insistons
pour, que nos statuts soient discutés d'abord, pas parce qu'ils
constituent un amendement mais parce que nous nous basons sur des
positions qui sont différentes en principe, et nous avons besoin
d'être clairs sur l'attitude du congrès vis-à-vis des principes
qui nous guident. Nous demandons depuis longtemps que les statuts du
Bund soient discutés. Le congrès a rejeté cette requête. J'attire
de nouveau l'attention du congrès sur l'attitude irrégulière
adoptée vis-à-vis de notre demande. Je signale que nous ne
présenterons des amendements que sur les statuts généraux.
Lange : Le Bund propose que nous
reportions la discussion des statuts généraux du Parti. Cela ne
pose pas de problème puisque nous ne connaissons pas le point de vue
général à partir duquel nous devrons considérer les statuts
particulier du Bund.
Trotsky : Nous ne cherchons pas à
éviter une discussion sur les statuts du Bund. Nous dégageons une
procédure pour la discussion. Nous devons décider sur les statuts
généraux du parti et ensuite, à partir de là, déterminer la
place du Bund dans le Parti. Le Parti n'existe pas pour le Bund, mais
le Bund pour le Parti.
Yegorov : Je suis d'accord avec ce qu'a
dit Lange. Mais il n'a pas compris ce que veut le Bund, étant donné
que je considère que le Bund a tort. Nous ne voulons pas le moins du
monde fragmenter les statuts du Bund. Nous les discuterons comme un
tout, mais seulement après que nous ayons discuté des statuts du
Parti.
Lieber : Je ne suis d'accord ni avec le
camarade Yegorov, ni avec le camarade Trotsky. Je met en garde le
congrès contre toute tentative d'interpréter nos paroles de façon
malveillantes et tendancieuses ...
Le Président rappelle l'orateur à
l'ordre.
Lieber (suite) : Je dis que
l'interprétation de Trotsky n'est pas en conformité avec la vérité.
On nous accuse de dire que le Parti existe pour le Bund. Ce n'est pas
vrai. Nous défendons deux positions de principe différentes l'une
de l'autre. On nous dit que le principe sur lequel la majorité se
base est l'autonomie et ceux qui disent cela pensent qu'ils ont dit
quelque chose. La question est alors, à qui veulent-ils appliquer
l'autonomie ? Nous ne mettons pas en avant nos statuts comme quelque
chose au-dessus des statuts du Parti mais comme quelque chose qui
doit être discuté en premier quand nous discutons des statuts du
Parti. Puisqu'il y a une différence de principe entre nous alors, si
vous êtes des hommes de principe, vous clarifierez ces principes.
Lénine : Je ne sais pas s'il est
justifié que je souligne devant le congrès quelque chose qui va de
soi. Il est inouï que la partie vienne avant le tout.
La liste des orateurs est close.
Gorin : Je suis d'accord avec Trotsky
et je pense que le Bund est d'accord avec lui aussi. Essentiellement,
le Bund met en avant son propre projet de statuts du Parti. C'est une
transgression de l'ordre du jour. Nous avons déjà un projet, dont
nous discutons.
Lieber : je tiens à dire que nous
prendrons part à la discussion sur les statuts, mais nous nous
réservons le droit de parler, au moment opportun, des exceptions
concernant le Bund.
Glebov, le rapporteur de la commission
des statuts, dit que les votes en commission étaient tellement
partagés que le premier article des statuts était présenté sous
deux formulations différentes (voir les statuts et la résolution de
Lénine).*
Yegorov dit que l'existence de deux
tendances dans la définition du concept de "Parti" est
devenue apparente. La formulation de Lénine étrécit rétrécit le
concept, tandis que celle de Martov (voir les statuts) l'élargit au
point d'ouvrir la porte au "démocratisme". Nous ne devons
pas oublier que, même si nous sommes une organisation clandestine,
nous sommes aussi liés au larges masses. Je crains qu'après avoir
dit A nous ne devions dire B.
Axelrod : Je pense que nous devons
faire une distinction entre les concepts de "Parti" et
d'"organisation". Ces deux concepts sont confondus ici. Et
la confusion est dangereuse. Laissez-moi rappeler les organisations
strictement secrètes et centralisées du passé : Zemlya i Volya et
Narodnaya Volya. Autour de Zemlya i Volya étaient groupés un grand
nombre de gens qui n'appartenaient pas à l'organisation mais qui
l'aidaient d'une façon ou d'une autre et qui étaient considérés
comme des membres du parti. Narodnaya Volya était encore plus
sélective mais avait le même principe. Ce principe devrait être
encore plus strictement appliqué dans une organisation
Social-démocrate. Et, en fait, prenons par exemple un professeur qui
se considère comme social-démocrate et se déclare tel. Si nous
adoptons la formule de Lénine, nous rejetterons une partie des
membres qui, même s'ils ne peuvent pas être directement admis dans
une organisation, sont cependant des membres du Parti. D'abord et
avant tout, bien sûr, nous voulons créer une organisation des
éléments les plus actifs du Parti, une organisation de
révolutionnaires ; mais, dans la mesure où nous sommes le Parti
d'une classe, nous devons faire attention de ne pas laisser hors des
rangs du Parti des gens qui consciemment, même si peut-être pas
très activement, s'associent à ce Parti.
Martov : La question que nous sommes en
train de discuter est extrêmement importante. Plus nous voulons être
des révolutionnaires, plus nous devons accorder une attention aiguë
au point soulevé par le Camarade Axelrod. Nous sommes ceux qui
donnent une expression consciente à un processus inconscient.
L'organisation du Parti est l'engrenage qui met en mouvement le
travail du Parti au sens où nous entendons ce mot. La question des
droits et devoirs est réglée par l'idée : "voilà le travail
que tu as à faire". Je n'ai pas peur d'une organisation
"conspirative". Les droits d'un membre du Parti, selon
notre projet, consistent à communiquer ses vues et désirs à
l'attention du centre. Il y a un autre droit, former l'opinion
publique, et plus les "conspirateurs" prendrons en compte
cette opinion moins la question des "droits" présentera de
dangers. Qu'il y ait beaucoup d'organisations : elles doivent
s'accroître. Elles ne peuvent pas rejoindre l'organisation du Parti,
mais le Parti ne peut pas continuer sans elles. Plus le titre de
membre du Part sera répandu, mieux ce sera. Nous ne pourrions que
nous réjouir si chaque gréviste, chaque manifestant, répondant de
ses actions, pouvait se proclamer membre du Parti. Pour moi, une
organisation conspirative n'a de sens que quand elle est entourée
par un grand parti social-démocrate de la classe ouvrière.
Kostrov parle des deux tendances qui
sont devenues apparentes dans l'interprétation du concept de "Parti"
et du fait que l'organisation et le Parti ne sont pas la même chose.
Il propose d'unir les deux formulations.
Posadovsky : Deux points de vue sur les
tâches du Parti ont déjà été définies. L'une restreint
l'étendue du Parti, l'autre l'élargit. Il est impossible de réduire
la somme des membres du Parti à la somme des conspirateurs, mais
l'expression "sous le contrôle" définit les relation
internes du Parti de façon trop vague, et je propose qu'elle soit
remplacée par l'expression "sous la direction de".
Karsky considère que la différence
entre les formulations est très importante. La première formulation
prive tout ceux qui ne participent pas personnellement et de façon
directe à une organisation du Parti de la possibilité, non
seulement de se considérer comme membre du Parti, mais aussi, ce qui
est beaucoup plus important, d'aider du mieux de leurs capacités. La
seconde formulation élimine cet inconvénient. Je la soutiens, mais
je suis d'accord avec le Camarade Posadovsky sur le fait que les mots
: "sous le contrôle de" doivent être remplacés par "sous
la direction de".
Brouckère : En discutant du premier
paragraphe des Statuts nous avons abordé une question de très
grande importance - la question organisationnelle. Je ne suis pas
d'accord avec les Statuts comme un tout ni avec l'ensemble de leur
esprit. Je défends le type de système organisationnel sur lequel
est construite l'organisation locale à laquelle j'appartiens - le
Comité de Petersburg pour l'Union des Luttes - et j'aimerais qu'il
soit appliqué aussi à la façon dont le Parti est organisé.
Cette année, le travail
organisationnel a été l'une des tâches principales et, de mon
point de vue, l'une des plus productives menées par le Comité. Vers
la fin de l'année nous avions mis en place une forme d'organisation
que nous considérons comme tout-à-fait bonne, et que je voudrais
appeler parfaite n'était le fait que de nouveaux problèmes se sont
posés à nous, comme il s'en pose à toute organisation vivante.
Même avant la scission, le surgissement du mouvement révolutionnaire
avait rendu chacun conscient du besoin de centralisation mais, tandis
que la majorité des comités, ainsi qu'une des tendances du Comité
de Petersburg, penchaient pour un type d'organisation conspiratif,
comme Narodnaya Volya, nous défendions et défendons le droit de
chaque membre actif de l'organisation d'influencer le travail du
Comité, le droit, en lien avec ses devoirs, d'influencer directement
ou indirectement les élections au Comité central et aux comités
locaux. Nous pouvons maintenant dire que nous n'avons pas de membre
sans droits, comme nous n'en avons pas sans devoirs. De même que les
sympathisants qui, de temps à autre, nous rendent des services ne
peuvent pas être considérés comme des membres, dans la mesure où
dans notre Parti il ne peut y avoir que des membres actifs. A ces
sympathisants nous accordons le droit de s'appeler des
sociaux-démocrates et des sympathisants du Parti social-démocrate ;
un droit dont, incidemment, nous ne pouvons les priver, et nous
pouvons aussi leur accorder gracieusement le droit, que le Camarade
Martov propose d'accorder à tous les membres du Parti comme leur
droit exclusif, en dehors de l'administration du Parti - le droit
d'exprimer leur opinion, et pas seulement de le faire en leur sein,
mais aussi de la porter à l'attention du CC. Tout membre actif
appartient à une structure ou à une autre de l'organisation
(groupes, comités, etc), couvrant chaque forme de travail que chaque
organisation a à mener.
L'expérience de cette année nous a
convaincus que le droit d'influencer la conduite du Parti est un
puissant moyen d'unité, excluant toute possibilité de
mécontentement au sein de l'organisation et ainsi, toute possibilité
de scission. Il élève l'intérêt pour le travail, conduit les gens
vers la vie du Parti et développe toutes les forces actives. Ce
n'est que quand on a ces droits que le Comité Central est le réel
porte-parole des vues de tous les membres ouvriers et ainsi de toute
l'organisation, et seulement alors qu'il agit en accord avec eux. La
force d'une organisation ne réside pas seulement dans les devoirs
qu'elle impose à ses membres mais aussi dans les droits qu'elle leur
confère. Cela doit s'appliquer dans le Parti aussi. Tous ses membres
actifs doivent avoir des droits ; des droits ne peuvent pas être
accordés seulement aux membres actifs, les membres actifs ne peuvent
pas être déconnectés de l'organisation. Cette connexion doit être
régulée. Je suis donc pour cette formulation selon laquelle tous
les membres doivent appartenir à une des organisations. Pour ce qui
est du démocratisme il ne peut pas, bien sûr, en tant que tel,
effrayer un social-démocrate conscient. Mais le Camarade Martov
parle de "soit-disant démocratisme", chose d'inventée
dans le feu de la polémique. Le démocratisme poussé à son terme
idiot est bien sûr, comme toute chose poussée à l'absurde, une
absurdité et donc un non-sens, comme le Camarade Martov l'a montré,
et je suis d'accord avec lui là-dessus, mais je considère que le
type d'organisation qu'il défend est aussi une fabrication
fantastique et un non-sens.
Trotsky : J'ai peur que la formule de
Lénine ne crée une organisation fictive, de celles qui donnent à
leurs membres simplement une qualification mais ne servent pas comme
moyen pour le travail de Parti. On aura créé une "organisation
de combat", comme l'organisation de Tomsk, dont les statuts -
que certains de nous ont lus -, le but, l'essence et la base ne
seront pas une quelconque tâche pratique mais les statuts de
l'organisation eux-mêmes.
Lénine parle brièvement en défense
de sa formulation, soulignant en particulier qu'elle provoque un
stimulus : "Organisez-vous !" On ne devrait pas supposer
que les organisations du Parti doivent être composées seulement de
révolutionnaires professionnels. Nous avons besoin des organisations
les plus diverses, de tous types, niveaux et contours, en commençant
par les extrêmement étroites et secrètes et en finissant par les
très larges, libres, lose Organisationen. L'approbation par le
Comité Central est une condition essentielle pour qu'une
organisation de Parti soit considérée comme telle .
Lyadov considère qu'il est nécessaire
d'ajouter l'exigence d'apporter un soutien matériel au Parti, car il
trouve extrêmement important de spécifier dans ce sens, au moins,
un signe que quelqu'un appartient à une organisation.
Lieber : je suis complètement d'accord
avec les Camarades Axelrod et Martov. Ils ont posé la question
correctement. Le Camarade Lénine n'a rien réfuté et rien prouvé.
J'attire l'attention du congrès sur un point que personne n'a
mentionné. Il y a des sociaux-démocrates qui acceptent le programme
mais qui ne peuvent pas ou ne souhaitent pas rejoindre une
organisation, car ils considèrent qu'ils peuvent être plus utiles
en restant en dehors. Le Parti doit se servir de ces éléments, car
leur aide est souvent substantielle. Le Camarade Lénine mélange la
question de l'organisation et celle des personnes particulières.
Notre tâche n'est pas simplement d'organiser une organisation, nous
pouvons et devons organiser un Parti.
Popov : Après avoir écouté les
interventions des Camarades Martov et Axelrod, je ne voulais pas dire
quelque chose de plus sur la question mais maintenant, après
l'intervention de Lénine qui, pour ce que j'ai observé, a troublé
les camarades, j'ai décidé à nouveau de parler pour poser la
question, une fois de plus, comme elle l'avait été par le Camarade
Martov. Les deux projets diffèrent dans les mots suivants : le
Camarade Lénine dit "participation personnelle" tandis que
le camarade Martov dit "concours personnel". A la fois
Lénine et Martov apprécient l'importance de la signification
organisationnelle de ce point. Comme l'a dit le Camarade Martov, il a
introduit ce point afin d'attirer dans le Parti ces éléments qui ne
sont actuellement ni dedans ni dehors. Le Camarade Lénine poursuit,
à ce qu'il dit, le même but. On lui dit : vous dessinez des limites
trop étroites au Parti, le confondant avec une organisation secrète.
Il répond : par ce moyen je donne un stimulus à l'organisation.
Trotsky, prévoyant cela, dit : vous allez créer des organisations
vides. Lénine répond : cela ne peut pas arriver parce que les
organisations doivent être confirmées par le Comité Central. Le
CC, comme "un esprit qui est présent partout et partout le
même" [Lénine :"Une poigne !"] (1) ou bien, si le
Camarade Lénine le souhaite, comme une poigne qui est présente
partout, qui pénètre dans chaque coin, assigne une organisation à
chacun, donne à chacun un travail à faire. Mais il y a des cercles
très étendus qui prennent une part très active dans notre travail,
mais ne peuvent pas rejoindre une organisation. Je ne parlerai pas du
professeur du Camarade Axelrod ça ne vaut peut-être pas la peine de
s'occuper de lui, mais nous devons nous préoccuper des étudiants
dont parle Lieber et des très larges cercles d'ouvriers dont je veux
parler. Partout, à Petersburg, comme à Nicolayev et Odessa, comme
en témoignent les représentants de ces villes, il y a des douzaines
d'ouvriers qui distribuent de la littérature et font de l'agitation
orale, mais qui ne peuvent pas être membres d'une organisation. Ils
peuvent être liés à une organisation mais ne peuvent pas être
considérés comme membres. Et là est la grande différence entre
nous dans notre compréhension même de ce que signifie appartenir à
une organisation. Pour moi, un membre d'une organisation est
quelqu'un qui prend la responsabilité de ses actes. Et si il prend
cette responsabilité il doit aussi prendre part dans la discussion
et les décisions des questions.
Strakhov : Premièrement, je dois dire
que je ne peux être d'accord avec aucun camarade qui a simplement
parlé pour expliquer les origines du soit-disant "démocratisme"
par l'absence de contrôle sur les activités des organisations
locales. A mon avis, les conditions de l'émergence du "démocratisme"
étaient tout à fait différentes. De toute façon, pour ce qui est
de Petersburg, ce qui doit être mis au premier plan ici est la
non-admission dans l'organisation de l'Union d'ouvriers actifs dans
l'organisation, le refus de les reconnaître comme membres et aussi,
en lien avec ces tendances négatives de l'Union à ce moment, son
incapacité de satisfaire les demandes présentées à lui par les
ouvriers. Cependant, je ne peux pas parler de cela maintenant.
Concernant la question de la qualité de membre qui a été soulevée,
je dois dire que le camarade Martov me considère comme un partisan
de sa résolution seulement sur la base d'une incompréhension. Je
considère la formulation sur la qualité de membre, mise en avant
par le camarade Martov, comme insatisfaisante. Le contrôle qu'il
propose est impraticable. Comme je l'ai dit auparavant, à mon avis,
le seul contrôle effectif et sérieux est celui qu'une organisation
exerce sur ses membres. Sur cette question je suis d'accord avec le
Camarade Lénine.
De façon générale, je voudrais
observer qu'il me semble que les camarades ont parlé ici de deux
choses différentes, comprenant la qualité de membre de deux façons
différentes. Certains, je pense, comprennent les mots "membre
du Parti" dans un sens étroit, comme un membre de
l'organisation centrale du Parti. D'autres soutiennent une définition
plus large, entendant par "membre du Parti" toute personne
en général qui est d'accord avec le programme du Parti et a la
volonté de l'aider. Bien que ne niant en aucune façon l'importance
pratique de la première définition, je dois souligner l'importance
de la seconde, la plus large. Le fait est que notre Parti, comme le
Camarade Lénine l'a dit tout-à-fait justement dans son
intervention, doit nécessairement inclure nombre d'organisations de
types différents, allant de l'organisation centrale du Parti
jusqu'aux syndicats qui rejoignent le Parti. Les membres de tout ces
syndicats, qui acceptent le programme et entrent dans notre Parti,
doivent être considérés comme membres du Parti. Une telle
définition large de la qualité de membre du Parti me semble être
très importante. Elle rend évident, aux yeux de tous, le fait qu'un
Parti qui comprend des organisations ouvrières de toutes sortes est
le réel défenseur de tous les intérêts bien compris des ouvriers.
Cela devient apparent d'emblée à la masse des ouvriers et donc, de
cette façon, on coupe l'herbe sous le pied des Zubatovites et autres
défenseurs hypocrites des "vrais" intérêts ouvriers.
Toute la question est celle-ci : voulons-nous rester une organisation
conspirative ou bien voulons-nous créer un réel parti ouvrier ? Je
suis pour la deuxième solution, et je propose que nous considérions
comme membres du POSDR tout ceux qui travaillent dans une
organisation qui est incluse dans le Parti.
Axelrod : Lénine a attaqué le point
le plus faible de mon intervention. Mais j'ai délibérément choisi
un exemple aussi extrême qu'un professeur qui accepte
inconditionnellement notre programme, et même notre tactique, afin
de démontrer le caractère exorbitant de la formule. Mais comment
allons-nous agir vis-à-vis des groupes d'étude des jeunes gens
révolutionnaires, et en général vis-à-vis des groupes qui
acceptent pleinement le programme et la tactique du Parti, nous
soumettre à la décision de son organisation centrale et déclarer
qu'ils appartiennent au Parti ? Aucun décret, ni personne, ne
peut leur interdire de s'appeler Sociaux-démocrates ou même de se
considérer comme appartenant au Parti. Je suis en faveur d'une
démarcation nette entre Parti et organisation, dans l'intérêt de
cette dernière. On peut être un membre sincère et dévoué d'un
parti Social-démocrate et cependant pas fait pour être membre d'une
organisation de combat strictement centralisée composée de
révolutionnaires professionnels. D'un autre côté, le Parti du
prolétariat ne doit pas, pour cela, être réduit au confinement
étroit d'une organisation conspirative qui devrait considérer des
centaines et même des milliers de prolétaires conscients comme
extérieurs au Parti, non membres de celui-ci. Comme il est formulé
par Lénine, le paragraphe 1 contredit directement en principe la
nature même et les buts du parti Social-démocrate du prolétariat.
Mais je constate que je frappe à une porte ouverte puisque le
camarade Lénine, avec ses cercles périphériques qui doivent être
considérés comme appartenant à l'organisation du Parti, vient à
ma rencontre. Il ne reste que le cas des individus, mais là aussi
nous pourrons nous entendre.
Martynov : Nous assistons à quelque
chose d'étrange. Les camarades qui parlent en défense de la
résolution de Martov, qui élargit les limites de notre parti, se
référent dans leurs arguments à la brochure de Lénine "Que
faire ?". Ils affirment justement que, d'après cette brochure,
notre organisation devrait être composée seulement de
révolutionnaires professionnels. Si c'est ainsi, disent-ils, il n'y
a pas de place dans l'organisation pour l'ensemble du Parti. L'auteur
de "Que faire ?", qui veut par sa résolution réduire les
limites du Parti, et qui a admis l'autre jour qu'il avait tordu la
barre, nous assure maintenant qu'il ne conçoit pas l'organisation
comme étant aussi étroite qu'il l'a indiqué dans sa brochure et
que dans le Parti, de même que dans l'organisation des
révolutionnaires professionnels, il y aura aussi de la place pour
des lose Organisationen. Cela étant, il dit qu'il n'y a rien de
terrible à réduire le Parti jusqu'aux limites de son organisation.
Evidemment, il ne serait pas difficile
pour nous de provoquer un conflit à propos des frontières du Parti,
si nous décidions de façon non-ambiguë quelle sorte d'organisation
nous voulons avoir dans ce Parti. Une invraisemblable confusion de
concepts s'est révélée parmi nous sur cette question. Certains ont
dit ici que notre organisation doit être centralisée et clandestine
(konspirativnaya) et, par conséquent, conspirative. Je dis qu'il n'y
a pas de "par conséquent" à ce propos, que ces idées ne
sont pas identiques, même si le mot konspiratsiya, dérivé du
français, est utilisé à la fois comme synonyme de "conspiration"
et aussi dans le sens d'activité "clandestine".
Bien que reconnaissant que notre
organisation doit être centralisée et extrêmement clandestine, je
dis en même temps qu'elle doit être différente en principe et
fondamentalement, d'une organisation conspirative. Ces deux types
d'organisation présupposent des bases de classe complètement
différentes. Le type conspiratif ne peut pas être prolétarien,
mais doit être un parti radical, se basant sur des éléments
démocratiques divers, sujets aux modes politiques variables et
changeantes. Notre Parti est basé sur le prolétariat, sur une
classe ayant une tendance historique définie. Dans la mesure où les
conspirateurs ne sont pas soutenus par une masse, unie par des
tendances uniformes et durables, et sont liés à quelques personnes
dans leur activité, ils agissent secrètement, dans le dos de ceux
dont ils défendent les intérêts et utilisent les modes changeantes
de ces franges pour des combinaisons politiques arbitraires. Une
organisation révolutionnaire social-démocrate est une autre
affaire. Elle est simplement le porte-parole conscient du mouvement
de classe du prolétariat. Elle n'agit pas dans le dos du prolétariat
mais simplement le guide, l'aidant à devenir conscient de ses
intérêts et de combattre pour ceux-ci de façon consciente et
délibérée.
En conséquence, l'organisation
sociale-démocrate des révolutionnaires professionnels (dans les
comité central et locaux), à la différence d'une organisation
conspirative, doit être organiquement liée aux masses, et en
particulier aux masses prolétariennes, par tout un réseau
d'organisations plus ou moins larges, un tissu plus ou moins serré.
Je le répète, l'organisation social-démocrate doit toujours être
strictement centralisée et, sous les conditions politiques de la
Russie, elle doit être strictement clandestine, mais sa nature même
ne peut jamais être conspirative. Si nous reconnaissons ce principe
sans aucune ambiguïté, il ne devrait pas être difficile pour nous
de régler la question des limites de notre Parti.
Akimov : Je suis d'accord avec ce qu'a
dit le Camarade Martov et j'espère que cela ne lui causera aucun
tort. Je suis d'accord avec la formule présentée par Martov non pas
parce qu'elle définit exactement les relations que je désire voir
exister entre le Parti et l'organisation, mais simplement parce
qu'elle fait un pas en avant sur le chemin d'une solution correcte du
problème.
La session est close.
=================================
* Résolution de Lénine : "Est
membre du POSDR celui qui accepte son programme et soutient le Parti
par une participation personnelle dans l'une des organisations du
Parti."
Programme du parti
ouvrier social democrate adopté au Second Congrès du Parti
Le développement de l'échange a
établi des liens si proches entre tous les peuples du monde civilisé
que le mouvement de la grande libération du prolétariat doit avoir,
et a été en fait long à le devenir, un caractère international.
En ce qui nous concerne, formant un des
détachements de la grande armée mondiale du prolétariat, les
social-démocrates russes poursuivent le même but ultime vers lequel
tendent les social-démocrates de tous les autres pays.
Ce but ultime est déterminé par la
nature actuelle de la société bourgeoise et la façon dont elle se
développe.
La principale caractéristique de cette
société est la production de marchandises sur la base des rapports
de production capitalistes, dans laquelle la partie la plus
considérable et importante des moyens de production et de l'échange
des marchandises appartient à la classe des personnes la plus petite
numériquement, quand la majorité écrasante de la population est
consitituée de prolétaires et de semi-prolétaires qui doivent de
par leur situation économique d'un côté continuellement et
périodiquement vendre leur force de travail, c'est à dire, devenir
des ouvriers salariés pour les capitalistes, et créer par leur
travail, du profit pour les plus hautes classes de la société.
La sphère dans laquelle prévalent les
rapports de production capitalistes s'étend toujours plus largement,
proportionnellement au constant perfectionnement de la technique, à
la croissance du poids économique d'entreprises à grande échelle,
comme résultat de l'expulsion des petits producteurs indépendants,
en transformant certains en prolétaires, comprimant le rôle de ceux
qui restent dans la vie sociale et économique, et à la place en les
assujetissant plus ou moins complètement , d'une façon plus ou
moins évidente et plus ou moins sévère sous la dépendance du
capital.
Le même progrès technique rend les
entrepreneurs capables de se servir à une toujours plus grande
étendue du travail des enfants et des femmes dans le procès de
production et de circulation des marchandises. Ensuite, d'un autre
côté, il mène à un relatif rétrécissement de la demande de
travail humain vivant des entrepreneurs, la demande de force de
travail passe au second plan derrière la marchandise, avec comme
résultat la dépendance du travail salarié de la croissance du
capital et du degré auquel il est exploité qui va croissant.
Cet état des affaires des pays de la
bourgeoisie, et la rivalité mutuelle entre ces pays sur le marché
mondial, qui croît continuellement de façon plus intense, leur crée
même plus de difficulté pour trouver des débouchés pour les
marchandises qui sont produites en quantités sans cesse croissantes.
La sur-production, qui manifeste de
façon plus ou moins aigüe les crises industrielles, qui sont
suivies par des périodes plus ou moins prologées de stagnation
industrielle, constitue une conséquence inévitable du développement
des forces productives dans la société bourgeoise. Les crises et
les périodes de stagnation industrielle à leur tour ruinent
davantage les petits producteurs, acroissent même plus la dépendance
du travail salarié au capital, et conduisent plus rapidement à une
détérioration relative (et quelques fois aussi absolue) de la
position de la classe ouvrière .
Ainsi, le perfetcionnement technique,
qui signifie productivité accrue du travail et croissance de la
richesse sociale, implique, dans la société bourgeoise, une plus
grande inégalité sociale, un élargissement du gouffre entre ceux
qui ont et ceux qui n'ont pas, et un accroissement de la précarité
de l'existence, le chômage, et toutes autres sortes de privation
pour des sections toujours plus larges des masses ouvrières.
Mais comme toutes ces contradictions,
qui sont inhérentes à la société bourgeoise, croissent et se
développent, et aussi le mécontentement du peuple travailleur
grandit et des masses exploitées par l'ordre des choses dominant, le
nombre et la cohésion du prolétariat se développent, et la lutte
entre le prolétariat et ses exploiteurs s'intensifie. Au même
moment, le perfectionnement technique, la concentration des moyens de
production et d'échange et la socialisation du procès du travail
dans les entreprises capitalistes, crée à une toujours plus grande
vitesse les conditions matérielles pour remplacer les rapports de
production capitalistes par les socialistes - c'est à dire, pour la
révolution sociale qui est le but ultime de toute l'activité du
mouvement social-démocrate international, en tant qu'expression
consciente du mouvement de classe du prolétariat.
En substituant la propriété sociale à
la place de la propriété privée des moyens de production et
d'échange, et en introduisant l'organisation planifiée du processus
de la production sociale, afin d'assurer le bien-être et le complet
développement de tous les membres de la société, la révolution
sociale du prolétariat abolira la division de la société en
classe, et par conséquent libèrera toute l'humanité opprimée,
jusqu'à ce qu'elle mette fin à toute forme d'exploitation d'une
partie de la société par une autre.
La dictature du prolétariat est une
condition indispensable pour cette révolution sociale, c'est à
dire, la conquête par le prolétariat d'un tel pouvoir politique qui
sera capable de supprimer toute résistance des exploiteurs.
Mettant en avant lui-même la tâche de
rendre apte le prolétariat à remplir sa grande mission historique,
le mouvement social-démocrate international organise le prolétariat
en un parti politique indépendant opposé à tous les autres partis
bourgeois, orientant toutes les manifestations de sa lutte de classe,
exposant avant lui la contradiction irréconciliable d'intérêts
entre exploiteurs et exploités, et lui expliquant la signification
historique, et les pré-conditions nécessaires pour la révolution
sociale imminente. En même temps il révèle à tout le reste des
masses travailleuses exploitées l'aspect sans espoir de leur
position dans la société capitaliste et la nécessité de la
révolution sociale par égard pour leur propre libération du joug
du capital. Le parti de la classe ouvrière, le parti
social-démocrate, fait appel aux rangs de toutes les sections de la
population travailleuse exploitée, afin qu'elle se joigne au point
de vue du prolétariat.
Dans le sens de parvenir au même but
ultime, qui est conditionné par la domination du mode de production
capitaliste dans le monde civilisé, les social-démocrates des
différents pays doivent prendre en charge les différentes tâches
immédiates, à la fois parce que ce mode de production ne s'est pas
développé partout au même degré et parce que son développement
dans les différents pays vient à maturité sous une variété de
circonstances socio-politiques.
En Russie, où le capitalisme est déjà
devenu le mode de production dominant, il y a encore de nombreuses
survivances du vieil ordre pré-capitaliste, qui était basé sur
l'esclavage des masses travailleuses par les propriétaires terriens,
l'Etat ou le souverain. Retardant le progès économique sur une
grande étendue, ces survivances inhibent un développement complet
de la lutte de classe du prolétariat, et contribuent au maintien et
à la consolidation des formes les plus barbares d'exploitation de
plusieurs millions de paysans par l'Etat et les classes possédantes,
et maintiennent le peuple dans l'ignorance, privé de droits.
La plus importante de ces survivances
et le plus puissant rempart de cette barbarie est l'autocratie
tsariste. Par nature elle est hostile à tout progrès social et ne
peut être que l'ennemi le plus malveillant contre le combat du
prolétariat pour la liberté.
Par conséquent, le parti ouvrier
social-démocrate de Russie présente comme sa tâche politique la
plus immédiate le renversement de l'autocratie tsariste et son
remplacement par une république démocratique dont la constitution
garantirait :
1. La souveraineté du peuple - c'est à
dire, la concentration du pouvoir d'Etat suprême dans les mains
d'une assemblée législative composée de représentants du peuple
et formant une simple chambre.
2. Suffrage universel, égal et direct
pour les élections à la fois à l'Assemblée législative et aux
organes locaux d'auto-gouvernement, pour tous les citoyens et toutes
les citoyennes qui ont atteint l'âge de 20 ans ; scrution secret aux
élections : droit de chaque votant d'être élu dans tout corps
représentatif ; assemblées parlementaires bi-annuelles ; paiemnt
des représentants du peuple.
3. Extensibilité de
l'auto-gouvernement local ; auto-gouvernement pour toutes les
localités qui se distinguent par des conditions spéciales par
respect pour leur mode de vie ou les coutumes de la population.
4. Inviolabilité de la personne et du
domicile.
5. Liberté sans restriction de
conscience, de parole, de publication et de réunion, liberté de
faire grève et liberté de s'associer.
6. Liberté de voyager et de se livrer
à toute occupation.
7. Abolition des états sociaux, et
complè!te égalité des droits pour tous les citoyens,
indépendamment du sexe, de la religion, de la race et de la
nationalité.
8. Droit pour la population de recvoir
une éducation dans leur langue maternelle, d'être assurée de
disposer des écoles nécessaires dans ce but, aux frais de l'Etat et
des organes d'auto-gouvernement; le droit pour chaque citoyen de
s'exprimer dans les réunions dans sa propre langue; l'usage de la
langue maternelle sur une base égale avec celle du langage de l'Etat
dans toutes les institutions étatiques, publiques et locales.
9. Droit à l'autodétermination pour
toutes les nations incluses dans les limites de l'Etat.
10. Droit pour toute personne de
poursuivre tout officiel devant un jury, par les canaux habituels.
11. Juges élus par le peuple.
12. Remplacement de l'armée par
l'armement universel du peuple.
13. Séparation de l'Eglise et de
l'Etat et l'école de l'Eglise.
14. Enseignement libre, obligatoire et
général de tous les enfants, des deux sexes jusqu'à l'âge de 16
ans : les enfants pauvres seront alimentés, vêtus et dotés de
livres aux frais de l'Etat.
Comme conditions fondamentale pour la
démocratisation de nos finances étatiques, le POSDR en appelle à
l'abolition de toutes les taxes indirectes et à l'établissement
d'une taxe progressive sur le revenu et l'héritage.
Dans l'uintérêt de sauvegarder la
classe ouvrière de la dégradation physique et morale, et aussi afin
de développer sa capacité pour la lutte pour la liberté, le Parti
en appelle :
1. à la limitation de la journée de
travail à 8 heures sur une journée de 24 heures, pour tous les
travailleurs salariés.
2. à la disposition légale d'une
période de repos hebdomadaire, continue et d'une durée minimale de
42 heures, pour les travailleurs salariés des deux sexes, dans
toutes les branches de l'économie.
3. Une proscription totale des heures
supplémentaires.
4. Interdiction du travail de nuit
(entre 9 heures du soir et 6 heures du matin) dans toutes les
branches de l'économie, à l'exception de celles où il est
absolument nécessaire et permis par les facteurs techniques qui sont
endossés par les organisations des ouvriers.
5. il est interdit aux employeurs
d'utiliser le travail d'enfant en âge scolaire (jusqu'à 16 ans), et
limitation de la journée de travail des adolescents (16-18) à six
heures.
6. Interdiction du travail féminin
dans toutes les branches où c'est nuisible pour l'organisme
féminin; les femmes doivent disposer d'un congé de travail de
quatre semaines avant la naissance de l'enfant et de six semaines
après, avec paiement du salaire correspondant au taux usuel au cours
de cette période.
7. Construction en lien avec toutes les
usines et autres entreprises où travaillent des femmes pour les
crêches pour bébés et jeunes enfants; décharger de travail les
femmes qui nourrissent leurs bébés, à des intervalles de pas plus
de trois heures, pour des périodes de pas moins d'une demie heure.
8. Assurance étatique des ouvriers
face à la vieillesse et face à toute perte partielle de la capacité
de travail, financée par un fond spécial qui sera levé par une
taxe spéciale sur les capitalistes.
9. Interdiction du paiement des
salaires en nature ; paiement des salaires à la semaine et en
liquide à verser dans le cas de tous les accords pour l'emploi des
travailleurs sans exception.
10. Il est interdit aux employeurs
d'opérer des déductions sur les salaires pour toute raison et
indépendamment de l'intention (amendes, travail de détective, etc).
11. Nomination d'un nombre adéquat
d'inspecteurs d'usines dans toutes les branches de l'économie, et
extension de la portée de la supervision par les inspecteurs de
fabriques de toutes les entreprises employant des travailleurs
salariés, y inclus les entreprises gouvernementales (le travail des
domestiques doit être aussi soumis à cette supervision); nomination
de femmes inspecteurs pour ces branches où sont employées les
femmes; participation des représentants élus des ouvriers, payés
par l'Etat, en vérifiant la mise en pratique de la législation
d'usine, et aussi en établissant des taux de salaires et par
l'acceptation ou le rejet du matériel ou du travail accompli.
12. La supervision par les organes
d'auto-gouvernement local, avec participation de représentants élus
des ouvriers, des conditions sanitaires des habitations assignées
aux travailleurs par leurs patrons, associés avec les arrangements
internes de ces habitations et les termes pour lequelles elles sont
louées - avec l'idée de sauvegarder les ouvriers salariés de
l'interférence des patrons dans leur vie et leur activité en tant
que personne privées et citoyens.
3. Etablisement d'inspections à
proprement parler organisées pour la santé dans toutes les
entreprises employant sous contrat de travail, toute l'organisation
médico-sanitaire doit être totalement indépendante des patrons ;
l'aide médicale gratuite pour les ouvriers aux frais des patrons,
avec continuité de la paye pendant la maladie.
14. La violation par les patrons des
lois pour la protection du travail doit être considérée comme une
offense criminelle.
15. Etablissement dans toutes les
branches de l'économie de tribunaux industriels, composés d'un
nombre égal de représentants des ouvriers et des patrons.
16. Les organes d'auto-gouvernement
local doivent être responsables de la mise en place de bureaux
(embauche) pour aménager l'emploi des ouvriers, à la fois local et
pour les nouveaux arrivants, dans toutes les branches de la
production, avec la participation dans le fonctionnement de ces
bureaux de représentants des organisations des ouvriers.
Afin d'éliminer les survivances du
servage qui pèse comme un fardeau directement sur les paysans, et
dans l'intérêt du libre développement de la lutte de classe à la
campagne, le Parti revendique, d'abord et avant tout:
1. Annulation du remboursement des
loyers payés à crédit, et aussi de tout autre forme d'obligation
imposée aujourd'hui aux paysans en tant que taxe foncière.
2. Rappel de toutes les lois qui
restreignent la liberté des paysans à disposer de leurs terres.
3. Retour de la somme d'argent
extorquée aux paysans comme remboursement et loyers payés à
crédit; confuiscation, à cet effet, des propriétés de l'Eglise et
des monastères et aussi de l'apanage des terres de la couronne et de
celles appartenant aux membres de la famille impériale; imposition
d'une taxe spéciele sur les domaines des membres de la noblesse
foncière qui ont bénéficié d'emprunts de remboursement; l'argent
récolté de cette façon devra être payé à un fond public pour
les besoins culturels et les besoins d'assistance des communautés
rurales.
4. Etablissement de comités paysans :
(a) pour la restauration des communautés rurales (par
l'expropriation ou, dans le cas où la terre a changé de
propriétaire, par l'acquisition par l'Etat aux frais des larges
strates de la noblesse) des terres qui ont été réduites et
enlevées aux paysans quand le servage a été aboli et qui
maintenant servent aux propriétaires terriens comme moyen de garder
les paysans en servitude; (b) pour donner la propriété de ces
terres aux paysans dans le Caucase sur lesqulles ils avaient
travaillé en tant que serfs-journaliers temporaires, khizani et etc;
(c) pour rejeter les survivances des rapports de servage qui sont
encore intacts dans l'Oural, dans l'Altaï, dans l'ouest du
territoire et dans d'autres parties du pays.
5. Accordant aux cours de justice le
droit de réduire massivement les loyers élevés et de déclarer
nulle et non valide toute transaction impliquant la servitude.
En essayant d'atteindre ces buts
immédiats, le POSDR soutient tout mouvement oppositionnel et
révolutionnaire dirigé contre l'ordre politique et social dominant
en Russie, alors qu'en même temps il rejette résolument toute
proposition de réforme qui soit liée avec n'importe quelle forme
d'expansion ou de renforcement de la tutelle de la police et de la
bureaucratie officielle sur les classes laborieuses.
Pour sa part, le POSDR est fermement
convaincu que la réalisation complète, cohérente et durable des
changements politiques et sociaux mentionnés, n'est accessible qu'à
travers le renversement de l'autocratie et la convocation d'une
Assemblée constitutante élue librement par tout le peuple.
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Règles organisationnelles du POSDR,
adoptées au second congrès du Parti
Résolution. Les règles générales du
Parti sont fixées pour toutes les sections du Parti. Des exceptions
sont définies dans des appendices spéciaux aux règles.
REGLES
1. Est membre du POSDR celui qui
accepte le programme du Parti, soutient financièrement le Parti , et
s'engage à une assistance personnelle régulière sous la direction
de l'une de ses organisations.
2. L'organe suprême du Parti est le
Congrès du Parti. Il est convoqué (si possible, au moins tous les
deux ans) par le Conseil du Parti. Le Conseil du Parti peut convoquer
un Congrès si celui-ci est demandé par des organisations du Parti
regroupant la moitié des votes au congrès. Un congrès est
considéré comme valide si y sont représentées les organisations
qui ensemble sont habilitées à représenter plus de la moitié des
votes.
3. Sont habilités à la représentation
au congrès :
(a) le Conseil du Parti ;
(b) le Comité Central ;
(c) l'Organce Central ;
(d) tous les comités locaux qui
n'appartiennent pas à des associations spéciales :
(e) les autres organisations qui sur
les mêmes positions que les comités.
(f) toutes les associations de comités
reconnues par le Parti. Chacune des organisations mentionnées doit
être représentée au congrès par un simple délégué, avec deux
votes, et le Conseil du Parti par tous ses membres, chacun avec un
vote.
La représentation des associations
doit être définie par des règles spéciales.
Note 1. Le droit d'être représenté
n'est permis que par les organisations qui ont été reconnues au
moins un an avant le congrès.
Note 2. Le comité central a le pouvoir
d'inviter à participer au congrès, avec voix consultative, les
délégués des organisations qui ne remplissent pas les conditions
de la note 1.
4. Le congrès nomme les cinq membres
du Conseil du Parti, le Comité Central, et l'équipe de rédaction
de l'organe central.
5. Le Conseil du parti est nommé par
l'équipe de rédaction de l'organe central et le comité central,
qui envoie deux membres de chacun au conseil : les membres du conseil
en état d'arrestation doivent être remplacés par les corps qui les
ont nommés ; le cinquième membre doit être remplacé par le
conseil lui-même.
Le conseil du parti est la plus haute
institution du parti. Sa tâche est d'accorder et de coordonner
l'activité du comité central et de l'équipe de rédaction de
l'organe central, et de représenter le parti dans les échanges avec
les autres parties. Le conseil du parti de reconstituer le comité
central et l'équipe de rédaction de l'organe central le cas échéant
si tous les membres de l'un ou l'autre de ces corps se trouvent hors
d'agir.
Le Conseil organise des réunions
chaque fois que cela est requis par un des centres du parti, c'est àd
dire, l'organe central ou le comité central, ou par deux membres du
conseil.
6. Le comité central organise les
comités, les associations de comités et toutes les autres
institutions du parti, et dirige leurs activités; il organise et
conduit les entreprises d'importance pour tout le parti; il répartit
les forces du parti et les ressources, et a la charge de la
trésorerie centrale du parti; il examine les conflits à la fois
entre et dans les différentes institutions du parti, et en général
coordonne et dirige toute l'activité pratique du parti.
Note. Les membres du comité central ne
peuvent être en même temps membres de tout autre organisation du
parti, excepté le conseil du parti.
7. L'équipe de rédaction de l'organe
central est responsable de la direction idéologique du parti.
8. Toutes les organisations appartenant
au parti ne prenne en charge de façon autonome que le travail
concernant spécialement et exclusivement la sphère de l'activité
du parti pour laquelle elles sont nommées.
9. Excepté les
organisations mises en place par le congrès du parti, toutes les
autres organisations du parti sont soumises à l'approbation du
comité central. Toutes les décisions du comité central sont
applicables par toutes les organisations du parti, lesquelles sont
aussi obligées à contribuer financièrement, par une somme fixée
par le comité central, à la trésorerie centrale du parti.
10. Tous les membres du parti, et
quiconque a un rapport de loyauté avec le parti, ont le droit de
demander que toute déclaration soumise par lui soit placée, avant
le comité central ou l'équipe de rédaction de l'organe central, ou
le congrès du parti.
11. Toute organisation du parti doit
fournir à la fois au comité central et à l'équipe de rédaction
de l'organe central toute information concernant tous les aspects de
son activité et de tous ses membres.
12. Toutes les organisations du parti
et tous les corps constitués du parti prennent les décisions par le
simple vote majoritaire, et ont le droit de coopter des membres. Pour
coopter des membres ou les expulser, une majorité des deux tiers est
nécessaire, à moins qu'il n'y ait une objection raisonnable. Appel
peut être fait au conseil du parti concernant toute décision
organisationnelle sur la cooptation ou l'expulsion de membres.
La cooptation de nouveaux membres au
comité central et à l'équipe rédactionnelle de l'organe central
nécessite un vote unanime. Dans les cas où la cooptation au comité
central ou à l'équipe de rédaction de l'organe central n'est pas
approuvée unanimement, la question peut être soumise au conseil du
parti, et, dans le cas d'une cassation par le conseil de la décision
prise par le corps concerné, cele doit être décidé par un simple
vote majoritaire.
Le comité central et l'équipe de
rédaction de l'organe central doivent s'informer mutuellement des
nouveaux membres nouvellement cooptés.
13. La Ligue des social-démocrates
révolutionnaires russes à l'étranger, comme seule organisation du
POSDR hors de Russie, a pour tâche d'assumer la propagande et
l'agitation à l'étranger et d'aider aussi le mouvement en Russie.
La Ligue a tous les droits possédés par les comités, excepté
celui concernant le soutien au mouvement en Russie à travers les
personnes et groupes nommés spécialement nommés par le comité
central.
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Principales résolutions
adoptées au second congrès du POSDR
- Sur la place du Bund dans le parti.
- Sur l'organe central du parti
(résolution des membres du groupe Ioujny Rabotchy et autres)
- Sur les organisations territoriales.
- Sur les organisations locales.
- Sur le travail parmi les sectes.
- Quel témoignage donner sous
interrogatoire policier.
- Sur l'attitude envers les Libéraux
(animés par Starover)
- Sur l'attitude envers les Libéraux
(animés par Plekhanov)
- Sur les Socialistes-Révolutionnaires.
- Sur les manifestations.
- Sur la lutte syndicale.
- Sur les pogromes contre les Juifs.
- Sur les shop stewards.
- Sur la présentation de la
propagande.
- Sur l'attitude envers la jeunesse
étudiante.
- Sur le congrès d'Amsterdam.
- Sur les publications du parti.
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Sur la question de la "conscience extérieure", Lénine fait une réponse qui révèle sa gêne face à la réplique de Rosa, après celle de Martynov, dans le fameux un pas en avant où c'est Lénine qui fait... un pas en arrière (si si relisez!)
lire ici:
marxists.org|Par tiaf@marxists.org
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