A l'heure où Obama le
vertueux et Hollande son sous-fifre ne cessent de s'incliner devant
l'islam noble et pacifique, et de légiférer pour que toutes les
mémères croyantes puissent circuler voilées et leurs époux prier
en usine dans des salles de prière ad hoc, agenouillés vers la
Mecque et non pas vers le Medef ou la CGT, retrouver dans l'histoire
du mouvement ouvrier la lutte contre la bigoterie et la lutte contre
la complicité religion/patronat est un grand plaisir. J'apprends
tous les jours. Regardant d'un oeil distrait une énième histoire du
syndicalisme sur la chaîne 5, je me serais presque endormi à
entendre la saga CGT narrée par un vieux stalinien des mines, la
censure de toutes les saloperies de la CGT de 1914 à 1968, le rappel
soft sur la saga curé-syndicalo-gauchiste à Lip, si le
drame de Courrières puis les deux moments clés de la défaite
ouvrière avant 14 et 39 n'avaient été rappelés ((1906 et 1938) et
surtout – événement qui m'était inconnu – au moment de la
fondation de la CGT: la grève antireligieuse des corsetières!
LIMOGES JUIN 1895 : 108
JOURS DE GREVE DES CORSETIERES
Outre la création de la CGT,
l'année 1895 fut marquée par un autre événement (...) : la
première grève de femmes à Limoges, l'une des premières en
France. (...)
Dans la porcelaine, elles ont
déjà participé à de multiples actions avec les ouvriers, et elles
viennent même de créer le syndicat des ouvrières de la peinture
céramique. Lors de la Commune, ne les a-t-on pas vues construire des
barricades ? Mais jamais elles n'ont décidé, encore moins, dirigé
une grève. C'est pourtant ce qui se produit en ce matin du 14 juin,
dans l'atelier de corsetières de la maison Clément.
La maison Clément est une de
ces entreprises familiales prospères, comme on en trouve beaucoup, à
l'époque, dans l'habillement. 105 ouvrières s'y échinent plus de
dix heures par jour pour des salaires qui ne dépassent que rarement
2 franc (0,25 franc pour les apprentis).
La maison Clément, sur le plan
social, c'est une discipline de fer que la patronne se charge de
faire régner, sanctionnant chaque manquement par des amendes. C'est
enfin et surtout une certaine conception de la religion, très ancrée
dans les milieux conservateurs et que le haut clergé catholique
encourage alors ouvertement. Chaque jour, les ouvrières sont tenues
de s'agenouiller pour réciter les trois prières obligatoires. Et ce
n'est pas tout: chaque semaine, elles doivent acheter un apostolat
pour 5 centimes; chaque dimanche, elles doivent assister à la messe,
et elles doivent encore communier trois fois par an...
Une enquête de police établit
que, pendant la semaine de la Passion, Mme Clément obligea ses
ouvrières et cela sous sa surveillance, à faire trois jours de
retraite. Elle voulut qu'elles aillent se confesser le samedi et
elles firent leurs Pâques de dimanche.
Les absentes furent punies par
une distribution de mauvais travail avec menace de renvoi de la
fabrique. Ajoutons au tableau que M. Clément (qui avait une
conception toute personnelle de la charité) vendait aux ouvrières
les fournitures nécessaires au montage des corsets (ce qui était
pratique générale à l'époque) 40% plus cher qu'à Paris...
Le 14 juin donc, passant outre
aux menaces d'excommunication brandies par la patronne, 44 ouvrières
et apprenties refusent de se mettre à genoux: c'est la grève. Elle
va durer 108 jours, jusqu'au 30 septembre, conduite notamment par
Marie Géraud, 24 ans; Marie Saderne, 19 ans, Amélie Rateau, 18 ans
(toutes trois possédant que le produit de leur travail pour vivre);
Mme Barry; Mlle Coupaud; Mme Bonnet...
Leur cahier de revendications
est simple à établir: suppression des amendes et des prières, 20
centimes de plus par corset pour compenser la différence de prix de
fournitures...
Reste à s'organiser car il n'y
a pas de syndicats dans l'atelier et à espérer la solidarité des
autres travailleurs. Aussitôt, la Fédération des syndicats de
Limoges vole au secours des audacieuses. On va danser et chanter à
leur profit: bals et concerts de solidarité se succèdent. Instants
émouvants où se tissent de nouveaux liens et s'échangent d'autres
regards. Mais cela n'arrête pas les quolibets. Pensez donc ! Des
femmes en grève, elles qui ne devraient pas travailler hors du foyer
familial... Les idées de Proudhon ont la vie dure dans la tête de
certains ouvriers1.
Au fil des semaines, la grève
s'effrite. Le 12 juillet, il reste encore 32 grévistes. Le 1er août,
elles sont 22. Le 22 août, la police en dénombre 30. Puis on
retombe à 22, irréductibles. Le patron refuse de plier. Il est
d'autant plus ferme que le travail des grévistes est pris en
charge... par
les religieuses, contre moins qu'une aumône, ce qui ne peut que
conforter la vieille classe ouvrière limogeaude dans son
anticléricalisme et, par ricochet, renforcer sa solidarité à
l'égard des 22 corsetières.
Le 23 septembre, lorsque
s'ouvre le Congrès constitutif de la CGT, les grévistes tiennent
toujours bon, et plusieurs d'entre elles sont même déléguées ou
invitées aux séances: Mme Barry, Mlles Saderne et Coupaud, Mme
Bonnet...
Sur les 8 femmes que l'on
compte parmi les congressistes, elle sont presque majoritaires; Mme
Bonnet préside la séance. De plus, une réunion publique, organisée
par les congressistes à leur profit, rassemble 750 personnes (selon
la police). Cet élan populaire n'entame pas, toutefois, la
résistance patronale. La première grève de femmes est un échec:
les 22 corsetières devront trouver du travail ailleurs, après
avoir, semble-t-il, envisagé de créer une coopérative de
production. Il n'empêche: la route est désormais tracée et
d'autres l'emprunteront.
En janvier 1896, les
décalqueuses sur porcelaines de chez Th. Haviland, après quatre
jours de grève, obtiendront la satisfaction de leurs revendications.
(source: "LIMOGES
(1870-1919) La mémoire ouvrière" de
Jean BOURDELLE).
1Le
groupe anar de Limoges Red Skins – qui fournit cet article – est
bien ignorant de tares de leur pape idéologiqu, Proudhon était
contre les grèves et parfaitement misogyne (voir comment Guérin
s'en moque).
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