L'élimination de la paysannerie enjeu du capitalisme décadent dès les débuts du
XX ème siècle
2 ème partie
« Ainsi, jusqu’à la mort de Mao et au-delà (1953-1978), n’importe quel villageois réussissant à se faire embaucher comme manœuvre dans une usine ou décrochant un emploi de balayeur au service d’une municipalité ou d’un « comité révolutionnaire » urbain devient automatiquement un privilégié par rapport à 95 % des travailleurs de la terre. Comparés aux damnés de la terre (condamnés à ne pas la quitter), les ouvriers, surtout ceux qui travaillent dans les entreprises d’État, ont, durant la période maoïste, font figure de privilégiés – mal payés certes, mais pas tellement moins que les intellectuels et les cadres » Lucien Bianco 2009
UNE AUTRE FACON DE TOMBER DANS LE PROLETARIAT
(la famine après la guerre)
On a vu dans la première partie que les paysans ne sont pas responsables en tant que tels de la contre-révolution qui a suivi l'échec de la révolution russe. On va voir maintenant qu'ils ont été, en nombre, les principales victimes du XX ème siècle décadent, via les nécessités de mécanisation et de centralisation capitaliste avec des booms industriels – reconstruction en Europe et bond en avant chinois – pas prévus par la théorie marxiste.
Personne ne l'imaginait en 1920, ou plutôt la plupart des marxistes et ceux qui étaient au pouvoir en Russie les premiers, dans la décadence le capitalisme ne pourrait plus se développer et les zones « arriérées » ou en retard, les ex-colonies en particulier, ne pourraient plus accéder au même type de révolution industrielle qui avait été celle de l'Europe et de l'Amérique du nord ; qui plus est dans un pays comme la Chine peuplé d'un plus grand nombre de paysans que le pays de Lénine.
Tout faux. Bien sûr la plupart des libérations nationales n'ont été que des escroqueries successives pour les prolétaires et les paysans. Jusqu'à la fin des années 1970 pourtant maoïstes et trotskiens crurent à un développement d'un simili « mode de production asiatique »1 original en voie vers le communisme.
Pierre Souyri puis Simon Leys détruisirent pour des cercles restreints de lecteurs ce mythe néo-stalinien, qui reposait d'ailleurs sur un autre mythe ; l'égalité révolutionnaire voire la confusion de la classe ouvrière et de la classe paysanne. Mais ces auteurs courageux n'eurent pas le temps de se pencher sur le miracle capitaliste chinois, et on ne trouva personne pour nous expliquer comment un pays stalinien rongé par la misère de millions de paysans a pu devenir en quelques en quelques décennies quasiment la première puissance économique du monde, sans rien devoir à Mao.
Alain Peyrefitte, un banal député gaulliste, avait lu Simon Leys (Les habits neufs du président Mao) lorsqu'il se décida à, écrire le prémonitoire : « Quand la Chine s'éveillera », que la plupart des marxistes méprisèrent2.
Même les explications alambiquées d'un Marcel Roelants ne m'avaient pas éclairé. C'est pourtant simple. Deux orientations-clés ont expliqué cette croissance ultra-rapide et continue : tout d'abord la décision de convertir la Chine à l'économie de marché prise à la fin des années 1970 par Deng Xiaoping, successeur du dieu Mao délirant, et concrétisée par la nouvelle constitution de 1982 ; ensuite, l'adhésion de la Chine à l'Organisation mondiale du commerce au début de l'année 2002, qui couronne vingt années de réformes économiques et légales soigneusement planifiées, et quinze ans de difficiles négociations. C'est cette deuxième étape, ardemment attendue par les dirigeants chinois les moins maoïstes, qui a ouvert le marché mondial à la Chine, et fait d'elle le premier but des investisseurs étrangers. On peut ajouter, même s'ils restent nombreux, cet énorme déplacement des paysans qui « tombent » dans les villes donc dans un prolétariat capable de devenir l'usine de la planète ; avec cette exigence de construction de logements pour les 10 ? à 15 millions de paysans qui quittent les campagnes chaque année pour les villes. C'est cette prolétarisation « immobilière » qui fait fonctionner la machine à exporter.
La Chine n'est pourtant pas vouée à devenir éternellement toute puissante et c'est pourquoi la guerre mondiale est aussi indispensable pour ce grand empire. Comme l'Europe ou le Japon elle est concernée par le risque du vieillissement démographique, accéléré par l'obligation maoïste ringarde de ne procréer qu'un enfant. Ce continent présente un autre risque, majeur, qui handicape sa montée en puissance. Le pays présente des risques d'explosion sociale, liés à l'inégalité entre régions côtières et villes d'un côté, arrière-pays campagnard de l'autre. De l'aveu même des dirigeants chinois, les huit cents millions d'agriculteurs que compte encore le pays obligent à considérer la Chine comme étant toujours un pays en voie de développement. Les tensions nées de cette situation sont accrues par les inégalités sociales et la corruption notoire de certains hauts fonctionnaires. Par ailleurs, le pays reste encore très dépendant de l'étranger pour sa technologie comme pour ses exportations. Enfin, les approvisionnements énergétiques ou l'impact de la croissance sur l'environnement ne sont pas aujourd'hui totalement maîtrisés.
LES COMPARAISONS DE LUCIEN BIANCO
Probablement le plus lucide spécialiste de la Chine, Bianco a expliqué et démontré la guerre contre les paysans par les deux plus longues dictatures du XX ème siècle (en voici des extraits, mais il est conseillé de lire en entier son article : https://www.cairn.info/revue-vingtieme-siecle-revue-d-histoire-2009-1-page-81.htm
'Les catastrophes et les crimes résident, d’une part, dans la collectivisation agricole en URSS au début des années 1930 et le Grand Bond, préludes à deux famines (1931-1933 et 1959-1961), dans la Grande Terreur (1937-1938) et, de l’autre, la révolution culturelle. Si la ressemblance avec Staline suffit à condamner Mao, la comparaison entre ces tragiques épisodes le disculpe un tout petit peu : le Grand Bond apparaît davantage comme une catastrophe que comme un crime, comparé à la guerre faite par Staline aux paysans ; la révolution culturelle est un crime à coup sûr, mais commis avec un brin ou une illusion de justification qu’on serait bien en peine de reconnaître dans la Grande Terreur stalinienne.
« Ainsi, jusqu’à la mort de Mao et au-delà (1953-1978), n’importe quel villageois réussissant à se faire embaucher comme manœuvre dans une usine ou décrochant un emploi de balayeur au service d’une municipalité ou d’un « comité révolutionnaire » urbain devient automatiquement un privilégié par rapport à 95 % des travailleurs de la terre. Comparés aux damnés de la terre (condamnés à ne pas la quitter), les ouvriers, surtout ceux qui travaillent dans les entreprises d’État, ont, durant la période maoïste, font figure de privilégiés – mal payés certes, mais pas tellement moins que les intellectuels et les cadres ». Mao approfondit le gouffre entre les deux Chines, l’une, rurale majoritaire, l’autre, urbaine « privilégiée » si l’on peut dire ! Ostensiblement propaysanne, sa politique a en fait spolié les paysans, empêchés de disposer librement de leur récolte et condamnés à végéter, sans espoir d’émerger de la misère
La fin (socialisme) étant conditionnée par l’obtention des moyens (modernisation économique, urbanisation, industrialisation), il était assez naturel qu’on se concentrât sur la poursuite des moyens, au point que « construire le socialisme » finit dans les années 1930 par devenir synonyme d’édifier des usines et des villes. Après tout, en dehors de l’Europe occidentale, le marxisme a été perçu comme une idéologie modernisatrice autant que révolutionnaire, comme le moyen de reproduire (en plus juste) cette modernité enviée, détenue par ce petit coin d’Europe, bientôt rejoint et dépassé par son rejeton américain.
En 1958, la Chine reproduit le schéma stalinien du début des années 1930 : main-d’œuvre mobilisée sur une vaste échelle comme en temps de guerre (c’est une véritable guerre qu’on mène, à l’arriération et à la nature), impatience, ignorance des coûts, plans trop ambitieux révisés à la hausse, méfiance à l’égard des experts « bourgeois » et exaltation concomitante de la politique et du volontarisme. Dans l’un et l’autre cas, c’est surtout la paysannerie qui fait les frais de l’opération – laquelle a néanmoins entraîné, outre de graves déséquilibres, des progrès industriels rapides et une urbanisation accélérée. Cette dernière s’avérera néanmoins temporaire en Chine, la famine contraignant à renvoyer dans leurs villages plusieurs dizaines de millions de nouveaux citadins.
La famine a tué beaucoup plus de Chinois entre 1959 et 1961 que de Kazakhs, d’Ukrainiens et de Russes en 1931-1933, mais guère plus en proportion de la population totale. Dans un contexte politique différent, certains éléments de la stratégie du Grand Bond ont fait leurs preuves ailleurs (Japon, Taiwan, Corée du Sud) et se révéleront fructueux en Chine plus tard : mobilisation d’une main-d’œuvre agricole sous-employée durant la morte-saison, développement des petites industries rurales, recours aux techniques intermédiaires, décentralisation, etc.
En 1958, le problème qui préoccupe les dirigeants consiste alors à se demander à quoi servira tout le grain dont disposeront les paysans, une fois les livraisons à l’État effectuées. La compétition entre les cadres incite à faire toujours mieux, à dépasser le voisin, à lancer des « satellites » (allusion au Spoutnik soviétique de l’année précédente) qui s’élèvent sans cesse plus haut dans les airs. Lorsque les producteurs spoliés commencent à mourir de faim, de nombreux cadres prennent le réflexe de dissimuler une famine qui révélerait leurs mensonges, de n’exhiber devant les hauts fonctionnaires en tournée que les villageois les moins mal nourris, voire d’accumuler et de mettre en évidence le peu de grain restant. Or, masquer une famine, c’est empêcher les secours d’arriver et condamner à mort une plus grande proportion de la population locale.
COMME SOUS HITLER DES FORMES DE PROTESTATION PASSIVES (sous-titre de JLR)
« Les paysans ont, comme en Chine, préféré les formes passives de protestation aux révoltes ouvertes, néanmoins notables dans l’un et l’autre cas. Se sont donc multipliés, à partir du début de l’année 1930, les refus de livrer le grain et de travailler pour le kolkhoze (ou le travail indolent, « les bras baissés »), et les cas d’extermination du bétail afin qu’il ne devienne pas propriété collective : tout juste reconstitué en 1928, le cheptel est abattu deux ans plus tard. Cette similitude dissimule néanmoins une première différence : certaines de ces formes d’action, comme le massacre du bétail, sont surtout caractéristiques des années 1953-1955 en Chine, lors des débuts d’une collectivisation antérieure au Grand Bond ; d’autres, comme le travail au ralenti sur les champs collectifs, se sont étendues sur l’ensemble de la période 1953-1978. En Russie, la simultanéité des deux mouvements (collectivisation accélérée et prélèvements de grains meurtriers) a rendu la situation plus critique.
Une raison souvent alléguée (exacte mais insuffisante) du plus grand degré d’inhumanité observé en URSS est la faible implantation rurale du parti communiste, comparée à celle de son homologue chinois. En dépit de l’appoint décisif des soulèvements paysans de l’été 1917, la révolution bolchevique était une révolution urbaine, créatrice de villes et d’usines. En comparaison, la révolution chinoise se voulait propaysanne, et Mao lui-même attribua les dissimulations de grains et les troubles ruraux de l’hiver 1958 à la défense par les paysans de leurs intérêts « légaux et légitimes » – du moins jusqu’au moment où la critique non moins légitime de Peng Dehuai le rendit aveugle à ces mêmes intérêts .
La relance criminelle du Grand Bond après Lushan hisse sans doute les responsabilités de Mao au plus près de celles de Staline : décidé à corriger les erreurs « gauchistes » de sa stratégie, il ne supporte pas qu’un autre lui fasse la même recommandation.
Dès 1961, il s’impatiente, quand le peuple persiste à mourir de faim. Pour sortir de la crise, une nouvelle formule est expérimentée, et elle sera étendue au pays entier deux décennies plus tard, une fois la Chine délivrée de Mao : le fameux « système de responsabilité des ménages » (cf. supra), qui permet à chaque foyer paysan de cultiver son lopin de terre sans trop de contrôle. Cette désertion des champs collectifs préfigurant aux yeux de Mao un inacceptable abandon de la collectivisation,
Entre les crimes suprêmes des deux dictateurs (purges, procès de Moscou, Grande Terreur d’une part, révolution culturelle de l’autre), il faut néanmoins distinguer. Les horreurs perpétrées pendant la révolution culturelle défient l’imagination. Ce n’est qu’en les comparant à la froide et méthodique terreur de 1937-1938 (ou à la Shoah) qu’on risque de les faire paraître comme moins monstrueuses qu’elles ne furent,
Plus véhémente que radicale, la critique de la bureaucratie communiste esquissée par Mao ne comportait rien de vraiment neuf, mais il était émouvant – et, pour les naïfs, de bon augure – de voir des arguments exprimés depuis longtemps et avec plus de cohérence par des libéraux, des anarchistes et des trotskistes redécouverts par celui-là même qui trônait au sommet de la hiérarchie bureaucratique.
Staline avait déjà, avant de déclencher la Grande Terreur, débité les thèmes ressassés par Mao durant la révolution culturelle. Ne manquait même pas à l’appel l’expression de « révolution culturelle », répandue en Russie dès 1930 et véhiculant déjà des refrains repris par Pékin et diffusés dans le monde entier trente-cinq ans plus tard : lutte contre la bureaucratie, sa routine et ses privilèges, le théâtre « bourgeois » et l’élitisme culturel. Déjà aussi le pouvoir suprême manipulait l’iconoclasme de la jeunesse et son hostilité à l’autorité et aux institutions.
Accessoirement, il (Staline) règle des comptes anciens, après avoir attendu son heure et ourdi sa revanche. De même que la Grande Terreur fournit l’occasion de sortir des camps des milliers d’anciens trotskistes, droitistes et autres koulaks pour les fusiller immédiatement (et faire place à de nouveaux zeks), la révolution culturelle donne l’occasion de ressortir les anciens « contre-révolutionnaires », voire les droitiers à la Peng Dehuai, ennemis de classe et autres pour les critiquer, les arrêter, les torturer ou les battre à mort.
La Grande Terreur est plus contrôlée, plus bureaucratique, mieux maîtrisée que la révolution culturelle, plus proche en somme du formalisme nazi. Ce n’est pas Staline qui aurait pris le risque de soulever les masses contre le parti qu’il dirigeait ; lui ne laisse à personne d’autre – sinon au NKVD qu’il contrôle – le soin de le décimer.
(…) entravé par le carcan stalinien, la révolution chinoise est d’emblée stalinisée. Une raison supplémentaire réside dans la mise au pas des militants effectuée par Mao à Yan’an entre 1942 et 1944. Dès 1949, la révolution chinoise commence, de ce point de vue, au stade où la révolution russe est parvenue en 1929, une fois l’opposition de droite réduite au silence ou à l’autocritique.
Les différences entre les deux dictateurs ont commencé à être évoquées à propos du Grand Bond et de la révolution culturelle. En deux mots, Staline est plus pragmatique et pire que Mao à de nombreux égards ; plus pragmatique en dépit de nombre de décisions irrationnelles, plus prudent et calculateur froid, moins casse-cou, moins fou . Les succès actuels de la Chine incitent à reposer à propos de Mao la fameuse question : « Staline était-il vraiment nécessaire ? » Voir en Staline un agent « nécessaire » de la transformation de la Russie en nation industrielle moderne soulevait déjà de sérieuses objections , mais attribuer à Mao et aux affres subies durant la révolution culturelle le mérite de la modernisation contemporaine est un paradoxe insoutenable. En réalité, de 1955 à 1976, Mao a été un obstacle à la transformation du pays, et donc au succès de la révolution. Il était nécessaire d’être débarrassé de lui pour aller de l’avant.
En ce sens, le Grand Bond apparaît comme une navrante réplique des errements soviétiques. Le rapprochement vaut également pour d’autres épisodes. Dès juillet 1955, Mao impose le tournant radical qui permettra d’effectuer en dix-huit mois ce qu’on avait prévu d’accomplir en quinze ans : la transformation socialiste de l’agriculture. En digne émule de Staline, il en conclut que les difficultés matérielles ne représentent pas un obstacle aussi considérable… en omettant de préciser que ces « difficultés matérielles » sont celles d’une paysannerie forcée d’obtempérer, dictature oblige
Mao et Staline ont été réellement populaires, et leurs dénonciations de la bureaucratie massivement approuvées. Il est vrai qu’elles mettaient l’accent sur des maux très réels, dont chacun avait été témoin ou avait souffert , ce qui renforçait la communion entre un peuple vengé et le Guide justicier. Le guide est, lui, au-delà de toute critique : celui qu’adorent les Gardes Rouges comme son sinistre prédécesseur, sincèrement pleuré à sa mort par des foules bouleversées
Lénine avait souvent dû batailler dur pour faire triompher son point de vue et il n’y réussit pas toujours. De fait, sa prééminence indiscutée n’avait pas encore vidé de tout contenu le concept de direction collégiale. La rupture avec l’héritage léniniste et, plus précisément, avec les « normes léninistes » (Frederick Teiwes) d’exercice du pouvoir est un autre signe des libertés croissantes que les deux dictateurs prennent avec la moindre règle censée préserver un semblant de démocratie au sein d’une oligarchie dépossédée de tout pouvoir.
L’essentiel des similitudes entre les deux dictateurs découle donc du système. Comme Rosa Luxemburg et Trotski l’avaient d’emblée prédit, la formule léniniste (matrice du régime chinois comme du régime soviétique) devait aboutir (et a abouti) à la dictature du parti sur l’ensemble de la société (prolétariat compris), puis à la dictature d’un homme ».
Enfin notre troisième partie analysera, via l'amenuisement de la population paysanne si longtemps recherchée par la mécanisation du profit capitaliste (puis son informatisation) en quoi l'interrogation paysanne conditionne la crise de l'immigration mondiale et pèse encore sur la classe ouvrière en tombant dedans souvent de façon inattendue.
NOTES
1Le Mode de production asiatique, du lointain passé, qui avait attiré l'attention de Marx, peut se définir ainsi : dans le cadre de cette formation socio-économique, la société est divisée en deux grands groupes : la paysannerie et la bureaucratie étatique (soutenue par le clergé, etc.). La paysannerie est en théorie libre, mais l'impossibilité de vendre la terre et les redevances à payer à l'État rappellent la dépendance féodale qui a eu cours en Europe. Sur le sujet on lira l'extraordinaire travail de Roger Dangeville :Ecrits sur la Chine de Marx présentés par Roger Dangeville :
https://www.marxists.org/francais/marx/works/00/chine/chine.pdf
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