"La suppression de la propriété privée... suppose, enfin, un processus universel d’appropriation qui repose nécessairement sur l’union universelle du prolétariat : elle suppose « une union obligatoirement universelle à son tour, de par le caractère du prolétariat lui-même » et une « révolution qui (...) développera le caractère universel du prolétariat ».
Marx (L'idéologie allemande)

«Devant le déchaînement du mal, les hommes, ne sachant que devenir,
cessèrent de respecter la loi divine ou humaine. »

Thucydide

dimanche 12 janvier 2020

GREVE SURREALISTE et DESINTEGRATION GENERALE


« La bourgeoisie, alors qu'elle luttait contre la noblesse, soutenue par le clergé, arbora le libre examen et l'athéisme; mais, triomphante, elle changea de ton et d'allure; et, aujourd'hui, elle entend étayer de la religion (écologique) sa suprématie économique et politique. Aux XVe et XVIe siècles, elle avait allègrement repris la tradition païenne et glorifiait la chair et ses passions, réprouvées par le christianisme; de nos jours, gorgée de biens et de jouissances, elle renie les enseignements de ses penseurs, les Rabelais, les Diderot, et prêche l'abstinence aux salariés. La morale capitaliste, piteuse parodie de la morale chrétienne (et musulmane), frappe d'anathème la chair du travailleur; elle prend pour idéal de réduire le producteur au plus petit minimum de besoins, de supprimer ses joies et ses passions et de le condamner au rôle de machine délivrant du travail sans trêve ni merci.
Les socialistes révolutionnaires ont à recommencer le combat qu'ont combattu les philosophes et les pamphlétaires de la bourgeoisie; ils ont à monter à l'assaut de la morale et des théories sociales du capitalisme; ils ont à démolir, dans les têtes de la classe appelée à l'action, les préjugés semés par la classe régnante; ils ont à proclamer, à la face des cafards de toutes les morales, que la terre cessera d'être la vallée de larmes du travailleur; que, dans la société communiste de l'avenir que nous fonderons "pacifiquement si possible, sinon violemment", les passions des hommes auront la bride sur le cou: car "toutes sont bonnes de leur nature, nous n'avons rien à éviter que leur mauvais usage et leurs excès ».
Paul Lafargue (Réfutation du droit au travail de 1848)


« Pour moi, la justice sociale, c’est de prévenir les inégalités », a résumé hier le pervers narcissique qui nous gouverne. Et il a fait cette révélation aux ouvriers qui ne pensent qu'à leur retraite : « Nous restons un pays où, selon la famille, et l’endroit d’où l’on vient, il est plus dur d’accéder aux études supérieures, il est plus dur d’accéder aux responsabilités. C’est ça la vraie injustice. Moi j’ai jamais vu des manifestations pour se battre contre ça ! ». Ce qui est profondément vrai, jamais les élites ni le petit étudiant Macron n'ont jamais fait grève pour élargir leurs privilèges de classe.
Pinocchio chef d’Etat, au demeurant éborgneur en chef, a aussi dénoncé « la violence » dans certaines manifestations. « Une chose que je ne peux pas accepter est la haine, la violence et l’irrespect », a-t-il dit, fustigeant également ceux qui contestent « le fait majoritaire » dans une démocratie. « J’entends toute la colère », a-t-il ajouté, en espérant qu’avec une forme de démocratie participative comme la Convention « on arrive à faire sortir la colère de la rue ». La colère mise en bouteille ou figurée par les petits clowns mélenchonesques, cela a en effet une autre allure, qui tient de la maîtrise de soi, pardon des institutions bourgeoises.

Gouverner par le chaos ?

Cette expression m'est apparue assez explicative pour le déroulement de cette grève bancale, interclassiste et il faut bien dire irréelle du point de vue des objectifs de conservation de l'hypocrite « droit à la retraite », contrairement aux affirmations menaçantes mais creuses des robustes syndicrates. Elle désigne l'ouvrage d'un sympathisant libertaire des rigolos de Tarnac dont je n'ai que foutre ainsi que de tous les complotistes, mais d'autres semblent l'avoir conceptualisée avant ou d'une autre manière, par exemple le CCI avec le thème de la décomposition fourre-tout. Dans un essai le célèbre pirate informatique Kevin Mitnick, l'ingénierie sociale serait "l'art de la supercherie"; plus précisément l'art d'induire autrui en erreur et d'exercer un pouvoir sur lui par le jeu sur les défaillances et les angles morts de son système de perception et de défense. Illusionnisme et prestidigitation appliqués à tout le champ social, de sorte à construire un espace de vie en trompe-l’œil, une réalité truquée dont les règles véritables ont été voilées d'avance.
On peut plaisanter avec des comparaisons de Macron avec Badinguet, sauf que ce dernier a créé de vraies mesures sociales (mais nous a mené à la guerre), sauf que la bourgeoisie actuelle est bien plus armée politiquement que les despotes barbichus de naguère. Les élites modernes ne sont pas idiotes, elles lisent aussi les radotages de RI et de LO. Et elles peuvent dormir tranquilles après lecture d'analyses aussi pépères et suivistes, que personne ne lit d'ailleurs. N'est-il pas frappant de constater que, hors des petits calculs journalistiques sur qui allait gagner ou pas dans le jeu de rôle du gouvernement méchant et des gentils syndicaux, jamais l'Etat n'a paru s'inquiéter ni pour la pérennité de ses attaques économiques, ni par le bordel causé par l'absence de transports en commun, surtout en région parisienne, preuve qu'on pouvait continuer à faire du vélo au pays de la mère Hidalgo et laisser certaines artères bloquées le temps de quelques promenades syndicales. L'Etat « libéral » laissez faire...laissait  suer et galérer les centaines de milliers « solidaires » par devers eux (sondés ad hoc) de la protestation syndicale. Les voitures ministérielles et policières restaient prioritaires. Macron en son palais s'en fichait et posait au voyageur de commerce pressé et préoccupé par les « affaires de la France ».
De bout en bout, les sous-fifres du gouvernement se sont en effet conduit avec une morgue pleine, traitant comme moins que rien les larbins syndicaux. Depuis le début le gadget de l'âge pivot1 a été le hochet pour faire croire que Berger aurait dû jouer au vrai berger gentil, en tant que toutou gardien de la plus grande bergerie gouvernementale la dite CFDT. On peut rire des pauvres et pas simplement les mépriser. Pensez : après des siècles de parlotes de couloir on frisa la convulsion syndicale lorsque l'on apprit que le projet de loi sur la réforme des retraites était déjà rédigé et envoyé au Conseil d'État. D'après Le Parisien, un sous-ministre avait indiqué sur Sud Radio qu'« un texte est parti au Conseil d'État afin d'amender, corriger, apporter des compléments et de l'étoffer ». Selon les informations du Parisien, seuls, quelques membres du gouvernement étaient au courant de la procédure qui s'était déroulée la semaine précédente.Du côté de la syndicratie, on riait jaune. Les « opposants » à la réforme étaient en train de faire un énième appel à une mobilisation pour le mardi 7 janvier. Le Noël avait trépassé tristement confirmant que les grévistes ne seraient pas de la fête. Les colloques gouvernementaux concernant l'horrible pénibilité et le travail (rare) des seniors seraient encore de sujet de réflexion aux journalistes. Yves Veyrier, finsecrétaire général de Force ouvrière, et probablement ancien trotskiste lambertiste, était monté au créneau :  « C'est bien la démonstration que ces discussions n'ont rien à voir avec le texte de la réforme qui, sans doute, devait être déjà écrit avant les vacances ». Au moins ce bonze avait-il une approche de la méthode gouvernementale par le chaos programmé et le foutage de gueule certifié.

SAVOIR ARRETER UNE GREVE bidonnée

Avec le dénouement peu surprenant que chacun pouvait deviner (la mise de côté de l'âge pivot et la rupture du front bas des bonzes syndicaux) chacun pense inévitablement à la formule du chef stalinien Thorez « il faut savoir terminer une grève » comme si elle ne servait qu'à marquer au fer rouge l'attitude collaboratrice du PCF au gaullisme pour appuyer la reconstruction bourgeoise ; or d'épuisement financier en reconduction de manifs ronflantes avec chars de carnaval syndicaux et ballons d'obédience avec sigle de boutique, on en était venu à souhaiter que les grévistes cessent de se sacrifier pour le roi de Prusse et... pour que rien ne change grâce au jeu de rôle pervers des boutiques syndicales et le discours gouvernemental parfaitement cynique, c'est à dire pervers narcissique... d'Etat. Avec une impression de déjà vu... en 2016 où la loi travail est acceptée par les mêmes syndicats qui aujourd'hui encore « trahissent »2, et les mêmes lamentations de tous les larbins nominés par Macron, comme Valls à l'époque : « cela doit cesser car la grève est incompréhensible » ; laquelle est devenue d'autant plus « incompréhensible » quand les grévistes sont laminés et isolés. La surexposition médiatique des manifs a pu faire croire à une somme de grèves plus ou moins dispersées3 alors que cheminots et RATP restaient seuls en lice, au point que Le Parisien se demandait s'ils allaient.. étendre à d'autres secteurs début janvier, quand cela sent le fagot4. Les badgés dits radicaux jouent leur partition finale ordinaire en clamant que c'est maintenant qu'il faut étendre le mouvement alors qu'il ne peut que foirer un peu plus dans le labyrinthe sans fond des vices de forme et vices tout court des conciliabules étatiques.

La grève pour le maintien des régimes spéciaux en 2007 n'avait pas été un 1995 bis. Mais 1995 c'était il y a … 25 ans, et rien n'a bougé depuis ; désespérément sans mémoire le prolétariat s'est toujours laissé boucher l'horizon dans les ornières syndicales, avec les mêmes processions syndicales moutonnières sans assemblée générale décisionnelle, derrière les mêmes baudruches ballonnées des véhicules corporatifs, quoiqu'il n'y avait que très peu de jeunes, lesquels sont au chômage ou dans des boulots de merde. Et quoique le privé restait toujours paralysé par impuissance sociologique et émiettement professionnel. Au moins en 2016 avait-on pu placer quelque espoir d'un débordement historique des mafias syndicales avec les « nuit debout », qui ne furent pourtant qu'un feu follet de parlote de bobos5. Un coup nombre de nos révolutionnaires critiques du ronron syndical exhibent des recettes formelles (vivement des AG, et des délégués élus et révocables) mais un coup il y en a des AG, mais dévitalisées par le personnel syndical, et un autre les prolétaires restent compartimentés dans leur corporation et incapables de contacts transversaux. Mais là quelles leçons tirer d'une des plus longues grèves de l'histoire sociale en France ?

Tout le long, le gouvernement a entretenu la cacophonie, dit la presse, qui se nourrit de la confusion ambiante autour de la préoccupation assez incongrue « des » retraites. Vrai. Jadis la retraite pouvait être une question unificatrice, encore que uniquement électoralement. La gauche bourgeoise mit longtemps à son programme le cap des 60 ans. Bon gré mal gré c'est fini. La retraite à la carte est de mise dans toutes les contrées capitalistes. Tant pis pour les vieux ringards comme Juan du groupe mondial de son nombril, les syndicalo-gauchistes et les insoumis mélenchonesques. Quant à la prétention affichée de certains corporatistes badgés de lutter pour « nos enfants »... laissez moi pouffer ! Lénine dénonçait la vanité étroite de cette démagogie. Dans les « bastions » dits exemplaires par certains révolutionnaires ringards, EDF comme SNCF, dans le ch'nord en particulier, c'est le népotisme qui régnait de père en fils et en cousin ; le syndicat devenant même un clan familial ! Ce népotisme transparaît encore dans le corporatisme du rail qui, par ses limites conceptuelles et politiques rappelle le sinistre Vikjel russe ou les mineurs valets de Ceausescu. Rien à voir avec la conscience politique de la classe ouvrière comme ensemble à vocation universelle au-dessus des divers corporatismes, et surtout obligée de les briser avant de commencer à lutter sérieusement.

Âge pivot ou pas, économies attendues ou pas... Depuis le début de cette grève surréaliste, la protestation corporative apparaissait sans fin, confuse, abstraite et illisible. Jusqu'au bout de l'épuisement circulaire cette grève protéiforme, dans l'entonnoir des dernières processions syndicales, aura fait défiler toutes les classes : aristocratie des transports ferroviaires, médecins, avocats, paysans, artisans vêtus de la veste jaune, sans que l'Etat vacille ni ne cesse de victimiser sa police terroriste. Avec cet air de déjà vu de même cloisonnement syndical qu'en 1995 et cette chimère du « tous ensemble » qui promet de déborder les « directions syndicales » mais qui n'en peut mais. Pendant ce temps, Macron 1er éborgneur de France promet des « décisions fortes » sur le climat (pas social) et un référendum contre le réchauffement climatique... piqûre de rappel de l'écologie punitive mais pas pour tous. Un petit ministre a parlé de « cocktails » de mesures pour la retraite new wave, ce qui va bien avec l'idéologie religieuse dominante de la « diversité ».
Parmi les prétendants à la révolution, la vraie, la prolétarienne et communiste, Révolution internationale et son petit bâtard (Révolution ou guerre)6 ont radoté leur langage de 1995 : « Unifions nos luttes contre les attaques de nos exploiteurs » (tract). Ce qui était se mettre à la remorque des gauchismes et des syndicaux qui font du chiqué. Pire, et lâche, hésitant à se prononcer sur la faillite annoncée d'une mobilisation chaotique et inconsciente, le groupe publie sur son site non une analyse et prise de position mais un vague communiqué du genre « vive la lutte » même foireuse et invite à plusieurs réunions publiques pour recueillir l'avis des spectateurs et, opportunément, en faire une synthèse qui lui évite de se brûler les doigts7


La croyance en une mobilisation totale de la population et un grouillement de grèves et de lutte, entretenue par toute la galaxie gauchiste et nos pâles « communistes de gauche maximaliste » s'est dégonflée à l'observation de rues vides ou peuplées de consommateurs. Et d'où qu'ils étaient nos farouches opposants grévistes ? En AG dans facs et usines comme au beau temps de 68. Que nenni ! tous au fond de leur tanière et visibles seulement, mais encadrés, dans les escortes de manifestations militaires. Il ne se passa rien de dynamique comparé aux gilets jaunes à leur début qui étaient, eux, visibles et permettaient des discussions de rue ; voyez aussi le niveau misérable et pâlichon des rencontres syndicales8.



LA RETRAITE C'EST PAS LE PEROU !

Merde ! Il y a plus grave que la question des retraites et la religion écologique ! Et c'est une pauvreté inouïe qui s'est installée dans la jeunesse sans travail et sans classe de référence, chez une majorité de femmes seules et une foule de gens isolés dont personne ne se soucie, sauf de la catégorie migrants (sans rien y changer) pour la galerie et la pose des bateleurs de foire de la gauche bobo. Suicides et meurtres se répètent dans notre oubli quotidien. Pendant que les barnums syndicaux défilent avec leurs tristes badges et calicots en chantant des hymnes à leurs corporations respectives, des milliers et des milliers souffrent de la persécution des banques, se moquent des magasins bios pour riches fonctionnaires et du souci des cyclistes du quartier latin pour la couche d'ozone, ignorent les seins nus des féministes ringardes, et patientent dans les stages bidon de pôle emploi sans savoir quand leur logeur les fera expulser.

Une seule chose est certaine au terme foireux d'une des plus longues grèves faussement générale de l'histoire sociale en France, le travail ne fait plus rêver au même moment où il n'y en a plus assez pour tout le monde, quoiqu'en dise les sondages sur commande, et comme l'a constaté à sa façon Julliard, et pas que en France contrairement aux propos des journalistes germanophobes ou pro-américains9. Mais une alternative de société non plus. Ce « droit à la retraite » est aussi caricatural que l'ouvrage de Louis Blanc « le droit au travail » publié au moment de la révolution de 1848, et si bien moqué par Lafargue. Aucun de nos prétendus révolutionnaires gauchistes ou ultra-gauchistes ne s'en est moqué, preuve de plus de leur appartenance au vieux monde du fonctionnariat, de l'immigrariat10 et des mafias corporatives syndicales de père en fils11.

MACRON SERAIT-IL UN NOUVEAU LENINE ?

Macron a été grimé en nouveau Louis Philippe par l'ami des flics et de la répression, la starlette Zemmour12, et aussi par d'autres en nouveau Badinguet. Il y a pourtant une pose à la bolchevik dans cette attitude élitaire farouche de se soucier du « financement des retraites », cette volonté forcenée et mensongère de créer un système « égalitaire » par points. Dans la confrontation à une société civile assez généralement indignée de l'attitude du comité central de la république en marche vers des lendemains assurés pour les vieux jours toujours plus repoussés...

Certains ont été jusqu'à penser que, comme Lénine, Macron voudrait se passer des syndicats, voire les ridiculiser. Pourtant dès avant même son élection, Pinocchio avait défini ce qui était, selon lui, le rôle des syndicats. « Je souhaite un syndicalisme moins politique » (en mars 2017) ». Macron a été à l'école de la gouvernance bourgeoise : « On a besoin de corps intermédiaires, mais à la bonne place (…) Je fais confiance aux syndicats pour réguler les relations de travail dans la branche et l’entreprise. Mais ils ne doivent pas se substituer aux détenteurs de l’intérêt général ». Autrement dit rien de choquant, comme Sarko et Flamby, les syndicats doivent rester dans leur rôle figuratif. Un type qui se nomme Eric Bourguignon a tenté de comprendre : « Pour le gouvernement, les organisations syndicales manquent de légitimité. De son point de vue, elles ne peuvent plus jouer le rôle de corps intermédiaires. Au moment des "gilets jaunes", on a d’ailleurs vu que l’exécutif leur demandait de désigner des représentants, comme pour créer une alternative aux syndicats. »

Pas vraiment, un gouvernement bourgeois qui se passerait des syndicats à notre époque serait suicidaire. Le souci de Pinocchio est plutôt l'exigence qu'ils fassent leurs preuves, preuve qu'ils sont bien capables de rester les bergers (sic) de la classe ouvrière. A ce point de vue il faut bien dire qu'ils ont été décevants (du point de vue du gouvernement et surtout des galériens parisiens). Gouverner par le chaos oui mais faut pas que ça dure trop longtemps. Certes cela devait pousser derrière, la population prolétaire et petite bourgeoise n'est pas prête à avaler la pilule d'une fin de vie non hédoniste. Pris en étau entre un pouvoir qui les maltraite et une société civile peu syndiquée, les syndicats seraient-ils voués à disparaître ? « Aujourd’hui, il n’y a pas de vraie alternative aux syndicats, reconnaît le Rémi Bourguignon, et ces derniers jouent là-dessus. Mais rien ne dit que de nouvelles formes de corps intermédiaires ne finiront pas par émerger un jour ».
Il ne s'agit pas donc de détruire les syndicats mais leur donner une chance de retrouver une représentativité réelle, disons de pérenniser leur fonction de police du prolétariat, mais... la crise économique est un sacré déniaiseur !

Concluons donc même si on n'en est qu'au générique de fin.Tout s'est déroulé dans une ambiance où maraudeurs gauchistes comme recruteurs syndicaux entretenaient la plausibilité d'un arrangement de la retraite heureuse comme seule fin envisageable à la vie dans le monde capitaliste. Maigre et amer constat pour celles et ceux qui auront été épuisés psychologiquement et financièrement par cinq semaines de grève trop bien « organisée », sarclée, compartimentée. Ce n'est pas un hasard si les synonymes de retraite sont : recueillement, résignation, non-activité, repli, débandade...
Pour tirer le bilan (désastreux) de cette grève hétéroclite pour des retraites interclassistes il ne faut pas compter sur les révolutionnaires amateurs qui se sont mis à la remorque d'un grève piégée d'avance par gouvernement et syndicats puis alignés sur les sergents recruteurs gauchistes. Il faut lire et se contenter (hélas) de la pertinence de certains éditorialistes bourgeois.
Giesbert dans « Le Point » :
« En France, la CGT ira jusqu'au bout, c'est à dire nulle part, pour défendre le système des régimes spéciaux qui donne aux retraités de la RATP, même s'ils arrêtent de travailler plus tôt, une pension supérieure à celle des médecins généralistes, voire à celle de certains spécialistes hospitaliers, pendant que les paysans n'ont droit qu'à quelques rognures ou à la crevaison ».(2 janvier)
Julliard dans « Marianne » :
« Je ne sais s'il faut parler de convergence des luttes ou de confusion des esprits. Dans le cas des grèves actuelles, on a rarement vu un conflit d'une telle ampleur s'accompagner d'une telle médiocrité dans les analyses et les propositions. Ce n'est pas FO qui a rejoint la CGT ; c'est la CGT qui a rejoint FO dans le refus pour le syndicalisme de dépasser le cadre du corporatisme revendicatif. Le principal risque est celui d'une désintégration générale ».(3 janvier)

On peut dire ce qu'on veut du catho-proudhonien Julliard, mais outre une carrière remarquable d'intellectuel de gauche syndicalo-socialiste, il n'est pas tombé de la dernière pluie concernant l'histoire du mouvement ouvrier (même s'il en connaît que pouic de notre sainte « gauche communiste » aux oubliettes et qui n'a plus réponse à tout) ; lisons ce qu'il analyse avec lucidité au début de son article intitulé « L'émiettement » :
« ...Corrélativement, pour expliquer l'étrange climat qui règne aujourd'hui sur la France, il y a ce retour des passions tristes, le ressentiment, l'envie, la haine même13, que l'on avait déjà vues à l'oeuvre durant l'année « gilets jaunes », et qui se sont substituées à l'exercice de la lutte des classes de jadis. Car, paradoxalement, la dramaturgie de la lutte des classes, avec ses grandes entités collectives, capitalisme, prolétariat, patronat, interdisait la psychologisation de la vie publique14. Ce n'est pas le capitaliste comme individu, la patron comme personne privée que l'on combattait, mais des forces collectives comme le capital. Oui, paradoxalement, la lutte des classes était un facteur de cohésion nationale, qui permettait à la citoyenneté d'exister à côté de la confrontation économique . Nous voilà revenus à une société prémarxiste où rien ne vient équilibrer la pression de l'individualisme et inciter chacun à raisonner en termes collectifs ».
Loin d'être un premier pas pour retrouver le chemin des luttes massives comme le dit frileusement un CCI suiviste de rumba syndicrate, l'aspect dominant et navrant de la protestation trop bien organisée (et si chaotique) d'un syndicalisme arrogant et bavant de corporatisme et d'avantages catégoriels risque bien de ridiculiser la classe ouvrière pendant de nouvelles décennies comme la fable du « tous ensemble » de 1995.

On se revoit quand, camarade syndiqué, pour une nouvelle journée de mobilisation ?


NOTES

1 La proposition de l’âge pivot du MEDEF à 64 ans, c’est à mourir de rire ! Le taux d’activité de la tranche 60-64 ans est à 33,5% en 2018 (chiffre du ministère du travail) «dares.travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/dares_tableau_bord_seniors_septembre_2019». Donc avant d’acter un âge pivot, que les patrons commencent déjà à faire augmenter ce taux d’employabilité des seniors, avec une meilleure accessibilité aux emplois, quand il sera à 70%, on en reparlera…

2Mot insatisfaisant puisque les syndicats gouvernementaux sont payés pour poignarder dans le dos en permanence les travailleurs ! Ils ont pour fonction de négocier en tant que « spécialistes », incontrôlables par leurs soi-disant mandants, car ils restent des valets du pouvoir. Ils disent changer de position ou bien que le gouvernement « a ouvert de nouvelles pistes de dialogue », jamais personne ne joue au croque-mort de la grève
3Il y avait même des secteurs en lutte qui se différenciaient de la danse des retraités. Les hospitaliers faisaient bande à part. En conflit ouvert avec le gouvernement depuis la publication de la faiblesse des lignes de crédits alloués à l’hôpital en 2020, le Collectif inter-hôpitaux, au sein duquel les médecins sont très actifs, n’entend pas mélanger les causes. Pas question pour celui-là de s’associer aux protestations contre la réforme des retraites. «Ce qui nous importe, c’est le sort de l’hôpital, insiste son coordinateur, le professeur André Grimaldi. Nous n’avons pas de légitimité sur un autre sujet. Il s’agit pour nous d’éviter que nos revendications soient noyées dans d’autres problématiques.» Une position que ne partagent ni le Collectif interurgences, à l'origine d'un vaste mouvement de grève national des services d'urgences, ni les syndicats de personnels hospitaliers, CGT et SUD santé, qui avaient déjà répondu présents le 17 décembre lors de la manifestation interprofessionnelle contre la réforme des retraites.
4 Le 9 JANVIER, titrage du Parisien : « SNCF et RATP : grévistes recherchent soutien désespérément ». Les cheminots et les agents RATP, qui tiennent le mouvement depuis le 5 décembre, attendent que les salariés d’autres professions prennent le relais. Godot se faisait attendre aussi.
5Nous avions donc rêvé en 1986 en croyant que les décennies à venir allaient confirmer une tendance au débordement des organismes para-étatiques. Il est vrai qu'ils sont foutus historiquement et qu'ils ont perdu tout crédit majoritairement dans le prolétariat. C'est bien un sacré paradoxe qu'ils arrivent encore à tenir le haut du pavé et à saboter toute dynamique de lutte exponentielle, voire plus si affinités révolutionnaires.
6L'individu qui réalise ce blog -Révolution ou guerre – s'est même pris pour Napoléon, ou Voltaire, s'octroyant d'informer la classe ouvrière du monde entier sur la lutte made in France et soufflant dans les cornes syndicales pour « généraliser » la lutte, mais laquelle ? Celle des avocats ? Des rentiers ? Des mercenaires policiers ?
7 Le mouvement contre la réforme des retraites n’est qu’un premier pas pour retrouver le chemin des luttes massives
Depuis début décembre, venant de tous les secteurs et issus de toutes les générations, des centaines de milliers de manifestants descendent dans la rue contre la “réforme” des retraites. Dans les cortèges, la colère et la combativité sont évidentes. Depuis les luttes de 2003 et 2010 contre les précédentes “réformes” des retraites, nous n’avions pas vu en France un tel enthousiasme d’être aussi nombreux à se mobiliser tous ensemble contre cette attaque qui touche toute la classe des exploités : salariés du public et du privé, actifs et retraités, chômeurs, travailleurs précaires, étudiants. La solidarité dans la lutte se manifeste par une volonté de se battre non seulement pour nous-mêmes mais aussi pour les autres secteurs et pour les générations futures.
Néanmoins, ce mouvement connaît aussi d’importantes limites et difficultés en particulier dans la prise en main et l’organisation de la lutte par les prolétaires eux-mêmes. Il n’y a que très peu, ou pas, de réelles assemblées générales dans lesquelles les travailleurs peuvent débattre, prendre ensemble les décisions et la conduite de leur lutte. Contrairement, par exemple, à Mai 68.
Quelles leçons tirer du mouvement en cours ? Quelles sont ses forces et ses faiblesses ? Comment préparer au mieux les luttes futures ? Quel rôle jouent réellement les syndicats et les partis de “gauche” ? Ce sont de toutes ces questions, et bien d’autres encore, que nous proposons de discuter lors des réunions publiques à :
8 Consultez par exemple les videos des dites rencontres inter entreprises de LO à Safran Villaroche et à PSA. Le badge syndical est le sésame des braillements corporatifs. Badgé CGT l'inénarrable JP Mercier, et ce blabla époustouflant des syndicaux trotskiens recrutant en fait pour ce faux tous ensemble au cul des mafias syndicales et répandant l'idée d'une extension possible (mais abstraite), face à une poignée de syndicaux du privé avec fanion CGT peu enthousiaste mais bon public, « si on arrive à être tous ensemble, Macron pourra pas grand chose, dit l'un :
« hein qui c'est qui va s'essouffler c'est le gouvernement, les travailleurs ont décidé d'être acteurs... tout ça pour un monde meilleur..appels répétés à suivre toutes les promenades syndicales... Mercier fait du chiqué : « le gouvernement joue le pourrissement, fait un chantage à la fête de Noël... arguments stupides pour retourner opinion publique mais Macron va à l'échec ! ». Mercier informe que plus de 60% de la population soutient les grèves : «  c'est nous qui avons démarré le bras de fer contre Macron, … y vont bloquer les salaires, nous faire crever au boulot et avec des milliards de profit, ...c'est le moment d'y aller sinon ils vous tous nous faire crever... y vont continuer à baisser les salaires … à nous faire trimer comme des chiens... pour avoir une vie meilleure alors bon courage à tous ! ». Applaudissements nourris des maigres troupes badgées.
A Vélizy, un sous-fifre de LO, Badgé CGT orange à Thalès... c'est le blabla d'un certain Abdel sur la grève en contagion : « en avant... privé et public tous ensemble, jeunes, vieux, tous ensemble on est tous concernés».
10Par ce néologisme je me moque du culte gauchiste de l'immigration conçue comme matrice du prolétariat alors que l'immigration n'est pas en soi révolutionnaire ni un signe de renforcement de la classe ouvrière. Peu de marxistes ont noté le poids des différences culturelles et raciales dans la constitution du prolétariat, facteurs de retardement comme le notait Pierre Souyri pour les USA : « … la conscience du prolétariat américain est simplement en retard. Le manque d'expérience du régime d'oppression dans un pays qui n'a pas eu, comme ceux de l' Europe, à lutter contre l'Ancien Régime, l'hétérogénéité d'un prolétariat d'immigrants qui ne peut pas d'un seul coup surmonter ses divisions culturelles et raciales et surtout l'absence de barrière à la mobilité sociale due à l'expansion vers l'Ouest, rendent compte de ce retard ». (cf. Variations dans le marxisme)
11Cf. le cas du Vikjel en Russie en 1917 illustre la complexité et le poids du corporatisme syndical: « C'était l’une des plus fortes organisations syndicales, représentant un secteur très imprégné de ses particularités corporatives et qui, par rapport aux ouvriers d’usine, constituait une sorte d’« aristocratie ouvrière ». Dans les postes hiérarchiques du personnel ferroviaire, parmi les employés, les conciliateurs gardèrent plus longtemps qu'ailleurs de l'influence. Les bolcheviks, dans les chemins de fer, n'étaient suivis que par une minorité, principalement par les dépôts et les ateliers. D'après Schmidt, un des dirigeants bolcheviks du mouvement syndical, les cheminots les plus proches du parti étaient ceux des réseaux de Petrograd et de Moscou. Le Vikjel était contrôlé par des forces politiques hostiles aux bolcheviks : à l’été 1917, sur ses 40 membres, il y avait 3 bolchéviks, 2 interrayons, 14 SR, 7 mencheviks, 3 troudoviks, et 11 « indépendants » parmi lesquels en réalité beaucoup soutenaient le parti KD" (wikirouge). On lit dans les OC de Lénine que : « Le camarade Lénine estime qu'il faut mettre fin sur-le-champ à la politique de Kaménev. Il ne s'agit pas d'avoir en ce moment des conversations avec le Vikjel [1]. Il faut diriger des troupes sur Moscou. Il propose une résolution sur le Vikjel. Le Vikjel ne fait pas partie du Soviet et il est impossible de l'y admettre ; les Soviets sont des organismes exprimant la volonté des masses alors que le Vikjel n'a pas leur soutien ». On lit aussi que : « Après la victoire de la Révolution d'Octobre, le Vikjel, qui était dirigé par les menchéviks et les s.-r., devint un centre de la contre-révolution à Pétrograd. Le 29 octobre (11 novembre), le Vikjel adopta une résolution sur la nécessité de former un «gouvernement socialiste homogène» comprenant les représentants de tous les partis «depuis les bolchéviks jusqu'aux socialistes-populistes». Des pourparlers sur la composition du gouvernement s'ouvrirent le même jour au Vikjel. Y prirent part des représentants des menchéviks- jusqu'auboutistes, des menchéviks internationalistes, des s.-r. de droite, des s.-r. de gauche, de l'Union des employés des PTT, de la Douma de Pétrograd, du Conseil exécutif du Soviet des députés paysans, etc. Le C.C. du Parti bolchévik estima possible la participation aux pourparlers en soulignant que les négociations sur l'élargissement du gouvernement et du Conseil exécutif central de Russie devaient se baser exclusivement sur la reconnaissance du programme d'action du pouvoir soviétique adopté au IIe Congrès des Soviets. Le C.C. du parti délégua Kaménev et Sokolnikov à cette conférence. Le Conseil exécutif central y envoya D. Riazanov et d'autres de ses représentants ». On imagine le casse-tête d'une révolution moderne, en mode léniniste amélioré, une situation où un Etat « prolétarien » devrait négocier des places de ministres avec la CGT cheminots ultra-corporative ! Pour une analyse plus fouillée du rôle contre-révolutionnaire des syndicats corporatifs dans la révolution d'Octobre, lire : https://www.matierevolution.fr/spip.php?article4740

12Souvent les pires réactionnaires ont du flair en histoire, laquelle est toujours plus ou moins un guide pour le présent. La comparaison avec Louis Philippe, dernier roi français, par l'obscurantiste Zemmour peut être intéressante, mais illusoire, pour les immédiatistes syndicalo-gauchistes. En effet, c'est une misère insigne qui caractérise les règnes de Louis Philippe et de Louis Macron : « Cependant, la chute du régime qu’il a fait naître a pour principales causes d'une part la paupérisation des « classes laborieuses » (paysans et ouvriers) et d'autre part le manque de compréhension de la part des élites de la monarchie de Juillet pour les aspirations de l’ensemble de la société française ». Sauf que les élites bourgeoises actuelles disposent d'un pouvoir plus considérable que la monarchie finissante d'autrefois et que la classe ouvrière moderne n'est plus aussi entreprenante que celle, jeune, du XIX ème siècle.
13Le film « Les Misérables » dont j'ai dénoncé immédiatement le caractère haineux, anti-flic primaire et apologiste de la violence revancharde musulmaniaque de banlieue, a été et reste encensé par les médias (et le Macron), cf. Le Monde qui félicite le metteur en scène repris de justice et ordurier vis à vis de Zemmour et d'une journaliste arabe athée de Charlie.
14Le dernier livre de Beigbeder décrypte la mode de la moquerie en politique, systématique dans tous les médias pour mieux faire croire à la démocratie, mais qui la ridiculise définitivement.

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