Présentation du nouveau livre de Claude
Bitot par l'auteur suivie d'une discussion
(voir bref résumé rédigé par l'auteur ci-joint)
le jeudi 4 juillet 19h
au CICP, 21ter rue Voltaire Paris 11e, RdC salle "L'Internationale"
(voir bref résumé rédigé par l'auteur ci-joint)
le jeudi 4 juillet 19h
au CICP, 21ter rue Voltaire Paris 11e, RdC salle "L'Internationale"
Claude Bitot
REPENSER LA RÉVOLUTION
Quelle voie pour dépasser le capitalisme ?
Éditions
Spartacus mai 2013, 13 €
Cet essai part du constat suivant : la
révolution prolétarienne qui devait abattre le capitalisme et déboucher sur une
société communiste a historiquement échoué. Depuis longtemps l’Histoire avait
livré ce verdict, mais ce qui le rend désormais sans appel c’est que
capitalisme faute d’avoir été renversé par une telle révolution se dirige
maintenant tout droit vers son auto-effondrement, celui-ci étant en passe
d’atteindre ses limites, aussi bien internes – économiques – qu’externes –
environnementales. Mais ce constat ne doit pas amener à penser que l’idée de
révolution communiste est définitivement morte. Elle reviendra sur la sellette
lorsque, après la chute du capitalisme, se posera la question de savoir ce qui
succédera à celui-ci. Il s’agit donc de repenser une telle révolution en la
projetant dans ce nouveau contexte.
Dès lors quel sera son acteur ?
Revenons quelque peu sur le passé. Après quelques tentatives du prolétariat au
début du capitalisme – un prolétariat encore marqué par l’artisanat et autres
gens de métiers – d’accomplir la « mission » que lui avaient assignée
les théoriciens de la révolution, le capitalisme, une fois qu’il eut atteint
son plein développement, créa de toutes pièces un prolétariat
« moderne » qu’il recruta dans les campagnes pour en faire une classe
du capital à part entière. Celle-ci ne pouvait donc plus vouloir seulement ce
que le capitalisme était à même de lui offrir : un meilleur salaire, une
consommation plus grande, une protection sociale grâce à la mise sur pied d’un
« État-providence » – les fameux « acquis » de la classe
ouvrière dont s’enorgueillirent ses organisations. En fait, il y avait une
faille, et de taille, dans cette théorie du prolétariat classe de la révolution
communiste : l’investir d’une « mission » c’était faire comme
s’il était le rédempteur de l’humanité, la classe du salut qui allait
l’émanciper, autrement dit, patauger idéologiquement dans les eaux troubles du
« sauveur suprême » de la mystique chrétienne, alors qu’on croyait
s’en être dégagé. Qui plus est, une telle théorie ne voyait pas la
contradiction qu’il y avait de faire porter par une classe particulière de la
société — aurait-elle été la classe la plus nombreuse et la plus souffrante —
un projet aussi universaliste que le communisme, transcendant les classes,
dépassant les cadres nationaux, qui par conséquent ne pouvait être l’affaire
que de l’humanité elle-même. Ce qui dans le cadre du capitalisme était
évidemment impossible.
Or ce qu’il y a de changé, c’est que
dans l’actuel capitalisme en bout de course, toutes les classes sont un état de
décomposition avancée, la société ressemble de plus en plus à un vaste magma
salarié informe d’où toute « conscience de classe » a disparu. Il ne
s’agit pas de déplorer une telle situation, il faut au contraire s’en réjouir,
car lorsque le capitalisme s’écroulera c’est cette immense majorité actuelle,
qui constituera alors une non-classe universelle, qui se retrouvera en phase
avec l’universalisme du projet communiste, et donc sera susceptible de faire
une révolution en conformité avec celui-ci. Susceptible en effet, car disons-le
tout de suite : après avoir fait la critique du prolétariat classe
rédemptrice, nous n’allons pas nous mettre à faire de cette non-classe le
nouveau « sujet révolutionnaire », « appelé » (on ne sait
par quelle grâce, à « titre humain » cette fois, et non plus au
titre d’une classe) à faire la révolution. Il y aura bien des manières pour
qu’elle ne la fasse pas. À commencer, en raison du chaos provoqué par
l’effondrement du capitalisme, ce qui entraînera une confusion assez
indescriptible.
Ce qu’il y a de sûr c’est qu’il n’y aura
aucun déterminisme pour rendre la révolution inéluctable. Disons simplement
qu’à ce moment-là, le capitalisme s’étant effondré, cette non-classe aura la
possibilité de s’extraire de la domination totalitaire que celui-ci exerçait et
qui interdisait toute prise de conscience révolutionnaire. Autre condition
favorable, cet effondrement du capitalisme qui sera en même temps la fin de sa
société industrielle favorisera le retour de l’idée communiste. Celle-ci était
fondamentalement une idée d’avant la société industrielle (surgissant dans les
temps reculés du christianisme primitif, du Moyen Age, de la Renaissance, de
l’Ancien Régime), qui au fur et à mesure de son développement l’avait mise sous
l’éteignoir ou bien conduite à se déformer horriblement. Cela dit, la
révolution restera une question de volonté,
sinon toutes les meilleures conditions du monde réunies, elle n’aura pas
lieu. Le dernier mot reviendra toujours à la subjectivité humaine,
c’est-à-dire la ferme volonté de la faire. Or cette subjectivité – comme
de nombreux exemples dans l’Histoire l’ont montré – c’est toujours d’abord dans
une minorité dite « agissante » qu’elle a éclos, en clair dans un
parti (il y eut même un parti anarchiste, même s’il ne voulait pas dire son
nom) dont la caractéristique est d’être un puissant facteur de conscience et de
volonté. La question n’est donc pas de savoir s’il faut ou non un parti, elle
est de savoir le rôle qu’il sera amené à jouer. Dans le passé, celui-ci eut
trop tendance à prendre « les affaires en main », autrement dit à
passer outre à sa fonction, en considérant qu’il lui fallait guider en tout les
masses, allant jusqu’à vouloir prendre le pouvoir à leur place. Il en résultait
que la révolution n’était plus l’affaire des masses, mais d’un parti magique se
substituant à elles. Le rôle du parti doit se borner à être essentiellement
éducatif : éclairer les masses, leur indiquer le but qu’elles devront
atteindre, élaborer un programme, les avertir des chemins de traverse
qu’elles risquent d’emprunter et avec lesquels elles se fourvoieront. Autrement
dit, il sera « spirituel », aider à ce que se produise en masse une
conscience communiste, en sachant que cette dernière ne surgira pas d’une
divine spontanéité des masses (idéologie qui n’est qu’un dérivé de la croyance
qu’existe dans l’Histoire un déterminisme de type économico-social — qu’on peut
appeler un idéalisme matérialiste — qui va les amener automatiquement à prendre
conscience). Bref, le parti ne sera pas un appareil politique pour prendre le
pouvoir, son rôle sera de faire de telle sorte que les masses prennent leur
sort en main et deviennent ainsi les actrices de la révolution.
Ce qui nous conduit à dire en quoi
celle-ci consistera. Il est clair que désormais on aura changé de révolution.
Non seulement ses acteurs ne seront plus les mêmes, mais aussi ses moyens
d’action, ses objectifs. Ainsi, soulignons déjà ceci : elle n’aura plus
rien à voir avec une guerre sociale. Contre quelle classe aura-t-elle à lutter,
toutes avec l’effondrement du capitalisme ayant disparu ? Certes, il lui
faudra prendre le pouvoir. Y renoncer, en raison d’une vision libertaire de la
révolution, équivaudrait à laisser le chaos, consécutif à l’écroulement du
capitalisme s’installer, et ainsi permettre aux bandes mafieuses qui ne
manqueront pas de pulluler, d’instaurer leur pouvoir à elles. Il n’est pas trop
téméraire alors de penser que cette prise du pouvoir se fasse d’une façon
relativement pacifique, la fin définitive du capitalisme ne laissant plus aucun
espoir à ce qui restera de classe « bourgeoise » et d’État, de le voir
renaître de ses cendres, ce qui fait qu’ils ne seront plus guère en état de
s’opposer à l’insurrection. Cette prise du pouvoir signifiera-t-elle la remise
sur pied d’un nouvel État, plus exactement dit, d’un État en voie d’extinction
comme le concevait l’ancienne conception de la révolution celle-ci
instaurant à titre transitoire une dictature révolutionnaire ? Là encore,
contre quelle classe une telle dictature aura-t-elle désormais à s’exercer
toutes ayant disparu ? L’État n’aura donc plus de raison d’être. Ce qui se
mettra en place c’est un pouvoir encore politique, démocratiquement élu par
tous les membres de la société, avec des délégués révocables, mais qui tendra à
un dépassement de la démocratie avec ses votes
majoritaires n’ayant aucune valeur intrinsèque, cela au profit d’un mode de
fonctionnement communiste avec lequel la bonne entente entre gens partageant
les mêmes convictions permettra de se passer d’un tel mécanisme démocratique
formel.
Avec ce qui vient d’être dit, il ne faut
pas croire cependant que la révolution ressemblera à une promenade de santé.
Car sa tâche la plus importante ne sera ni de prendre le pouvoir ni de
l’exercer, il sera d’entreprendre une transformation radicale de la société. Et
alors là, ce sera une autre paire de manches. La chute
du capitalisme entraînera une situation chaotique – cependant moins
dévastatrice que celle qu’aurait créé une révolution consistant à
l’abattre, celle-ci déclenchant une guerre civile impitoyable avec des
destructions massives d’hommes et de matériel, vu la nature des armes modernes
utilisées – et qu’il faudra surmonter. La révolution
se retrouvera confrontée en outre à une situation catastrophique : ce que
laissera en héritage le capitalisme c’est un monde dévasté par sa société
industrielle, celle-ci ayant dilapidé ses matières premières, épuisé ses
ressources énergétiques, bouleversé son climat, pollué sa terre, ses rivières,
ses mers, augmenté démesurément sa population, entassé ses habitants dans des
mégalopoles monstrueuses. Autrement dit, la révolution sera placée devant la
tâche immense de devoir entreprendre une reconstruction complète de la société
à partir d’une tout autre base que celle léguée par le capitalisme. Ce qui
signifie que dans un premier temps il ne pourra s’agir que de l’instauration
d’une société post capitaliste allant dans le sens du communisme (un communisme
de la survie si l’on préfère, faisant avec les moyens du bord), celui-ci ne
pouvant être atteint qu’après une longue période de transition. Quant à ceux
qui viennent dire que le communisme pourra être réalisé en un tour de main
grâce à une magique « communisation », ils ne sont que des charlatans
ou bien des inconscients, le monde de la société industrielle qu’aura laissé en
jachère le capitalisme étant proprement « incommunisable ».
Claude Bitot, le 8/6/2013
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