Nouveau carnage, une trentaine de tués
et une centaine de blessés graves. Daech a revendiqué en fin
d'après-midi les attentats de Bruxelles: "des combattants de
l'Etat islamique ont mené une série d'explosions avec des ceintures
d'explosifs". Ce pôle criminel invisible a précisé que la
Belgique est "un pays qui participe à la coalition
internationale contre l'Etat islamique". "Les combattants
ont ouvert le feu à l'intérieur de l'aéroport de Zaventem avant
que plusieurs d'entre eux ne déclenchent leurs ceintures
d’explosifs".
UNE GUERRE LONGUE DU TERRORISME CONTRE
LA DEMOCRATIE ?
Outre la stupeur, cette nouvelle
tragédie vient confirmer les perpétuelles mises en garde affolantes
et stériles du Premier ministres Valls, qu'on préférait ne pas
prendre au sérieux. Ce nouveau crime barbare contre des civils et
des prolétaires, les deux mêlés, confirme malheureusement non une
situation forfuite et ponctuelle de stratégie « d'armes du
pauvre » - terrorisme de chantage des "Etats voyous" au cours
des années 1980 – mais une situation de guerre... mondiale, où
partout des civils peuvent être tués sans raison claire ni
rationnelle.
Tout cela relève pourtant d'un
maquillage éhonté, simpliste. Churchill avait dit que toute guerre
devait être protégée d'un rempart de mensonges, mais la terreur
que nous sommes en train de subir rappelle étrangement la complexité
et la singularité des débuts de la guerre d'Espagne en 1936 (ou Staline et son compétiteur Hitler souhaitaient une "guerre locale longue";
examinons la description du puzzle par Bilan n°38 en janvier 1937 :
« En Espagne actuellement on aboutit à un véritable puzzle si
l'on essaye d'expliquer comment l'Angleterre supporte que sa colonie
portugaise devienne le fournisseur de Franco allié de Mussolini qui
menace les positions anglaises en Méditerranée, ou comment la
France ne s'oppose pas au ravitaillement des militaires espagnols par
Hitler qui peut ainsi s'assurer une base d'encerclement territorial
de la République »1.
L'anti-terrorisme islamiste, assimilé
à la démocratie innocente quand le terrorisme djihadiste est
assimilé à un nouveau fascisme, tendent à nous replacer dans le
même type de mystification que l'idéologie binaire
fascisme/antifascisme qui avait présidé à l'embrigadement
généralisé en 1939, mais on oublie qu'il avait fallu l'invention
du pacte « communisme-fascisme » pour vraiment
déstabiliser le prolétariat mondial. Malgré leur répétition, les
attentats contre les civils un peu partout, et de plus en plus en
Europe, ne déstabilisent pas autant – du fait que les
contradictions sont
nombreuses et véritables nœuds gordiens :
crise des migrants, antiracisme moralisateur, padamalgam, indignité
du sadisme djihadiste, arrogance des communautarismes qui sert tant à
la négation des classes.
La tentation est facile de radoter
comme certains du milieu maximaliste que la bourgeoisie prépare la
guerre mondiale, la vraie, des monstres de daech aux fous de la Corée
du nord. Je ne partage pas ce radotage – qui, certes à force
d'être répété, pourrait bien arriver un jour. Je penche plutôt
pour un « long » conditionnement des populations à la
terreur invisible, comme une volonté étatique de restaurer un
paternalisme étatique, une soumission idéologique au pire qui reste
à venir. Où il nous faut mener une réflexion à partir de la
situation sociale intérieure et ensuite aller voir au plan
impérialiste. C'est par ce plan que je commencerai pourtant.
(Le général Desportes est un des grands stratèges militaires français. Attaché militaire près de l’ambassade de France aux États-Unis d’Amérique, puis conseiller défense du Secrétaire général de la défense nationale (SGDN), il fut ensuite directeur du Centre de doctrine et d’emploi des forces (CDEF) jusqu’en juillet 2008. Le général Vincent Desportes prend la tête du Collège interarmées de défense (CID), de 2008 jusqu’à l’été 2010.Sanctionné en 2010 pour son franc-parler, il quitte l’armée. Il est aujourd’hui professeur associé à Sciences Po et enseigne la stratégie à HEC. Vincent Desportes est aussi codirecteur avec Jean-Francois Phelizon de la collection « Stratégies & doctrines » aux éditions Economica.)Source : senat.fr, 17/12/2014 COMPTES RENDUS DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ETRANGERES, DE LA DEFENSE ET DES FORCES ARMEES
Débat en séance publique sur la prolongation de l’opération Chammal en Irak – Audition de M. Hubert Védrine, ancien ministre des Affaires étrangères
La
commission auditionne M. Hubert Védrine, ancien ministre des
affaires étrangères, en vue du débat en séance publique sur la
prolongation de l’opération Chammal en Irak, en application de la
l’article 35 de la Constitution.
M.
Jean-Pierre Raffarin, président. – Je souhaite à
présent en notre nom à tous la bienvenue à M. Hubert Védrine,
ancien ministre des affaires étrangères. Monsieur le ministre, nous
préparons la décision que nous prendrons le 13 janvier prochain sur
la prolongation de l’opération Chammal en Irak. Votre expérience
et votre analyse peuvent éclairer notre choix. Vous avez récemment
déclaré que les pays occidentaux étaient incapables de changer le
cours des choses, qu’ils n’avaient plus « les moyens de
leurs émotions ». Nous menons en effet des opérations lourdes
et complexes, qui ont de forts impacts sur la société et la
mondialisation. Quel est votre sentiment sur ces questions ?
M. Hubert Védrine, ancien ministre des
affaires étrangères : (…) Je suis plus réservé à
propos de notre engagement en Irak. L’intervention américaine de
2003 était une erreur, d’autant plus que les arguments utilisés
pour la justifier étaient mensongers. Mais, surtout, la politique
qui a été mise en place après le renversement du régime a été
une erreur plus grande encore. Elle a consisté à appliquer les
mêmes méthodes qu’en Allemagne ou au Japon en 1945, en partant du
principe qu’une fois la dictature renversée, on retrouvait la
démocratie de façon automatique ! Or il faut du temps pour
construire la démocratie. Si les États-Unis avaient été capables
d’élaborer un plan constructif, évitant de renvoyer les membres
du Baas dans l’extrémisme, nous aurions été obligés de
reconnaître après coup le bien-fondé de leur intervention. Une
troisième erreur a été commise, quand les troupes américaines
sont parties. Certes, le président Obama avait été élu avec pour
mission de désengager les forces américaines. Néanmoins,
abandonner le gouvernement de l’Irak aux mains de M. Maliki,
partisan d’une politique chiite sectaire, était une faute. Cet
enchaînement de mauvaises décisions a conduit à la dégénérescence
actuelle. Quel enseignement en tirer, sinon que toute intervention
nécessite qu’on réfléchisse soigneusement à ses objectifs, aux
conditions dans lesquelles elle se fera, sans parler des moyens ?
Quant à Daech, il était compréhensible que le
président Obama décide d’intervenir après les décapitations
spectaculaires et de mettre sur pied une coalition. Grâce aux
drones, aux forces spéciales et au renforcement des troupes kurdes,
le mouvement a pu être à peu près endigué. Il n’y a pas eu de
bataille de Bagdad. Il était rationnel que nous apportions notre
aide, en engageant des moyens. Cependant, pour éradiquer le
mouvement, il faudrait une action militaire au sol et une solution
politique en Irak et en Syrie. Or aucun pays occidental ne souhaite
envoyer des troupes au sol : le Congrès américain voterait
contre, la Grande-Bretagne s’y refuse, tout comme la France. Créer
une force à partir des contingents irakiens chiites, kurdes et
saoudiens reste difficile. Quant aux solutions politiques, elles
supposent la création d’un Irak fort où le gouvernement chiite
respecterait les sunnites – or rien de tel ne se fera sans
l’Iran – mais également en Syrie. La tête du système
Daech est en Syrie. Mais si
on casse Daech en Syrie, on consolide de facto le régime Assad, car
il n’y a pas de force démocratique assez forte sur le terrain
syrien. Nous
sommes placés dans une contradiction insurmontable. Sur le plan
réaliste, il faudrait pouvoir accepter de coopérer davantage avec
l’Iran et nous résigner à ce que Bachar el-Assad ne tombe pas.
Bien sûr, des alliances difficiles se sont nouées pendant la
Seconde guerre mondiale : face à Hitler les Etats-Unis se sont
alliés à Staline. Mais certains choix dramatiques sont
difficiles à assumer par les diplomaties d’opinion. L’affaire
syrienne nous place devant une contradiction que nous ne savons pas
gérer. Comme s’en inquiétait déjà Tocqueville, dans les
démocraties, « les politiques étrangères sont souvent menées
à partir de la politique intérieure ».
Intervention du général Desportes :
Général Vincent Desportes, professeur
associé à Sciences Po Paris. – Avant de revenir vers les
critères d’évaluation des opérations extérieures, je crois
qu’il faut dire, affirmer et répéter sans faiblesse :
« Daech delenda est ». Ayons la force de Caton
l’Ancien.
Daech est aujourd’hui le danger majeur. Nous
n’avons certes pas les moyens de tout, en même temps. Les menaces
doivent être priorisées, quitte à consentir quelques compromis
avec les moins brûlantes : dans le monde réel, dans un
contexte de ressources et de moyens limités, notre politique ne peut
être que réaliste.
« Daech delenda est » … mais
nous ne pourrons répandre le sel sur le sol de l’Irak et de la
Syrie. Il faudra au contraire le rendre fertile pour de nouvelles
semences.
« Daech delenda est » … et
pourtant votre interrogation demeure fondamentale : personne ne
doute ici qu’il faille détruire Daech, mais devons-nous participer
nous-mêmes à cette destruction ?
Un mot sur Daech, d’abord.
Ne doutons pas de la réalité de la menace directe
pour nos intérêts vitaux, dont notre territoire et notre
population. Daech est le premier mouvement terroriste à contrôler
un aussi vaste territoire (35% du territoire irakien, 20% du
territoire syrien). Ce qui représente 200 000 km² (soit
l’équivalent de l’Aquitaine, Midi-Pyrénées,
Languedoc-Roussillon, PACA et Rhône-Alpes réunis) et une population
de l’ordre de 10 millions de personnes. Ce territoire est
imparfaitement mais réellement « administré » par un
« ordre islamique », fait de barbarie et de rackets.
Daech dispose d’un véritable « trésor de guerre » (2
milliards de dollars selon la CIA), de revenus massifs et autonomes,
sans comparaison avec ceux dont disposait Al-Qaïda.
Daech dispose d’équipements militaires nombreux, rustiques mais
aussi lourds et sophistiqués. Plus que d’une mouvance terroriste,
nous sommes confrontés à une véritable armée encadrée par des
militaires professionnels.
Quel est
le docteur Frankenstein qui a créé ce monstre ? Affirmons-le
clairement, parce que cela a des conséquences : ce sont
les États-Unis. Par intérêt politique à court terme,
d’autres acteurs – dont certains s’affichent en amis
de l’Occident – d’autres acteurs donc, par complaisance ou
par volonté délibérée, ont contribué à cette construction et à
son renforcement. Mais les premiers responsables sont les
Etats-Unis. Ce mouvement, à la très forte
capacité d’attraction et de diffusion de violence, est en
expansion. Il est puissant, même s’il est marqué de profondes
vulnérabilités. Il est puissant mais il sera détruit. C’est sûr.
Il n’a pas d’autre vocation que de disparaître.
Le point est de le faire disparaître avant que le
mal soit irréversible, avant que ses braises dispersées n’aient
fait de ce départ de feu un incendie universel. Il faut agir, de
manière puissante et déterminée, avec tous les pays de la région.
Il faut agir, mais qui doit agir ?
Avant d’aller plus loin dans mon raisonnement, je
voudrais, comme vous l’avez souhaité, étudier quelques-uns des
critères retenus comme fil guide de ces auditions. J’aborderai
d’abord celui de la capacité « d’analyse exacte du contour
spatio-temporel et financier d’un engagement ». Ce
critère est en opposition profonde avec la nature même de la
guerre.
Car, depuis que le monde est monde, personne n’a
jamais pu « commander » à la guerre. Le rêve du
politique, c’est l’intervention puissante, rapide, ponctuelle,
qui sidère. C’est le mythe cent fois invalidé du « hit
and transfer », du choc militaire qui conduirait
directement au résultat stratégique et, dans un monde parfait, au
passage de relais à quelques armées vassales immédiatement aptes
et désireuses d’assumer elles-mêmes les responsabilités. Las !
Les calendriers idéaux (du genre « Cette opération va durer
six mois ») sont toujours infirmés par ce que Clausewitz
appelle la « vie propre » de la guerre. La guerre
appartient à l’ordre du vivant, elle n’est pas un objet, elle
est un sujet. Dès lors, n’espérons jamais « commander à la
guerre » : c’est elle qui imposera son calendrier et ses
évolutions. Cela a toujours été vrai : je relie mon propos à
trois stratégistes qui inscrivent dans le temps éternel cette
caractéristique incontournable de la guerre. 400 av. JC, évoquant
la guerre du Péloponnèse, Thucydite indique que « La guerre
ne se développe jamais selon un plan arrêté ». Au
XVe siècle, Machiavel considère pour sa part que,
si « on rentre dans la guerre quand on veut, on en sort quand
on peut ». Il y a quelques années, un officier de cavalerie
qui connaît la guerre mieux que personne pour en avoir souffert dans
sa chair et l’avoir pratiquée à tous les niveaux, je veux parler
de Winston Churchill, affirme dans ses mémoires, « Ne
pensez jamais, jamais, jamais qu’une guerre peut être facile et
sans surprise ; (…) l’homme d’Etat qui cède au démon de
la guerre doit savoir que, dès que le signal est donné, il n’est
plus le maître de la politique mais l’esclave d’événements
imprévisibles et incontrôlables ».
Il a tellement raison ! Prenons deux exemples
récents. Quand les Etats-Unis se lancent dans la deuxième guerre du
Golfe en 2003, ils ne savent pas qu’elle va les entraîner, 11 ans
plus tard, dans une troisième guerre du Golfe. Quand la France
décide de stopper les chars libyens devant Benghazi en 2011, elle ne
sait pas que cela va l’entraîner en 2013 au Mali et pour de très
longues années dans la bande sahélo-saharienne.
De la première bataille à « la paix
meilleure » qu’elle vise, il y a toujours un long chemin
chaotique qui ne produit le succès que dans la durée, l’effort et
la persévérance. Donc, quand on rentre dans une guerre, il faut
avoir de la ressource, ce que j’appelle de la « profondeur
stratégique » – notion fondamentale – pour pouvoir
« suivre » (dans le sens du jeu de poker) et pouvoir
s’adapter… ce que nous avons été tout à fait incapables de
faire en Centrafrique par exemple.
Je veux insister encore un peu sur ce problème du
nombre, car il est crucial. Il est directement lié au concept de
résilience. Résilience dans chaque crise et résilience globale.
Aucune de nos interventions ne peut produire ses effets dans le temps
court, mais notre capacité de « résilience ponctuelle »
est très faible : à peine arrivés, il faut partir. C’est
pire dans le temps long, et pourtant il faut bien intervenir face aux
menaces extérieures.
Au bilan, quelle que soit l’armée considérée,
nous sommes engagés au-dessus des situations opérationnelles de
référence, c’est-à-dire que chaque armée est en train d’user
son capital sans avoir le temps de le régénérer. Nous avons des
forces insuffisantes en volume. Pour compenser, tant au niveau
tactique qu’au niveau stratégique, nous les faisons tourner sur un
tempo très élevé qui les use. C’est-à-dire que si ce suremploi
continue, l’armée française sera dans la situation de l’armée
britannique sur-employée en Irak et en Afghanistan et obligée
pendant quelques années d’arrêter les interventions et de
régénérer son capital « at home ». L’effort
considérable produit aujourd’hui au profit des interventions a des
répercussions fortes et mesurables sur les forces en métropole, en
termes de préparation opérationnelle en particulier.
Le sens des responsabilités exige de tordre
définitivement le cou au mythe de la guerre courte. Ecartons
définitivement les faux rêves toujours invalidés du « first
in, first out » et du « hit and transfert ».
Cela n’a marché ni pour les Américains en Irak, ni pour nous au
Mali. D’ailleurs le « hit and run » n’est
pas un facteur de stabilité : nous en sommes à la cinquième
opération « coup de poing » en Centrafrique, 34 ans
après la première, Barracuda en 1979. Une opération qui dure n’est
pas forcément une opération qui s’enlise !
D’ailleurs le Livre blanc de 2008 a, au moins de
manière théorique, bien pris en compte cette nécessité. Il
postule que : « les phases de stabilisation peuvent
s’étendre sur des années » ou que « ces opérations
s’inscrivent dans le temps long » et avance que « l’aptitude
à durer » est un facteur fondamental de l’efficacité des
armées.
Dans ces conditions, il est bien évident que la
délimitation de l’espace et du temps, l’évaluation et la
maîtrise des coûts relèvent de la gageure. Ce rêve peut être
utile en termes de communication politique, mais son propre discours
ne doit pas leurrer le politique.
Comment compléter utilement la grille d’évaluation
2008 ?
Je voudrais d’abord prendre un instant pour
rappeler ce qu’il est convenu d’appeler la doctrine Powell,
admirée en son temps puis oubliée avec ce dernier après son
mensonge public, à la face du monde, le 5 février 2003.
Cette « doctrine »
a été définie à l’aube de la guerre
du Golfe en 1990.
Elle se résume à une série de questions :
–
Existe-t-il une stratégie
de sortie permettant d’éviter un embourbement ?
–
Avons-nous un réel soutien de la communauté
internationale ?
Cette
grille est bien imparfaite, mais elle est claire et pourrait encore
utilement servir d’exemple à nos responsables exécutifs.
(…) Etat islamique. « Daech
delenda est » : certes ! Nous sommes
profondément solidaires, mais nous ne sommes aucunement
responsables. Nos intérêts existent, mais ils sont indirects. Nos
capacités sont limitées et dérisoires, là-bas, par rapport à
celles des Etats-Unis et notre influence stratégique est extrêmement
limitée. Bien que nous soyons le 3e en termes de
participation aérienne, nous sommes considérés par les Américains
comme le 9e contributeur, derrière l’Arabie
Saoudite. Au sein de l’état-major interalliés et interarmées
opératif au Koweït, notre poids et notre accès est très limité,
avec seulement une cinquantaine de postes non ABCA sur un millier. Le
problème est d’une très grande complexité et ne sera réglé que
dans le temps très long, en exigeant toujours plus de moyens »1.
LE CAPITALISME N'EST PAS MAITRE DE SES
CONFLITS INTER-IMPERIALISTES et inter-terroristes:
Aucun Etat capitaliste ne voulait de 1914 ni de 1939. Aujourd'hui encore, excepté une petite folle comme la Corée du nord, personne n'y pense sérieusement. La Chine y est carrément opposée. La bagarre entre fractions américaines pour la rente pétrolière, à l'origine du massacre dans les tours de New York en septembre 2001 ne sera bientôt plus que le souvenir d'un jeu d'enfants criminels à côté de ce qui nous attend et nous frappe tous les jours. Aucun Etat n'est un tout, chaque nation supporte de cruelles rivalités en son sein (territoriales, économiques ou bankstéristes) qui se fichent de l'humanité. Il est tentant et courant de désigner l'autre comme le grand responsable. L'empire US à ce titre fait fureur chez les diplomates émérites des vassaux comme chez les morveux de banlieue admirateurs des caïds de la drogue recyclés égorgeurs. Le plus puissant serait le meilleur comploteur, celui qui possède une kalach à la cave de sa soeur comme celui qui détient une paire de missiles atomiques à la caserne de la place de la Libération nationale. Fabius et le chef de la diplomatie russe Lavrov ont aussi, chacun à
leur manière instillé le doute sur une paternité US, sans que
personne ne puisse prouver un soutien direct économique et militaire
de la CIA à ces monstres, même si chacun déduit qu'il y a bien des
intermédiaires inévitables, Turquie comme pétromonarchies :
« Le groupe terroriste Daech a été créé par ceux que les
Etats-Unis avaient emprisonnés (nuance), pendant un certain temps,
en Irak et en Afghanistan, mais qu’ils ont libérés, ensuite», avait
déclaré le ministre russe des Affaires étrangères. Sergueï Lavrov, sur
les ondes d’une chaîne de radio, n'avait fait que noter que l’Occident et ses alliés
régionaux avaient exhorté (exhorter n'est pas jouer!) les terroristes, les extrémistes et les
miliciens étrangers à attaquer le processus politique, en Syrie,
afin de renverser le gouvernement Assad. «Ils ont, finalement, perdu
le contrôle de l’affaire (ça c'est vrai), et les groupes terroristes et les
miliciens étrangers, qui avaient été soutenus par l’Occident,
ont procédé à la mise en place du groupe Daech. Les mêmes
personnes que les Etats-Unis avaient emprisonnées, en Irak et en
Afghanistan, et qui ont été, ensuite, libérées, ont mis en place
le groupe Daech», a souligné M. Lavrov.
En réalité Lavrov est un fin diplomate et n'accuse pas
directement la bourgeoisie américaine, mais les réseaux sociaux ont
poussé le bouchon à fond, et la rumeur devient certitude pour tout sauvageon
nationaliste arabe, qui y ajoute la complicité d'Israël.
La référence (non développée) par Hubert Védrines à Tocqueville, est bien plus intéressante : « Comme s’en inquiétait déjà Tocqueville, dans les démocraties, « les politiques étrangères sont souvent menées à partir de la politique intérieure ».
J'ai fait état pour commencer des nœuds gordiens de la politique de l'Etat bourgeois, mais leur dénouement pourrait bien passer par l'amplification croissante du nombre de victimes et la répétition odieuse des attentats terroristes, car à Bruxelles comme à Paris ce sont surtout des prolétaires qui ont été assassinés ou gravement estropiés. Et que la colère ne pourra pas toujours être déviée sur les zorros minables du dit djihadisme, dont les cibles ne sont jamais Neuilly ni les potentats bourgeois de Londres ou Ryad.
Face aux carnages désormais cycliques en milieu urbain, pour n'importe quelle raison – l'an passé à Paris c'était contre des dessinateurs et des jeunes qui s'amusaient quand aujourd'hui ce serait venger une racaille terroriste coincée ou humilier l'Europe – les médias nous rebattent les oreilles sur NOTRE IMPUISSANCE, à vous, à moi, aux gouvernements démocratiques, aux policiers victimes eux-mêmes... quand les deux têtes de l'Etat ne cesse de dire que « nous sommes en guerre » et que la guerre « sera longue ». Guerre très particulière, on en convient, dans la brume et l'obscurité des causes, avec une constante l'agitation au premier plan des pantins djihadistes qui ne seraient que le produit des banlieues reléguées ou du belgikistan. Or tout révèle une stratégie, perverse, très scénarisée : égorgements publics d'otages sans défense, exécutions massives de prisonniers, destruction de monuments antiques, attaques de lieux de distraction, même des lieux sacrés du foot, attentats ciblés dans le métro, dans les aéroports, etc. On dirait une secte qui rivalise en imagination psychopathe au point de nous faire perdre notre latin non pédophile ou notre islam gentil.
Que ces crimes soient à la fois le produit de rivalités souterraines entre Etats ou entre Etats et bandes armées incontrôlables, le problème reste : qui peut nous en protéger ? C'est le problème de la révolution contre l'ordre qui nous opprime et veut qu'on accepte de mourir sans raison. C'est au temps des guerres de tranchées lorsque la tuerie excède toute mesure, les crosses qui se lèvent en l'air, le droit à l'insurrection qui s'empare de l'arrière. J'ai toujours pensé depuis les attentats des années 1980 que, puisque l'Etat bourgeois ne nous protège pas, il ne fallait pas ni pleurer avec lui ni signer des pétitions, mais en appeler à la grève qu'elle soit générale ou partielle, totale ou insurrectionnelle. Un défaitisme révolutionnaire de civils en quelque sorte, comme juste revanche de son immense théoricien, Lénine.
La vérité si on la cherche dans cette tragédie répétitive à deux coups (l'attentat est toujours double ou redoublé comme pour mieux manifester sa barbarie no future et ne laisser aucune chance de penser qu'il a été forfuit ou improvisé) est facile à trouver:
1. les Etats capitalistes ne maîtrisent pas plus la guerre que les bandes armées du passé de l'humanité, et encore moins ses excroissances ou dégâts "collatéraux" même dans leur propre camp, c'est pourquoi d'ailleurs l'Etat bourgeois, national ou européen, est obsolète;
2. tant que le prolétariat ne se réveillera pas lui-même pour mettre fin, à partir d'ici, aux guerres là-bas, la sale guerre continuera ici... sans protection.
1http://www.les-crises.fr/le-general-desportes-au-senat-daech-a-ete-cree-par-les-etats-unis-2014/
1Page
1247 de Bilan n°38.
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