«Il y a quelques années, un beau film appelé
Intolérance fit un succès sur les écrans. Dans un raccourci de l’histoire et de
ses luttes tragiques, il voulait mettre en valeur la thèse selon laquelle
l’origine de tous les maux humains et de toutes les tragédies sociales résidait
dans un fait intellectuel et moral, l’incompréhension, la dure obstination à ne
pas admettre et ne pas respecter les opinions d’autrui. Thèse apte à émouvoir
le parterre, thèse totalement cohérente avec la littérature laïque et la
libre-pensée ! C’est cette position que le marxisme a voulu renverser une fois
pour toutes. Ce n’est pas la tolérance qui fait cheminer le monde. Elle soumet
et attache les classes opprimées et soumises au conformisme des privilégiés.
L’histoire s’ébranle quand le troupeau humain s’écarte des illusions de la
tolérance. Peu d’hommes sont des loups pour l’homme, trop sont des moutons. Les
dominations de classe vacillent lorsque, dans le processus des formes
organisées de la production, de violentes incompatibilités avec les engrenages
traditionnels poussent l’avant-garde d’une classe jusqu’alors à genoux à se
débarrasser de l’hypocrisie de la tolérance, pour emprunter la grande et
intolérante voie de la Révolution ».
BORDIGA (1949)
Sans que l’on s’aperçoive d’un
début ou d’une claire démarcation dans l’histoire de la société moderne une
idéologie s’est imposée, comme si elle était de toute éternité et
indiscutable : l’idéologie multiculturaliste, certes importée et fabriquée
par de lointains cercles intellectuels, et devenue religion d’Etat laïque,
polythéiste, antiraciste, antifasciste, donc résolument moderne et conviviale.
Pas si conviviale qu’elle n’en a l’air puisqu’elle suscite d’abord des
réticences, étonnements et ensuite mises en cause pas toujours clairvoyantes.
L’identité multiculturaliste il faut le dire d’emblée a remplacé globalement
les intérêts de classe distincts. Elle constitue une gigantesque diversion face
à la nature réelle (internationaliste) du prolétariat, en prétendant le bafouer
sur son propre terrain historique de transformation de la société. Elle est en
réalité un fractionnement, une balkanisation généralisée de la société. Les
élites ont placé au premier plan le « culturel » ou
« cucultuel » qui est d’essence de domination de la classe bourgeoise
par excellence. Dans le domaine culturel, le prolétariat, du fait qu’il est
soumis à l a subordination économique,
se voit interdit de toute participation à la production culturelle et par
conséquent avec la nouvelle morale « multiraciale » qui va avec.
Selon le marxisme considéré comme passéiste et dégénéré par les élites
dominantes, le prolétariat comme classe exploitée universellement inclut évidemment
les immigrants de travail, pas les rentiers ou voyous en vadrouille. Dans le
cadre du multiculturalisme – philosophie post-socialiste - le scandale n’est
plus lié aux rapports de production mais à la tolérance antiraciste. Au nom de
la considération non plus des classes sociales mais des ethnies, la bourgeoisie
moderne proclame l’indifférenciation tout autant qu’une différentiation
hypocrite où défilent des catégories vagues: couches moyennes, couches
paupérisées, femmes, homosexuels, etc. Un nationalisme culturel se marie avec
un antiracisme progressiste. Le multiculturalisme ne prétend pas s’attaquer aux
structures économiques hiérarchisées économiques et politiques qui produisent
les inégalités de classe. Des réaménagements superficiels qui ont la prétention
de « révolutionner les mentalités » occupent régulièrement les unes
de l’actualité bourgeoise. Les campagnes idéologiques ininterrompues ne
suppriment en réalité aucunement les différences, les clivages de
« races », de fortune, de condition sociale. Au contraire elles les
aggravent : les noirs se sentent encore plus noirs, les femmes encore plus
muselées et battues. La classe ouvrière est désormais une classe d’exclus par
carence culturelle ; il faut remonter à la féodalité pour retrouver un tel
mépris des « manants » ; même les nazis n’osaient pas ainsi
dauber les travailleurs. La classe ouvrière, limitée aux derniers bastions
d’industrie concentrée, est présentée comme une classe consumériste, déficiente
philosophiquement pour ne pas dire moralement, qui ne devrait pas se plaindre
puisqu’elle bénéficie d’un traitement de faveur dans la redistribution des
leçons de… morale « citoyenne » indifférenciée. Sans parler des
chômeurs qui bénéficient de la « charité publique ». On mesure avec
ce terme combien l’hyménée entre l’Etat et les diverses cliques religieuses
sert à déconstruire toute opposition politique de classe face à la prééminence
de l’évaluation culturelle des dominants, qui, comme on le verra dans la
deuxième partie, planifie une ghettoïsation générale du magma
multiculturaliste ; et enfin, dans la troisième partie, comment ce mariage
de l’obscurantisme et du profit sans fin aboutit à réinstaurer les pires
conditions d’exploitation, en confirmant les prolétaires dans un sentiment
d’impuissance et de malheur.
1. LA
MUTATION MULTICULTURELLE :
« Dans tous les pays avancés, patrons et
hauts fonctionnaires internationaux, intellectuels médiatiques et journalistes
de haute volée se sont mis de concert à parler une étrange novlangue dont le
vocabulaire, apparemment surgi de nulle part, est dans toutes les
bouches : « mondialisation » et « flexibilité » ;
« gouvernance » et « employabilité » ;
« underclass » et « exclusion » ; « nouvelle
économie » et « tolérance zéro » ; « communautarisme »,
« multiculturalisme » et leurs cousins « postmodernes »,
« ethnicité », « minorité », « identité »,
« fragmentation », etc. ». [1]
La nouvelle doctrine est venue évidemment de la principale puissance
planétaire, les Etats Unis, ancienne colonie qui a connu, au cours de son
évolution capitaliste, une successive et incessante arrivée massive
d’immigrants de tous les pays. Sans jamais modifier les rapports de classe ni
mettre fin aux inégalités sociales sexistes et raciales, la bourgeoisie
américaine a pris le relais de la britannique face au danger communiste du
début du siècle dernier par l’affirmation du libéralisme comme
« valorisation de la diversité », qui est devenu en effet un
« multiculturalisme d’Etat » avant que les plus vieilles nations
européennes n’en prennent la mesure et l’intérêt indéniable pour la paix
sociale, ou même l’impuissance sociale et politique des désavantagés des
classes inférieures. Ce n’est pas le moindre culot des anciennes puissances
coloniales, à la suite des guerres du Vietnam et d’Afghanistan, d’avoir inventé
ce « droit à la différence » qui suppose une repentance formelle des
exactions passées lors du pillage colonial et qui efface de la mémoire le
développement inégal du capitalisme et son caractère profondément décadent. Le prolétariat assimilé au stalinisme n’était-il pas au pouvoir « intolérant » ? N’a-t-il pas pour héritier naturel le terrorisme opaque qui justifie toutes les politiques d’armement sophistiqué et l’omniprésence policière physique et informatique ?
Dans la fragmentation des identités, toute revendication de classe ne peut être considérée que comme égoïste et ringarde. Le multiculturalisme considère toute contestation comme forcément raciste et nationaliste. Le multiculturalisme détient désormais le monopole de « l’humanité ».
Le multiculturalisme a fait sa
première apparition dans l’espace public français en 1978 selon Dimitris
Parsanoglou[2], dans
l’affiche du Comité de liaison alphabétisation et promotion (Clap) avec
la formule : « Vers une société multiculturelle – vivre
ensemble, c’est possible. A bas le racisme, cultivons les différences ».
Néanmoins, il a d’emblée été perçu comme un produit d’outre-Atlantique
récemment importé en Europe. Ainsi, toute référence au multiculturalisme
s’effectue en comparaison avec le système politique et les conditions
socioculturelles des Etats-Unis ».
Cette idéologie trouve immédiatement
des relais intellectuels en France
« Expression forte de l’État-nation,
société nationale très intégrée, est attachée à des valeurs républicaines et au
principe de la laïcité […] résiste à toute reconnaissance des particularismes
culturels dans la vie politique, où elle ne veut connaître que des
individus-citoyens. Elle ne peut donc traiter les différences culturelles de la
même manière que d’autres pays, dont la tradition politique est plus ouverte,
qu’il s’agisse par exemple du système des “piliers” de la Belgique ou des
Pays-Bas, ou de la place des lobbies dans le système américain»[3].
L’auteur note
d’emblée la difficulté de définition du multiculturalisme s’ajoute la
polymorphie et l’hétérogénéité du discours multiculturaliste. La recherche
fournit une pléthore d’adjectifs qui peuvent être accolés au terme
multiculturalisme : managed, corporate, consumerist,
ludic, imperial, critical, resistance, transformative,
revolutionary, insurgent, thin/weak, thick/hard,
militant, maximalist, liberal, fluid, left-liberal,
civique, conservative, pluralist, left-essentialist,
egalitarian, democratic, encyclopedic, difference
etc. Jan Nederveen Pieterse énumère ainsi 47 types de multiculturalisme. Nous
ne présenterons ici que certains de ces types – les plus
importants – afin de rendre compte de cette diversité ».
Nous n’allons
pas reprendre la longue série des sortes de multiculturalisme qu’analyse
l’auteur, mais nous ne pouvons qu’être frappé par son aspect, non pas
humanitaire mais très « commercial » dans ses premiers balbutiements
encore imperceptibles dans les médias, même s’il ne l’attribue qu’au
« managed culturalism » : « … la préoccupation
principale est l’exploitation de la valeur potentielle de la différence. Le multiculturalisme
managé a comme prétention la gestion la plus efficace, en termes de
rentabilité économique, de la diversité culturelle. Comptant parmi les
principes les plus centraux du management des entreprises multinationales, le corporate
multiculturalism est une sorte d’ « évangile » pour la
meilleure diffusion des produits de consommation. L’effet Benetton, Coca
Cola ou CNN exploitent la diversité à travers sa
commercialisation extrême dans un espace économique de plus en plus mondialisé.
D’où l’entraînement et le recrutement par certaines entreprises multinationales
des cadres d’origines culturelles différentes, spécialisés dans la promotion de
produits dans des marchés culturellement diversifiés ».
« Le multiculturalisme libéral qui prône le respect – ainsi que la reconnaissance politique – de la différence culturelle va de pair avec l’insistance sur les principes politiques libéraux qui sont par essence universalistes. Ceci implique l’existence d’une culture qui s’enrichit d’éléments différents. La question cruciale reste toujours l’unum de ce E pluribus unum qui prédomine dans l’idéologie nationale américaine tout au long de son histoire ».
Le premier élève du multiculturalisme a été le Canada qui depuis 1976 se veut officiellement multiculturaliste.
Le philosophe
canadien Kymlicka distingue deux types de sociétés : les sociétés
multinationales et les sociétés multiethniques. Au sein des premières, existent
des minorités nationales, à savoir des populations autochtones : les
sociétés post-coloniales (Etats-Unis, Canada, Australie et d’autres) servent
d’exemple. Ces minorités méritent, selon Kymlicka, des droits particuliers
parce qu’elles sont territorialement concentrées, elles ont une culture plus ou
moins structurée et elles sont souvent protégées par des traités
internationaux. Le second type de sociétés sont celles qui
« accueillent » des immigrés ; pour ces derniers Kymlicka
suggère qu’ils ont abandonné volontairement leurs pays et par conséquent le
droit à leurs cultures. Donc, il reconnaît à la société libérale le droit de
« forcer » les immigrés de respecter la culture de la société
d’accueil (to compel respect) ». Or comme le note justement
Dimitris, l’immigration n’est jamais un choix volontaire mais une contrainte
économique pour les prolétaires, et une aventure très dangereuse comme chaque
jour nous le confirment les drames au large de Lampedusa.
Arrêtons-nous un instant sur
l’intéressante réflexion de Dimitris concernant le « multiculturalisme
essentialiste de la gauche » : « Ce type de multiculturalisme
traite la différence comme une essence, indépendamment de l’histoire
et des transformations culturelles. Il s’agit de ce que Paul Gilroy appelle un
« radicalisme de racines » (roots radicalism) ou
« absolutisme ethnique » qu’embrassent certaines variantes gauchistes
de multiculturalisme. Il s’agit d’un multiculturalisme qui se veut cultivé et
propagé par le bas, sans avoir la prétention d’arriver à des
formulations générales voire sociétales. Le souci principal – souci d’ailleurs
partagé par les multiculturalistes critiques – est le renforcement (empowerment)
des groupes minoritaires concernés ». Il y adjoint le
« multiculturalisme critique » : « Issus du milieu
contestataire de divers mouvements sociaux qui ont émergé aux Etats-Unis
pendant les années 1960-70 et inscrits dans le mouvement de la « théorie
critique », des intellectuels « progressistes » prétendent
rénover cette dernière. Leurs principales sources d’inspiration sont le
néo-marxisme de l’École de Francfort, le post-structuralisme de Foucault et le
déconstructionnisme de Derrida ». Les « multiculturalistes critiques »
lient la question de la différence culturelle à la distribution du
pouvoir et des ressources. Dans ce cas, la préoccupation principale n’est plus
la seule célébration de la différence mais le renforcement des groupes
opprimés. Si l’oppression – terme privilégié par rapport à la notion
de domination qui renvoie aux théories structuralistes – n’est pas un
thème nouveau (c’était un point de repère pour les chercheurs marxistes), ce
sont en revanche les outils analytiques qui le sont. Le concept de classe
sociale, prédominant dans les analyses des années 1960-70, est remplacé par
d’autres concepts / catégories (race, ethnicité, genre, etc.) ou leur
est associé ».
Très pertinent, et cela va nous
permettre de répondre à la critique du gauchisme par les identitaires et les
théoriciens de l’extrême droite[4].
Un canadien, Jérôme Blanchet-Gravel croit avoir décelé un reniement du
gauchisme, ce qu’il nomme mutation, où le gauchisme ne serait plus ce qu’il
était dans sa collusion avec la grande foire multiculturaliste :
« Le marxisme entendait donc lui aussi faire
table rase d'un passé religieux qu'il considérait comme révolu et oppressant.
Avec raison, les marxistes considéraient la religion comme un instrument
destiné à assujettir les populations et à maintenir celles-ci indéfiniment dans
un état d'ignorance. Toutefois, une grande mutation a eu lieu. Le gauchisme, par
sa nouvelle adhésion inconditionnelle au multiculturalisme, semble maintenant
avoir plus en commun avec la droite économique qu'avec une certaine gauche
d'autrefois. La gauche mise dorénavant sur des libertés individuelles qui ont
toujours été perçues par les socialistes à travers l'histoire comme des
caprices idéologiques que réclamait la bourgeoisie industrielle. Le refus du
collectif - de l'unité - de la nation - illustrés par l'aversion des
intellectuels de gauche envers le projet laïque québécois, contraste beaucoup
avec les visées révolutionnaires des siècles derniers. Autrement dit, la gauche
s'est profondément métamorphosée. Son opposition au projet de Charte des
valeurs québécoises traduit la montée d'un «islamo-gauchisme» qui ne cadre
absolument pas avec ce qu'elle a déjà été. Des partisans de Québec solidaire
brandissent aujourd'hui le spectre de la haine de la religion tandis que des
féministes qui se sont battues aux côtés des marxistes encouragent
officieusement le port du voile pour les femmes au service de l'État québécois.
L'image en dit long. Si la gauche n'y voit pas d'incohérence, qu'elle persiste
à s'opposer au projet : qu'elle assume.
Le gauchisme n'est plus ce qu'il était et ses adhérents devront l'admettre et le réaliser ».
Le gauchisme n'est plus ce qu'il était et ses adhérents devront l'admettre et le réaliser ».
L’extrême
gauche n’est plus en effet que la concurrente de l’extrême droite dans une
perpétuelle recherche d’un coin des médias pour grappiller des parcelles de
pouvoir, au niveau syndical, le temps d’une campagne électorale, sur un plateau
de télévision. Au temps du stalinisme, le gauchisme avec ses variantes
trotskiennes et anarchistes, prétendait se battre pour un projet socialiste
mondial, mais en n’étant que la mouche du coche stalinien c'est-à-dire à la
remorque de la fraction capitaliste d’Etat régnant dans les zones arriérées. Le
gauchisme trotskien (cf. dit de la IVème Internationale) surtout estudiantin
soutenait déjà les catégories : les libérations nationales fumistes, le
black power, le féminisme etc. Sa lutte pour le pouvoir, pour « renverser
le capitalisme » n’était qu’une pitoyable farandole incrédible et qui
n’abusa jamais la masse du prolétariat. Si mutation il y eût que cet auteur
nous permette de la juger comique : après avoir tant conspué le méchant
impérialisme US, ils ont tous fini, y compris les restants de leurs
« comités centraux » par se dissoudre dans la nouvelle idéologie
américaine bâtie, il faut le prendre en compte, après la grande peur du
prolétariat en action de la fin des années 1960 aux années 1980. La montée en
mayonnaise de la Shoah en avait été d’ailleurs le prolégomène. Mutation ne veut
pas dire changement de place dans l’idéologie bourgeoise. Que les fils des
« porteurs de valise » en Algérie soient devenus les porteurs d’eau
de l’idéologie multiculturaliste ne signifie pas qu’ils auraient abandonné un
combat révolutionnaire. Ils se sont adaptés aux nouvelles modes idéologiques de
leur classe d’appartenance, tant les floués de base réduits à une retraite
dérisoire que les parvenus qui ont fait carrière dans les oligarchies
« socialistes ». Ils restent la mouche du coche bourgeois et ils
croient pouvoir en être fiers. Avec leur faire-valoir de l’extrême droite ils
n’aiment jamais tant qu’à jouer les procureurs et les donneurs de leçon, au
service de n’importe quelle minorité « opprimée » ou même de leur
tolérance néo-marxiste pour des religions bien installées et complices dans
l’Etat bourgeois comme on le verra dans la partie suivante avec l’exemple de
l’Etat italien[5].
Revenons à
Dimitris qui va abonder dans notre sens lorsqu’il continue à traiter des
« multiculturalistes » gauchistes (critiques), où l’on retrouve leur
même position que face au stalinisme ou en faveur de tous les gangs
insurrectionnalistes des barbus tiersmondistes : « … la préoccupation
principale n’est plus la seule célébration de la différence mais le
renforcement des groupes opprimés (…) Le concept de classe sociale, prédominant
dans les analyses des années 1960-70, est remplacé par d’autres
concepts/catégories (race, ethnicité, genre etc.) ou leur est associé ».
Mais il va
plus loin, s’appuyant sur divers auteurs, et confirme la démarche
intellectuelle abstraite typique de cette fraction de la petite bourgeoisie
(enseignante et libérale), en relevant sa prétention « culturelle » -
vieille réminiscence de la fameuse hérésie léniniste « la conscience
apportée de l’extérieur » - à la remorque du tournant culturel des
« sciences sociales » à la fin des années 1970 : « Ce
« processus révolutionnaire » a détrôné le paradigme précédent, fondé
sur le concept de classe sociale, pour un nouveau paradigme où prédomine celui
de culture »[6].
« Dorénavant, la structuration des sociétés du
monde occidental n’est plus déterminée par les rapports de production, mais par
les rapports culturels, entendus par la plupart des chercheurs multiculturalistes
comme ethniques. Le poids des facteurs socioculturels s’accroît dans la
définition de l’espace social. (…) Une
conséquence directe de ces déplacements est le remplacement de la notion d’inégalité
par la notion de différence. Par conséquent, ce qui
divise les groupes – conçus comme des groupes culturels et non plus
comme groupes sociaux – c’est la différence entre
eux. Sous le prisme d’un pluralisme culturel abstrait basé sur la tolérance
mutuelle – celle-ci, à son extension logique, implique la tolérance
des groupes opprimés face aux points de vue dominants – la domination reste
hors du débat. L’inégalité et la hiérarchisation qui régissent les rapports
sociaux s’effacent progressivement en vertu de l’utilisation du concept de
culture ».
Même si cet auteur n’est pas
marxiste, et partisan d’une démocratie tempérée, sa conclusion est sans
équivoque en citant un autre auteur : « Ceux qui diffusent ces idées
appartiennent à « une nouvelle élite cosmopolite et globalisée » qui
fait elle-même l’expérience d’un « agréable cosmopolitisme culturel »
lequel s’accompagne pourtant d’un « effrayant cosmopolitisme économique ».
L’ONU avait proclamé 1993 « l’année des peuples indigènes ». Le
slogan officiel pour l’intégration politique de l’Union européenne est
« l’Unité dans la diversité » en référence à l’ancien Barbariste JF
Lyotard : «Ce double processus, qui inscrit la particularité dans la
globalité et inversement, entraîne des résultats radicalement opposés à ceux du
nationalisme du XVIIIe, du XIXe, et d’une grande partie
du XXe siècle. Le mouvement universaliste se dirige cette fois-ci
vers l’extérieur tandis qu’à l’intérieur, on constate une diversification et
fragmentation de plus en plus accentuées. Les identités culturelles déviantes
des « canons » nationaux, s’élèvent au niveau international
et se présentent comme une valeur positive, unanimement acceptée ».
Nous devons travailler à mieux
comprendre : « … les contradictions du multiculturalisme tel qu’il
est fabriqué principalement par les intellectuels : une vision du monde
qui a été élaborée dans les universités – surtout
américaines – mais qui, désormais, s’efforce d’envahir les espaces
publics dans tous les coins de la planète. Il s’agit, certes, d’un travail considérable
mais il s’avère pourtant indispensable si nous voulons comprendre les vraies
raisons qui nous ont conduit à l’idée que notre monde n’est plus celui que nous
avons connu ».
Non ce monde n’est pas vraiment
différent de celui que nous avons connu et justement parce qu’il continue à
dénier toute existence et projet politique au prolétariat en l’empêchant de se
reconstituer par l’idéologie multiculturaliste qui a supplanté le poids
paralysant du stalinisme, mais avec le même dogmatisme au service de la
bourgeoisie.
2
2. Une nouvelle religion d’Etat :
La gouvernance
du territoire national par l’Etat obéit à son tour à des politiques liées à
l’idéologie en vogue. On se rappelle les projets de politique de la ville par
les Tapie et Borlo, à la suite de la crise dans les grands ensembles qui a vu
la destruction de grandes barres d’immeubles « anxiogènes » des
sixties favorisant concentration de la misère et émeutes. A notre petite
échelle nous ne savons rien des grands projets territoriaux concoctés par les
services bureaucratiques de l’Etat. On découvre un projet d’autoroute ou des
constructions bizarres au détour d’une rue. Me rendant dernièrement au
cimetière du village où ont vécu mes parents mon attention fût attirée par une
rangée de maisonnettes neuves style HLM à niveau humain, où jouaient dans la
rue des petits enfants noirs en majorité. J’étais étonné connaissant la
mentalité des gens du Loiret. Egalement en banlieue éloignée du sud de Paris
j’avais aperçu ce type de logements dans des recoins paumés habités surtout par
des paysans avec une population noire. Puis je suis tombé sur Atlantico sur un
article d’un professeur, Pierre Vermeren :
« Depuis les années 2000, la Bretagne, qui était
jusqu’alors la région la moins concernée de France par l’immigration
internationale, est en passe de rattraper son retard. Sous l’influence des élus locaux des grandes villes,
soucieux d’étendre le multiculturalisme, et de la politique du Ministère de
l’Intérieur, qui répartit la charge migratoire annuelle dans les départements
de faible immigration, les grandes villes bretonnes (Nantes, Rennes, Brest,
Saint-Brieuc…) sont désormais dotées de solides communautés migrantes
maghrébines, afro-antillaises et est-européennes. Au moment où une partie de la
population des bourgs, faute d’emplois, tente de refluer vers des capitales
régionales en crise, la concurrence s’exacerbe pour le logement, les aides et
l’emploi. La situation pourrait allègrement faire basculer
politiquement la région, et gonfler un vote Front national jusqu’alors très
faible, ainsi que le pointe le géographe Christophe Guilluy, voire
un régionalisme identitaire attisé par d'autres forces (en février 2013, un
sondage pour Bretons Magazines vite enlevé des kiosques indiquait que 18% des
sondés Bretons se prononçaient pour l'indépendance…). Chômage,
crise agricole, industrielle et culturelle, résistance fiscale et écologique,
incompréhension de l’Etat jacobin, déchristianisation, la lutte des Bonnets
rouges est sans conteste un signal périlleux pour les autorités nationales et
locales en place ».
Pour mettre fin aux ghettos encourager « la
diversité », l’Etat crée ainsi d’autres ghettos certes éparpillés. On va
voir avec l’exemple de l’Italie en quoi il ne fait qu’encourager la pagaille.
Alessandro Ferrari[7] explique d’abord comment
l’Etat s’est ouvert aux religions. Sur Atlantico un Christophe Bouillaud
expliquait déjà le rôle de l’Eglise : « L'intégration des
immigrés a largement été laissé à la "société civile". L'Église
catholique italienne est à la source de certaines filières d'immigration, comme
celle très célèbre désormais des Philippins. L'ensemble du monde associatif
catholique, en particulier la Caritas qui a longtemps produit les chiffres qui
font autorité sur l'immigration, s'est mobilisé. Les entreprises qui, dans les
années 1990-2000, ont demandé de la main d’œuvre, sont aussi une source forte
d'intégration. On a pu remarquer non sans amusement que les petits patrons,
"racistes et xénophobes" en parole, de la Vénétie traitaient plutôt
bien les ouvriers africains qu'ils employaient, en leur trouvant parfois un
logement par exemple. De fait, dans ces années 1990-2000, la société
civile avait un réel besoin d'immigrés, pour faire tourner les usines,
s'occuper des personnes âgées, servir dans un fast-food, etc., d'où une
intégration plutôt facile en fait. L'État italien n'a fait en fait
qu'entériner par des lois ce que la société avait en pratique décidé. S'il n'y
a personne pour s'occuper de votre grand-mère qui est incapable de vivre seule,
vous êtes bien content d'avoir une immigrée moldave ou roumaine d'une
cinquantaine d'années pour s'occuper d'elle. Les immigrés sont venus pour
travailler dans une société qui manque de jeunes prêts à assumer des tâches
ingrates et mal payées – comme dans les années 1960-70 en France. Probablement,
avec la crise économique, les choses vont devenir plus compliquées. A ma
connaissance, les immigrés ne repartent pas massivement comme ils le font
depuis l'Espagne. Comme toujours en Italie, il faut aussi faire des
distinctions régionales : il vaut sans doute mieux être un immigré qui
travaille pour l'industrie en Vénétie que dans l'agriculture en Calabre ou en
Sicile... ».
Maryse Bresson qui décrivait la « boboisation
violente » des grandes villes estimait elle que : « Les
politiques de logement ayant permis et même encouragé les regroupements par
« préférence sociale », ont aussi une part importante de
responsabilité ».
En Italie donc, les politiques ont concrétisé le
« vivre ensemble » avec l’imposante confrérie catholique toujours
mais aussi avec les « nouveaux acteurs culturels des divers courants de
l’islam ». La reconnaissance de ces acteurs est toujours faite d’en haut
par l’Etat qui les bombardent « interlocuteurs privilégiés ». « Privilège »
accordés aux diverses religions comme représentant la seule altérité face à
l’Etat enfermant ainsi tous les citoyens dans des catégories religieuses = fin
de l’homo economicus, place à l’homo religiosus ! Dans ce partenariat
étatique domine bien sûr la traditionnelle confrérie catholique. Les différentes
cliques religieuses qui fonctionnent structurellement aux frais de l’Etat sont
présentes dans tous les secteurs de la société civile : écoles hôpitaux,
armée, police, prisons, sans oublier le monopole des médias publics et privés[8]. La
« diversité » reconnue par l’Etat n’est qu’un meilleur cloisonnement
de l’ordre social. L’Etat est à l’écoute des gangs religieux qui crient le plus
fort, c’est une « constante du pluralisme contemporain » !
La discrimination constante de la classe ouvrière passe
complètement inaperçue, simplement parce qu’elle est devenue illisible en
dehors du discours généraliste qui en réfère à « l’égalité des
religions », le droit à « l’identité religieuse » d’une société
multiculturaliste. On parle même de « classe musulmane ». L’auteur
nous narre la tentative, à Milan, de regrouper des jeunes filles d’origine
arabe au sein d’une classe spécifique d’un lycée[9]. Il faut donc prendre note
d’une érosion de la séparation des sphères civile et religieuse.
L’accompagnement des « transformations de la
société » visant à offrir l’égale « liberté de tous les cultes »
va même par exemple jusqu’à imposer un laxisme juridique, « protection
pénale du sentiment religieux » : « après avoir démantelé le
seul privilège du centre catholique le parlement a institué la jurisprudence du
« droit tempéré » pour « assurer l’intégration plus que
l’interdiction-exclusion ». Ainsi avait été toléré longtemps l’excision
comme « coutume très répandue dans certaines communautés » ![10]
Au niveau de la politique territoriale du logement, comme
en France, il y a une collaboration directe des édiles des régions à
l’implantation du multiculturalisme avec une programmation de « politiques
d’intégration » avec ceux des villes « les plus stables » :
« par un lien permanent entre appareils bureaucratiques et personnel
politique ». Mais au niveau national au pays du truand Berlusconi règne
l’absence d’une politique claire sur l’immigration. Localement tout est
possible : attribution d’un jour de congé pour la fin du ramadan ou la
nouvelle année chinoise[11].
Certaines régions se prononcent, dans le cadre
multiracialiste, pour le droit de vote aux immigrés résidents tartufferie
évidemment soutenue par les élites gauchistes qui font croire que l’électeur
peut jouer un rôle et afficher son avis quand les autochtones savent déjà qu’on
choisit les candidats à leur place et qu’ils n’ont aucun moyen de leur demander
des comptes une fois dans la place.
L’Etat italien est plus américanisé que le français,
considérant que « la religion ne peut pas être considérée comme une
affaire privée ». Mais le crucifix étant maintenu dans les écoles
italiennes, cela n’attriste pas notre auteur qui pense que, ainsi, cela devrait
permettre à terme le port du voile islamique par les élèves ou les
enseignants ! Tout ce folklore religieux qui dissout si bien au quotidien
toute identité de classe exploitée !
La conception multiculturaliste est donc la seule vraiment
universaliste contre « l’étroitesse identitaire » du prolétariat. La
loyauté étatique des confréries religieuses n’est-elle pas le meilleur antidote
contre la dangerosité prolétarienne ? Preuve que ce multiculturalisme est
de « gauche », il suffit de le poser face à la Ligue du Nord qui
réclame, non pas la défense de l’identité de classe (c’est ringard) mais les véritables
« racines culturelles et religieuses ethnicisées et purifiées ».
L’Etat multiculturaliste (mais bien paternaliste) lutte contre « les
pathologies sociales », les « pulsions nationales » « les
prurits sociaux », contre la laïcité « séparatiste » qui limite
le « pluralisme » multiracial et multireligieux. Ne défend-il pas la
forme évoluée de la « société multiculturelle contemporaine », car,
comme tout italien unifié tardivement Alessandro Ferrari, de l’Ecole des hautes
études en sciences sociales, estime que
« sous les cendres de l’Etat n’existe même plus la nation ». Alors
vive le multiculturalisme et le football à gogo ?
3 3.
L’ENVERS
DU MULTICULTURALISME
Ce multiculturalisme triomphant qui prétend accomplir le paradis
sur terre éclate littéralement dans la réalité et pour ne pas t’ennuyer lecteur
je ferai simplement référence au drame de Lampedusa et aux incroyables
conditions d’exploitation à Sotchi, la riviera russe. Il y aurait des livres à
écrire sur les conditions terribles qui sont réservées aux immigrés du monde
entier comme les massacres par les cartels de la drogue au Mexique, les razzias
en Afrique etc. La cruauté du monde capitaliste est d’autant plus honteuse
qu’il prétend ouvrir des portes multiculturalistes et qu’en réalité elles se
referment partout avec des mâchoires sanglantes.
Le cas de la Russie n’est pas un modèle d’application studieuse du
multiculturalisme, mais tous les pays européens expulsent aussi sans ménagement
« une fois qu’ils n’ont plus besoin des surexploités » qui, eux-mêmes
sont déconsidérés par leurs frères de classe « autochtones », vus
comme des identités concurrentes dans le chaos capitaliste où n’a jamais mieux
régné le diviser pour régner et où personne n’entrevoit de solutions sous les
polémiques stériles de bateleurs de foire électorale.
SUREXPLOITATION DES TRAVAILLEURS IMMIGRÉS
CHEZ POUTINE
En septembre 2013, Alexandre Tkatchev, le gouverneur
de la région de Krasnodar, dont Sotchi fait partie, avait appelé à la création
de "brigades d'intervention" composées de policiers, d'hommes des
services de l'immigration et de volontaires pour "nettoyer" les rues
de la ville à quelques mois des JO, du 7 au 23 février 2014. Au cours des
"rafles" qui ont suivi, des centaines de personnes ont été
interpellées, "pour la plupart des travailleurs immigrés dont beaucoup ont
été ciblés en raison de leur apparence non slave", déplore HRW. "Il est
scandaleux que des travailleurs immigrés qui ont aidé à construire les
nouvelles enceintes olympiques se retrouvent en détention et expulsés"
pour avoir prétendument séjourné
irrégulièrement en Russie, a critiqué Jane Buchanan, directrice de HRW pour
l'Europe et l'Asie centrale. Ces opérations se sont poursuivies alors même
qu'une délégation du Comité international olympique se trouvait à Sotchi fin
septembre pour une dernière visite d'inspection, a-t-elle ajouté, appelant le
CIO à dénoncer de telles méthodes. En ce moment, "les tribunaux à Sotchi
prononcent tous les jours 15 expulsions", affirme M. Simonov, estimant que
les autorités cherchent ainsi à "obtenir le soutien de la population, et
en particulier des nationalistes", à l'approche des JO. Ces opérations témoignent
de la montée des sentiments anti-immigrés et ultranationalistes en Russie, à
l'image de celles lancées à la mi-octobre par la police de Moscou au lendemain
d'émeutes xénophobes après le meurtre d'un jeune Russe par un homme originaire
d'Azerbaïdjan. Plus de mille personnes avaient été interpellées en une journée
sur un marché de gros où travaillent essentiellement des immigrés
d'ex-républiques soviétiques d'Asie centrale et du Caucase.
Depuis 2007, Sotchi est un chantier à ciel
ouvert. Sur un territoire grand comme un département français, autrefois quasi
vierge d'installations sportives, quelque 60 000 ouvriers, parmi lesquels de
nombreux travailleurs immigrés d'anciennes républiques soviétiques, participent
aux constructions de bâtiments, nouvelles routes et voies de chemin de fer.
Mercredi 6 janvier, l'ONG Human
Rights Watch (HRW) a publié un rapport dénonçant les formes "d'escroquerie
et d'exploitation" dont sont victimes des travailleurs immigrés
employés sur ces sites, et a reproché à la Russie de fermer les yeux sur ces abus. A partir des témoignages d'une soixantaine d'entre eux, HWR
dresse un sombre tableau : des salaires payés à moitié, versés le plus souvent
en retard, voire jamais, des passeports et permis de travail confisqués, et des
semaines de travail à rallonge avec des journées de douze heures, et seulement
une journée de repos par quinzaine... Plusieurs de ceux qui se sont plaints de
leur sort à leurs employeurs ont été dénoncés aux autorités et expulsés du
territoire.
Des
travailleurs-immigrés sous-payés sur les chantiers des JO de Sotchi, puis
expulsés par la police ; un environnement dégradé par les constructions
tous-azimuts, avec des « dégâts considérables » à déplorer… Tout au long des
préparatifs des Jeux, les critiques ont fusé de la part de diverses ONG et
d’associations. En outre, à l’été 2013, des appels au boycott de la compétition
ont été lancés pour protester contre la nouvelle loi russe sur l’homosexualité,
interdisant la « propagande de relations sexuelles non traditionnelles »
auprès des mineurs. Comme quoi les gauchistes russes font là aussi diversion
par rapport à la scandaleuse surexploitation des prolétaires immigrés, en
rabaissant la protestation à la défense d’une revendication catégorielle
sociétale (comme les gauchistes français avec leur apologie du féminisme à l’époque
des grandes grèves).
Des installations sportives derniers cris, des
conditions d’hébergement de qualité, un nouvel aéroport, deux gares, 400 km de
réseau routier, 77 ponts et 12 tunnels. Bienvenue à Sotchi, petite station
balnéaire entre la mer Noire et les montagnes du Caucase, qui acceuillera du 7
au 23 février 2014 les participants et visiteurs des JO. Un chantier colossal
qui a fait appel à des dizaine de milliers de travailleurs dont des migrants.
Dans un rapport de Human Rights Watch (HRW), une ONG qui
défend les droits humains, 66 travailleurs migrants ont déclaré avoir été
soumis à diverses formes d’abus et d’exploitations : comme le paiement partiel
des salaires ou encore la confiscation des documents d’identités comme leur
passeport ou leur permis de travail . Ils étaient la plupart d’originaires
d’Arménie, du Kirghizstan, de Serbie, du Tadjikistan, d’Ukraine ou encore
d’Ouzbékistan.
Des travailleurs migrants souvent pauvres,
isolés, parlant mal le russe. Selon Human Rights Watch, la très grande majorité
des travailleurs interrogés faisaient des cycles de travail de 12 heures, sept
jours par semaine. Tout cela pour environ 1,35 euro de l’heure, et un salaire
moyen allant de 340 à 450 euros. Sans compter les problèmes de logement
constaté par l'ONG. Pour exemple, jusqu'à 200 personnes entassées dans une
maison.
« Ça fait six-sept mois
que j'attends l'argent »
Dans un récent communiqué Human Rights Watch a
dénoncé « l'exploitation de travailleurs immigrés sur les sites olympiques,
incluant de sérieux retards de paiement ou des non-paiements de salaires, le
refus de fournir des contrats de travail écrits et permis de travail tel que
l'exige la loi ».
Un migrant du chantier de la nouvelle gare
ferroviaire en face du parc olympique, s'est confié à l' Agence France Presse:
« Pendant six mois j'ai été payé avec du retard, mais maintenant, ça fait
six-sept mois que j'attends l'argent. »
Plutôt que de prendre des « initiatives
efficaces pour mettre un terme à l'exploitation abusive des travailleurs
immigrés par des sociétés sans scrupules, les autorités semblent
davantage préoccupées à interpeller et expulser (de Russie) des
ouvriers qui ont essayé de se plaindre du traitement abusif de leurs employeurs
», a aussi constaté HRW.
L’objectif de Poutine – qui a offert des voitures de luxe Audi aux athlètes russes médaillés aux
JO de Londres et qui aime comme tous les populistes s’exhiber parmi les
champions – est d’affirmer la puissance du Kremlin dans une opération de
prestige olympique. La "parfaite organisation" des JO vise à flatter
le nationalisme russe, mais aussi à parachever une stratégie de légitimation
diplomatique sur la scène internationale.
De sinistres précédents – des Jeux de
la croix gammée à Berlin en
1936 aux Jeux de la répression du Tibet et du Laogaï à Pékin en 2008, en passant par les Jeux du goulag à Moscou en 1980 – confirment le rôle du CIO dans la
consolidation des tyrannies et régimes militaro-policiers.
Les JO ne sont pas seulement en effet des
"festivités de la jeunesse" où se distinguent des professionnels de
l’exploit tarifé, et fréquemment dopés, mais des manifestations de diversion
politique ou des écrans de rêve médiatiques qui masquent le cauchemar réel de
l’oppression, de l’exploitation et de la misère multiculturaliste.
Quel évènement va permettre au prolétariat
universel de reprendre l’initiative du combat pour l’assaut du ciel ? Qui
sait
[2] Dimitris
Parsanoglou ,
« Multiculturalisme(S) », Socio-anthropologie [En ligne],
15 | 2004, mis en ligne le 15 juillet 2006, Consulté le 31 octobre
2013. URL : http://socio-anthropologie.revues.org/416
[3] M.
Wieviorka, Une société fragmentée ? Le multiculturalisme en débat,
Paris, La Découverte. Et à sa suite les E.Fassin, sans oublier les initiateurs
comme A.Touraine, D.Schnapper, Habermas.
[4] Des fous furieux ont fait des gauchistes le mal
suprême, pour éradiquer le multiculturalisme avec une méthode armée similaire
pour « éveiller les masses » mais sur une base franchement plus
débile que raciste : «Une des manifestations les plus répandues de la
folie de notre monde est le gauchisme, alors une discussion sur la psychologie
du gauchisme peut servir d'introduction à la discussion des problèmes de la
société moderne en général», peut-on lire dans le manifeste de
Kaczynski. Behring Breivik se contente
de modifier «gauchisme» par «multiculturalisme». Pour
Unabomber –et c’est peut-être là les thèses qui ont séduit l’auteur des deux
attentats norvégiens–, le progrès technologique conduit à un désastre
inéluctable, il faudrait donc un nouveau mouvement révolutionnaire voué à
l'éradication de la société technologique.
Un mouvement qui, selon lui, devrait tenir à l'écart les «gauchistes»,
qu’il assimile à la société moderne. Cela résonne avec la déclaration de
Behring Breivik qui revendique froidement «l’usage du terrorisme comme un
moyen d’éveiller les masses» et entend lutter contre le multiculturalisme
de la société norvégienne.
[5] Blanchet-Gravel nomme sarcastiquement le nouveau
gauchisme, plutôt gauchisme renouvelé « écologisme humanitaire » avec
son allié bourgeois- féministe, mais n’arrive pas à se défaire de la notion de
gauche passée socialiste, sans voir qu’elle est passée définitivement à la
conservation sociale, et est trop jeune pour savoir qu’on peut se battre en
politique hors des deux cerveaux reptiliens de la bourgeoisie et hors du
créneau facho : « Quand des «féministes conçoivent le voile comme le
prolongement légitime d'un enracinement identitaire qu'il ne faudrait surtout
pas saboter pour préserver «l'ordre naturel» de la femme musulmane, je pense
surtout à la montée d'une nouvelle droite. Une gauche qui ne pense plus
l'humain comme une entité capable de faire fi du poids des traditions n'est
plus une gauche. C'est de toute évidence une étrange droite conservatrice qui
enferme la liberté humaine dans des cellules ethniques, culturelles ou
biologiques ».
[6] Les hérauts de ce virage sont bien
connus, Touraine (Vers la société post-industrielle, 1976), Gorz (Adieux au
prolétariat, 1980) et l’inévitable Wieviorka (« lépuisement historique du
mouvement ouvier). Des puces intellectuelles nommés communisateurs ont cru
pouvoir faire fortune sur ces ruines de l’idéologie décadente, et aussi Claude
Bitot dernièrement aux Cahiers Spartacus. Mais en vain.
[7] « Laïcité et
multiculturalisme à l’italienne » (2008).
[8] Avec avantages fiscaux aux
diverses sectes religieuses, exemption fiscale seulement pour les groupes
reconnus avec leurs « ministres du culte ».
[9] L’auteur, en partie contaminé
lui aussi par la vertu multiraciale, en déplore l’échec face à la
« tradition nationale », signalant par contre que, à Florence
l’expérimentation de « classes chinoises » n’a pas donné lieu à
scandale !
[10] Le comité national de bioéthique
qui donne son avis « tempéré » fournit un « cadre
théorique » pour la légitimation de pratiques telles que la circoncision
masculine et l’abattage rituel. Comme quoi la réputation de laxisme de Taubira
et consorts n’est pas une nouveauté chez les voisins européens, mais une
volonté… d’intégration même en tolérant l’intolérable !
[11] Les bureaucrates du Piémont ont
accordé 120.000 euros au profit de l’hospitalisation gratuite pour la
« circoncision rituelle ». La tolérance de l’Etat religieux italien
admet aussi les reconductions familiales même de nature polygamique, l’enjeu
étant « l’intérêt de l’enfant » qui permet à la mère d’entrer en
Italie non en tant que deuxième épouse mais en tant que mère…
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