Plusieurs milliers de lycéens ont manifesté vendredi dernier, persuadés que le gouvernement veut leur supprimer un mois de vacances. La mobilisation a été forte dans le Nord-Pas-de-Calais, la Picardie et la Champagne-Ardennes. Toute la presse assure qu’il ne s'agit pourtant que d'une rumeur infondée. Mais non, il nous souvient bien d’une récente proposition umpiste en ce sens proposée aux profs. Les lycéens sont tout de même moins neuneus que les « salariés » qui se sont laissés balader par l’aristocratie syndicale et voir détruite leur retraite sans brûler une voiture de ministre ni flanquer leur pied au cul des bonzes syndicaux. La bourgeoisie supprime la retraite et envisage tout aussi cyniquement la suppression des vacances, et de tout un tas de garanties sociales que la gauche, revenant au pouvoir en 2012, ne remettra pas en cause. Il est évident que pour l’époque qui vient élections et enterrements syndicaux sont une honte pour les exploités et que la confrontation avec l’Etat, ses partis et syndicats sera nécessairement violente et internationale.
Tout est encore une fois parti de SMS et de messages sur Facebook: le gouvernement envisagerait de sucrer un mois de vacances en 2012. Ladite rumeur a suffi à envoyer les lycéens et à se rallier entre bahuts. Or ce n’est pas une rumeur, s’il n'a cependant pas été question de supprimer un mois de vacances d'été, mais tout de même bien de deux semaines. Il ne faudrait pas les prendre pour plus cons que les ouvriers : "C'est pareil à chaque reforme: on nous dit que ce sont des rumeurs et à la fin, on se fait baiser", rappellent les jeunes manifestants. "Et puis, nos profs ont rien fait mardi pour la manif contre les suppressions de postes. Alors, nous, on gueule aussi pour ça." Ils ont manifesté par milliers dans les villes du Nord-Pas-de-Calais, de Picardie et de Champagne-Ardennes. Notamment à Douai et Dunkerque (Nord), Béthune et Lens (Pas-de-Calais), Vesoul (Haute-Saône) et des élèves ont tenté d'organiser des blocages dans une douzaine de lycées de l'académie de Lille. En effet, un rapport umpiste du comité de pilotage sur les rythmes scolaires a bien proposé de raccourcir les vacances d'été de deux semaines. Mais la proposition n'a pas encore été tranchée par le ministère de l'Education. Dans les rectorats, les mandarins qui se sont succédés à eux-mêmes depuis 1968, avouent ne pas bien comprendre les raisons du mouvement.
Violences urbaines :
Les manifestations ont parfois dégénéré, comme au lycée Jean-Moulin du Chesnay, dans les Yvelines. Après avoir refusé de regagner leurs classes en fin de matinée, des élèves ont organisé le blocus de l'établissement. Mais plusieurs dizaines d'entre eux ont également causé des dégâts sur les véhicules alentours, en brisant leurs vitres ou en les retournant. Une dizaine de lycéens ont été interpellés, mais leur âge n'a pas été communiqué (sic) Près du lycée professionnel d'Amiens-Nord (Somme), des éléments (décrits comme extérieurs à l'établissement) ont jeté des cocktails Molotov et des briques sur les forces de police. Quatre d'entre eux ont été interpellés.
Les lycéens sont pourtant déjà maqués par l’union nationale lycéenne, outil de propagande à la soumission au syndicalisme contre-révolutionnaire qui interprète la colère dans le même sens que les médias : « vous êtes des idiots qui suivent une rumeur », et l’UNL de dériver, au profit du gouvernement, sur les problèmes corporatifs. Dans son « communiqué », l'UNL a surtout dénoncé les conditions d'enseignement depuis la rentrée, en réclamant un plan pluriannuel de recrutements, une nouvelle réforme de la formation des enseignants et en appelant les lycéens à rejoindre la mobilisation interprofessionnelle du 11 octobre. Voici donc à l’œuvre les rabatteurs de l’aristocratie syndicale.
Dur dur pour les lycéens dans cet « encadrement » de renouveler leur échappée belle politique d’un certain mois de mai 68.
En tout cas je salue cette nouvelle génération, qui peut être devant, bien plus devant que les étudiants en 1968. Je leur consacre mon prochain livre :
NOUS TOUS LES LYCEENS…Le comité d’action en 68 à Buffon et les députés
(290 pages) à paraître ce mois-ci.
Extraits de l’intro :
Paris XVème. 26 septembre 2011, 12H30, heure de la sortie au lycée Buffon. Des groupes sont agglutinés comme toujours et causent pendant que des élèves descendent encore les marches sous la surveillance d’un type en nœud papillon. Ils sont beaux, jeunes et bien nourris. Je me fraye un passage et je mitraille, avec mon appareil photo, la muraille du lycée. Je m’aperçois que l’angle n’est pas bon, car si je garde dans le champ de vision les drapeaux croisés français et européen, je ne pourrai pas faire croire qu’il s’agit d’une photo d’époque, de toutes ces photos que nous regrettons ne pas avoir prises : au fronton des édifices publics, le drapeau européen n’était pas marié au drapeau français durant les sixties.
- Pourquoi vous photographiez le lycée, m’sieur ? Me demandent soudain deux belles lycéennes au corsage aguichant.
- Parce que je prépare un livre sur Buffon en 1968 où il y avait une vraie vie politique à l’intérieur… on allait en manif à pied à la Sorbonne ou au lycée Michelet à Vanves… on voulait être reconnu… on a été les premiers à revendiquer sans doute en France la mixité…
- Ah bon le lycée n’était pas mixte !
- En effet et puis on terrorisait les profs, et puis on tenait à notre lycée comme s’il avait été notre outil de travail, on s’armait de matraques pour le garder la nuit…
Mais je m’aperçus qu’elles ne m’écoutaient plus. Pour ne pas prendre le risque de passer pour un vieux con, je cessai de parler et demandai qu’une d’elles me photographie dans l’angle de l’entrée de la forteresse. Ce qu’elle fit aimablement. Je partis après leur avoir souhaité de réussir leur baccalauréat.
Le lycéen de l’après 68 est redevenu « réac », infantilisé à nouveau par ses parents et la société, terriblement infuençable par son aîné l’étudiant de gauche écologiste. Sans mouvement de fond des plaques tectoniques sociales, il n’est plus capable que de suivre les modes et, la politique réfléchie hors des bobards et de la propagande, il s’en fout. Il n’a jamais rien appris et il ne veut rien savoir. Le passé est un passif. Seul le présent doit être jouissif. Il est soixante-huitard sans le savoir, dans la plus navrante acception du terme. Il est adepte du présent et donc du slogan anarchiste le plus bête de 68: jouir sans entraves, quoique, car il souffre, désabusé par l’envers du décor capitaliste: no future.
Que sont mes amis lycéens devenus qui figuraient sur les photos des classes de Première et de Terminale A en 1967 et 1968 ? Je crois le vent les a emportés. Plusieurs de mes mentors certainement, morts déjà entre cinquante et soixante ans. Etrange destinée des idéalistes. Mon projet ne sera pas de les faire revivre ici et maintenant mais de fournir des documents plus aptes à restituer une atmosphère et ces combats qui nous ont tant concernés, passionnés et déçus. Revenir sur un point d’histoire peu étudié – l’expérience nouvelle et limitée des Comités d’Action lycéens au cours de l’année 1968 – nous permettra de remettre en cause une nouvelle fois les cuistreries gauchistes et staliniennes concernant la théorie de la « guerre révolutionnaire », vieillerie de l’attirail du militant moyen de gauche passé à la moulinette d’un tiers-mondisme désuet, d’un antifascisme démodé, d’un stalinisme présumé vainqueur d’Hitler et d’une « Libération » américanisée.
Principale révélation de cette étude : il semble bien avec le recul lointain que la répression des lycéens ait été un des principaux moteurs de l’éveil de la colère en milieu ouvrier, en particulier à partir du 10 mai, rue Gay Lussac à Paris. Les prolétaires des usines, des bureaux comme les ingénieurs n’ont pas supportés que l’on frappe des adolescents, pour une partie encore enfants, après les brutalités policières disproportionnées début mai contre les étudiants ou de simples passants. Il apparaîtra du coup que les ouvriers ont repris le flambeau d’une révolution rêvée des mains fragiles des lycéens et pas des mains malhabiles des étudiants. Ces lycéens ou « scolarisés » ne furent pourtant plus des « enfants » (ni fils de, version PCF) mais des adultes politiques qui venaient, tenant de leurs mains innocentes des mégaphones à pile Mazda pour porter loin la nouvelle parole au monde. Leur grande découverte n’était-elle pas méritoire ? Le temps était venu de « faire la révolution ». (…)
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