Dans son cycle "les écrans documentaires", patronnés par trois perroquets lycéens, un quidam de la
municipalité de ma banlieue Front de Gauche nous a bassiné en introduction avec un
long couplet antiraciste à propos d'un fait divers. C'est
l'ordinaire du vieux jus stalinien et trotskien lorsqu'il est
question de lutte de classe, on trouve toujours des gadgets pour
troubler les questions fondamentales : antifascisme de salon,
obsession de Trump, antiracisme, écriture féministe, pinçage de
fesses, et j'en passe. Le pitch du cinéma municipal mentait
carrément : une histoire de reprise de l'usine de fabrique
d'ascenseurs en autogestion par des ouvriers délocalisés, d'une
durée d'une heure (non 3 heures!). Archi faux, au départ ce n'était
pas un nouveau nanar sur l'autogestion nullarde à la Onfray ou FA,
mais, pour les deux tiers une très bonne exposition de la situation
des ouvriers frappés par la fermeture de leur lieu de travail, huis
clos certes mais assez bien vu sur les magouilles des cadres et
leur perversité pour acheter les futurs chômeurs avec des primes
différenciées dans des entretiens individuels. Il n'y a pas reprise
de l'usine, comme le croit le plumitif de Libération – ce qui ne
signifie rien – par les ouvriers, mais occupation et désarroi. Ce
désarroi n'est même pas le souci du collectif de bobos réalisateurs
qui s'en fichent comme du lieutenant-colonel Otelo de Carvalho, ils aiment les barbus
sales et dépenaillés qui discourent sur n'importe quoi.
Les
querelles des ouvriers soupçonneux entre eux, leur honte du chacun
pour soi, mais aussi leurs réactions violentes et leurs moqueries
des patrons voyous sonnaient juste ; pour les deux tiers du film
le tableau avait été étonnamment juste. Les petits bonheurs de la
vie privée font contraste avec le monde en perdition du travail,
mais cette vie reste limitée à la panne de libido à l'aurore (le
chômage c'est du bromure) et aux soldes du samedi. Mais soudain tout
déraille, les comédiens-ouvriers sont éjectés au profit d'un
conclave de phraseurs (parodie de l'impuissance des intellos
modernistes?) ; le seul lien avec le groupe d'acteurs précédents
n'étant plus que le vieux chauve à tête de clochard en bataille,
qui apparaissait en arrière plan sans qu'on sache qui l'avait
invité, et qui bafouille en gros plan au milieu des vieux machins
qui parlent d'on ne sait quoi. Le film de rien s'avère brusquement
n'être que le scénario-magma méprisant et délirant d'un collectif
d'intellectuels portugais modernistes, bourrés ou ayant trop kiffé
(on a choisi de représenter la plupart des ouvriers comme laids et
avec des têtes de marginaux ou de clochards et de ridiculiser ces
ouvriers « ringards » qui « s'accrochent » à
leur boulot de merde). Pauvres intellos merdiques, cinéastes de série B, qui connaissent que dalle de la classe
ouvrière, ni aux ruses des syndicats gouvernementaux et encore moins des indispensables partis de classe.
Qui végètent dans la lune moderniste et sans GPS pour se repérer dans leur brouillard fictionnel.
Avec
les quelques bases préliminaires d'une compréhension du
fonctionnement de la conscience de classe naturelle chez des ouvriers
fort bien campée par les acteurs – face à l'attaque économique
inopinée du patronat - on était en droit d'attendre que s'élève
l'action vers une réelle réflexion marxiste, comme le laisse à
penser un discours plaqué sur une séquence d'images d'usines vides
(sans l'humour maoïste involontaire de Godard), radotant certes sur
une crise qui ouvre la voie à un monde sans travail, CQFD ;
voire assister à d'autres discussions entre ces mêmes ouvriers
posant plus largement la question de l'extension de la lutte... et
pas du tout cette baleine vide d'autogestion. Au lieu de quoi, ils
deviennent soudain des pantins délirants devant un brasero ou des
pitres inconsistants fouillant dans les tiroirs de l'usine morte,
puis disparaissent de l'écran au profit d'un barbu boutonneux qui
débite un discours inaudible débile (et en français!?) entouré de
vieilles femmes et de pépères qui s'interpellent on ne sait trop
sur quoi et pour quoi, mais disent n'importe quoi. Le film est fichu.
Et nous les spectateurs floués dans nos espoirs de voir un film
politique honnête au milieu de l'océan des fictions nullardes et
des docus haineux anti-bolcheviques.
Salué
en début d'année par tous les esthètes de la presse (qui
imaginaient un nouveau perroquet à la Godard)1,
ce film raté n'est qu'une nullité, qui se prétend sabotage
organisé (de toute pensée cohérente?) par un groupe de bobos
finalement très méprisants pour la classe ouvrière limitée à ses
seules réactions « tripales », et ensuite, gommée
simplement du scénario pour laisser place à des discoureurs
complètement neuneus, vieux et sales qui l'examinent comme
d'impuissants pions sans intérêt à la manière de n'importe quel
manager ou observateurs d'insectes . C'est morne, bête et confus.
J'ai beaucoup d'admiration pour le niveau des discussions des
ouvriers portugais à l'époque de la révolution des oeillets, ainsi
que pour la prestation des acteurs autochtones jusqu'au deux tiers du
film, pas du tout pour l'immigré fayot, mais castrer ainsi la
dynamique de la lutte et de la conscience de classe, cela s'appelle
du sabotage nihiliste. Ne touchez plus au prolétariat crétins
cinémateurs !
Clarinda,
ouvrière depuis l'âge de 14 ans, a conclu : « les films
portugais, vraiment nuls, ça vaut rien ». Un film de rien en
tout cas et qui vaut... rien.
1Voici
ce qu'écrivait Télérama (organe TV catho) : « Tout en
croyant à une farce, on voit cette Usine de rien prendre
de la force. Le rien que produit l’usine devient néant
incommensurable dans une réflexion sur l’absurdité de tout le
système capitaliste. Embarqués dans des discussions sans fin, les
personnages défont et refont le monde d’aujourd’hui. Des
hypothèses sur l’avenir sont lancées, comme celle, étonnante,
qui prédit une société divisée en trois classes : la
stratosphère (où les gens planeront en comptant leurs millions),
le niveau des gens juste assez riches pour consommer (et faire
marcher l’usine), et puis les égouts, où sera rejeté le reste
de la population… ». Les gauchistes des Inrockuptibles
écrivaient eux : « Bien que clairement rangé du côté
des ouvriers, le film est politiquement très fin, montrant les
partisans de l'autogestion, ceux qui s'estiment collectivement
incapables de faire tourner l'usine sans le concours de cadres
comptables, ceux qui n'ont pas le luxe de se perdre en palabres ou
en grève trop longue parce que leur urgence est de faire croûter
leurs mômes... ». Ce n'est pas du tout ce qui en ressort à
cause du magma de propos invraisemblables et inopinés du cercle des
vieux qui surgit au deux tiers du film et ne vient pas poser du tout
des bases de réflexions de classe. Non ce film n'est ni fin ni du
côté des ouvriers, IL LES MEPRISE!
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