"La suppression de la propriété privée... suppose, enfin, un processus universel d’appropriation qui repose nécessairement sur l’union universelle du prolétariat : elle suppose « une union obligatoirement universelle à son tour, de par le caractère du prolétariat lui-même » et une « révolution qui (...) développera le caractère universel du prolétariat ».
Marx (L'idéologie allemande)

«Devant le déchaînement du mal, les hommes, ne sachant que devenir,
cessèrent de respecter la loi divine ou humaine. »

Thucydide

dimanche 4 octobre 2020

Cet étonnant camarade A. VRP des intérêts de « L'ETAT OUVRIER »


REBUS HISTORIQUE : PROPAGANDE COMMUNISTE UNIVERSELLE ET/OU DEFENSE DES INTERETS ECONOMIQUES DE « L’ETAT PROLETARIEN » néanmoins national

      Le sujet qui va être évoqué ici n’existe pas dans les débats du milieu révolutionnaire maximaliste depuis des décennies, par méconnaissance (ou ignorance) à savoir l’extension de la révolution mondiale était-elle compatible avec la gestion des intérêts économiques de l’Etat des Lénine et Trotsky. Des militants plus anciens vous diront qu’il ne faut pas être idéaliste et que soumis aux lois du marché mondial , comme les autres Etats capitalistes, « l’Etat prolétarien », que personne n’aurait osé à l’époque qualifier de capitalisme d’Etat, pouvait être fondé d’utiliser les canaux des relations politiques des partis membres du Komintern  sans que cela devienne un réseau de capitalistes « rouges » comme on se moquait en notre jeunesse du milliardaire rouge français Jean-Baptiste Doumeng. L’identification du parti à l’Etat, supposé transitoire, par les bolcheviques fût une expérience inévitable, et seuls les anarchistes irresponsables s’étaient permis à l’époque de décrier cet Etat au même titre que n’importe quel Etat bourgeois.

Comme l’avait souligné G.Luciani en 1939 : « L'action extérieure de l'URSS se développe depuis la fondation du nouveau régime selon deux lignes qui parfois sont parallèles, quelquefois même se confondent, mais qui parfois aussi divergent sensiblement. L'une de ces lignes, c'est celle de la IIIe Internationale, de l'Internationale communiste (que l'on appelle en abrégé le Komintern), l'autre, celle du Commissariat aux Affaires Étrangères, de l'État russe si l'on veut. D'une manière simplifiée on peut dire que le Komintern a pour but avoué et officiel la révolution universelle, tandis que le Commissariat aux Affaires Étrangères vise à défendre les intérêts de l'État soviétique ».

Comment le Komintern agit-il? Par l'intermédiaire des sections nationales de l'Internationale, c'est-à-dire par les partis communistes nationaux, tandis que le Commissariat aux Affaires Étrangères emploie les méthodes diplomatiques ordinaires. Le Komintern s'inspire d'une idéologie qui tend a dépasser les frontières de l'URSS, tandis que le Commissariat aux Affaires Étrangères cherche à défendre les intérêts russes, à assurer la sécurité des frontières de l'URSS. Pendant les premières années du régime soviétique, entre 1917 et 1921, les dirigeants bolchevistes ont mis tous leurs espoirs dans la révolution universelle qu'ils espéraient très prochaine.

Pendant cette première période, les relations de l'Etat « socialiste » (« communiste » selon ses adversaires impérialistes) avec le monde extérieur se sont nécessairement bornées à la propagande révolutionnaire : fomenter des troubles sociaux, aider les mouvements révolutionnaires dans les divers pays, non pour appuyer une action diplomatique (ce qui plus tard a parfois été le cas), mais pour susciter la révolution universelle. Il ne pouvait s'agir alors d'une action diplomatique et de négociations régulières avec les pays étrangers : l'URSS était ignorée par les grandes puissances. L'Allemagne l'avait bien reconnue en mars 1918, au traité de Brest Litovsk, mais Joffé, le premier représentant soviétique auprès du Reich, devait être expulsé de Berlin, dès novembre 1918, justement parce qu'il était accusé de faire de la propagande bolcheviste (plus politique que celle des VRP qui lui succéderont). Jusqu'en 1921, « L'Etat ouvrier » attend le nouveau grand événement révolutionnaire quand les masses en Russie attendent de manger. Pendant cette même période, le Commissariat aux Affaires Etrangères, bien qu'existant, n'avait pas de politique propre, il était entièrement subordonné au Komintern. En 1921, la situation change parce qu'à l'intérieur la première expérience de gestion de la « misère communiste », dite bêtement « communisme de guerre », a échoué. Lénine a lancé la Nep, c'est-à-dire une nouvelle politique économique, qui est un retour partiel au capitalisme par des concessions à l'immense paysannerie et au petit commerce. Lénine disait dans un discours : « Nous avons engagé notre œuvre en misant sur la révolution mondiale. Nous avons toujours souligné qu'il était impossible d'accomplir dans un seul pays une œuvre aussi formidable que la révolution socialiste. » Or, les mouvements révolutionnaires en Allemagne, en Bavière, en Hongrie avec Bêla Kun, avaient été écrasés. Le capitalisme avait su triompher des crises issues de la guerre, et, par conséquent, une nouvelle époque commençait. A côté des pays traditionnellement attachés au système social fondé sur la propriété privée et l'initiative individuelle, il s'agissait de faire vivre un Etat original qui s'était donné pour but la création d'un nouveau système social dans l'attente de la révolution internationale. Le veau socialiste, comme disait Lénine, devant exister à côté du géant capitaliste et faire bon ménage avec lui, il fallait s'adapter aux nouvelles circonstances historiques; il était nécessaire de rendre possible la coexistence pacifique des deux mondes, capitalisme et communisme.C'est dire qu'après 1921, et surtout à partir de 1924 (date de la mort de Lénine), la perspective d'une révolution universelle s'éloigne, il faut donc faire primer les intérêts de la Russie via un Etat-parti qui ne peut compter que sur ses relations de « partis frères » au niveau international. D’où la tentation de jouer les VRP, à la demande non seulement de Staline mais aussi de Trotsky. Et la « fraternité » internationaliste va transformer de simple propagandiste de l’idée communiste en représentants de commerce en faveur du pays des Soviets. En France, en Italie, des techniciens se portent volontaires, des projets d’invention son transmis par les « camarades » aux réunions des commissions de « l’Etat prolétarien », on verra avec « L’affaire Virgili » que même la Fraction italienne avec le parti et son « ingénieur Bordiga » s’investit plus ou moins dans la tâche d’aide économique à un Etat national qui n’est pas plus représentant du prolétariat mondial qu’il n’est à lui seul un gage d’extension ou de financement de la révolution prolétarienne universelle. Cette aide des sections du Komintern est pourtant picrocholine, mais beaucoup moins plus tard dans le sens inverse qui fera fantasmer l'éternel complotisme (cf « L'or de Moscou »). Un personnage, très ignoré des historiens et des militants a joué un rôle central dans les débuts des tâtonnements mercantiles de l'Etat des bolcheviques. Ersilio Ambrogi (dit Massimo) a été un haut responsable du PC italien de la Belle époque et membre de la Fraction italienne historique, avant de mal finir chez Staline puis à la Libération (membre du PC d'Italie stalinien). Mais quelle trajectoire... sinueuse. Vous découvriez son rôle, ses préoccupations et ses analyses judicieuses dans une sélection de ses lettres et textes qui étaient en possession de l'OVRA.

L’Etat des Lénine et Trotsky  se préoccupe donc de faire reconnaître l'URSS par les grandes puissances et d'établir avec elles des relations commerciales et politiques. L'Angleterre la première renoue avec l'URSS avec qui elle signe, dès 1921, un traité de commerce.

La propagande superficielle des vieux fans radoteurs de Trotsky a passé sous silence que ce dernier comme les autres dirigeants de l’Etat présumé « socialiste » se serait opposé là-dessus au début à Staline. Or, tout en pensant évidemment la réalisation du socialisme dans un seul pays impossible, Trotsky était encore ministre-commissaire dans l’Etat en 1921, et comme le montre la requête auprès de lui de Ambrogi (ci-après) il collaborait à la démarche de gestion et défense des intérêts de l’Etat russe, en gardant sous le coude son concept confus de révolution permanente1.

La lutte Trotski-Staline ne peut se résumer à une lutte entre un réaliste et un idéaliste, apparemment en tout cas, et la victoire de Staline en 1928 n’est pas dûe non plus à la seule brutalité du futur dictateur. Mais l’avalisation du plan quinquennal, avec ou sans Trotsky au gouvernement, signifie bien que la Russie s’affirme comme nation avec des besoins économiques et militaires séparés des autres pays concurrents et ne peut plus être un réservoir de révolutionnaires, même utopistes. L’Etat tout entier s'absorbe alors dans sa gestion intérieure, dans son « labeur quinquennal », présenté au monde entier comme nec ultra de la socialisation étatique. Sous la férule du « Conseil des commissaires du peuple » le Komintern n'est plus l'adversaire du Commissariat aux Affaires Etrangères, et ce dernier est lui-même guidé, avant tout, par des intérêts purement russes.

On verra que Ambrogi, dit «Massimo » ( à la trajectoire si bizarre comme je l'ai souligné dans les introductions précédentes), qui n'est pas n'importe qui - il est désormais en 1922 le représentant du parti italien au Komintern avec Gramsci – est un parfait négociateur industriel, il se prévaut de l'appui de « l'ingénieur » Bordiga, et on le verra que Vercesi/Perrone ne manque pas une occasion de lui manifester sa solidarité face au long emprisonnement qui lui pend au nez depuis qu'en compagnie de ses affidés du conseil municipal où il était maire, il a fait partie de ce groupe qui a tiré au revolver et tué un policier fasciste.

Dans ses justifications après son exclusion, Ambrogi se démarque férocement de la Fraction et des Fractions (« anachroniques) considérant qu'elles ont nui à la fameuse et idiote « construction du socialisme » (qui dans l'imaginaire de l'électeur de Thorez devait représenter des barres de HLM). Il se prévaut en quelque sorte de son action de VRP de l'Etat russe au temps où il secondait Gramsci aux plénums moscoutaires. Il fait acte d'allégeance à la politique capitaliste d'Etat stalinienne, et, retors, affirme que la Gauche italienne ne soutenait pas l'Opposition de gauche trotskiste, ce qui est notoirement faux, au début tout au moins ; mais ce sont des yeux de velours à l'égard de Staline qui pilonne les trotskistes. Ambrogi se vend déjà lui à l'Etat fasciste dont il espère la mansuétude à son égard. Il craint pour sa peau. Ses textes compilés par après montrent souvent des analyses lucides sur l'échec de la révolution mondiale.

A la période 1928-1935 correspond une volte-face complète du pouvoir « nationalisé » par Staline et ses sbires en politique extérieure ; le régime participe au concert des rivalités impérialistes. Depuis Rapallo (une césure plus grave encore que Kronstadt), c'est-à-dire depuis 1922, l'Etat « socialiste » était engagé dans une politique de collaboration avec l'Allemagne. Après l'établissement du régime hitlérien, cette politique avait été abandonnée. L'Etat « ouvrier » défendit l'ordre européen issu du traité de Versailles. Membre de la Société des Nations, elle peut être classée parmi les puissances attachées au statu quo territorial. En 1928, le VIe congrès lançait ses foudres contre la France, « gendarme de l'Europe Centrale, gardienne de l'odieux traité de Versailles», L'Etat « ouvrier » dénonçait l'hégémonie française sur le continent. En 1935, au contraire, le VIIe congrès est essentiellement axé contre l'Allemagne hitlérienne, contre le fascisme allemand (il n'est alors presque pas question du fascisme italien considéré comme peu dangereux). Les positions de combat sont changées, la crainte de l'Allemagne nazie ne domine tout. Mais cela c'est une autre histoire.



L'affaire VIRGILI ou la collaboration italienne aux affaires de l'Etat russe

 (Traduction : Jean-Pierre Laffitte)

LETTRE D'AMBROGI A TROTSKY

28 AVRIL 1922

 

Cher camarade Trotzki (lettre rédigée en français)

 

Pour ne pas vous déranger davantage dans ces jours que je vous sais très occupé, je vous écris pour revenir encore sur l'affaire Virgili. Celui-ci dès quelques jours m'a pressé pour venir à une solution ou pour avoir son passeport, ne pouvant plus longuement rester sans soigner ses affaires en Italie où il ne peut pas non plus diminuer le personnel de son bureau, parce que le personnel même est destiné à venir en Russie au cas où il s'engageait pour la construction de son appareil.

J'estime en tout cas qu'il ne serait pas souhaitable de le laisser partir avant qu'une décision de la part du Gouvernement Russe soit prise. Il faudrait, je pense, solliciter autant que possible une telle décision.

Je sais que vous avez déjà signé le projet et que vraisemblablement le Conseil des Commissaires du peuple n'engagera pas une discussion sur l'opportunité de la construction de l'appareil, mais se bornera à l'étude de la question financière. Je sais aussi du camarade Dubiensky, membre de la Commission technique de l'aviation, que la solution de la question financière pourrait être assez facilitée du fait que l'aviation dispose d'une assez grande quantité de matériel absolument inutile pour elle-même, et dont une petite partie pourrait être vendue et suffirait à réaliser la somme préventivée pour la construction de l'appareil. Une partie même de ce matériel pourrait être utilisée directement par le camarade Virgili, et par cela en diminuerait le devis comme argent.

Alors, si je ne suis pas trompé par la confiance que j'ai dans le camarade Virgili, appuyée par la même confiance du camarade Bordiga, et par l'espoir de voir réalisé son projet, il me paraît que la question pourrait être, avec l'aide de Votre sollicitation, résolue dans un très bref délai de temps. Peut-être pourrait-on engager le camarade Virgili à faire venir ses collaborateurs de l'Italie pendant qu'on étudie les moyens pour avoir l'argent nécessaire. Il serait satisfait dans ce cas d'alléger les frais de son bureau (dont les affaires ressentent de son absence) et il ne prétendrait que ses collaborateurs soient payés jusqu'au commencement du travail, se bornant à demander qu'ils aient jusqu'à ce moment le traitement qu'il a lui-même. Il profiterait d'ailleurs pour se faire apporter ses livres et utiliser son temps et ses collaborateurs pour préparer dans tous les détails le projet de construction, ainsi que les autres projets pour les appareils de distillation et les sous-marins.

 Je vous prie de vouloir bien me donner quelque nouvelle à l'égard de cette affaire. Je pars demain pour Petrograd ; je crois que je serai de retour dans quatre ou cinq jours. A mon arrivée si je ne trouverai pas des nouvelles, je me permettrai de Vous téléphoner. J'ai promis à Virgili de Vous écrire et il attend de moi une réponse, sur la base de laquelle il veut prendre ses décisions.

Avec salutations fraternelles.

 

Contrat (concernant Virgili Ferruccio)

Moscou, mai 1922

 

 

La RSFSR (commission de l’Etat russe) en la personne de ….

et le citoyen italien Ferruccio Virgili ont conclu le contrat suivant :

 

1°) La RSFSR s’engage, dans un délai de deux semaines à partir du jour de la signature du présent contrat, à mettre à la disposition du camarade Ferruccio Virgili l’atelier de l’Aviation N. I de Promvosduk (Moscou, village de Vsecswiatscoie) avec toutes les installations, ustensiles et instruments, pour la durée d’une année. En plus de cela, la RSFSR s’engage à exécuter ce qui suit dans un délai d’un mois à partir de la souscription du présent contrat : a) mettre en état de marche complet, avec ses propres moyens, le moteur et la dynamo 15 HP qui se trouvent dans l’atelier en question ; b) construire par ses propres moyens une ligne électrique pour le courant continu (à l’intérieur de l’atelier) d’une longueur de 50 coudées ; agrandir par ses propres moyens la forge en y en ajoutant une nouvelle qui sera munie d’un ventilateur électrique.

2°) La RSFSR s’engage dans un délai d’un mois à partir de la conclusion du présent contrat à mettre à la disposition du camarade Virgili un terrain, choisi d’un commun accord avec Virgili lui-même, grand de 70 x 20 mètres, fermé de toutes parts avec une paroi aveugle de bois de 6 mètres de haut ; la construction de la paroi et le paiement de toutes sortes de dépenses relatives à ce terrain sont à la charge de la RSFSR.

3°) La RSFSR s’engage à allouer  au camarade Virgili un crédit: a) de 70 000 (soixante-dix mille) roubles-or pour les achats à l’étranger ; b) de 43 000 (quarante-trois mille) roubles-or en argent soviétique. Sur la somme destinée aux achats à l’étranger, 20 000 (vingt mille) roubles-or seront alloués dans un délai de deux semaines à partir du jour de la signature du contrat et le reste sera payé par des versements partiels égaux au cours d’une période de trois mois, c'est-à-dire que le premier de ces versements sera effectué un mois après l’attribution des 20 000 roubles. Le crédit en argent soviétique sera payé en versements partiels égaux au cours d’une période de 8 mois à partir du jour de la signature de ce contrat, c'est-à-dire que le premier versement  sera payé dans une période de deux semaines à partir du moment indiqué.

Pour les achats à l’étranger, la RSFSR doit faire obtenir au camarade Virgili le permis du Commissariat pour le Commerce extérieur.

4°) Virgili s’engage à construire dans l’atelier sus-indiqué au point 1, au cours d’une période d’un an à partir de la signature du présent contrat, un appareil volant de son invention, capable de soulever un poids utile qui atteindra au minimum 500 tonnes (par poids utile, il faut comprendre exclusivement l’équipage et la charge) et avec une vitesse qui pourra atteindre au moins 1000 kilomètres à l’heure.

5°) Toutes les dépenses relatives à la construction de l’appareil susdit, y compris aussi les salaires, la préparation du matériel, les constructions auxiliaires, ainsi que toutes les dépenses de transport, seront payées exclusivement avec les crédits accordés au camarade Virgili et indiqués au point 3, et la RSFSR n’a aucun engagement pour d’autres paiements qui seraient de la responsabilité du camarade Virgili pour les contrats qu’il aurait conclus.

6°) Le camarade Virgili a le droit de faire venir de l’étranger pour son compte trois collaborateurs de son choix, et la RSFSR s’engage toutefois à allouer à ces collaborateurs un appartement meublé de 5 pièces à proximité de l’atelier. Les dépenses relatives à l’entretien de l’appartement seront effectuées par le camarade Virgili.

 

7°) Le camarade Virgili s’engage à tenir la comptabilité de telle façon qu’il soit possible de vérifier les dépenses effectuées, et le contrôle de cette comptabilité sera fait par deux personnes de confiance, l’une désignée par le gouvernement soviétique et l’autre par le camarade Virgili. Ces personnes de confiance auront aussi le contrôle du matériel acheté par le camarade Virgili à l’étranger et le contrôle sur la véridicité des factures et sur leur inscription régulière dans la comptabilité.

Le contrôle du matériel  arrivé de l’étranger doit avoir lieu avant qu’il ne soit introduit sur le terrain de l’atelier ou sur le poste de montage dont il est question au point 2. Ce matériel ne peut être transféré que de l’atelier au poste de montage et vice versa.

8°)  …… ???.....

9°) … ???…. gratis une garde extérieure suffisante pour la surveillance de l’atelier et du poste de montage.

10°) Le camarade Virgili a le droit d’utiliser toutes les bibliothèques de l’État avec les mêmes droits établis pour tous les citoyens russes. La RSFSR s’engage à l’aider pour l’accomplissement de ce droit.

11°) L’essai doit être exécuté immédiatement la fin de la construction de l’appareil en présence des représentants de la RSFSR et du Parti Communiste Italien, trois représentants des deux côtés : ces représentants auront seulement le droit d’entrer dans les sections de l’appareil qui leur seront autorisées par le camarade Virgili. Les représentants susdits pourront participer aux vols en exécutant les mesures de sécurité qui seront indiquées par Virgili. Le nombre des participants au vol est fixé par Virgili lui-même. Tous les vols d’essai doivent être effectués sur le territoire de la RSFSR. L’essai doit durer 30 jours. L’appareil devra être conduit par Virgili et par le personnel qu’il aura choisi.

De son côté, le camarade Virgili doit donner toutes les garanties, compatibles avec la conservation du secret, qu’il n’utilisera pas l’appareil en contradiction avec les conditions de ce contrat et au détriment de la RSFSR. Ces garanties seront élaborées par la RSFSR et par le Parti Communiste Italien, et leur exécution est obligatoire pour le camarade Virgili.

12°) Si durant la période d’essai la RSFSR et le PCI se trouvent dans la nécessité d’utiliser l’appareil  pour un usage militaire, le camarade Virgili doit se mettre à leur disposition avec l’appareil.

13°) À la fin de l’essai, comme dans le cas indiqué au point 12, le camarade Virgili se met, lui et son appareil, à la disposition de la RSFSR et du PCI pour toutes sortes d’opérations à caractère militaire.

Les représentants de la RSFSR et du PCI, un représentant de chacune des  deux parties,  ont le droit de participer aux opérations militaires, et il leur est donné le droit de diriger ces opérations elles-mêmes.

14°) Une année après la signature de ce contrat, tout le contenu de l’atelier, le matériel et les travaux non terminés, reviennent à la disposition de la RSFSR.

15°) Dans le cas où le camarade Virgili s’apercevrait, au cours de l’évolution des travaux destinés à la réalisation de son invention, que celle-ci n'est pas exécutable, il s’engage à notifier cela immédiatement au représentant du Gouvernement soviétique et alors tout travail ultérieur ne pourra être exécuté qu’avec l’accord du Gouvernement soviétique.

16°) Le contrat original sera conservé à la Centrale de l’Aéronautique et le camarade Virgili en recevra une copie notariée en langue italienne.

 

Recommandation d’Ambrogi

(concernant l’affaire Virgili Ferruccio)

 

Moscou, 16 mai 1922

 

Au Comité technico-scientifique de la flotte aérienne,

 À propos des questions qui m’ont été posées relativement à la sécurité, du point de vue politique, dans le fait de confier au camarade Virgili la construction de l’appareil dont on parle aux conditions connues, et relativement aux garanties que l’on peut avoir le concernant quant à la capacité technique et au sérieux professionnel, je déclare ce qui suit :

C’est seulement en tant que communiste que Virgili a été incité à offrir l’utilisation de sa découverte à la Russie, et j’ai l’impression qu’il est une personne d’un sérieux tel qu’il n’aurait pas entamé des démarches avec la Russie si quelques doutes de nature politique avaient pu offusquer sa conscience. Cette conviction est renforcée en moi par la connaissance de l’intérêt direct que le camarade Bordiga a montré pour cette affaire alors que celui-ci n’a certainement pas manqué de se renseigner autant que possible sur Virgili avant de le recommander à la République des Soviets, conscient de la gravité d’une démarche semblable.

Quant à la capacité technique et au sérieux professionnel de Virgili, je ne peux pas en être un juge compétent : je me réfère encore une fois au fait qu’il a été trouvé digne de foi par le camarade Bordiga qui est ingénieur et qui, dans les limites posées par Virgili lui-même, a eu un entretien avec lui sur le projet. Je ne pourrais avoir d’opinion directe qu’en me référant  en général à l’estime que je peux avoir de Virgili du point de vue du sérieux.

Je considère donc que l’on doit prendre avec la meilleure considération et les meilleurs vœux le fait que la proposition de la construction de l’appareil soit acceptée, d’autant plus que Virgili, en tant que technicien, pourra rendre d’autres services si on lui donne l’occasion de rester en Russie. Il n’est certainement pas un spéculateur vulgaire : j’exclus qu’il puisse avoir l’intention de nuire de quelque façon que ce soit à la Russie des Soviets, et je suis même convaincu qu’il se mettra à la disposition de l’État russe pour ce que cela peut valoir.

Avec mes saluts communistes,

 

                                                    Le représentant du PCI au Présidium du Komintern 



Rapport des commissaires aux comptes

à l’Assemblée générale des membres de la “Commune italienne”

sur la gestion de l’année 1925-26

 

  Les commissaires aux comptes ont examiné les lives de gestion de la Coopérative ainsi que leurs pièces justificatives, et ils ont tout trouvé parfaitement en règle et bien informé. Et l’on affirme aussi cela en ce qui concerne le sovkhoze : l’on doit toutefois faire observer à cet égard que la régularité de la gestion ne suffit pas à garantir le développement d’une entreprise. Elle peut être au contraire, parfois, l’indice le plus sûr de la nécessité de son abandon. C'est le cas qui se produit pour le sovkhoze et qui a déjà été reconnu par le Conseil d’administration qui en propose la liquation, proposition avec laquelle les commissaires aux comptes sont d’accord sans hésitation.

Indépendamment de la nature particulière de cette gestion pour laquelle l’on a quelquefois des chiffres auxquels ne correspondent pas des pièces justificatives (par exemple : ventes isolées, et non pas sur le marché) et pour lesquels il faut s’en remettre à l’honnêteté des camarades chargés du sovkhoze, honnêteté que l’on ne veut absolument pas mettre en doute ; en dehors également de la considération que, même si elle est régulière, la gestion du sovkhoze est menée de façon si sommaire que même les pièces justificatives existantes n’offrent une garantie complète d’exhaustivité que sur la supposition d’une honnêteté indiscutée des camarades délégués (par exemple : les ventes sur le marché découlent de pièces justificatives qu’il serait facile de faire disparaître sans laisser de traces) ; indépendamment des ces remarques dues en partie à l’inexpérience en général des camarades, et non pas au manque de bonne volonté, et qui sont peut-être inévitables en raison de la nature particulière déjà mentionnées de la gestion, il faut convenir que précisément la caractère régulier de la gestion ne peut pas laisser de doutes sur l’opportunité de renoncer définitivement à la gestion du sovkhoze.

L’on doit dire ouvertement ici que les camarades ont donné en général la preuve de leur meilleure volonté, et que les erreurs éventuelles sont à imputer à la méconnaissance des conditions locales de travail et qu’elles ne sont de toute façon pas de nature décisive pour la question de la conservation ou non de l’administration du sovkhoze. Il est évident que celui-ci ne peut se suffire à lui-même que s’il est fortement soutenu par une ou plusieurs industries collatérales. L’on sait bien que l’expérience du sovkhoze a été décidée en se fondant sur la garantie, obtenue des autorités compétentes, de la possibilité de développement de l’industrie des laitages, mais il s’est révélé ensuite que celle-ci n’aurait pu se développer que sur la base de la concurrence avec une Coopérative de paysans qui existait déjà, concurrence qui aurait sans aucun doute entraîné une situation insoutenable, du moins politiquement, pour nous. Et pour tabler seulement sur le lait du sovkhoze, il aurait fallu étoffer l’étable dans une telle mesure que nos ressources y auraient été insuffisantes.

Des projets et aussi des tentatives d’autres industries ont fleuri avec une richesse véritablement fantastique : mais elles ont donné des résultats négatifs car elles demandaient des ressources excessives : sans dire non plus que les garanties pour le développement d’industries particulières pouvaient aller à l’encontre du risque de garanties obtenues pour l’industrie du lait.

Dans ces conditions, le sovkhoze, sans industrie, représente un poids mort : avec l’industrie, indépendamment de son coût, il représente un aléa que seule une entreprise qui dispose de vastes capitaux peut affronter. Pour ces raisons, nous considérons qu’il est de notre devoir d’approuver la proposition du Conseil d’administration de ne pas en venir à la signature du contrat avec le MOSO et de procéder sans faute à la liquidation du sovkhoze.



AMBROGI SE JUSTIFIE APRES SON EXCLUSION

Lettre d’Ambrogi

à la Commission de Contrôle du Comité Central du PCR(b)

 

    L’expérience d’une période assez longue après mon exclusion du Parti a déterminé chez moi un profond changement des idées qui m’avaient poussé à l’opposition de sorte que, après mûre réflexion et en pleine conscience de la gravité de mon passé, j’ai décidé de demander ma réadmission au Parti.

Si d’une part l’insuccès des fractions m’a donné à réfléchir sur leur inutilité d’abord, et ensuite sur leur anachronisme ainsi que sur l’inconsistance de leurs arguments que, dans leur soutien, j’avais moi-même élaborés en ne tenant pas compte par conséquent des exigences des nouvelles formes de discipline de fer sans lesquelles les partis communistes cesseraient d’être des partis d’action pour se transformer en palestres académiques ; d’autre part, le [?] immédiat de cette dernière période, avec la construction de l’économie soviétique – occupé directement dans la production – m’a convaincu que le développement des fractions non seulement augmenterait les difficultés de la construction socialiste, mais créerait le terrain propice aux manœuvres et aux embûches des forces contre-révolutionnaires.

Mon exclusion du Parti a coïncidé avec la période au cours de laquelle on élaborait fébrilement le programme d’action pour le passage décisif de la période de la NEP à celle de la construction du socialisme. Je n’ai pas tenu compte des plus grandes exigences de discipline que comportait un période aussi délicate : et je ne  pouvais pas faire autrement étant donné que je niais a priori la possibilité de la construction du socialisme en Russie sans l’appui du triomphe révolutionnaire dans d’autres États capitalistes. À cet égard également, l’expérience des indiscutables succès obtenus, les progrès gigantesques de l’industrialisation du pays directement sous le contrôle de l’État prolétarien, le développement de l’industrialisation de l’agriculture, le contrôle désormais assuré sur la campagne, les classes en voie de disparition, et ce qu’une telle situation reflète nécessairement dans les divers aspects de la vie sociale : tout ceci m’a convaincu de réexaminer la question.

J’opposais de manière schématique les constructions socialiste et capitaliste en partant du concept de l’unité de l’économie mondiale et j’en concluais qu’elles étaient incompatibles : il aurait dû de ce fait s’avérer que, en l’absence du triomphe des révolutions dans les pays capitalistes (ou transitoirement, au moins dans l’un des plus importants), la Russie n’aurait pas été en mesure de développer l’économie socialiste, ou elle aurait à tout le moins provoqué même au début contre elle la coalition des États capitalistes par-delà leurs divergences ; et par voie de conséquence, la guerre aurait empêché la construction du socialisme et se serait conclue nécessairement ou bien par le triomphe de la révolution dans d’autres pays, ou bien par la perte pour une période plus ou moins longue des conquêtes de la Révolution d’octobre.

De même que mes prévisions, l’expérience a condamné les erreurs doctrinales qui les avaient engendrées et elle m’a convaincu que, l’unité de l’économie mondiale ne constituant une vérité qu’au stade potentiel, l’on a précisément la contradiction entre l’état potentiel et l’état de fait qui, en provoquant des crises et des conflits entre les États capitalistes eux-mêmes, ce qui rend impossible pour eux une solide entente, permet à l’État soviétique, grâce à une politique internationale avisée, une coexistence relativement pacifique avec eux et par conséquent, bien qu’avec de grandes difficultés, la construction du socialisme. Ce qui, bien que ne diminuant pas complètement l’opposition socialisme-capitalisme, a déjà permis à la Russie de s’affirmer désormais comme un facteur politique et économique de premier ordre sur le plan international, facteur dont, par la force des choses, les États capitalistes ne peuvent pas faire abstraction, eux qui sont obligés, sous la pression des crises et des différents conflits, d’orienter alternativement leur politique vers plus ou moins de cordialité à son égard. Et il est prévisible que la prochaine agression contre la Russie, qui coïncidera peut-être avec la guerre entre les Etats capitalistes eux-mêmes, trouvera ici le socialisme déjà fondamentalement réalisé, ou ayant des bases tellement renforcées, qu’il ne sera plus possible d’en empêcher le développement ultérieur.

Et je n’ai pas considéré ici les hypothèses de mouvements révolutionnaires et de solidarité que la guerre provoquerait sans aucun doute parmi le prolétariat international : ce qui concerne en général toute la politique du Komintern qui m’a eu aussi  comme opposant. Je veux faire remarquer cependant que ce n’est pas cette opposition en elle-même qui a déterminé mon exclusion du Parti, mais c’est sa forme – la fraction – et la coïncidence occasionnelle et non de principe avec certaines critiques de l’opposition russe déjà condamnées comme “trotskistes”. Et je souligne que l’incompatibilité existant entre la prétendue opposition de gauche russe d’abord, et aujourd'hui entre la prétendue opposition  de gauche internationale dirigée par Trotski, et la gauche italienne, a déjà été confirmée. Mais je dois ajouter que je salue avec enthousiasme la campagne réactivée pour l’application des      21 points décrétés par le II° Congrès de l’Internationale et qui concernent l’admission des partis communistes en elle ; et avec elle, l’élaboration continue du problème du front unique qui vise à éviter les mauvaises applications qu’il y a eu malheureusement de lui dans le passé ; un problème strictement relié au problème syndical qui attend lui aussi une solution plus satisfaisante de l’étude minutieuse des situations, de l’analyse des expériences et, à la lumière des postulats de classe, de l’activité discipliné des organisations de parti afin de s’assurer de l’influence nécessaire sur la majorité des masses laborieuses. Je ne vois en somme aucun motif sérieux d’opposition au Komintern ; et la nouvelle orientation de mes idées que j’ai décrite dans ses points saillants et qui aura peut-être l’occasion d’être développée plus largement, me donne la garantie que je saurai à l’avenir contenir les divergences éventuelles dans les limites permises par la discipline de fer, impérative, de parti.

Je n’ai pas l’intention de m’exonérer de la responsabilité de mon activité fractionniste passée ; mais, pour que la Commission ait tous les éléments pour juger de mon cas personnel, je dois ajouter que, après mon exclusion du Parti, j’ai séjourné environ deux ans en Allemagne tout en conservant cependant le contact avec l’organisation pour laquelle je travaillais antérieurement, et qu’au premier rappel de celle-ci je suis rentré sans délai et de manière disciplinée en Russie. Et ici, j’ai eu le loisir d’avoir le contact direct avec l’activité économique soviétique, ce qui m’a aidé à me débarrasser de toutes les erreurs et de tous les sophismes qui m’ont éloigné du Parti.

                                                                                         

                                                                                                        Ersilio Ambrogi (Massimo°

 

Moscou, mars 1934

 Lettre d’Ambrogi à Ellenio

 

Moscou, 23 avril 1935

 

Très cher Ellenio,

 

Tu trouveras ci-jointe la copie d’une autre de mes lettres à Staline, ainsi que la copie de deux lettres à Jaroslawski accompagnées de leur traduction. Elles n’ont pas besoin d’illustrations. Je peux tout au plus ajouter qu’après la lettre du 5 avril à Staline et celle du    11 avril à Jaroslawski, une liaison a été établie entre les deux bureaux et il a semblé que c’est Jaroslawski qui devait s’occuper de mon cas. Je n’ai pas alors parlé directement avec Jaroslawski, mais à son secrétaire auquel j’ai exposé clairement mon interprétation de ma situation, et les deux moyens pour m’en sortir. Et celui-ci m’a invité ensuite à entrer en pourparlers avec le Commissariat à l’Industrie lourde, en m’adressant à des personnes avec lesquelles Jaroslawski lui-même avait déjà parlé à cet effet, lequel avait également parlé en ayant le même objectif avec Manouïlski. C’est alors que j’ai écrit à Magda en lui faisant miroiter un rayon d’espoir. Mais, au Commissariat de l’Industrie lourde, ils ne m’ont pas fait les offres auxquelles j’aurais dû m’attendre, malgré ma clarté sans ambigüité, et, au Komintern, où naturellement Manouïlski, occupé, m’a renvoyé à d’autres, ils sont tombés des nues quand ils ont appris de ma propre bouche que, en vue de la situation, j’avais cru bon de prendre certaines mesures et que j’avais commencé à t’informer sans mensonges désormais, que je t’avais communiqué une copie de la lettre à Staline : et, quant  au travail, ils s’en sont remis eux aussi au Commissariat de l’Industrie lourde où je continuai encore à faire les démarches. Mais ils n’ont pas manqué en même temps de faire pression sur la Commission Centrale du Parti russe, en s’appuyant sur le fait horrible que, me sentant sous la menace de la provocation et sans aucune possibilité de défense ici, j’avais eu l’audace de chercher le minimum possible de défense chez mon fils qui se trouvait à l’extérieur de la Russie. Le reste t’est facilement compréhensible à la lecture des lettres ci-jointes.

Cette fois-ci également, dès que tu recevras cette lettre, fais-le moi savoir télégraphiquement et communique-moi immédiatement le cours des démarches que tu as entreprises au cas où je ne recevrais pas de nouvelles auparavant, ainsi que je veux l’espérer.

Soyez absolument tranquilles parce que je me suis préparé à tout avec un calme surprenant. Et puis, comme vous le voyez, pour ma part, bien qu’avec la clarté et la précision nécessaires, je ne néglige rien, absolument rien, pour régler paisiblement les choses.

Bons baisers à tous.

Lettre d’Ambrogi à Likhachev

(traduite du russe)

 

Moscou,  23 septembre 1935

 

Camarade Likhachev, après ma lettre du 11 courant, que je vous ai adressée, un camarade qui s’est présenté comme étant Boris Nikolaïevitch a pris contact avec moi ; j’ai accepté trente dollars de sa part pour le mois d’août à la condition que, d’ici le 19, je devrais savoir si et quand je recevrai les autres trente dollars pour le mois de septembre, et que, s’il n’y avait pas de réponse catégorique, c’est que j’aurai considéré cela comme un refus : parce que je ne veux plus dépendre, dans le meilleur des cas, de difficultés bureaucratiques et que je recevrai l’argent nécessaire d’Italie, où ma famille peut m’aider un peu, alors qu’elle ne me demande pas de m’humilier et que pour elle la solidarité n’est pas un vain mot. Inutile de dire que la question de l’argent russe n’a pas non plus été résolue. Et le 19 courant, l’on m’a communiqué que l’on ne pouvait pas donner de réponse à ma question étant donné qu’il faut attendre le retour du camarade I., et que c’est lui qui doit la résoudre. Même cela n’est pas vrai : parce que le camarade I. ne fait qu’exécuter les ordres d’un autre service, auquel la Commission de Contrôle a donné  ses instructions ; et parce que le camarade I. lui-même a motivé précédemment son sabotage sous le prétexte qu’il ne pouvait pas résoudre les questions que je posais, qu’il devait s’adresser à la Direction, et que les difficultés qu’il a rencontrées pour s’adresser à la Direction étaient insurmontables. J’écris tout cela, non pas pour insister sur la question de l’argent, que finalement je peux résoudre par moi-même, mais parce que, en tant que communiste, je dois encore une fois attirer l’attention de la Commission de Contrôle du Parti sur la persistance de ces choses indécentes, malgré l’intervention de la Commission Centrale de Contrôle elle-même, laquelle existe y compris pour prendre des mesures contre les personnes qui en sont responsables. Quant à moi, une fois pour toutes, je prie la Commission de Contrôle de me libérer de la nécessité d’avoir des contacts avec certaines personnes. Je profite de l’occasion pour attirer encore une fois  l’attention de la Commission de Contrôle sur le fait que la question du logement n’a pas elle non plus été résolue et que, maintenait plus que jamais, il faut la résoudre de toute urgence.

Concernant le travail : le camarade Bauman, auquel le camarade Tchkiriatov m’a recommandé,  m’a présenté le camarde Nekrasov, lequel m’a envoyé à la Gosbank. Là, ils m’ont offert le poste de vice-directeur d’une filiale en province que j’ai refusé parce que, selon les accords, j’aurais dû avoir un poste à Moscou. Ils m’ont alors proposé le poste de  consultant le plus ancien pour les questions juridiques. J’ai réfléchi sérieusement, et puis j’ai refusé parce que je ne peux pas prendre la responsabilité de ce travail après quatorze années au cours desquelles je ne me suis pas occupé de questions juridiques, d’autant plus qu’il s’agirait de problèmes absolument nouveaux pour moi, à savoir de problèmes de droit international et soviétique. Mais je ne veux pas passer sous silence aussi qu’un travail purement technique ne me satisfait pas, d’autant plus que j’ai été obligé de me poser la question de savoir si le travail que j’obtiendrai doit de par lui-même me démontrer la confiance que le Parti me fait, et d’autant plus que la situation internationale m’incite à prendre une part directe et une responsabilité plus grande soit aux questions internationales purement politiques de la révolution et de la défense de l’URSS, soit à la construction du socialisme.

Mais je ne sais pas maintenant à qui m’adresser pour résoudre cette question parce que le camarade Nekrasov est malade, le camarade Bauman est en permission, le camarade Vinogradov est souffrant et le camarade Tchkiriatov est en congé. Peut-être qu’encore une fois vous pourrez transmettre cela à qui de droit.

Avec mes remerciements et mes salutations communistes.                             E. Ambrogi

 

Lettres d’Ambrogi à Tchkiriatov

(traduites du russe)

 

Moscou, 4 octobre 1935

 

Camarade Tchkiriatov, vous savez ce qu’il est advenu après notre conversation du       19 juillet. J’ai écrit à ce sujet au camarade Likhachev, lequel a tout transmis au camarade Schwarz et celui-ci m’a dit qu’il en avait déjà fait le rapport, mais qu’il n’avait pas encore reçu de réponse.

Afin d’éviter des malentendus ultérieurs, je considère comme étant utile de formuler les requêtes avec la plus grande précision possible :

1°) Recevoir sans délai la carte du parti, et être inscrit sans aucune difficulté dans la cellule de mon poste de travail.

2°) Concernant mon travail : être inscrit dans la nomenclature du Comité Central du Parti ; convenir avec le Comité Central d’un travail intéressant de dirigeant responsable, et recevoir directement de lui la feuille de route correspondante (un cas de nécessité, je suis disposé à effectuer auparavant une période d’essai).

3°) Obtenir un appartement à part de trois pièces.

Concernant ma situation matérielle actuelle, la question ne se pose pas étant donné que je ne peux pas attendre la réponse plus longtemps et que je télégraphie pour recevoir l’aide nécessaire de la part de ma famille : ce qui, entre autres, soulage ma situation morale. Pour les autres questions, j’espère recevoir de vous une réponse dans les prochains jours.

Trois ans après mon retour en URSS, une année et demie après ma demande pour être réadmis dans le Parti, plus d’un an après ma réadmission dans le Parti, je pense qu’il a passé un temps suffisant pour mettre fin à ma tolérance à l’égard d’une situation équivoque.

En tout cas, je dois ajouter que je considère mon séjour en URSS comme temporaire dans la mesure où, dans la situation internationale actuelle, je veux prendre une part directe au mouvement révolutionnaire international avec le Parti ou, dans le pire des cas, hors du Parti, si le Parti refuse de satisfaire ma demande. Il ne fait aucun doute que tout mon passé me donne ce droit.

E. Ambrogi (carte du Parti n° 0079586)     tel : 3.25.62

Ananiewskii per. 5 – Corpus IV – quart. 100

 

 

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  Moscou, 15 novembre 1935

 

Camarade Tchkiriatov, le 10 courant le camarade Schwarz m’a dit par téléphone que je devais m’adresser au camarade Manouïlski auquel vous aviez transmis ma question. J’ai téléphoné au camarade Manouïlski, et j’ai su par son secrétariat que je devais m’adresser au camarde Tchernomordik. Celui-ci m’a prié de lui téléphoner le jour suivant parce qu’il voulait connaître auparavant les délibérations qui avaient été prises dans mon cas, et il m’a alors communiqué le lendemain que le Komintern ne s’opposait pas à mon départ de l’URSS. Et c’est tout. À ma question : comment partir, il m’a répondu que je devais m’adresser à vous à ce sujet. J’ai téléphoné au camarde Schwarz, et je l’ai prié de me donner communication de votre réponse. Hier, quand j’ai téléphoné de nouveau pour la connaître, il m’a dit : « Parole d’honneur, je ne sais pas quoi faire : le camarade Tchkiriatov dit que votre question a été remise au camarade Manouïlski ». Et ainsi, tandis que l’on donne en URSS une importance particulière à la question de la correction des rapports entre les individus, les hommes les plus responsables se renvoient la balle de l’un à l’autre, dans un jeu sans fin de vieux révolutionnaires contre lequel il n’y a rien à faire selon vos propres déclarations. Que dois-je faire ?

Mais cela ne constitue qu’un seul aspect de la question, parce que je me considère comme étant un membre du Parti, conformément à la délibération de la Commission de Contrôle, et conformément à vos déclarations personnelles du 19 juillet : et alors, il faut en premier lieu résoudre la question du Parti que je vous ai posée comme première question. Ou bien, considérez-vous que, si je m’en vais à l’étranger, même si c’est avec l’accord du Komintern, l’on ne doit plus me considérer comme un membre du Parti ? Et si ce n’est pas le cas, s’il vous plaît, il faut régler ma question du Parti, me donner la carte du Parti, et régulariser mon départ en suivant les formabilités du Parti, comme cela se fait pour tous les camarades qui partent d’URSS ; et il faut en second lieu me donner la possibilité de partir d’URSS ainsi qu’on la donne à tous les camarades qui, pour un motif quelconque, ne peuvent pas partir légalement. Je n’insisterais certes pas sur cette seconde question s’il m’était possible d’obtenir le passeport italien, mais je n’ai pas encore reçu une réponse satisfaisante à ce sujet de la part de mon fils qui s’occupe de mon cas en Italie.

Et en général, lorsque je précise ma situation, je vous prie de me recevoir personnellement afin d’éviter des malentendus toujours possibles, quand des questions sérieuses sont transmises par téléphone et par le biais de personnes intermédiaires qui ne peuvent pas fournir les éclaircissements nécessaires.

 

E. Ambrogi

 

 

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Moscou, le 25 décembre 1935

 

Camarade Tchkiriatov, mon fils me communique d’Italie que, dans le moment présent, aucune expédition d’argent n’est possible. Étant donné que vous savez que je ne travaille pas et que je vis avec les moyens que je reçois d’Italie, il doit être clair pour vous qu’aux raisons morales s’ajoutent maintenant des raisons matérielles du fait desquelles je ne peux plus attendre les décisions du Parti sur ma question : en effet, je n’ai l’intention ni de demander, ni d’accepter, l’aumône de qui que ce soit. J’espère que, considérant ma situation, vous déciderez immédiatement de mon cas, qui traîne déjà depuis environ deux ans, et que vous m’en communiquerez le résultat.

 

E. Ambrogi    

 

  Lettre d’Ambrogi à Ellenio

 

 

Moscou, 26 janvier 1936

  

Très cher Ellenio,

 

Je prépare ces documents pour parer à toute éventualité. L’on fera tout ce qui est possible pour te les faire parvenir, mais seulement dans l’hypothèse où quelque chose de désagréable m’arriverait. Lors de leur réception, tu pourras mettre en œuvre toutes tes forces pour me venir en aide. Parmi ces documents, il y en a d’anciens, mais un aussi qui concerne la toute première période après mon retour en URSS. Étant donné le contenu de tous, il est évident qu’il n’y a qu’un fil qui a toujours guidé la conduite de ces gens à mon égard : me tenir prisonnier ici parce que je sais beaucoup de choses, en raison du fait que j’ai eu le contrôle de l’activité diplomatique de quelques puissances – me mettre à l’écart parce que j’ai été dans l’opposition et parce que je conserve la volonté et la capacité d’avoir mes propres opinions politiques. L’on a considéré comme une erreur de m’avoir fait sortir de la Russie, et en dépit de ma loyauté, l’on m’a fait croire que l’on avait besoin de moi afin de m’y faire retourner.

    Bons baisers à tous.

 

Dans l’hypothèse où je serais arrêté, je veux ajouter que l’on ne devra pas de la manière la plus absolue prêter foi aux déclarations de n’importe quelle sorte qui me serait attribuée étant donné que je suis décidé de la manière la plus ferme à rejeter n’importe quelle déclaration, à ne signer absolument aucun acte, à ne répondre à aucun interrogatoire, à partir de mon arrestation, à l’exception de la déclaration suivante : je ne répondrai et ne me défendrai que lors d’un jugement public auquel sera présent un de mes fils résidant en Italie  ou bien une personne par eux déléguée s’il ne leur est pas possible de venir. Je comprends très bien que, dans ce dernier cas, il sera difficile de sortir de la situation sans s’adresser au Consulat italien de Moscou, peut-être par l’intermédiaire du ministère de l’Intérieur ou des Affaires étrangères. Même cette solution ne doit pas être rejetée. Il faut répondre à toutes les armes avec toutes les armes.

 Texte d’Ambrogi

 

(1936)

 

Les fluctuations du problème révolutionnaire depuis l’immédiat après-guerre rendent aujourd'hui nécessaire un réexamen qui mette en lumière le déplacement de certaines positions, le renversement d’autres, pour en déduire le sens du processus historique actuel et pour prendre des positions bien définies dans le cours compliqué des événements.

1°) La Révolution russe s’est affirmée avec des tendances authentiquement internationalistes et elle a provoqué à la formation de la III° Internationale, laquelle a fomenté dans les pays capitalistes des mouvements révolutionnaires destinés à supprimer sans tarder le capitalisme et à instaurer immédiatement des Républiques soviétiques du même type que la russe. La Russie était alors complètement isolée, l’intervention étrangère n’était pas repoussée, et elle a lancé la réalisation de formes communistes (que l’on dénommera par la suite : communisme de guerre).

2°) Les mouvements révolutionnaires en Occident ont échoué ; l’intervention est repoussée ; les contradictions entre les nations capitalistes, aggravées par la perte du marché russe, persistent et s’aggravent. La Russie constate l’insuffisance de l’appui des partis communistes ; à l’intérieur, elle met en œuvre la NEP, et à l’extérieur, elle cherche à élargir ses bases : d’une part, le bloc contre la Russie se rompt et celle-ci entre officiellement en relations d’affaires et diplomatiques avec différents pays capitalistes, tandis que, d’autre part, le Komintern lance le mot d’ordre de front unique. C'est ainsi que le Komintern entre sur la voie des concessions faites à la Russie et qu’il s’écarte des critères mêmes de sa propre constitution. L’on justifie cela comme étant un problème de tactique. Les effets en sont désastreux : l’on porte atteinte à idéologie révolutionnaire elle-même, les expériences mènent à de nouveaux insuccès révolutionnaires et les partis communistes se corrompent. Mais la Russie améliore sa situation économique et sa force politique, qui est encore considérée comme une force politique révolutionnaire sur le front international : et cela est un élément fondamental dans le jugement que l’on porte sur la situation.

3°) Pendant ce temps, les mouvements de réaction aux mouvements communistes triomphent, et ils se cristallisent dans les régimes fascistes. Dans leur œuvre constructive, ces régimes s’affirment comme étant des éléments de progrès et, bien que partant de prémisses idéologiques opposées, ils réalisent dans le domaine économique et social de nombreuses réformes qui sont du même type que celles de l’État soviétique lui-même et qui ont la même orientation historique, et – comme le régime soviétique – en s’appuyant sur des formes identiques de coercition et sur le plus vaste contrôle de toute activité individuelle ou collective,  ils tendent à la réalisation de l’unité intégrale dans le cadre de la nation. Dans les pays dirigés par ces régimes-là, le problème de la révolution, comprise dans le sens de l’après-guerre, n’est plus d’actualité.

4°) La Russie, renforcée économiquement et politiquement, étant donné qu’elle a  conservé l’union des nations déjà sujettes de l’ex-Empire et qu’elle possède par conséquent tout ce qui est nécessaire et suffisant à la construction du socialisme, peut orienter sa politique vers cette construction. Cette possibilité même atténue grandement pour la Russie le principe fondamental de l’internationalisme, et elle favorise les tendances nationalistes, camouflées par la considération selon laquelle il vaut bien mieux concentrer tous les efforts sur le secteur russe de la révolution mondiale, tandis qu’en Occident les obstacles au mouvement révolutionnaire augmentent en raison surtout de l’orientation fasciste de certains États et de la stabilisation des régimes fascistes.

    5°)  Des secteurs entiers du prolétariat sont désormais soustraits au contrôle russe, et la tendance vers leur augmentation est claire. La Russie cherche à élargir encore ses bases, ce qui est favorisé par les développements de la situation internationale. Avec son entrée à la Société des Nations, elle confond désormais ouvertement sa politique avec celle des États capitalistes : ce qui passe au premier plan, c’est une politique d’accords et d’alliance avec eux, tandis que les problèmes de classe et de la révolution sont mis de côté. Le nationalisme russe s’affirme à coup sûr, le Komintern en devient l’instrument et l’agent et il lance au besoin le mot d’ordre des fronts populaires contre le fascisme et la guerre : non plus pour la révolution, contre le capitalisme, mais pour la paix, pour la démocratie bourgeoise, ce thème démagogique petit-bourgeois employé abusivement, déjà dépassé par le fascisme lui-même, et contre lequel sont fondés les principes du mouvement communiste. C'est un véritable renversement de situation qui atteint son comble dans certaines tendances actuelles qui voudraient transformer le front populaire en front national dans les mêmes États bourgeois, au nom d’un hyper-patriotisme que l’on désire leur imposer en vue d’une guerre que l’on veut faire croire inévitable, bien que l’on jacasse de paix. L’internationalisme prolétarien est étouffé avec le concours direct de la Russie qui encourage l’armement des États avec lesquels elle est alliée ; qui proclame que la révolution n'est pas un objet d’exportation et qui se donne du mal pour le démontrer ; qui cherche à conclure des alliances avec les États les plus impérialistes pour se préparer à une nouvelle guerre impérialiste avec eux, et non pas à une guerre révolutionnaire d’intervention contre le capitalisme ; qui, dans les conflits coloniaux-impérialistes, n’a pas une position de politique prolétarienne, et qui fait une politique double de connivence avec les uns ou les autres États impérialistes à la seule fin de renforcer sa propre position, indépendamment de tout jugement sur les conflits ainsi que de leur issue ; qui, d’un côté (Komintern), sollicite des agitations en faveur du gouvernement espagnol et qui, de l’autre (État soviétique), les renie en adhérant à la non-intervention des pays capitalistes, etc., etc. ; et cela va jusqu’à la proclamation du caractère sacré et du respect des traités les plus infâmes contre lesquels elle s’était élevée auparavant – et le Komintern avec elle, bien que soutenant leur annulation au moyen de la révolution et de la guerre révolutionnaire : comme toujours, les préparatifs de guerre se drapent dans la démagogie pacifiste, et les “voleurs impérialistes” peuvent devenir des agneaux qui résoudront pacifiquement des questions de vie ou de mort. Et l’Internationale fusionne avec la Marseillaise comme elle pourrait fusionner demain avec le chant de Giovinezza, et les communistes officiels, disciplinés, chanteront en chœur, en obéissant à la baguette moscovite, avec ou contre leurs États, indifféremment. La Russie poursuit désormais une politique exclusivement nationale, et elle considère le problème révolutionnaire comme l’un des instruments destinés à la servir, en le déformant de toutes les façons, en transformant l’idéologie révolutionnaire en un mysticisme de secte, dogmatique et cruel, l’organisation politique en un appareil religieux et inquisitorial qui étouffe toute liberté individuelle ; et le Komintern, avec sa hiérarchie dotée de toutes ses tentacules et de ses appendices : congrès, conférences, prises de contact, organisations de toutes sortes, or abondant, provocations, démagogie, mystifications, est devenu l’organe le plus complexe et le plus efficace qu’un État ait jamais pu créer en vue d’une politique d’hégémonie mondiale. C’est à travers le Komintern que la Russie déploie ses visées impérialistes, lesquelles ne supportent aucun mouvement révolutionnaire indépendant, de même que le développement indépendant de n’importe quel État qui prétendrait fermer la porte aux machinations de son église, au sein de laquelle elle éduque les cadres des exécuteurs aveugles, destinés à diriger et à opprimer les peuples.

 

Le cycle révolutionnaire ouvert par la Russie se referme, mais il cède la place un nouveau cycle qui est issu des antithèses créées en son sein. L’on peut affirmer de manière synthétique que, en vertu d’un processus dialectique précis, le problème de la révolution tend toujours à se déplacer de la classe vers l’État (y compris en Russie), de même que l’internationalisme de classe tend à se déplacer vers l’internationalisme des États. Historiquement, à partir des conflits entre les classes et de leur processus révolutionnaire destructeur, il naît un nouveau type d’État reconstructeur unitaire auquel est confié le développement ultérieur de la révolution dans l’harmonisation nécessaire des forces sociales. Et de même, à partir des conflits destructeurs entre les États, il naît la tendance vers un ordre constructif nouveau qui laisse présager la collaboration, et enfin l’unification internationale. Et cela puisque le sens du processus historique national consiste dans l’affirmation progressive de la conception unitaire de l’économie nationale, qui résout en définitive les conflits entre les classes, et parallèlement dans celle de la conception unitaire de l’économie mondiale, qui résout en définitive les conflits entre les États. Et le processus révolutionnaire, qui se réduit au bout du compte à la réalisation de ces conceptions, ne s’arrête pas : l’histoire poursuit son cours vers l’internationalisme et vers le communisme.

L’internationalisme de classe perd toute fonction directe dans le nouvel État tandis que, d’autre part, celui-ci se déforme sous les influences du processus de la Révolution russe et de la transformation du Komintern qui en résulte, asservi qu’il est désormais au nationalisme russe. Mais s’ils poussent au paroxysme le nationalisme des États pris séparément, les développements de la situation internationale poussent ceux-ci en même temps à rechercher des formes qui dépassent le nationalisme : le processus sera plus ou moins long, les conflits seront peut-être inévitables, mais le jeu actuel des forces indique la direction vers l’internationalisme, davantage sous l’impulsion des États que sous celle de la classe qui en a été la dépositaire auparavant.

Nous avons dit que, dans le nouvel État, le problème de la révolution, compris dans le sens de l’après-guerre, ne se pose pas ; d’autre part, l’expérience espagnole démontrera que la situation internationale ne permet pas le mouvement de forces qui résulterait d’une révolution prolétarienne de type russe en Europe, et que celle-ci se conclurait nécessairement dans la guerre impérialiste, et non pas de classe, la plus atroce que l’histoire ait jamais connue. Mais en vue de ces mêmes fins nationales, les États sont poussés dans la voie du communisme par le biais de réformes, étant donné que chacune d’elles arrache un lambeau au capitalisme ; le sens de la solidarité de la nation tout entière prévaut et c’est dans ce but que s’affirment les tendances vers des formes autoritaires de gouvernement, capables de mettre en œuvre cette solidarité, nécessaire aussi pour ce qui concerne la politique étrangère. Les conflits entre les classent persistent, mais ils ne sont surmontés ni par leur exaspération, ni dans la lutte finale contre l’État : c’est l’État lui-même qui, avec des objectifs nationaux, impose leur dépassement progressif, étant donné que leur durcissement est le signe d’un affaiblissement de l’État qui est d’autant plus fort qu’il incarne et exprime le mieux toutes les forces de la nation. Telle est désormais la caractéristique de notre époque. D’où la vaste impulsion donnée aux réformes qui créent les nouvelles formes sociales, lesquelles résultent de la suppression progressive de l’arbitraire individuel dans la gestion économique du fait du contrôle de plus en plus étendu qui est exercé sur elle par l’État pour des objectifs collectifs et nationaux. Et ces mêmes idéologies bâties sur le passé, bien qu’elles opposent une résistance désespérée, sont dépassées par la réalité et elles devront nécessairement se transformer elles aussi et répondre aux nouvelles exigences.

Il résulte de tout cela que le noyau de la solidarité humaine est aujourd'hui constitué par la nation, qui servait auparavant au développement de l’économie, mais en exacerbant les conflits sociaux, et qui, aujourd'hui – quand le capitalisme est sur le déclin et que les nécessités du développement économique exigent le passage à de nouvelles formes –, surmonte ces conflits en tendant à la réalisation de l’unité de l’économie nationale ; et ce sont les mêmes nécessités qui poussent à résoudre les conflits internationaux avec la réalisation de l’unité de l’économie mondiale.

 

L’examen critique des problèmes sociaux posés par le fascisme lui-même est-il possible en régime fasciste à la lumière de cette orientation, sans que l’on soit obligé d’avoir des prémisses idéologiques idéalistes et, encore moins, spiritualistes ? C'est-à-dire d’examiner le fascisme et le communisme du point de vue d’un processus de forces historiques-économiques ?

Il ne s’agit pas en substance d’une lutte contre l’internationalisme et le communisme, en tant que tendances historiques et idéologiques, ni contre la Russie qui, malgré tout, conserve encore de très grandes possibilités d’avenir, mais contre toute ingérence de forces étrangères à la nation, surtout du nationalisme russe, cette espèce d’impérialisme rouge destiné à réduire à la vassalité les États indépendants, et les peuples à une nouvelle forme d’esclavage. Il faut détruire cette plaie et la Russie constituera elle-même un facteur positif de premier ordre dans l’œuvre constructive internationale.

Sans prétendre à l’originalité, l’on a confiance dans le fait que cette orientation se résoudrait dans une collaboration en vue de l’unification des forces nationales, et qu’elle détruirait ce qu’il y a d’artificiel et de mensonger dans l’antithèse “fascisme-communisme”. Et le fait est que le communisme n’a pas été encore réalisé et qu’il ne constitue où que ce soit rien d’autre que la tendance vers un vague but dont les formes pratiques seraient impossibles à définir aujourd'hui : tandis que de fait il existe des États plus ou moins capables de vastes réformes qui ne sont pas antithétiques d’un État par rapport à un autre. Et politiquement, l’État qui veut s’attribuer le monopole du communisme a réalisé les formes les plus rigides de dictature à des fins nationales qui dépassent très largement et submergent carrément celles qui sont revendiquées comme étant de classe.

  

   Lettre d’Ambrogi à Tchkiriatov

 

Moscou, 18 février 1936

 

J’ai fait ce qui était en mon pouvoir pour résoudre mon cas en accord avec les organes d’État et du Parti, et, depuis plus de deux ans, j’ai donné un exemple incomparable  d’attachement à l’État soviétique et au Parti communiste en tolérant sans me rebeller des méthodes infâmes qui m’étaient inconnues dans les États bourgeois.

Plus de deux années de patience inutile devaient enfin me persuader que, même les organes suprêmes et les plus hautes personnalités sont eux-mêmes coresponsables de telles  méthodes qui reposent évidemment sur la considération que moi, réfugié politique avec une forte condamnation sur le dos, je ne représente ici qu’un prisonnier, un individu sans défense qui doit au bout du compte accepter n’importe quelle condition.

Fermement décidé à ne plus tolérer cette situation et à faire tout ce qui sera nécessaire pour en sortir, considérant désormais comme infondée une confiance quelconque aussi bien dans les organes de l’État que dans ceux du Parti, je me suis trouvé dans la nécessité d’expérimenter d’autres moyens que j’aurais voulu éviter, et j’ai commence par celui-ci : j’ai pris contact avec l’ambassade italienne pour obtenir un passeport, pour poser la question de mon départ d’URSS en ma qualité de citoyen italien, et pour recouvrer ainsi finalement ma liberté. J’ose espérer que l’État fasciste – bien qu’ayant de la haine pour le communisme, mais sans ne pouvoir rien espérer de moi – démontrera à l’égard du citoyen italien, bien que communiste et condamné, une plus grande considération que celle que les organes de l’État soviétique et du Parti communiste, jusqu’aux plus haut – bien qu’ayant de la haine à l’égard du fascisme, mais aussi dans la certitude prouvée de mon entière dévotion – ont démontré envers un communiste, vieux révolutionnaire, qui, par-dessus le marché, a beaucoup donné, et pas qu’un peu, à l’État soviétique lui-même.     

C’est sur ces organes-là que retombe la honte de m’avoir contrait à un tel acte. Mais je ne confonds ni la cause de la révolution, ni la Russie soviétique, avec les organes qui s’identifient à vos personnes, et je ne dévierai pas de la voie révolutionnaire que j’ai parcourue toujours et partout, en dehors de votre prison. 

Fragment de texte d’Ambrogi

 

15 septembre 1936

 

L’orientation qui a été tracée ci-dessus dans ses grandes lignes suffirait ainsi sans aucun doute à soustraire à l’influence directe, et à celle plus ou moins lointaine, du Komintern de nombreuses couches sociales qui, par manque d’information et d’analyse, acceptent comme une fatalité l’antithèse “communisme-fascisme” et qui voient et espèrent, peut-être secrètement, la panacée de tous les maux dans l’extension de l’influence politique russe. Et un front, bien que non orthodoxe en régime fasciste, mais résolument anti-Komintern, qui embrasserait aussi ces couches-là, constituerait évidemment une grande garantie dans les moments critiques que la nation peut être appelée à surmonter. Sinon, beaucoup de forces tombent ou tomberont sous l’influence du facteur national d’un autre État qui dispose d’une infinité de possibilités pour s’infiltrer partout, comme cela est lumineusement démontré par l’examen de la situation internationale actuelle et du jeu des forces sociales dans chacun des États : il suffit de regarder la France qui se voit inciter à une guerre qu’elle n’a aucun intérêt à provoquer, et qui sera peut-être inévitable s’il n’y pas rapidement une réaction énergique contre l’ingérence du Komintern. La confiance dans le fait de pouvoir réprimer demain les forces adverses ne peut pas justifier le refus des mesures capables de conquérir ces forces aujourd'hui.

Une publication dans ce sens, autorisée et soutenue par le régime en Italie, ainsi que l’apparition d’un nouveau courant ayant des visées nationales, pourraient provoquer avec succès à l’intérieur un processus de réexamen dans l’émigration, tandis qu’il apparaît comme invraisemblable que ce processus puisse commencer à coup sûr à l’étranger, car il serait sans défense contre les attaques inévitables de la III° Internationale, qui est soutenue par un État puissant, et à laquelle ne peuvent s’opposer que des forces soutenues à leur tour par un État puissant.

Il est superflu d’ajouter qu’un mouvement anti-Komintern de cette nature-là devrait tisser un réseau de fils plus ou moins discrets également avec l’étranger pour qu’il puisse donner son plein rendement. Il s’agit donc d’un plan suffisamment vaste qui, bien qu’avec des débuts modestes, peut atteindre l’importance d’un mouvement capable de paralyser au moins en grande partie les forces du Komintern, avec le maximum d’efficacité pour la nation.

      

Coupures de presse relatives au procès d’Ambrogi

  

Le député Ambrogi condamné par contumace à 21 années de réclusion

Padoue, 24

 

Le procès contre Ersilio Ambrogi, député communiste de Pise, accusé de complicité d’homicide et de tentative d’homicide s’est déroulé à la cour d’assises.

En 1921, Ambrogi était maire de Cecina et, en tant que chef des subversifs du lieu, il avait participé à un conflit avec les fascistes, en tirant avec ses camarades des coups de revolver en dircetion des adversaires depuis un balcon de la section socialiste. Lors de cet épisode, le capitaine Dino Leoni a trouvé la mort et Arpaco Bertelli est resté grièvement blessé.

Dès que la Chambre des députés a donné l’autorisation d’intenter une action contre le député socialiste, celui-ci s’est réfugié en Suisse où il se trouve toujours. Douze autres co-accusés ont été jugés et condamnés en avril dernier par notre cour d’assises, laquelle a jugé aujourd'hui par contumace le député Ambrogi en le condamnant non seulement à 21 années, 10 mois et 15 jours, de réclusion et à deux années de surveillance spéciale, mais aussi à l’interdiction d’exercer des fonctions publiques.

 

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Le député Ambrogi se serait réfugié à Moscou

Livourne, 20

 

L’ex-maire de Cecina, Ersilio Ambrogi, arrêté à la suite du guet-apens au cours duquel le fasciste de Livourne, le capitaine Dino Leoni, a été tué, a été choisi durant la période de l’instruction, comme on le sait, comme député de notre circonscription par le Parti communiste.

À la suite de ce choix, Ambrogi a été remis en liberté. Mais l’ex-maire de Cecina, au lieu de s’en retourner dans la sympathique petite ville maremmatique, s’est éclipsé et personne n’a plus rien su.

Un commerçant toscan, qui est arrivé ces jours-ci de Russie, affirme d’avoir vu Ambrogi à Moscou où il se serait réfugié dès sa sorte de prison.

 

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Vers l’épilogue des événements de Cecina

La mise en accusation du député Ambrogi et de 11 personnes

Le procès se déroulera à la cour d’assises royale de Pise

Par téléphone depuis Lucques, 14 de nuit

 

Sur la requête conforme à la loi du procureur général Tognelli, la chambre d’accusation de la cour d’appel de Lucques, sur une décision établie et rédigée par le conseiller délégué Nonnis, sont mis en accusation devant les assises de Pise :

1°) Ersilio Ambrogi, maire de Cecina, député de la circonscription et président de la députation provinciale ;

2°) Bonsignori Alfredo ;

3°) Lorenzi Zoilo ;

4°) Boccelli Egisto ;

5°) Romoli Giuseppe ;

6°) Aringhieri Antonio ;

7°) Barbani Alfredo ;

8°) Santini Sabatino ;

9°) Marcancini Guglielmo ;

10°) Lenzi Primo ;

11°) Paoletti Vittorio ;

12°) Macchia Pietro ;

tous de Cecina, le premier étant accusé d’homicide en la personne du capitaine maritime Leoni Dino de Livourne et de tentative d’homicide en la personne de Bertelli Arsace (tous les deux fascistes du fascio de combat de Livourne), et les autres onze de complicité pour les crimes susmentionnés.

Cela vaut la peine de résumer brièvement les faits de la manière dont ils sont rapportés dans la décision de la chambre d’accusation.

Le 9 décembre 1920, l’administration communiste de Cecina, présidé par l’avocat Ambrogi, faisait enlever de l’hôtel de ville la plaque commémorative qui portait gravé le dernier bulletin de la victoire du général Diaz.

Le 25 janvier, quelques fascistes de Pise et de Livourne, se sont rendus de nuit à Cecina et ont remis la plaque en place.

Le matin suivant, Ambrogi l’a fait de nouveau enlever et, avec une affiche de défiance à l’égard des fascistes, il a proclamé une grève générale de protestation. La décision continue en disant que la grève générale avait été un échec et qu’Ambrogi, lors d’un meeting privé tenu devant 200 personnes, a réprimandé vivement tous les subversifs pour leur inaptitude.

Le soir du 26, une trentaine de fascistes sont arrivés de Livourne. Ils se sont ensuite rendus chez le commissaire de Cecina pour l’avertir qu’ils ne partiraient pas tant que la plaque n’aurait pas été remise en place.

Le commissaire est parvenu à persuader les fascistes de retourner à Livourne ; les fascistes se sont mis en marche et ils ont traversé la place pour se rendre à la gare.

Arrivés au milieu de la place, les portes-fenêtres du balcon de l’hôtel de ville se sont tout grand ouvertes et est apparu sur la terrasse l’avocat Ambrogi suivi par les onze personnes qui sont mises en accusation en même temps que lui.

L’avocat Ambrogi a été vu applaudir et il a été entendu crier : “Vive l’Italie”.

Évidemment, continue la décision, il s’agissait d’attirer les fascistes dans un guet-apens étant donné qu’il est établi que, quand les fascistes sont arrivés sous la terrasse, Ambrogi a tiré en premier un coup de revolver, qui a été immédiatement suivi par les coups de feu des autres.

Sont tombés blessés Leoni Dino, qui est mort par la suite le 19 février à l’hôpital de Livourne, et Bertelli, qui a été obligé de garder le lit pendant plus de vingt jours.

Dans le conflit qui s’est ensuivi plus tard entre la force publique et les manifestants, le carabinier Cenetti a été blessé.

 L’on a retrouvé sur la terrasse 18 douilles de cartouches de revolver, certaines d’entre elles n’ayant pas explosé.

 L’expertise légale a établi de manière définitive qu’aussi bien Leoni que Bertelli ont été blessés par les projectiles tirés du haut de la terrasse.

 

 Lettre de Vercesi/Perrone à Ambrogi

20 août 1933

 

Très cher Massimo,

Nous avons enfin eu de tes nouvelles par voie indirecte. Nous déplorons d’avoir appris que tu n’étais pas bien, d’autant plus qu’il paraît que tu dois avoir de nouvelles indispositions. Nous ne savons pas si cette lettre te parviendra et c’est pourquoi nous ne faisons que te parler de quelques questions seulement. Dès que nous serons certains de ton adresse, nous t’enverrons les journaux.

Tu ne serais donc pas d’accord avec la lettre que nous avons envoyée au Parti. Son contenu était, à quelque chose près, le suivant : grâce à mille manœuvres, l’on a évité un débat entre la conception défendue par la Gauche et l’autre qui a usurpé la direction du Parti en profitant des difficultés dans lesquelles en est venu à se trouver le Parti russe, et par conséquent l’Internationale. Les divergences actuelles sur les problèmes italiens et internationaux imposent la constitution de la Fraction. Nous demandons un congrès pour  y défendre la position de la nécessité historique des fractions et de leur admission dans les partis communistes.

Pour ce qui concerne nos rapports avec Trotski : nous avons donc été exclus sans aucune discussion et avec tous les sacrements de la démocratie du moment qu’il y a eu un plébiscite. N’est-il pas excellent ce système de consultation dans les organisations révolutionnaires ? De toute façon, notre exclusion n’a évidemment pas sauvé les oppositions de la diarrhée des crises et des scissions. En Espagne, l’on travaille à corps perdu afin d’éviter la scission et il paraît qu’en Amérique l’on constate la même chose. D’autre part, les événements d’Allemagne ont signifié une douche glaciale pour Tr. qui croyait à la lutte entre fascisme et démocratie. Nous restons toujours disposés à une polémique, mais je ne crois pas qu’elle se produira. Indépendamment de la réalisation des conditions pour la polémique, nous faisons un effort certain dans le domaine international et nous sommes en train de préparer activement la parution d’une revue en langue française.

Landau est à Paris et il remue beaucoup d’air. À toute occasion, il vante sa communauté de travail avec toi. Je crois qu’il exagère. Il s’est jeté à corps perdu dans des petites manœuvres destinées à désagréger le soi-disant trotskisme et s’est mis en vedette en s’affichant comme étant le seul qui représente autre chose que Trotski, l’antipape sans aucun doute. Évidemment, nous qui ne souffrons pas et qui n’avons jamais souffert de papisme, nous ne marchons pas, même s’il se vante à propos (à mon avis) de ton accord.

Virgili est dans une situation vraiment terrible et je ne peux pas faire davantage que ce que je fais. Mais moi qui suis resté seul, je ne suffis évidemment pas. Il est irrité parce que tu ne lui fais pas aboutir ses travaux. Peux-tu t’y intéresser ?

Réponds tout de suite à cette lettre de manière que nous puissions reprendre rapidement nos contacts.

Reçois un une accolade fraternelle, et de même pour Lubia et le petit.

 

 Document italien concernant Ambrogi

(négociations policières pour récupérer Ambrogi)

 

  Il s’agit d’un communiste dissident qui, d’accord avec les positions différentes, juge que sa position politique est insuffisante sans une lutte efficace contre l’influence de la       III° Internationale. Il s’agit en effet de considérer le fait que la III° Internationale s’appuie sur un État très vigilant et qui consolide son influence en raison des diverses coalitions de cet État avec d’autres États, en créant et en exploitant des mouvements destinés à favoriser et à renforcer ces coalitions dans l’intérêt exclusif du nationalisme russe, lequel ne coïncide pas toujours avec les exigences du mouvement révolutionnaire dont elle se dit la propagatrice. Monsieur A. considère que tout mouvement d’opposition limité aux groupes prolétariens dissidents est a priori voué à l’insuccès et qu’il est par conséquent nécessaire de coordonner les autres formes d’opposition avec les [?].

Indépendamment des buts sur lesquels la discussion est permise, et malgré l’affirmation de Mussolini selon laquelle il poursuit avec des moyens différents les mêmes objectifs que la révolution russe, l’on peut constater l’existence de points de coïncidence également entre l’État fasciste et l’opposition communiste dans la question de la lutte contre l’influence de la III° Internationale. Dans cette lutte, monsieur A. a l’intention de mettre à profit toute son expérience là où il serait possible de conclure un accord direct de coordination entre les forces opposées à l’influence moscovite. Un tel accord ne serait possible que si l’on n’exclut pas a priori l’activité politique qui incite monsieur A. à la lutte contre la III° Internationale, une activité dont la possibilité pourrait se déduire de l’obtention de la Carte du Travail elle-même.

Concernant les termes concrets de cet accord et de l’activité de monsieur A., cela ne pourrait se discuter autrement que dans une conférence qu’un représentant du gouvernement devrait avoir avec monsieur A.

 

 

NOTE

1Les chefs de l'Etat prolétarien continuent de correspondre avec les délégués des autres partis comme quand ils étaient membre de la Deuxième Internationale, cela a quelque chose d'ubique et de torpide ces liens entre ministres de l'Etat national et militants restés internationalistes mais … sans pouvoir d'Etat. Il y a une certaine déférence envers les « camarades devenus ministres », comme en témoigne ce courrier de Bordiga à Trotsky. Moscou 23 avril 1922

LETTRE DE BORDIGA A TROTSKY (2 mars 1926) 

Cher camarade Trotsky (écrite en français)

 Pendant une réunion de la délégation italienne à l'Exécutif élargi actuel, avec le camarade Staline, des questions ayant été posées au sujet de votre préface au livre « 1917 » et de votre critique sur les événements d'Octobre 1923 en Allemagne, le camarade Staline a répondu que dans votre attitude sur ce point il y a eu une contradiction.

Pour ne pas courir le danger de citer avec la poindre des inexactitudes les paroles précises du camarade Staline, je me réfèrerai à la formulation de cette même observation qui est contenue dans un texte écrit, c'est à dire à l'article du cam. Kuusinen publié par la CORESPONDANCE INTERNATIONALE (édit. Française) du 17 Décembre 1924 N.82. Cet article a été publié en italien pendant la discussion pour notre IIIe Congrès (UNITA du 31 août 1925).

Il y est soutenu que :

a) avant Octobre 1923 vous avez soutenu le groupe Brandler et vous avez en général accepté la ligne décidée par les organes dirigeants de l'IC pour l'action en Allemagne ;

b) en Janvier 1924, dans des thèses souscrites avec le cam. Radek vous avez affirmé que le parti allemand ne devait pas déchaîner la lutte en Octobre ;

c) en Septembre 1924 seulement vous avez formulé votre critique visant les erreurs de la politique du P.C.A. Et de l'I.C. Qui aurait amené à ne pas saisir l'occasion favorable pour la lutte en Allemagne.

Au sujet de ces prétendues contradictions j'ai polémisé contre le cam. Kuusinen dans un article paru  dans « L'UNITA » dans le mois d'Octobre, en me basant sur les éléments  qui m'étaient connus. Mais c'est vous seulement qui pouvait apporter une lumière complète sur la question, et je vous demande de le faire à titre de renseignement et d'information dans des brèves notes, dont je ferai un usage d'instruction personnelle. C'est seulement avec l'autorisation éventuelle des organes du parti  à qui en revient la faculté que je pourrai à l'avenir m'y fonder pour un examen du problème dans notre presse.

Vous adressant mes salutations communistes.

 





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